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Palestine - 10 décembre 2008
Par Khaled Amayreh
L'Autorité Palestinienne basée à Ramallah a dénoncé avec force une conférence récente (23-24 novembre) sur le sort tragique des réfugiés palestiniens qui s'est tenue à Damas, capitale de la Syrie, organisée par une coalition de factions et de personnalités impliquées dans le Droit au Retour, qui, selon les organisateurs – dont le Hamas – est le cœur et l'âme de la question palestinienne.
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La conférence a fait valoir la centralité du Droit au Retour et a averti les acteurs palestiniens, régionaux et internationaux que toute résolution du conflit palestino-israélien qui n'inclurait pas le rapatriement des millions de réfugiés déracinés de leurs maisons et villages d'origine dans ce qu'on appelle aujourd'hui "Israël" serait rejetée avec force par le peuple palestinien.
L'Autorité Palestinienne (AP) n'a pas clairement émis d'objection à ce qui a été dit à Damas, bien que des critiques estiment que l'engagement du Président Mahmoud Abbas et de ses conseillers vis-à-vis du Droit au Retour n'est pas sincère. Il aurait dit au Premier Ministre israélien Ehud Olmert, en maintes occasions, que les Palestiniens accepteraient toute "résolution juste et concertée" de la question des réfugiés. C'est un écart manifeste à la position de jadis de l'OLP, à savoir que la résolution du sort des réfugiés devrait se conformer à la Résolution 194 des Nations Unies, qui demande et le rapatriement, et l'indemnisation.
Le porte-parole du Fatah à Ramallah a tout d'abord critiqué le gouvernement syrien pour avoir accueilli la conférence, disant que la Syrie ne devait pas permettre aux "fauteurs de coup d'Etat" (une allusion au Hamas) d'attaquer l'OLP depuis Damas. Il a ensuite fustigé deux importants dirigeants du Fatah, Farouk Al-Qaddumi et Hani Al-Hassam, pour y avoir participé. Au sein de la hiérarchie du Fatah, Al-Qaddumi et Al-Hassan sont respectivement au deuxième et troisième rangs après le Président de l'AP Abbas. Cependant, à cause de leur opposition au "processus d'Oslo" et plus récemment à "la collaboration excessive entre l'AP et Israël", la direction de Ramallah les a marginalisés.
Al-Qaddumi a dit que toute résolution du conflit avec Israël qui ignorerait ou contournerait le Droit au Retour serait nulle et non avenue. "Il n'y aura aucune solution à la question palestinienne sans le retour des réfugiés", a-t-il dit. Al-Qaddumi a aussi attaqué les Accords d'Oslo, disant que les factions palestiniennes devaient s'unir derrière la résistance et les constantes nationales du peuple palestinien.
Mais "résistance" est certainement le dernier mot que la direction de Ramallah veut entendre. L'AP a au contraire entrepris de liquider les poches de résistance militaire à l'occupation israélienne, au moins en Cisjordanie .
Hakam Balawi, membre du Comité Exécutif du Fatah, a tancé Al-Qaddumi pour avoir fait un discours à la conférence de Damas. "Ses propos ne représentent pas l'OLP ou le Fatah. Sa participation à la conférence souligne sa volonté de rejoindre les forces qui veulent affaiblir le Fatah", a déclaré Balawi dans un communiqué adressé par mail aux journalistes des agences de presse pro-Fatah. Balawi suggérait que seule l'OLP avait le droit de faire des déclarations politiques.
Un communiqué similaire de Balawi visait Al-Hassan, lui aussi membre haut placé du Comité Exécutif du Fatah.
Agacés par le succès ostensible de la conférence de Damas, des personnalités de l'OLP ont tenu une "mini-conférence" d'une journée sur la question des réfugiés à Ramallah, début décembre, au cours de laquelle plusieurs orateurs ont insisté sur la centralité du Droit au Retour. Parmi les participants, se trouvaient les représentants des jeunes du Fatah comme des personnalités éminentes du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), du Front Démocratique de Libération de la Palestine (FDLP) et de factions plus petites de l'OLP.
Un participant de gauche, qui a voulu rester anonyme, a dit à Al-Ahram Weekly que "le Fatah voulait se servir de l'OLP contre le Hamas alors que d'autres factions de l'OLP voulait que le Fatah quitte l'axe américano-israélien et ré-embrasse les constantes nationales traditionnelles palestiniennes, et réaffirme son engagement pour le Droit au Retour."
Les responsables palestiniens de la direction, dont Abbas et le Premier Ministre Salam Fayyad, n'y ont pas participé.
La consternation du Fatah lors de la conférence de Damas repose essentiellement sur la revendication "déplacée" du Droit au Retour. La direction du Fatah à Ramallah réalise que le Droit au Retour est un sujet extrêmement controversé au sein de l'OLP, et même au sein du Fatah, qui pourrait en fin de compte provoquer des divisions internes graves. Le Fatah est particulièrement inquiet du fait que le Hamas, son rival principal, puisse bénéficier de ces divisions.
En réalité, la direction de l'AP est confrontée à un réel problème : concilier ses déclarations publiques sur le Droit au Retour et ses engagements dans le processus de paix avec Israël. Dans des conversations privées, des personnalités de l'AP et de l'OLP, comme Yasser Abed Rabbo, reconnaissent que le rapatriement de millions de réfugiés palestiniens dans ce qui est appelé aujourd'hui Israël est un objectif irréaliste frôlant le fantasme.
En 2003, Abed Rabbo, agissant probablement sur instructions de feu le leader palestinien Yasser Arafat, a signé l'ainsi nommé "Accord de Genève" avec l'ancien ministre israélien Yossi Belin. Le document rayait le Droit au Retour. Abed Rabbo avait alors adopté les positions israéliennes, à savoir que les Palestiniens ne pouvaient espérer avoir deux Etats – un prétendu Etat palestinien sur la Cisjordanie , Gaza et Jérusalem Est, et un Etat israélien qui aurait une majorité palestinienne si les réfugiés étaient autorisés à revenir dans leurs anciens maisons et villages.
Aujourd'hui cependant, Abed Rabbo et des figures de l'OLP du même avis restent généralement muettes sur la question des réfugiés et sur le Droit au Retour. Ils savent que la grande majorité des Palestiniens considèrent leurs positions non seulement comme trop conciliatrices, mais comme la trahison absolue.
Selon Hani Al-Masri, analyste politique éminent de Naplouse, Abbas et Abed Rabbo et leurs alliés réalisent que ce n'est pas le moment de faire des "déclarations audacieuses" sur le Droit au Retour en l'absence de progrès substantifs sur d'autres questions du conflit palestino-israélien. "Les Israéliens agrandissent les colonies tous les jours, ils judaïsent ce qui reste de Jérusalem, et ils réduisent les horizons palestiniens de toutes les manières concevables. Dans ces circonstances, pour Abbas, ce serait désastreux, et même un suicide politique, de déclarer ouvertement qu'il envisage de faire des compromis sur le Droit au Retour."
Interrogé s'il pensait que l'AP mentait au peuple palestinien sur son engagement à la cause des réfugiés, Al-Masri répond : "Bien sûr qu'ils ne disent pas la vérité. Ils savent dans leur for intérieur que le processus de paix, l'atmosphère internationale, et par dessus tout la réalité du terrain, ne leur permettront pas de demander le rapatriement de tout, ou même partie, des réfugiés dans leurs maisons d'origine en Israël."
Al-Masri a dit qu'Abbas a déjà exprimé sa volonté d'effacer la plus grande partie du Droit au Retour. "La position officielle de l'AP sur le Droit au Retour est tombée au fond du fond. Pour le moment, ils disent qu'ils accepteraient une 'résolution juste et concertée' du problème des réfugiés. En d'autres termes, Israël aurait le dernier mot", dit Al-Masri.
L'intellectuel palestinien et ancien membre de la Knesset israélienne Azmi Bishara fait allusion à la contradiction inhérente entre les déclarations de l'AP au sujet du Droit au Retour et sa politique actuelle. "Si le Droit au Retour est négociable et si des négociations continues et sans fin avec Israël sont la seule stratégie palestinienne pour mettre fin au conflit, cela signifie que l'AP est prête à abandonner le Droit au Retour."
Bishara, qui participait à la conférence de Ramallah par vidéoconférence depuis Amman, a dit que l'objectif principal du processus de paix actuel était de permettre à l'AP de trouver une couverture arabe pour la liquidation effective du Droit au Retour et autres concessions futures qu'elle serait obligée de faire. "Alors Abbas pourra clamer que tous les Arabes le soutiennent."
Source : Al-Ahram
Traduction : MR pour ISM
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