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Ramallah - 21 juillet 2008
Par Neve Gordon
En sachant que depuis deux mois, les habitants de Ni'lin ont réussi à marquer l'histoire de l'opposition populaire, la couverture limitée de leur campagne n'est pas qu’une simple négligence.
L'histoire de Ni'lin est l’histoire d’une dépossession croissante. Les habitants de cette ville agricole ont perdu une grande partie de leurs terres dans la guerre de 1948. Après la guerre de 1967, Israël a profité de la localisation de la ville près de la Ligne Verte reconnue au niveau international et a commencé à confisquer ses terres pour des colonies juives.
Photo ISM : "Cette fois-ci, les habitants de Nilin en ont marre"
«Le «terroriste» au bulldozer de Jérusalem tue 3 personnes dans un acte de violence", titrait CNN dans un article décrivant la récente attaque d'un ouvrier du bâtiment palestinien qui a tué trois Israéliens et fait des dizaines de blessés.
Une recherche sur Google News indique que l’agression brutale été mentionnée dans 3525 articles de journaux. USA Today, le New York Times, le Los Angeles Times, la BBC, Fox News et Al Jazeera ainsi que tous les autres grands médias ont couvert l’incident.
Des médias moins connus, comme le Khaleej Times, aux Émirats Arabes Unis, l'Edmonton Sun au Canada et B92 en Serbie, ont également couvert l'événement. En effet, on pourrait supposer que presque tous les journaux du monde entier ont publié un reportage sur l'attaque.
Une autre recherche sur Google News, celle-ci en utilisant le nom Ni'lin, ne donne que 75 résultats. Quelques grands journaux ont parlé de la résistance courageuse des habitants de cette ville palestinienne de Cisjordanie occupée face aux saisies de ses terres par Israël, mais CNN, le Los Angeles Times et USA Today ne l’ont pas fait. Des journaux comme le Wall Street Journal et le New York Times ont diffusé un court article mais pas plus.
En sachant que depuis deux mois, les habitants de Ni'lin ont réussi à marquer l'histoire de l'opposition populaire, la couverture limitée de leur campagne n'est pas qu’une simple négligence.
L'histoire de Ni'lin est l’histoire d’une dépossession croissante. Les habitants de cette ville agricole ont perdu une grande partie de leurs terres dans la guerre de 1948. Après la guerre de 1967, Israël a profité de la localisation de la ville près de la Ligne Verte reconnue au niveau international et a commencé à confisquer ses terres pour des colonies juives.
D'abord, 74 dunams (1dunam = 1000 m2) ont été expropriés pour la colonie de Shilat. Ensuite, 661 autres dunams ont été saisis pour construire la colonie de Mattityahu.
En 1985, 934 dunams ont été confisqués pour construire Hashmonaim, et six ans plus tard, 274 dunams ont été affectés à Mod'in Illit.
Enfin, en 1998, 20 autres dunams ont été placés sous séquestre pour la colonie de Menora. Au total, plus de 13% des terres de la ville de terres ont été expropriées pour l'implantation de colonies.
En 2002, Israël a commencé à construire la barrière de séparation (ndt : Mur d’Apartheid), qui est illégale selon la Cour Internationale de Justice. Récemment, la construction de la portion près de Ni'lin a commencé/ Si elle est achevée, 2500 autres dunams, soit environ 20% des terres restant en possession des habitants, seront saisies.
Cependant, cette fois-ci, les habitants en ont eu marre. Au début du mois de Mai, ils ont lancé une campagne populaire pour mettre fin à la dépossession, et malgré les tentatives brutales de réprimer le soulèvement - qui a inclus un couvre-feu et des tirs qui ont fait près de 200 blessés - ils ne sont pas disposés à laisser tomber.
Ce n'est pas un mince exploit, car les annales de l'histoire laissent à penser qu'il est extrêmement rare qu’une ville entière se lève comme un seul homme et pratique quotidiennement des actes de désobéissance, en particulier lorsqu'ils sont confrontés à une telle réaction violente.
Les événements qui se déroulent à Ni'lin donnent également les ingrédients parfaits à une bonne histoire.
Lors des trois premiers jours du couvre-feu, les ambulances n'ont pas été autorisées à pénétrer dans la ville, le corps d’un homme décédé a été gardé pendant quatre heures à l’entrée de Ni'lin avant que l'armée laisse sa famille ramener sa dépouille pour l'enterrement, une femme en travail a été empêchée de quitter le village et a été forcée d’accoucher chez elle, un garçon de 12 ans a été pris à son domicile par des soldats et détenu pendant deux jours sans inculpation, des femmes âgées ont été frappées et trois habitants ont été grièvement blessés par des balles réelles.
Alors, pourquoi la plupart des médias ne couvrent-ils pas cette campagne?
La raison en est simple : couvrir la lutte à Ni'lin ébranlerait la perception stéréotypée du conflit israélo-palestinien fournie par les sources d'information.
Contrairement à l'attaque au bulldozer, qui renforce la compréhension généralisée de ce conflit, les événements de Ni'lin montrent une réalité bien plus complexe. Cette histoire n'implique pas des actes de terrorisme de Palestiniens contre une population civile, mais des actions populaires de désobéissance civile qui persistent malgré la répression impitoyable d'une puissance occupante.
Un autre aspect de Ni'lin qui va à l’encontre des stéréotypes existants, c’est que les Palestiniens et les Juifs ne combattent pas chacun de leur côté, mais de nombreux militants étrangers et juifs israéliens se tiennent aux côtés des habitants Palestiniens quand ils tentent d’arrêter la destruction des terres de Nilin par les bulldozers de l’armée. En effet, parmi les blessés, il y a de nombreux Israéliens.
En d’autres termes, l'histoire de Ni'lin est l'histoire d'un peuple colonisé qui résiste à la colonisation. Ce n'est pas la façon dont les médias traditionnels ont l'habitude de représenter le conflit israélo-palestinien, et à en juger par les résultats de Google News, la plupart des éditeurs ne sont pas prêts à changer leur approche.
La campagne historique à Ni'lin - ainsi que les nombreux autres campagnes non-violentes de désobéissance civile contre l'occupation dans des endroits comme Bi'lin et A'ram – n’est pas encore bonne à publier.
A lire :
Le Mur d’Apartheid à Nilin
A voir :
Un soldat israélien tire à bout portant sur un Palestinien ayant les mains menottées dans le dos et les yeux - Btselem
Source : http://www.thenation.com/
Traduction : MG pour ISM
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