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Jérusalem -

Les Maitres de la Terre

Par

Article paru dans Haaretz Magazine le 20 janvier 2005

En raison d'une décision secrète du gouvernement israélien, des milliers de Palestiniens vivant en Cisjordanie et possédant des terres ou des maisons à Jérusalem-Est ont perdu tous leurs droits de possession.
Et il y a déjà des projets pour construire sur la terre expropriée.
Le 8 Juillet 2004, le gouvernement s’est réuni et a adopté des résolutions qui ne sont pas mentionnées sur le site internet officiel du bureau du Premier Ministre, site qui documente les décisions prises par le gouvernement.

Néanmoins, la réunion a eu lieu et au moins une décision y a été prise.
Le conseiller pour les médias du Premier Ministre a déclaré cette semaine que la réunion du 8 juillet a validé une décision du gouvernement sur une résolution présentée le 22 juin 2004 par le Comité Ministériel aux Affaires de Jérusalem, qui a été adoptée en retour « avec l’accord » du Procureur Général après avoir été transmise au Premier Ministre et au Procureur Général lui-même.

Nous ne savons pas pour sûr quels rafraîchissements ont été servis lors de toutes ces réunions, en général du jus de fruits et des bourekas.
Mais nous savons maintenant exactement ce qui a été distribué : Les propriétés palestiniennes de Jérusalem Est; ou, plus précisément, les biens possédés à Jérusalem-Est par des habitants de Cisjordanie .
Combien de propriétés ? Toutes les suppositions sont possibles.

"Des milliers de dunums, peut-être plus" déclare un membre du système juridique de l'Etat qui traite le sujet (1 dunum = 1000 mètres carré).
"Cela pourrait représenter la moitié des propriétés de Jérusalem Est" indique Meron Benvenisti, qui a servi de conseiller aux affaires Arabes auprès de l'ancien maire de Jérusalem, Teddy Kollek, juste après la conquête de la partie Est de la ville en 1967.

En bref, des milliers, peut-être des dizaines de milliers de Palestiniens ont perdu leurs biens d’une valeur de centaines de millions de dollars.
L'Etat d'Israël est devenu le propriétaire officiel de toutes ces vastes possessions - sans que les propriétaires puissent faire appel et obtenir le moindre shekel en compensation.

Puisqu'aux yeux du gouvernement israélien, ces personnes faites de chair-et de sang, qui habitent Bethlehem ou Beit Sahour ou Ramallah et qui possèdent des oliveraies ou des maisons ou de la la terre dans les limites de la municipalité de Jérusalem, n'existent pas.
Ce sont des Absents.

Les termes de la résolution du comité ministériel, qui a été validéeensuite en tant que décision du gouvernement, sont durs et bureaucratiques.
Cela ne fait "qu’étendre les pouvoirs de l’Administrateur des Biens des Absents" : Pour que ce soit clair, le comité ministériel a transcrit que "les pouvoirs détenus par l’Administrateur seront valides également pour les biens de Jerusalem-Est." C’est tout. Mais en y regardant de près, il y a encore plus.


La Loi sur les Biens des Absents (également connue comme la Loi sur les Propriétés abandonnées) a été promulguée en 1950.

Elle définit un « Absent » comme une personne qui « pendant la période du 29 novembre 1947 au 1er septembre 1948, se trouvait quelque part ailleurs sur la Terre d’Israël située à l’extérieur du territoire d’Israël » (ce qui signifie la Cisjordanie ou la Bande de Gaza) ou dans d’autres Etats Arabes.

La Loi stipule que les biens d’un Absent seront transférés sous la juridiction de l’Administrateur des Biens des Absents, sans possibilité de faire appel ou de compensation.

De là, au moyen d'une autre loi, les biens ont été pris, de sorte qu'effectivement les possessions qui ont été laissées par les réfugiés Palestiniens en 1948 (et également une partie des biens des Palestiniens qui sont maintenant des citoyens d'Israël, les fameux "absents présents") ont été transférés à l'Etat d'Israël.

"Cette loi était un moyen indirect pour le rachat des terres" indique Shimon Dolan, jusqu’à récemment, chef du département civil auprès du bureau du Procureur d'Etat.

Début juin 1967, Israël a conquis la Cisjordanie , et dès le 28 juin, un peu plus de deux semaines après la fin des combats, le gouvernement a décidé d'appliquer la loi israélienne à Jérusalem Est.


Le terme « Jerusalem-Est » est trompeur.

La Jérusalem jordanienne (1948-1967) couvrait une surface de 38 kilomètres carrés et incluait la Vieille Ville et les quartiers adjacents.
Le « Jerusalem-Oriental » qu'Israël a annexé couvre 108 kilomètres carrés et inclut 28 villages et villes qui ne faisaient pas autrefois partie de la ville.
"Les frontières du nouveau Jérusalem avaient été dessinées de façon grossière. Une carte détaillée n'a pas été dessinée" explique Amir Cheshin, le conseiller aux affaires Arabes du maire de Jérusalem de 1984 à 1994. "Nous avons dessiné des coordonnées sur une carte et nous les avons ensuite reliées par des lignes."

Meron Benvenisti, qui, à l’époque, travaillait étroitement avec Kollek sur ce sujet, ajoute : "Les cartes n'étaient pas précises. Il y avait des bâtiments qui n'existaient pas sur les cartes, donc nous ne les avons pas répertoriés et nous n'avons pas compté ces personnes comme habitants de Jerusalem."



Les nouveaux Absents

L'application de la loi israélienne sur la partie orientale de la ville signifie que la Loi sur les Biens des Absents y était appliquée. Cependant, cela présente un problème.

En vertu de la loi, les résidants de Jérusalem-Est, dont la plupart d’entre eux qui n'étaient pas dans `le territoire d'Israël` pendant la guerre d'Indépendance, pourraient maintenant être considérés comme des Absents et perdre ainsi toute leurs biens.

Au début, en effet, quelques tentatives ont été faites de tirer profit des termes de la loi et de passer officieusement sur les biens appartenant aux Arabes à Jérusalem Est.

Cependant, de telles tentatives ont rencontré l'opposition du gouvernement Israélien, pas moins.

"Il y avait un désir de ne pas répéter ce qui s'était produit en 1948, pour ramener au minimum les préjudices de l'annexation à Israël, pour tenter de créer une coexistence", note Benvenisti.

La loi a été changée de sorte que le statut d'Absent ne s'applique pas aux résidants de Jérusalem Est.

Quant aux résidants de Cisjordanie qui possédaient des biens dans Jérusalem unifié (et il y en avait beaucoup; par exemple, environ 15.000 dunams ont été pris à Bethlehem et annexés à la zone municipale agrandie de Jérusalem), ils sont demeurés dans une zone grise.

En prenant les termes de la loi au pied de la lettre, ils sont considérés comme des absents.
La menace de l’Administrateur était toujours présente et ils ne pouvaient pas enregistrer leurs droits au bureau d'enregistrement des terres (le tabou; c'est une des raisons pour laquelle la proportion des biens enregistrés à Jérusalem Est est très basse comparée à la situation en Israël), mais en pratique cela n'a pas affecté la possession de leurs biens.


Meir Shamgar, alors Procureur Général et quelques années plus tard, président de la Cour Suprême, a publié une directive destinée à ces résidants de Cisjordanie : "Des gens qui peuvent venir à Jérusalem à tout moment et certifier qu'ils existent et réclamer leurs biens" - ne sont pas en pratique considérés comme des absents.
"Les biens immobiliers [ de Jérusalem ] appartenant aux résidants permanents de Judée et Samarie... leur seront rendus" stipule la directive.

C’était autorisé par le Ministre de la Justice d’alors, Yaakov Shimshon Shapira, qui dirigeait également le comité ministériel pour les affaires de Jérusalem.


C'est cette directive, qui, après 37 ans où la loi sur les Biens des Absents n'a pas été appliquée à Jérusalem (à de rares exceptions), a été tranquillement annulée dans une réunion du gouvernement il y a un an.

Johnny Atik ne sait pas encore si cela a gêné le gouvernement israélien de tenir une réunion spéciale pour le déposséder de ses oliviers.
Depuis nombreuses générations, sa famille, une des plus vénérables et plus distinguées de Bethlehem, a exploité son oliveraie située sur une colline qui donne au nord, en direction du quartier post-1967 de Jérusalem d'Armon Hanatziv (Talpiot Est).

Atik possède une belle maison en pierres de trois étages dans Beit Jala, nichée dans ce qui pourrait passer pour un quartier splendide de villas à Jérusalem.
Garé dans la cour, il y a un petit tracteur. Pas un véhicule de terrain, mais un véritable tracteur, fait pour travailler dans la plantation.

Cependant, Atik a nulle part où emmener son tracteur. Quarante des oliviers à côté de sa maison ont été déracinés quand la barrière de séparation a été construite, et maintenant c’est la barrière qui est contigu à la maison de la famille. 150 arbres sont restés de l'autre côté de la barrière, du côté israélien.

Quand la construction de la barrière a commencé, Atik, via son avocat, Daniel Seidemann, a demandé aux autorités militaires de modifier le tracé de la barrière de sorte qu'elle ne le sépare pas de ses arbres. Sa demande a été refusée, comme prévu, mais l'armée a accédé très courtoisement à ses autres demandes.
"Les arbres qui seront déracinés des parcelles de terre de M. Atik seront déplacés selon sa demande." informait le capitaine Gil Limon, assistant au conseiller juridique pour la Judée et Samarie, dans une lettre datée juillet 2002 adressée à son avocat, M. Seidemann.


"Quand la barrière sera en place, un permis de franchissement de la barrière sera délivré à M. Atik de sorte qu'il puisse accéder à ses propriétés situées au nord de la barrière et les exploiter."

En attendant, la barrière a été érigée, mais le permis qui permettrait à Atik d’accéder à ses terres n'est pas arrivée.
L’avocat Seidemann a fait demande après demande, pour Atik et pour d'autres familles de Bethlehem qui se trouvaient dans une situation identique, mais en vain.

Pour finir, en août 2004, il y a eu une réponse.
"La terre ne leur appartient plus, mais elle est placée sous la juridiction de l’Administrateur des Biens des Absents." stipulait une lettre en provenance des Forces de Défense d'Israël à Seidemann.

En annexe à la lettre, il y avait un document écrit par Effi Lior, le coordinateur des Biens des Absents après du Ministère des Finances.

"Les résidants des territoires," indiquait Lior, "sont des absents en ce qui concerne les propriétés qui étaient précédemment en leur possession et se situent aujourd'hui dans la zone sous la juridiction de l'Etat d'Israël...
Ces propriétés ont été placées sous la juridiction de l’Administrateur des Biens des Absents depuis le moment où la loi israélienne leur a été appliquées, de sorte que leurs anciens propriétaires, qui sont encore enregistrés comme propriétaires des dites propriétés, n’ont plus aucun droit sur elles
."

"Personne ne m'a jamais dit que les oliviers étaient sur le territoire de Jérusalem. J'ai pour cette terre un enregistrement de terre datant des Turcs" indique Atik, qui est devenu un absent alors qu’il habite à 100 mètres de ses oliviers.

"Nous n'avons jamais été arrêtés quand nous travaillions les arbres, personne ne nous a jamais causé d'ennui, ni la police des frontières ni personne d’autre. Nous avions une bonne vie. J'ai toujours travaillé sur cette terre, je n'ai aucune autre profession, je suis seulement un fermier. Maintenant, je ne peux rien faire. Je ne peux pas l’accepter, mais je n'ai aucun espoir."



Les gens vivent là

Non loin de là, dans la ville cisjordanienne de Beit Jala, de l’autre côté du quartier sud de Jérusalem, Gilo, 10 propriétaires fonciers avec des histoires semblables se réunissent.

L'atmosphère est calme, peut-être en raison du froid, peut-être en raison du caractère de bourgeois de la plupart des intervenants, mais surtour en raison de la dureté de la situation.

En leur nom et au nom de dizaines d'autres propriétaires fonciers, l’avocat Mohammed Dahleh a demandé que la barrière soit déplacée de sorte qu'ils puissent accéder à leur terre.

Il a reçu une lettre identique d'Effi Lior: "Les anciens propriétaires, résidants de Beit Jala, n’ont plus aucun droit sur leurs propriétés, qui ont été placées sous la juridiction de l’Administrateur."


"J’ai des terres et j'ai également une maison à Beit Safafa." dit Nadr Abu Gatas. J’ai payé l'impôt foncier à la municipalité de Jérusalem pour la maison, et je suis allé sur ma terre toutes ces années sans aucun problème.
Quand la municipalité a voulu construire des routes sur nos terres, ils nous ont collecté de l’argent. Nous n’étions pas des Absents alors. Les gens habitent ici, pas en Amérique. Il ne sont pas morts."


Ibrahim Abu Hadaba possède des oliviers au-dessous du monastère de Cremisan, dans la vallée entre Gilo et la colonie de Har Gilo.
Il n'est plus autorisé à accéder à ses arbres et il a découvert récemment que lui aussi, était un absent.
L'état apparemment utilise déjà son statut d'absent.
Ces dernières semaines, raconte-t’il, des tracteurs ont commencé à niveler sa terre. Il n'a reçu aucun avis et a été interdit d’approcher le secteur – « par des chiens et des patrouilles » - d'approcher le secteur.

"Je possède sept parcelles de terrain dans un excellent état, des olives et des raisins," indique Issa Haliliya.
Il ressemble à quelqu’un qui préserve tout dans un excellent état. Une moustache très bien taillée, à l’élégance anglaise.
"J’ai été guide pour touristes," dit-il, "mais depuis ces quatre dernières années, un maximum de 10 touristes par jour sont venus à Bethlehem.
Je gagne maintenant ma vie avec mes arbres. Ce qu'ils me font, c’est du vol légalisé, du vol légalisé
."


L'estimation à Beit Jala est qu'au moins 4.000 dunams de bonnes terres se situent maintenant du côté Jerusalem de la barrière. La vie d'environ 200 familles - 1.000 personnes - dépendaient de ces terres.
Atik indique que dans sa seule région, au nord de Bethlehem, 2.000 dunams de terres agricoles sont maintenant du mauvais côté de la barrière.
En regardant depuis sa maison, il n'exagère pas: Les pentes de la colline – face au nouveau quartier juif de Har Homa - sont couvertes d'oliviers.


Benvenisti raconte que le maire Kollek et lui se rendaient compte de la possibilité d’invoquer la Loi sur les Biens des Absents à Jérusalem-Est.
"Mais il y a eu un débat et il a été décidé de ne pas l’utiliser."

Amir Cheshin décrit une atmosphère semblable.

'Kollek, dit-il, ne s'est pas opposé à l'établissement des nouveaux quartiers juifs, tels que Neve Yaakov et Pisgat Ze`ev. Mais ne voulant pas générer de frictions entre les Juifs et les Arabes, il a refusé d'appliquer la loi.
C’était dans une situation de naiveté glorieuse que la loi ne serait pas invoquée
." dit-il.

Au début des années 90, Cheshin a découvert qu'en effet, il avait été naïf.
Le Ministère du Logement, alors sous Ariel Sharon, a travaillé dur pour prendre le contrôle des Propriétés de la Vieille Ville et du quartier adjacent de Silwan en les déclarant comme Biens d'Absent.

Le soupçon a surgi que certaines des transactions n'étaient pas légales; un comité d'enquête, dirigé par le directeur général du Ministère de la Justice, Haim Klugman, a trouvé de nombreuses anomalies.

Le statut d'Absent a été assigné après que les associations juives aient obtenu des déclarations sous serment selon lesquelles les propriétaires des bâtiments en question étaient absents.

Cependant, selon le comité, "La véracité des déclarations sous serment n'a été jamais examinée par l’Administrateur... L’Administrateur n'a pas visité le secteur et n'a pas vu les signataires des déclarations sous serment, mais il a accordé le statut de propriété d’Absents."


Les résultats du comité ont rendu Kollek plus déterminé que jamais à ne pas invoquer la loi. Un résumé d'une réunion qui s'est tenue avec le Premier Ministre, Yitzhak Rabin, en août 1993, indiquait : "Le Premier Ministre a convenu qu'aucune utilisation de l’absentéisme ne sera faite pour évacuer les locataires permanents de la partie Est de la ville."

Le Procureur d’Etat d’alors, Dorit Beinisch (maintenant à la Cour Suprême de Justice), était censé élaborer un document dans cet esprit; rien n'a été publié. Il y avait même des discussions pour modifier la loi de sorte que les résidants des territoires ne soient pas considérés des absents en ce qui concerne Jérusalem-Est.



Derrière la revendication de sécurité

Qu'est ce qui a provoqué le changement de position du gouvernement en juillet dernier ?
Le bureau du Premier Ministre a refusé de fournir une explication immédiate.

Un personnage important du système juridique, qui est impliqué dans la mise en place de la politique dans ce domaine, explique que la décision d’appliquer la loi sur les Biens des Absents à Jérusalem-Est est liée à la construction de la barrière :
"Les biens de ces personnes ont été toujours considérés comme propriétés d'absents, mais aussi longtemps qu'il n'y avait pas de barrière, ces personnes pouvaient accéder à leur propriété et de leur point de vue tout allait bien.
La barrière vient imposer toutes sortes de lois, telles que la loi sur les Biens des Absents ou l’Entrée dans la Loi Israélienne, selon laquelle les habitants des territoires ne sont pas autorisés à entrer dans Jerusalem
."


La justification, comme d'habitude, est basée sur la sécurité.
"La barrière est le résultat du terrorisme, des 130 personnes tuées par mois." déclare le haut fonctionnaire. "Et quand on construit une barrière, toutes sortes de situations sont créés.
C’est exact, il n’est pas juste qu'une personne devienne un absent, parce que l’attachement à sa terre est rompu sans faute de sa part. Mais la moralité est une chose, et ce que nos lois stipulent en est autre
."

Selon ce fonctionnaire, un des soucis est que si des résidants des territoires sont autorisés à posséder de la terre à Jérusalem, cela peut remettre en question la loi sur les Biens des Absents sur tout le territoire d'Israël. Mais il n'y a aucune intention de changer la loi ou d'attribuer des compensations. "Cela pourrait avoir d'énormes conséquences, cela pourrait aboutir à la question des réfugiés."

La solution peut venir sous la forme d’un droit limité pour entrer dans la région de Jérusalem, bien que cela ne soit pas encore finalisé, non plus.

Shalom Goldstein, qui était Conseiller des affaires Arabes auprès du maire de Jérusalem de 1996 jusqu'il y a deux mois, pense également que la décision sur la Loi de juillet est liée à la barrière. Il ne comprend pas exactement pourquoi c’était nécessaire.
De son point de vue, les résidants de la Cisjordanie étaient toujours des Absents.
"L'argument donné par les Palestiniens - qu'ils ont travaillé la terre pendant toutes ces années et que c’est donc une erreur de les séparer d'elle - n'est pas un argument du tout" explique Goldstein, un ancien homme de l'armée.


"A la base, ce sont des absents, ils sont les sujets d'une entité différente et c'est une erreur de la part de l'état d'Israël de n’avoir pas imposé la loi durant toutes ces années.
Il vaut mieux, pour l'état d'Israël de prendre le contrôle des Biens des Absents que de les laisser piller par tous les criminels arabes qui agissent à Jérusalem-Est.
Il est également préférable pour les propriétaires fonciers que ce soit l'Etat qui prenne la terre et en prenne soin, plutôt que ce soit certains criminels qui la prennent
."


Selon Goldstein, il y a un phénomène répandu à Jérusalem-Est : des criminels pillent la terre de leurs voisins arabes en tirant profit du fait qu'ils soient Absents.
Toujours selon Goldstein, il confirme que l'état n'est pas intervenu assez et n'a pas pris la peine d'enregistrer à son nom tous les Biens des "Absents", bien qu'il ait été en possession des enregistrements de terre et qu’il aurait pu agir.
Il cite "la négligence criminelle" et le manque de budget comme raisons de l'inaction du gouvernement.
Pas une raison politique.


D'autres, pourtant, pensent qu’il n’y a pas que la barrière qui est à la base de la nouvelle politique.
D'autres considérations, telles l’expansion des quartiers juifs, la séparation des secteurs arabes de Jérusalem des communautés palestiniennes environnantes, et la création de la continuité avec les colonies du bloc d'Etzion, sont également liées à la question.
Tout comme dse simples considérations de convoitise.


Les faits sur le terrain démontrent que ces controverses ne sont pas non-fondées.


Prenez le cas de Walaja, par exemple.

Ce village, qui se situe au sud-ouest de Jérusalem, au sud des voies ferrées, est à moitié sur le secteur de la municipalité de Jérusalem et à moitié au sein de la Cisjordanie .
Pendant de nombreuses années, raconte l’avocat Eitan Peleg, personne n’a remarqué qu'une partie du village appartenait à Jérusalem.
Les résidants recevaient les prestations de Bethlehem, et rien de la municipalité de Jérusalem.
Le village n’apparaît tout simplement pas sur les cartes de 1967, et les résidants sont enregistrés à Bethlehem.

Dans les années 80, les autorités ont « découvert » que la moitié de Walaja, environ 80 maisons, faisaient partie de Jérusalem.
Néanmoins, les résidants ont gardé leurs cartes d’identité de Cisjordanie .
Plus tard, ils ont beaucoupsouffert de leur statut Kafkaien : des gens dont les maisons sont situées en Israël qui ne possèdent pas la citoyenneté israélienne.
La police des frontières fait ses rondes de temps en temps, et dans plusieurs exemples, elle a arrêté des personnes dans leurs maisons pour être « présentes illégalement ».
Même que l'autobus de l'école a été confisqué parce qu'il transportait des personnes présentes « illégalement », à savoir des enfants de Walaja, qui vont à l’école à Beit Jala.


La barrière est prévue pour passer à côté des maisons du village, et la partie « israélienne » restera du côté palestinien de la barrière.

Cela, pourtant, n'arrête pas le Ministère de l’Intérieur de menacer d’y démolir des maisons parce qu'elles ont été construites sans permis israéliens (quatre maisons ont été démolies lundi dernier).
Les terres du village resteront sur du côté israélien, côté Jérusalem.


L’Avocat Peleg a rencontré le Colonel (res.) Danny Tirza, le représentant du Ministère de la Défense en charge de la barrière.
"Comment accèderont-ils à leurs terres ?" lui a demandé Peleg.

Selon Peleg, Tirza a répondu, qu'ils n’y accèderont pas : "Ce ne sont pas leurs terres, ces sont des propriétés d’Absents."
"C’est la Loi des voleurs de propriétés." lui a répondu Peleg, un ancien membre des forces de sécurité.

Les résidants de Walaja disent que 10.000 dunums seront de l'autre côté de la barrière, entre le village et le zoo biblique de Jérusalem et la monastère de Cremisan.

Et quelqu'un a un oeil sur la terre. Reches Eshkol, un cabinet d'architectes, projette d’y construire un énorme quartier - 13.000 unités résidentielles sur 3.000 dunams - qui enveloppera Walaja du nord et de l'ouest.

L'architecte Claude Rosenkovitz, qui élabore un programme-cadre pour Walaja, raconte que le bureau d'architectes lui a indiqué que le projet de construire un quartier est coordonné avec le Ministère du Logement, bien que le ministère ait indiqué qu'il n'était pas au counrant.

Qui possède la terre? Les promoteurs juifs disent qu'ils l'ont acheté, mais l’Avocat Peleg et les résidants de Walaja n’ont aucun doute. Au moins une partie de la terre du nouveau quartier est la terre des « Absents » de Walaja.



Projets de construction considérables

Les choses sont plus claires à Khirbet Mazmuriya, une petite colline qui « invite à la contruction » au sud-est de Jérusalem, face au grand village de Beit Sahour.
La municipalité de Jérusalem a publié récemment une ébauche d’un plan d’ensemble qui montre un futur quartier résidentiel sur le site.
Bien que le plan ne formule pas explicitement que ce sera un quartier juif de plusieurs milliers de logements, il est évident pour tout le monde que c'est l'intention - la continuation vers l’Est de Har Homa.
Une autre chose très claire, c’est que la terre appartient aux résidants de Beit Sahour.

En fait, vers la fin des années 90, ils ont presque tous réussi à obtenir un permis de contruire de la municipalité de Jérusalem.

Comment un quartier juif sera-t’il construit sur leurs terres?

Des sources dans l'industrie du bâtiment indiquent que des fonctionnaires du Ministère du Logement leur ont explicitement déclaré que les terres de Khirbet Mazmuriya sont des Biens d’Absents sur lesquelles on peut construire.

Le programme-cadre de Jérusalem montre également un autre quartier, à l'ouest de Har Homa, et en prolongation du quartier de Gilo en direction de Beit Jala.

L'intention est-elle d’utiliser les « terres des Absents », là aussi ?


Le haut fonctionnaire du système juridique maintient qu'il n'y a aucun lien entre la déclaration juridique du statut des Absents et les projets de construction.

Benvenisti adopte une position différente : "C’est une tentative pour relier Efrat (la ville du bloc d'Etzion) à Jérusalem, pour relier Gilo au bloc d'Etzion.' dit-il.


Le problème des propriétaires fonciers palestiniens c’est que ce sont de bonnes terres agricoles qui ne peuvent pas être déclarées en tant que terres d'Etat, comme cela a été fait avec les terres rocailleuses sur lesquelles les colonies de Cisjordanie ont été établies.

"En conséquence," explique Benvenisti, "une astuce a dû être trouvée pour transférer la terre à l'Etat, et cela a été fait via la loi sur les Biens des Absents.
La sélection la rend ignoble, draconienne et encore plus terrible. C’est du vol
."


La critique de Shimon Dolan, l'ancien fonctionnaire du bureau du Procureur d’Etat, est plus modérée mais néanmoins indubitable.

"C'est une loi dure et elle soulève des questions quant au but sous-jacent au moment de l'établissement de l’Etat et si sa formulation est encore aujourd'hui valide." dit-il.
"C’est problématique quand on sort une formule magique du placard. Les gens qui possédaient une maison à Jérusalem la perdent parce qu'une loi vieille de 55 ans est soudainement invoquée."

L’avocat Seidemann a l'intention d'aller devant la Haute Cour de Justice et d'arguer que si la loi est appliquée aux résidants de Beit Jala, alors elle doit également être appliquée aux résidants d'Efrat qui ont des appartements à Ramat Gan ou à Tel Aviv, et de les confisquer aussi.
D'autres avocats ont également l’intention d’aller au tribunal.

Seulement alors, il sera possible de découvrir que si Juni Atik et ses amis ont travaillé leurs terres pendant ces 37 dernières années, et que si l'Etat d’Israël s’en était pris à Juni Atik en 1967 et non l’inverse, agira en sa faveur et le transformera d’ "absent" en "présent".



Présent mais absent

Pour l’instant, un endroit est connu pour avoir non seulement été déclaré comme "Biens des Absents" mais a été aussi transféré à quelqu'un d'autre.

C'est l'hôtel Cliff qui se situe sur le sommet d’une colline entre le village d'Abu Dis et Jérusalem-Est.

D'un côté, il possède une vue sur la Mer Morte, de l'autre, sur le dôme doré du Rocher.
L'hôtel a été construit avant 1967 et depuis l'application de la loi israélienne, ses propriétaires ont payé des impôts au bureau de l'administration civile de Bethlehem.

Pendant les jours heureux du processus d'Oslo, l'hôtel a été rénové et a fait des affaires tonitruantes : il est même apparu dans l'annuaire du tourisme publié par l'Administration Civile.

En bref, les propriétaires de l'hôtel, dont certains habitent à Abu Dis, qui fait partie de la Cisjordanie , avaient toutes les raisons de penser que le bâtiment faisait également partie de la Cisjordanie et non de Jérusalem unifié.


Cependant, l’emplacement de l'hôtel était désavantageux.

En été 2003, la construction du mur de béton haut de 8,5 mètres a commencé dans Abu Dis, juste à côté de l'hôtel, qui est, de ce fait, devenu un emplacement stratégique.
Si stratégique, en fait, qu'en août le Ministère de la Défense a cherché à le réquisitionner pour "besoins de sécurité".
Le processus a traîné devant les tribunaux, jusqu'à ce que quelqu'un dans l' establishment de sécurité ait eu une idée de génie : déclarer l’hotel en tant que Biens d’Absents.


Ainsi, 36 ans plus tard, les propriétaires de l'hôtel ont reçu deux avis.

D'abord, l'hôtel se situe dans Jérusalem (après tout, la ligne de démarcation'était pas précise dès le début); et en second lieu, l'hôtel, qui vaut au moins environ 3 millions$, selon les propriétaires, est maintenant en possession de l’Administrateur des Biens des Absents, sans que l’Etat ait à payer le moindre centime à qui que ce soit. C’est bien moins cher que le processus de réquisitionnement, selon lequel une compensation doit être payée.

L’Administrateur, en retour, « prête » l’hotel au Ministère de la Défense et il devient une base de la Police des Frontières (et c’est l'endroit où plusieurs policiers des frontières ont maltraité deux Palestiniens, les forçant à boire leur propre urine).

Les propriétaires de l'Hôtel ont fait appel devant le tribunal du District de Jérusalem, et ont perdu.
Maintenant par le biais de leur avocat, Shlomo Laker, ils font appel devant la Cour Suprême.
Leur argument est que l'hôtel se situe toujours en Cisjordanie et ne peut pas donc être considéré un Bien d’Absent; que la déclaration du statut d'absent n'a pas été faite de bonne foi; et, non moins important, que la déclaration même de personnes existantes en tant qu'absentes est problématique.

Pour leur défense, ils citent ce qu’avait dit l’ancien membre de la Cour Suprême de Justice, Miriam Ben Porat, quand elle traitait un autre cas devant la Cour Suprême :
"L’affaire concerne les résidants du village d'Aqeb, qui à ce moment-là étaient des habitants de Judée et Samarie sous la jurdiction de l’IDF.
Il n'y a aucun doute qu'ils ne seraient pas considérés comme des absents si leurs terres n'avaient pas été annexées à Jérusalem unifié.
D’après les éléments qui nous ont été présentés, on ne peut pas accepter que, dans leur cas, leurs propriétés aient été saisies suite à l'unification de Jérusalem, alors qu’elles sont présentes à l'endroit et vivent sous la Loi israélienne
."

Source : http://www.haaretz.com/

Traduction : MG pour ISM-France

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