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Palestine - 8 juin 2012
Par Khaled Amayreh
Le procès et l'inculpation de l'ancien président égyptien Hosni Moubarak et de son ministre de l'Intérieur, Habib el-Adli, au début de la semaine, ont résonné dans la rue politique palestinienne, engendrant des réactions contradictoires des factions palestiniennes, chacune selon son orientation idéologique et politique. Les Palestiniens suivent de près les développements en Égypte depuis le début de la révolution du 25 janvier qui a renversé le régime Moubarak, largement considéré comme au garde-à-vous devant Israël et les États-Unis. On note des divergences nettes entre les camps islamiste et nationaliste laïque, en particulier le Hamas et le Fatah.
Ahmed Shafik et Mohamed Mursi, candidats aux élections présidentielles en Égypte
Les autres factions palestiniennes plus petites, comme les factions de gauche et libérales, affichent une ambivalence marquée, devant choisir entre les adversaires historiques et idéologiques de jadis d'un côté, et la résurgence d'un régime du style de l'ex-président Moubarak de l'autre.
Le Hamas, le mouvement de libération islamique, est le produit idéologique des Frères musulmans, l'adversaire de longue date de Moubarak qui est maintenant à la pointe des forces post-Moubarak et qui contrôle de fait le premier parlement consécutif à la révolution.
Par ailleurs, le Hamas ne cache pas sa préférence pour Mohamed Mursi, le candidat présidentiel des Frères musulmans qui sera en compétition avec le dernier Premier ministre de Moubarak, Ahmed Shafik, lors du deuxième tour des élections les 16 et 17 juin.
Le Hamas et la plupart des Palestiniens voient le succès possible de Shafik comme un désastre gigantesque, qui "arracherait" la présidence des mains révolutionnaires du Caire.
"Qu'à Dieu ne plaise, cela nous renverrait à l'ère Moubarak ; cette seule perspective est déprimante. L'élection de Shafik serait une bonne nouvelle pour Israël et pour les Juifs, et mauvaise, je dirais très mauvaise, pour chaque patriote arabe et musulman, non seulement en Palestine et au Moyen-Orient, mais dans le monde entier," dit Fathi Imran, un dirigeant islamiste éminent de la région de Bethléem.
Imran, qui a passé plus de 10 ans dans les geôles israéliennes pour ses activités politiques contre l'occupation israélienne, dit que le renversement du cours de la révolution en Égypte ne préoccupe pas seulement les Égyptiens, mais l'ensemble du monde arabe et musulman.
"Quand l’Égypte va mal, nous allons tous mal et nous souffrirons tous, mais quand l’Égypte est prospère et forte, nous aussi. Le fait qu'Israël ait été visiblement déçu de l'effondrement du régime Moubarak en dit long. En résumé, Moubarak était l'allié et le domestique d'Israël et des États-Unis."
Ce n'est pas ainsi que le Fatah, le parti au pouvoir en Cisjordanie , voit l'ancien régime égyptien et l'homme qui a été à sa tête pendant plus de 30 ans.
Officiellement, le Fatah reste neutre entre Shafik et Mursi. Cependant, il est clair que le cœur du Fatah est du côté des forces anti-Ikhwan (Fraternité). La raison de cette attitude quelque peu étrange n'a rien à voir avec un quelconque engouement spécial de la part du Fatah avec les symboles de l'ancien régime égyptien.
"Le Fatah et les dirigeants de l'Autorité palestinienne [PA] font le calcul que Mursi pourrait bien remporter les prochaines élections et ils ne veulent pas se mettre sérieusement à dos les Frères musulmans, car cela porterait préjudice au Fatah," affirme l'analyste politique Talal Okal.
"D'un autre côté, la plupart des dirigeants du Fatah pensent que si Mursi devient président en Égypte, cela n'augurera rien de bon pour le Fatah, en particulier dans sa lutte pour le pouvoir avec le Hamas. C'est le Hamas qui bénéficiera vraisemblablement, d'un point de vue politique et psychologique, de la présence de collègues idéologiques au sommet du pouvoir dans la capitale arabe la plus importante."
Une majorité pour Mursi
Malgré les fortes divergences entre le Fatah et le Hamas, il semble qu'une confortable majorité de Palestiniens préfèrent Mursi à Shafik.
Un sondage internet sur environ 17.500 internautes, réalisé par l'Agence de presse Ma'an, montre que 53,5% voterait pour Mursi, tandis que 39,5% pour Shafik. Environ 7% ont dit qu'ils étaient indécis.
Le sondage informel mais probablement indicatif montre qu'une majorité de Palestiniens estime que la cause palestinienne aurait tout à gagner d'un gouvernement islamiste ou quasi-islamiste en Égypte.
Il est probable qu'un front uni contre Shafik, comprenant Mursi, le candidat nassériste Hamdeen Sabahi et le candidat islamiste modéré Abdel-Moneil Abul-Fotouh, réduirait considérablement le soutien à Shafik et pourrait mettre fin à ses chances d'être élu.
Entretemps, la réconciliation entre le Fatah et le Hamas est de fait dans l'attente du résultat du deuxième tour entre Shafik et Mursi le 16 juin. Les deux partis ne le disent pas ouvertement, mais l'observation de la scène politique palestinienne révèle que les élections auront certainement un impact sur le processus de réconciliation entre l'OLP (Organisation de libération de la Palestine) laïque et le Hamas islamique.
Les deux groupes sont parvenus dernièrement à une série d'accords et de rapprochements, créant l'impression générale qu'une réconciliation finale était en vue, si non à portée de main.
Toutefois, les soupçons mutuels et même les accusations et les griefs continuent de prévaloir dans l'arène politique palestinienne.
Qui plus est, une majorité solide de Palestiniens ne croit plus aux déclarations optimistes des dirigeants Hamas et Fatah sur l'imminence de la réconciliation.
Certains analystes palestiniens pensent que le prochain président égyptien ne sera pas en mesure de faire grand chose pour réunir le Fatah et le Hamas, ni pour délivrer les Palestiniens et leur juste cause des tentacules de l'occupation israélienne. Ces analystes affirment que le prochain président sera trop occupé à gérer les dossiers intérieurs complexes d'Égypte.
Cependant, il y a ceux qui pensent qu'aucun dirigeant égyptien - en particulier dans l’Égypte révolutionnaire - ne peut se permettre de traiter la cause palestinienne comme secondaire. Un des facteurs qui a entaché le règne de Moubarak et hâté sa chute fut son attitude obséquieuse vis-à-vis d'Israël pendant la guerre-éclair de l’État sioniste contre la Bande de Gaza en 2008-2009.
De nombreux Égyptiens, Arabes et Musulmans lient les massacres israéliens gratuits contre les civils palestiniens, avec utilisation des dernières armes de mort comme le phosphore blanc, à l'époque du régime Moubarak qui n'a pas dénoncé la violence israélienne.
Traduction : MR pour ISM
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