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ISM France - Archives 2001-2021

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Israël -

Le type de novlangue qui absout Israël.
C’est un dictionnaire politique d’un genre particulier qui nous rend incapables d’identifier et de comprendre ce qu’il se passe au Moyen-Orient

Par

Sari Madkdisi est professeur d’anglais et de littérature comparée à l’UCLA (University of California in Los Angeles). Il est notamment l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Palestine Inside Out: An Everyday Occupation : « La Palestine dans tous ses états : l’occupation au quotidien ».

Dimanche soir, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a prononcé un discours – écartant catégoriquement la création d’un Etat palestinien souverain – que l’on devrait considérer comme un coup mortel porté à la recherche d’une solution à deux Etats du conflit israélo-palestinien.

Lundi matin, toutefois, les manchettes des quotidiens, dans l’ensemble des Etats-Unis, annonçaient que Netanyahu aurait admis la création d’un Etat palestinien, précisant que la Maison-Blanche a accueilli ce discours en ces termes : « un important pas en avant ».

Cela montre, encore une fois, que la réalité peut être facilement renversée cul par-dessus tête dès lors qu’il est question d’Israël, la mésinterprétation des déclarations israéliennes étant une pratique de longue date chez les commentateurs politiques et les journalistes américains.

De fait, c’est tout un vocabulaire, très spécial, qui a été mis au point pour traiter du conflit israélo-palestinien aux Etats-Unis. Cette novlangue s’infiltre dans tous les médias et structure la manière dont les événements en cours sont déformés, ici aux Etats-Unis, rendant très difficile aux lecteurs d’avoir une compréhension globale de la nature de ces récits – et peut-être même rendant difficile aux journalistes toute réflexion critique sur ce qu’ils écrivent.

La conséquence ultime de ce vocabulaire gauchi, c’est le fait qu’il rend possible que les Américains non seulement acceptent, mais assument, de la part d’Israël, ce qu’ils rejetteraient d’emblée, s’agissant de n’importe quel autre pays.

Un exemple typique :

Aux Etats-Unis, le débat autour des hommes et des mouvements politiques palestiniens est régi, le plus souvent, par un éventail d’appréciations allant d’ « extrême » à « modéré ». Ce dernier qualificatif semble sexy ; quant au premier, il s’applique, manifestement, à ceux qui doivent être – nous prie-t-on de croire – au-delà des bornes de la décence. Mais presque personne prenant ces catégorisations pour argent comptant ne se donne la peine de réfléchir une minute à ce qu’elles signifient, au juste ? D’après les critères de QUI ces étiquettes manifestement subjectives sont-elles rédigées, avant que d’être collées ?

Pendant ce temps-là, les hommes politiques israéliens sont notés en fonction de critères totalement différents : ce sont, soit des « colombes », soit des « faucons ». Contrairement aux qualificatifs réservés aux Palestiniens, il n’y a rien qui soit intrinsèquement négatif, dans l’un et l’autre de ces termes ornithologiques.

Par conséquent, comment se fait-il qu’aucun dirigeant palestinien ne se voit qualifier de « faucon » ? Pourquoi les hommes politiques israéliens sont extrêmement rarement qualifiés d’ « extrémistes » ? Ou même ne serait-ce que d’« activistes » ?

Innombrables sont les exemples de ce deux-poids/deux-mesures sémantiques. Les médias américains utilisent de manière routinière l’expression éradicatrice et délibérément obscurcissant d’« Arabes israéliens » pour faire référence aux Palestiniens citoyens d’Israël, en dépit du fait qu’ils se nomment eux-mêmes – et qu’ils sont – des Palestiniens.

De manière similaire, les unités d’habitation construites dans les territoires occupés en totale contravention du droit international sont toujours appelées « implantations », voire même « quartiers », et non pas du nom de ce qu’elles sont, à savoir des colonies. Ce mot est sans doute dur pour les tympans, mais il est certainement beaucoup plus adapté à la réalité (colonie : ensemble de personnes installées dans une nouvelle localité, formant une communauté assujettie ou connectée à leur pays d’origine).

Ces distinctions subtiles font une énorme différence. Absorbés de manière inconsciente, de tels termes génèrent le cadrage de la manière dont les gens et les événements sont perçus. Quand il s’agit d’Israël, nous sommes manifestement en présence d’un dictionnaire valant pour personne d’autre, afin de donner le feu vert à des agissements ou à des déclarations qui seraient véhémentement condamnés s’agissant de n’importe qui d’autre.

C’est ce qui a permis que Netanyahu soit congratulé pour avoir soi-disant admis un « état » palestinien, même si le genre d’entité dont il a dit que les Palestiniens pourraient – au cas où – être autorisés à avoir n’aurait strictement rien d’un Etat.

Cherchez l’entrée « Etat » dans le dictionnaire. Vous y verrez sans doute des références à l’intégrité territoriale, à un pouvoir étatique et à une souveraineté. L’entité dont Netanyahu parlait dimanche dernier serait exempte de tous ces traits constitutifs positifs. Un « état » sans territoire défini, qui n’est pas autorisé à contrôler ses propres frontières ni son espace aérien et ne peut conclure aucun traité avec d’autres Etats n’est pas plus un état qu’un pomme n’est une orange, ou qu’une automobile n’est un avion. Par conséquent, comment les journaux américains les plus importants peuvent-ils écrire : « Le Premier ministre israélien soutient un Etat pour les Palestiniens », comme l’a fait, par exemple, le New York Times ? Ou encore « Netanyahu lâche du lest sur l’objectif des deux Etats », comme l’a écrit votre journal (The Los Angeles Times, ndt) ?

C’est tout simplement, parce que c’est un vocabulaire différent, qui s’applique (à Israël)…

C’est d’ailleurs aussi ce qui a empêché la plupart des sourcils de se lever, ici, aux Etats-Unis, lorsque leurs propriétaires ont entendu, de la part de Netanyahu l’exigence la plus extravagante qui soit, durant son discours de dimanche soir.

« La vérité », a-t-il dit, « c’est sur le territoire de notre patrie, au cœur de notre foyer national juif, vit aujourd’hui une importante population palestinienne ».

Autrement dit, comme n’a cessé de le répéter Netanyahu, il y a(aurait) un peuple juif ; ce peuple aurait un foyer national et, partant, un Etat. Quant aux Palestiniens, ce ne sont qu’une collection – ils n’ont pas même droit au terme de groupe – d’intrus, sur la terre (dite) juive. Netanyahu, bien entendu, rejette d’un revers de la main le fait qu’ils ont une histoire multiséculaire de patrie attachée à cette même terre, un narratif qu’Israël ferait bien de reconnaître.

Eh bien, non : au contraire : les Palestiniens doivent, a dit Netanyahu, accepter qu’Israël est l’Etat du peuple juif (j’indique en passant que c’est là une exigence israélienne relativement nouvelle), et qu’ils doivent le faire tout en ayant bien compris qu’ils ne sont pas éligibles aux mêmes droits. « Nous » sommes un peuple, a décrété Netanyahu ; « ils » ne sont tout juste qu’une « population ». « Nous » avons droit à un Etat – un véritable Etat. Mais « eux », non : ils n’ont pas ce droit.

Et le porte-parole de notre Président d’origine africaine appelle ça « un important pas en avant » ??

Dans n’importe quelle autre situation – y compris dans notre propre pays, les Etats-Unis -, un contraste aussi brutalement obscène entre ceux qui sont considérés avoir des droits intrinsèques et ceux qui ne le sont pas serait immédiatement qualifié de raciste. Ce que nonobstant, Netanyahou se voit remettre un passe de libre circulation, non pas simplement parce que la plupart des Américains seraient prêts à assumer le racisme en toute connaissance de cause, mais parce que, dans le cas d’espèce, un vocabulaire politique particulier s’interpose, qui les empêche d’être capables de reconnaître le racisme dans ce qui n’est autre que du racisme, dans la définition la plus exacte du terme.

Source : The Los Angeles Times

Traduction : Marcel Charbonnier

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