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Etats-Unis - 3 septembre 2013
Par Ibrahim al-Amin
Ibrahim al-Amin est rédacteur en chef d'Al-Akhbar. Son article est une traduction de l'édition arabe.
Les commentateurs occidentaux vont sûrement déclarer que ce sont leurs systèmes démocratiques qui ont contraint le président des Etats-Unis Barack Obama à faire marche arrière sur l'attaque contre la Syrie. Mais les événements qui ont conduit à la désescalade de Washington suggèrent que d'autres facteurs sont entrés en jeu.
Quand Obama est sorti de la Roseraie de la Maison Blanche pour déclarer que, bien qu'il ait toujours l'intention d'attaquer la Syrie, il souhaitait avoir d'abord l'approbation du Congrès, le Pentagone a dû pousser un soupir de soulagement, sachant très bien qu'une frappe militaire contre Damas pouvait déclencher une confrontation majeure au Moyen-Orient pour laquelle il n'était pas convenablement préparé.
L'histoire commence peu de temps avant l'opération des renseignements israélo-saoudiens qui ont orchestré l'attaque chimique près de la capitale syrienne. Les Américains et les Européens avaient commencé à négocier avec les Russes et les Iraniens pour un règlement politique, après avoir échoué à destituer le régime par la force. La seule condition de l'Occident était que Bashar al-Assad ne fasse pas partie de la solution, indiquant même à Moscou qu'ils seraient disposés à permettre au président syrien de choisir un successeur.
Lorsque les Russes - après de longues discussions avec leurs alliés - ont dit à Washington qu'une telle condition était difficilement acceptable, l'Occident s'est tourné vers le Plan B, qui consistait à élever le niveau de soutien militaire à l'opposition et à réorganiser les groupes armés luttant contre le régime, permettant ainsi à l'Arabie Saoudite de prendre les devants en les mobilisant pour faire monter les enchères sur Damas.
L'objectif était de peser sur Assad en lançant des offensives majeures à la fois au nord et au sud du pays, en plus de causer de gros dégâts au Hezbollah sur son propre terrain et de fournir des incitations plus attrayantes pour que les officiers de l'armée syrienne fassent défection.
Dans l'intervalle, le régime et ses alliés étaient déjà dans le processus de consolidation des acquis militaires sur plusieurs fronts en élargissant la zone sous contrôle gouvernemental, en particulier dans les environs de Damas. Une telle opération devait être lancée à la veille de l'attaque chimique, le 20 août, contre les forces de l'opposition au sud et à l'est de la capitale.
Après que l'opposition fut rapidement expédiée au nord alors qu'elle essayait de ratisser la région côtière de Lattaquié, beaucoup de ses soutiens régionaux et internationaux comprirent que le seul moyen de provoquer un changement qualitatif sur le terrain était d'attirer l'Occident dans une intervention militaire étrangère directe en Syrie - mais il fallait une justification pour pousser Washington à agir.
C'est pour cette raison que le "massacre chimique" dans la zone de Ghouta, autour de Damas, a eu lieu, très vraisemblablement par des agents des renseignements saoudiens et israéliens. Il fallut à peine une heure avant que la campagne médiatique orchestrée pour prendre Assad batte son plein, suivie par les condamnations et les menaces des capitales occidentales.
Washington s'est précipité pour parler avec insistance d'une attaque militaire imminente en envoyant des émissaires en Russie et en Iran, donnant aux deux pays une dernière occasion de ne pas lâcher leurs missiles sur la Syrie. Mais toutes les rodomontades ne furent pas suffisantes pour obliger à des concessions politiques.
Les Américains ont essayé de répondre à cette situation en montrant qu'ils envisageaient sérieusement une frappe, déplaçant des navires supplémentaires en Méditerranée orientale, ainsi qu'en augmentant le nombre d'avions de combat dans leurs bases autour de la Syrie. Mais à nouveau, la Russie et l'Iran restèrent impassibles, refusant de donner à Washington des garanties que cette frappe limitée ne se transformerait pas à une guerre plus large et longue, avec des conséquences dévastatrices pour la région dans son ensemble.
Joignant le geste à la parole, la Russie, l'Iran, la Syrie et le Hezbollah mirent leurs forces en alerte maximum, leur donnant l'ordre de se préparer à une confrontation militaire. Notamment le Hezbollah, qui a demandé à ses combattants de rejoindre leurs bases, tandis qu'il mettait en place un poste de commandement en coordination avec Damas pour faire un usage efficace de leur arsenal commun de roquettes.
Le premier à se dérober fut ce vieux briscard dans ce genre d'affaires, le Royaume-Uni, dont le Parlement a donné au Premier ministre David Cameron une porte de sortie, mettant son allié de Washington dans la position inconfortable d'avoir à faire cavalier seul. Soudain, Obama lui aussi a ressenti le besoin de consulter l'opinion publique américaine et de demander l'approbation de ses représentants au Congrès.
Néanmoins, Obama -ayant perdu l'initiative- n'a que deux choix qui s'offrent à lui : soit il se retire et cherche une solution politique, soit il entre dans une aventure militaire dont il ne peut pas contrôler l'issue. Les résultats de ce premier round de confrontation mondiale en Syrie fournissent encore un autre indicateur que l'époque où les Etats-Unis menaient la danse, sans égard pour le reste du monde, est en passe d'être révolue.
Source : Al Akhbar
Traduction : MR pour ISM
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3 septembre 2013