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Palestine - 8 septembre 2013
Par Fadwa Nassar
Depuis l’occupation de la Palestine en 1948, les autorités sionistes procèdent à la judaïsation de ce pays arabo-musulman, ancré dans l’histoire millénaire de la région. La judaïsation signifie l’invention d’une histoire et d’un patrimoine juif sur cette terre qu’ils ont occupée pour des raisons stratégiques, pour servir de pont d’accès aux impérialismes et forces de la domination mondiale, l’allégation d’une histoire juive en Palestine n’ayant servi qu’à assurer un soutien occidental et à mobiliser les juifs, que rien ne relie par ailleurs, mis à part leur croyance en une même religion. Le sionisme a voulu transformer une religion en nation dans la pure tradition du racisme occidental.
La judaïsation de la Palestine est le processus par lequel les sionistes qui ont envahi ce pays ont d’abord expulsé son peuple, le peuple arabe palestinien, et tentent de poursuivre ce nettoyage ethnico-religieux, puis de détruire le paysage palestinien et son patrimoine vieux de plusieurs millénaires, et ses maisons, mosquées, églises et autres lieux saints comme les maqams, ou à les utiliser en modifiant leur destination : les maisons palestiniennes sont pillées, les pierres ayant servi à leur construction arrachées pour bâtir les maisons des colons (ils ont récemment arraché les dalles de l’église du village détruit d’al-Bassa, au nord d’al-Jalil), ou prises d’assaut par les colons, les mosquées transformées en musées ou lieux de débauche, quand les sionistes ne les transforment pas en synagogues, les églises interdites d’accès et profanées. Pour les sionistes qui ont envahi la Palestine, il faut détruire, masquer et enterrer tout ce qui peut rappeler l’histoire millénaire non-juive de cette terre.
Après la destruction ou la modification des traits et de la destination du patrimoine arabo-musulman palestinien, les sionistes procèdent à cacher le crime, en plantant des forêts, recouvertes d’arbres qui poussent rapidement, tout aussi éphémères que leur entité coloniale. Des centaines de villages palestiniens détruits ou semi-détruits sont ainsi cachés par des forêts plantées par diverses associations sionistes dans le monde. Les pancartes qui servaient à indiquer leur chemin ont été arrachées. Ils sont là, mais aux yeux de l’entité coloniale, ils n’existent pas. Cette frénésie « verte » de l’occupation a été saluée par les amis des sionistes dans le monde comme étant le fait d’avoir « fait fleurir le désert » !!
Avant même l’occupation de la Palestine, les savants de l’impérialisme britannique avaient déjà mené la première phase de la judaïsation de la nomenclature palestinienne. En effet, le Palestine Exploration Fund fondé en 1864 avait établi plusieurs cartes de la Palestine, en calquant les noms cités dans la Bible sur la topographie palestinienne, croyant avoir retrouvé des lieux bibliques en Palestine. Ce travail soit-disant académique va fournir la base de la judaïsation à laquelle vont procéder les sionistes, sans qu’aucune preuve matérielle ne soit apportée sur une quelconque présence juive antique en terre palestinienne.
Après l’occupation de la Palestine, le nom même du pays sera modifié pour « Eretz Israël ». Cette judaïsation sera suivie par le changement de tous les noms historiques ou relativement récents des lieux palestiniens (villes, villages, lieux-dits, montagnes, vallées et rivières). En 1948 est créée une commission gouvernementale pour modifier les noms. Au fur et à mesure que les noms palestiniens étaient changés en noms juifs, les autorités sionistes imposaient aux administrations et aux écoles, même arabes, de ne plus utiliser les noms d’origine, mais seulement les noms judaïsés. C’est ainsi qu’ont procédé les colons pour arracher l’histoire du pays de la mémoire des Palestiniens qui vivent sous occupation. De nouvelles cartes du pays occupé furent émises, où disparaissent les lieux palestiniens au profit des lieux judaïsés. Les noms adoptés par les sionistes proviennent de plusieurs sources, dont l’ancien testament, le Talmud, des personnages historiques tels des rabbins, écrivains, symboles sionistes, ou militaires ayant appartenu aux groupes terroristes. Certains noms arabes furent altérés en modifiant certaines lettres, d’autres traduits de l’arabe, ou alors tout simplement des noms en hébreu pour désigner la nature du lieu (élevé, planté, etc..), et des noms de personnalités mondiales ayant soutenu le sionisme. Pour les sionistes, c’est l’appartenance arabe de la Palestine qu’il fallait surtout masquer.
Mais les Palestiniens, dans l’exil ou sous occupation, veillent. Il est vrai que nombre de noms judaïsés sont à présent couramment utilisés, dans le monde et même par les Palestiniens vivant sous occupation. Cependant, depuis quelques années, des efforts sont consacrés par de multiples associations et centres, des chercheurs, historiens et écrivains pour se réapproprier la Palestine arabe et balayer, envers et contre tous, toute cette couche de noms, factice et falsifiée, ajoutée à la terre palestinienne.
Les historiens palestiniens vivant dans les territoires occupés en 1948, qui furent les plus ciblés par cette judaïsation, décrivent depuis quelques années les rues et les quartiers des villes comme Haïfa, Yafa, Akka, en citant leurs vrais noms, afin que les jeunes se réapproprient les lieux tels qu’ils étaient et non tels que les sionistes les ont altérés. Des visites organisées depuis une dizaine d’années par diverses associations, et commentées par des guides, permettent aux jeunes de renommer les quartiers et les rues, mais aussi les villages et les lieux-dits, couverts parfois par la forêt de la colonisation. Dans al-Naqab même, ces visites organisées permettent non seulement aux Palestiniens des autres régions de connaître cette partie du pays, mais aussi de se réapproprier les noms arabes de centaines de villages détruits, de sites historiques, de rivières et vallées, que les sionistes ont voulu faire disparaître de l’histoire et sur laquelle ils essaient de construire une autre histoire.
Tout récemment, un groupe de jeunes issus de plusieurs villages d’al-Jalil, dont le village détruit de Saffuriyé, ont lancé une campagne médiatique pour rejeter les noms judaïsés de lieux de la Palestine et se réapproprier les noms d’origine, les noms palestiniens, qui ont été forgés, comme l’affirme un professeur d’université, par l’histoire, et non par décision idéologique, comme le sont les noms judaïsés. Des centaines de noms de villages, recouverts par la judaïsation, reviennent à la surface. Des concours sont organisés, des documentaires diffusés, des photographes amateurs sillonnent le pays pour faire redécouvrir aux réfugiés le paysage palestinien et leurs villages et villes.
Mais cette réappropriation de la Palestine dépasse le rejet de la judaïsation des noms. Elle couvre à présent les villages détruits qui accueillent, tous les ans, des centaines de jeunes décidés à reconstruire les maisons et les lieux saints, comme ce fut le cas cet été pour les villages d’al-Bassa, Iqrit, Ghabsiyyé, et Kfar Bar’em (dans al-Jalil) et tant d’autres lieux dans d’autres régions, que les Palestiniens ont décidé de se réapproprier. C’est une des nombreuses batailles menées par les Palestiniens de l’intérieur contre l’occupation. C’est notre pays, la Palestine occupée, disent-ils, et non « Israël ».
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