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Gaza -

Les Palestiniens se voient-ils nier le droit à la résistance non violente ?
Human Rights Watch aurait-il aussi attaqué Martin Luther King ?

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Si un événement donne un terrifiant aperçu des conséquences de l’expérimentation sur le désespoir auquel le siège israélien de Gaza mène, c’est bien l’information sur cette Palestinienne d’une soixantaine d’années – une grand-mère – qui a choisi la semaine dernière de s’attacher une ceinture d’explosifs et de se faire exploser près d’un groupe de soldats israéliens qui avaient envahi son camp de réfugiés.

Les Palestiniens se voient-ils nier le droit à la résistance non violente ?
Human Rights Watch aurait-il aussi attaqué Martin Luther King ?


Le 19 novembre, des centaines de palestiniens se sont rassemblés dans et autour de la maison de Mohamed Baroud pour la protéger de démolition par l'armée israélienne.

En dépit de l’intérêt médiatique de l’histoire, comparable à « Un homme a mordu le chien », la plupart des médias israéliens ont minimisé l’incident. Ce n’est pas surprenant – il est difficile de dépeindre Fatma al-Najar comme une fanatique folle mue seulement par la destruction d’Israël.

Il est aussi difficile de ne pas faire une pause et réfléchir sur les raisons de sa mission suicide : selon sa famille, l’un des ses petits-fils a été tué par l’armée israélienne, un autre est dans une chaise roulante après l’amputation d’une jambe, et sa maison a été démolie.

Sauf à penser aux années traumatisantes qu’elle et sa famille ont vécu, vivant dans une prison à ciel ouvert sous occupation brutale, et maintenant, depuis le "désengagement”, des mois d’agonie, d’extrême pauvreté, de famine lente, de bombardements aériens répétés et la perte de ressources essentielles comme l’eau et l’électricité.

Sauf à méditer sur ce qu’a été pour elle de vivre chaque journée sous une chape de plomb, d’être impuissante contre une force en grande partie invisible et pernicieuse, et de ne jamais savoir quand la mort et la mutilation pouvaient la toucher, elle ou ses bien-aimés.

Sauf à imaginer qu’elle a longtemps attendu le moment où les soldats qui avaient détruit les vies de sa famille se montreraient brièvement, viendraient assez près d’elle, qu’elle puisse les voir et les toucher et assouvir sa vengeance.

Pourtant les observateurs occidentaux et les organisations qui devraient représenter le nec plus ultra des valeurs des Lumières semblent incapables de comprendre ce qui peut conduire une grand-mère à devenir une kamikaze. Leur empathie se refuse, de même que leur humanité.

Au moment où Fatma choisissait la mort et la résistance à l’état de victime impuissante – et au moment où Gaza luttait, pendant l’une des périodes les plus oppressives et les plus affreuses de l’occupation israélienne en près de quatre décennies – Human Rights Watch (HWR) publiait son dernier rapport sur le conflit. C’est un document qui fait honte à l’organisme, aux sociétés occidentales auto-satisfaites et à la mémoire de Fatma.

Dans l’article « Les civils ne doivent pas être utilisés pour protéger les maisons contre des attaques militaires », qui a été largement repris par les médias internationaux, HRW fustige les groupes armés palestiniens pour avoir appelé les civils à encercler les maisons que l’armée israélienne avait ciblées pour une prochaine attaque aérienne.

Notant presque comme un rajout de dernière minute que plus de 1.500 palestiniens n’avaient plus de maisons à cause des démolitions des quelques mois passés, et que 105 maisons avaient été détruites par des raids aériens, l’article de presse dénonce les tentatives palestiniennes d’actions non violentes et collectives pour stopper les attaques d’Israël. HRW se réfère en particulier à trois incidents.

Le 3 novembre, le Hamas a appelé les femmes à entourer une mosquée à Beit Hanoun, où les Palestiniens avaient trouvé refuge contre l’armée israélienne. Les soldats israéliens ont ouvert le feu sur les femmes, tuant deux d’entre elles et en blessant au moins dix.

Et la semaine dernière, en deux occasions différentes, une foule de partisans s’est rassemblé autour des maisons des hommes accusés par Israël d’être des militants, et qui avaient reçu des messages téléphoniques des forces de sécurité israéliennes les avertissant que leurs maisons familiales allaient être bombardées.

Dans un langage qui ferait frissonner George Orwell, l’une des principales organisations pour la protection des droits de l’homme a ignoré la violation continue du droit des Palestiniens à la sécurité et à un toit au dessus de leurs têtes, et a préféré argumenter ainsi : « Il n’y a aucune excuse pour avoir appeler les civils palestiniens à se rendre sur la scène d’une attaque (israélienne) programmée. Qu’une maison soit ou non une cible militaire légitime, demander sciemment à des civils de se tenir à découvert est illégal. »

Il y a une bonne raison de croire que cette lecture de la loi internationale est fausse, si non kafkaïenne. La résistance populaire et pacifique à la politique oppressive des pouvoirs occupants et des législateurs autocratiques, en Inde et en Afrique du Sud par exemple, a toujours été, de par sa nature même, une aventure à risques dans laquelle les civils peuvent être tués ou blessés.

La responsabilité de ces morts doit retomber sur les oppresseurs, non sur les résistants, en particulier lorsqu’ils utilisent des méthodes non violents.

Selon l’interprétation de HRW, Mahatma Gandhi et Nelson Mandela seraient des criminels de guerre.

HRW recourt également à une série d’arguments "deux poids - deux mesures" terribles.

Ils refusent aux Palestiniens le droit de protéger leurs maisons contre des attaques, qualifiant ces civils de « boucliers humains », tout en admettant que la plupart des maisons ne sont pas des cibles militaires légitimes, et sans dire un mot sur la pratique habituelle en Israël d’installer les usines d’armement et les bases militaires à l’intérieur ou près de communautés, forçant ainsi les civils israéliens à devenir les boucliers humains de l’armée.

Et HRW préfère souligner une violation supposée de la loi internationale par les Palestiniens – leur choix d’agir comme "boucliers humains" - et demander qu’il soit immédiatement mis un terme à cette pratique, en ignorant la très réelle et continuelle violation des lois internationales par Israël en pratiquant les démolitions punitives de maisons palestiniennes.

Mais tentons d’ignorer ces données importantes et supposons qu’HRW ait raison de dire que de telles actions palestiniennes violent réellement la loi internationale.

L’organisme continue néanmoins à nous tromper et à piétiner sa mission, parce qu’il a perdu de vue les trois principes qui doivent guider la vision d’une organisation de Droits de l’Homme : le sens des priorités, le contexte juste et le bon sens.


Les priorités :

Chaque jour, le HRW doit choisir lesquels des nombreux abus des lois internationales qui se produisent de par le monde il va mettre en lumière et n’en retient qu’un petit nombre. Beaucoup de gens à l’extérieur croient qu’ils se focalisent sur les exemples les plus importants. C’est faux.

La vérité toute simple est que pire sont les antécédents d’un Etat sur les manquements aux droits de l’homme, et plus la tâche est facile, relativement parlant, pour les organisations de droits de l’homme. Et ceci à la fois parce que, lorsque les abus sont suffisamment fréquents, ils deviennent un tel lieu commun qu’on finit par ne plus les remarquer, et parce que si les abus sont commis à grande échelle et systématiques, seul un petit nombre d’infraction sera noté.

Israël, à l’inverse des Palestiniens, bénéficie de ces deux aspects. Après quatre décennies de rapports sur l’occupation israélienne de la Palestine, HRW a couvert les nombreuses pratiques d’abus des droits de l’homme d’Israël.

Le résultat est qu’au bout de quelques temps, on finit par ignorer la plupart de ces violations.

Pourquoi sortir un autre rapport sur les démolitions des maisons ou sur les « assassinats ciblés », surtout s’ils se produisent tout le temps ?

Et comment rapporter les violations individuelles des droits de dizaines de milliers de Palestiniens tous les jours aux checkpoints ?
Un rapport sur les checkpoints, une fois toutes les quelques années, est suffisant...

Dans le cas d’Israël, il existe en plus une réticence de la part des organisations comme HRW à s’attaquer à l’importance et à la nature du piétinement israélien des droits des Palestiniens. De constants communiqués de presse dénonçant Israël provoqueraient des accusations, comme c’est déjà le cas, sur la volonté d’isoler Israël, et évidemment, sur de l’anti-sémitisme latent caché derrière ce traitement spécifique.

Ainsi HRW choisit plutôt de tergiverser. Il ignore la plupart des violations israéliennes et met en lumière chaque infraction palestinienne, même mineure. C’est faire un pacte avec le diable, qui réussit l’équilibre de se protéger de toute critique, mais au prix des principes d’équité et de justice.

Dans son communiqué de presse, par exemple, HRW traite le récent appel aux Palestiniens à exercer leur droit à protéger leurs voisins et à montrer leur solidarité par des actions de résistance non violente à l’occupation, au même niveau que les douzaines de violations connues commises par l’armée israélienne qui kidnappe des civils palestiniens et s’en sert de boucliers humains pour protéger ses troupes.

Les femmes qui se sont portées volontaires pour encercler la mosquée deviennent l’équivalent de l’incident notoire de janvier 2003 à Naplouse, lorsque Samer Shari, 21 ans, a été menotté au capot d’une jeep de l’armée qui s’est ensuite dirigée vers des lanceurs de pierres, les soldats israéliens profitant de sa présence pour ouvrir le feu sur ces jeunes.

Selon la lecture faite par HRW des lois internationales, les deux incidents sont comparables.


Contexte :

Les actions des Palestiniens se produisent dans un contexte où l’ensemble de leurs droits sont d’ores et déjà sous le contrôle de leur occupant, Israël, et peuvent être violés selon son bon plaisir. Cela signifie que du point de vue des droits de l’homme, il est problématique de mettre tout le poids de la culpabilité sur les Palestiniens sans mettre l’accent, de façon bien plus lourde, sur la situation à laquelle les Palestiniens réagissent.

Voici un exemple. HRW et d’autres organisations de droits de l’homme ont pris parti contre les Palestiniens au sujet des meurtres extrajudiciaires de ceux qui étaient suspectés de collaboration avec les forces de sécurité israéliennes.

Bien qu’il soit évident que le lynchage d’un collaborateur présumé est une violation des droits fondamentaux de la personne à la vie, la position du HRW, qui consiste simplement à blâmer les Palestiniens pour cette pratique soulèvent deux problèmes importants :

D’abord, elle élude la question de la responsabilité.

Dans le cas des « assassinats ciblés », version israélienne des meurtres extrajudiciaires, nous savons qui tenir pour responsable : l’appareil d’Etat, représenté par l’armée israélienne, qui pratique le meurtre, et les hommes politiques israéliens qui l’approuve. (Ces dirigeants sont également responsables de la mort des passants qui sont invariablement tués en même temps que la cible).

Mais à moins qu’on puisse prouver que ces lynchages sont planifiés et coordonnés à haut niveau, une organisation pour les droits de l’homme ne peut pas appliquer les mêmes normes avec lesquelles elle juge un Etat et une foule de Palestiniens, peuple saisi par la colère et la soif de vengeance.

Les Palestiniens se livrant au lynchage commettent un crime qui relève des tribunaux civils ordinaires, alors que l’armée israélienne qui pratique « l’assassinat ciblé » commet un crime d’Etat, qui doit être jugé par le tribunal de l’opinion mondiale.

En second, la position du HRW ignore le contexte dans lequel le lynchage a lieu.

La résistance palestinienne à l’occupation n’a pas réussi à atteindre ses objectifs, principalement à cause de l’important réseau de collaborateurs d’Israël, individus qui ont habituellement été terrorisés par des menaces sur eux-mêmes ou sur leurs familles et/ou soumis à la torture pour « coopérer » avec les forces israéliennes d’occupation.

La grande majorité des attaques prévues échouent parce que l’un des membres de l’équipe collabore avec Israël. Il ou elle ne sabote pas seulement l’attaque mais, souvent, donne également à Israël les informations dont il a besoin pour tuer les chefs de la résistance (ainsi que les passants). Les collaborateurs, bien qu’ordinaires en Cisjordanie et à Gaza, sont méprisés – et pour de bonnes raisons. Ils rendent impossible l’objectif de libération nationale.

Les Palestiniens ont lutté pour rendre la collaboration moins attrayante. Lorsque l’armée menace de prison votre fils, ou refuse pour votre femme le permis qui lui permettrait de recevoir le traitement hospitalier dont elle a besoin, vous pouvez en arriver à faire des choses terribles.

Les groupes armés et beaucoup de Palestiniens ordinaires approuvent les lynchages parce qu’ils sont considérés comme un contrepoids aux techniques puissantes d’intimidation d’Israël – une sorte de dissuasion, même si elle est vaine.

En publiant un rapport sur l’assassinat extra-judiciaire des collaborateurs palestiniens, des groupes comme HRW ont le devoir de commencer par souligner, et avec une bien plus d’emphase, la responsabilité d’Israël et ses décennies d’occupation sur ces lynchages, contexte au sein duquel les Palestiniens sont forcés d’imiter la barbarie de ceux qui les oppriment, pour avoir une chance de les vaincre.

Le communiqué de presse dénonçant les Palestiniens pour avoir choisi collectivement et pacifiquement de résister aux démolitions des maisons, alors qu’il ne se concentre pas sur les violations commises par Israël en détruisant les maisons et en utilisant des formes militaires d’intimidation et de punition contre des civils, est une parodie, pour cette même raison.


Bon sens :

Et enfin, les organisations de droits de l’homme ne doivent jamais abandonner le bon sens, fil conducteur de notre humanité, lorsqu’ils posent des jugements sur leurs priorités.

Dans les quelques mois passés, Gaza a sombré dans un désastre humanitaire organisé par Israël et la communauté internationale. Qu’a été la réponse de HRW ? Cela vaut la peine d’examiner ses plus récents rapports, ceux qui se trouvent sur la page d’accueil de la section Mideast de son site web la semaine dernière, lorsque le dernier article a été publié. Quatre histoires concernent Israël et la Palestine.

Trois critiquent les militants palestiniens et plus largement la société, de différentes manières : pour avoir encouragé l’utilisation de “boucliers humains”, pour avoir lancé des roquettes artisanales sur Israël, et pour avoir échoué à protéger les femmes de la violence domestique.
Un rapport critique mollement Israël, conseillant au gouvernement israélien de s’assurer que l’armée enquête correctement sur les raisons du bombardement qui a tué 19 habitants palestiniens de Beit Hanoun.

Ce déséquilibre honteux, à la fois par le nombre de rapport publié contre chacune des parties et par ld’échec à faire peser la responsabilité sur celui qui commet les plus grands abus aux droits de l’homme, est devenue la procédure normale d’HRW en Israël-Palestine.

Mais dans son dernier rapport, celui sur les boucliers humains, HRW touche le fond, refusant aux Palestiniens le droit d’organiser des formes de résistance non violente et de chercher de nouvelles manières de montrer sa solidarité pour faire face à une occupation illégale. En bref, HRW traite les gens de Gaza comme de simples rats de laboratoire – comme les voit l’armée israélienne – sur lesquels on procède à loisir à des expérimentations.

Les priorités d’HRW en Israël-Palestine prouvent qu’il a perdu ses orientations morales.

Source : Site web Jonathan Cook

Traduction : MR pour ISM

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