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ISM France - Archives 2001-2021

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Israël -

Tessons de mémoire

Par

article paru dans Haaretz le 3 juin 2005

C’est la région d’Israël la plus vide d’arabes : elle a été la scène d’un nettoyage ethnique total qui n’a laissé aucun vestige à part des tas de ruines et les buissons d’épines.
Dans la plaine côtière, entre Jaffa et Gaza, pas un village Palestinien n’est intact.
Maintenant les colons du bloc de Gush Katif à Gaza vont être amenés ici.

Par une tragique ironie du sort, les colons qui ont semé la ruine et la destruction à Gaza vont vivre maintenant sur les ruines des maisons des habitants qui étaient leurs invisibles voisins des les camps de réfugiés.


Une fois de plus, ils ne verront rien. De Gush Katif, ils n’ont rien vu de la dévastation qui a ravagé Khan Yunis et ses camps de réfugiés.
Et dans la région de Nitzanim, ils ne verront rien du riche tissu de vie qui exista ici et a été détruit. Il a été entièrement effacé de la face de cette terre (l’éternité n’est que poussière et terre).

Seuls les squelettes de quelques belles maisons, qui restent encore, des tas de pierres, des vergers et des barrières naturelles composées de buissons d’épines, restent, témoignages muets au milieu de bosquets d’eucalyptus, des nouvelles colonies et des vergers qui ont été plantés sur les lieux de cette destruction.

De la route d’Ashdod-Ashkelon, on peut voir quelques unes de ces ruines, mais qui y fait attention ?

Quand on file sur l’autoroute, qui se demande ce que sont ces maisons, ce qu’il y avait ici et où sont passés les anciens habitants ?

Il n’y a ni mémorial ni monument. Pas de poteaux indicateurs et aucun signe pour rappeller les dizaines de villages qui ont été rasés.

Dans le moshav (collectif de production) Mavki’im, sur les ruines du village de Barbara, dans un bosquet où des dizaines de bulldozers et de camions s’activenten ce moment à préparer le sol pour les évacués, nous trouvons finalement un monument entre les arbres : “Ici repose notre chien bienaimé Mozart Hanin, bénie soit sa mémoire - 1991-2003”.



Affichage

Au centre du Kibboutz Zikim du mouvement de gauche “Kibbutz Haartzi”, il y a un panneau près d’une demeure palestinienne : “Danger, ne pas approcher”.
Avec l’image d’une tête de mort, pour orner l’affiche, tellement la mémoire est menaçante.

A Mav’ki les derniers vestiges sont en voie de nivellement. Cette semaine les tracteurs zélés ont déjà enlevé quelques tas de pierres qui furent un jour des maisons. Ainsi les restes du peuple indigène, les anciens habitants de cette terre, sont en voie de disparition.

Dans un pays qui possède une loi recommandant de “ préserver les fouilles”, un pays qui repousse et quelque fois empêche la construction partout où on trouve des vestiges archéologiques de son passé ancien, le passé proche est en voie de disparaître sous la poussière.

Il n’y a qu’un seul endroit où on a décidé de respecter le passé.
A trois kilomètres au sud de la communauté de Nitzan, dans les vergers de Mehadrin Company dont le président est le chef de l’Administration du Retrait, dans un lieu où des colons vont aussi être transférés selon le plan du Ministère du Logement, il a été décidé qu’on ne toucherait pas à la terre sur laquelle se situait autrefois le centre du village de Hamama.

Pourquoi ? Parce qu’on pense que des fouilles mettront à jour des ruines Byzantines.

Des ruines byzantines peuvent retarder les constructions, mais pas les ruines palestiniennes. Or cette merveilleuse région a aussi un passé proche, un passé qui est en train de saigner dans les camps de réfugiés et aucune théorie d’engins lourds ne pourra écraser cette mémoire.


Nous conduisions comme des policiers à travers les dunes, entre les buissons naturels, les vergers, les décharges et les communautés locales, à la recherche des signes d’une vie antérieure.
Dans un verger nous avons trouvé un vieux robinet, dans un autre verger les reste d’une meule.
Nous entrions dans toutes les ruines, et retournions presque toutes les pierres.

Dans la deuxième partie du voyage à la découverte de ce que nos yeux ne peuvent voir, nous avons été rejoints par le directeur de l‘école de NItzanim Field - Yair Frajun, qui est très calé en histoire ancienne et, étonnamment, très calé dans cette histoire récente qui a été refoulée de la mémoire collective.

Farjun ne peut pas seulement identifier chacune des plantes rares et les empreintes de tous les cerfs qui ont foulé cette terre, il peut aussi raconter l’hsitoire de chaque ruine. Maintenant il hausse les épaules à la vue de cette profusion de bulldozers qui lacèrent le sol pour préparer la construction de nouvelles maisons pour les colons. Il y a une foule de bulldozers ici.

Les entrepreneurs en terrassement ont plus de travail qu’ils n’en peuvent faire, toute la plaine côtière est envahie par cet équipement lourd.

C’est la découverte de l’histoire de ce pays par le métal : l’ équipement qui autrefois a construit la ligne Bar Lev, ensuite toutes les colonies et après le mur de séparation construit maintenant ces nouvelles communautés.

A environ un kilomètre au sud du croisement de Ad Halom sur l’autoroute 4, les restes d’une barrière entourent une mosquée, deux maisons et la barrière d’épines qui contiennent un secret.

Il y avait des barrières d’épineux autour de tous les villages, et mainenant, c’est là qu’il y avait la ville d’Isdud, 4 910 habitants, dans les années 1944-45 - 4 620 Palestiniens et 290 Juifs - d’après le livre de l’historien Qalid Khalidi - “Tout ce qui
reste”.

Dans un champ de hummus fanés qu’on dirait abandonné depuis peu, derrière une barrière électrifiée où sont affichés des avertissements interdisant d’entrer et de chasser, une autre jolie maison est bâtie sur une colline calcaire , défiant cette volonté de tout écraser.

A l’est de la route, derrière une affiche invitant les habitants à un spectacle du chanteur Zehava Ben dans “Queen’s Courtyard” , dans la zone industrielle de Kanot, une splendide maison à voûtes est perchée au sommet d’une haute colline en plein milieu d’une décharge.
”1948 retournera aux Musulmans” déclare un graffiti sur le mur écaillé, et aussi “Mec, vous avez volé”.

Des cables électriques poussiéreux se balancent depuis les plafonds, tout ce qui reste des lampes dans la maison d’Isdud.

Sur le mur sud quelque a dessiné un drapeau isréalien bleu et blanc. C’est la bataille pour un foyer.

La carcasse d’un mouton git près de la terrasse surmontée d’arches.
Il y a peu d’ architectes en Israël aujourd’hui , qui soient capables de construire d’aussi belles maisons. Les tuiles de la maison voisine, une maison à seule pièce, gardent encore des vestiges de leur gloire turquoise. Sur un mur craquelé pend un cintre vide.

Le train à deux étages Ashkelon - Tel Aviv passe rapidement. Ce serait intéressant de savoir s’il y a des passagers qui jettent un regard sur les restes de l’école qui se devinent dans l’ombre d’un d’un figuier géant, à l’ouest de la route et à l’est de la voie ferrée.


Certaines écoles n’ont pas été démolies. Farjun explique que c’est parce qu’elles avaient été construites par les Anglais et que Ben Gourion n’avaient pas voulu les mécontenter quelques mois seulement après leur départ du pays.

C’était une petit centre éducatif : quelques classes, des voûtes et un puits dans le jardin. Un sac (Bamba) vide est par terre dans la cour.
Où sont les enfants qui allaient ici à l’école et jouaient à l’ombre de l’arbre ?

Sur la maison proche de l’autoroute, juste au bout, près de la route qui conduit à Emunim et à Azrikim quelqu’un a écrit “Isdud” en hébreu.
Sur le côté, il y a un appel à trainer en justice les criminels d’Oslo.
A la barrière, il y a une pancarte : “Propriété privée . Kibboutz Hatzor”. Ca appartient aussi au Hakkibutz Haartzi.



A environ un kilomètre au sud, les camions de terrassement de Zalman Barashi se répandent comme des sauterelles dans les dunes.
Bientôt une Nitzan agrandie s’élèvera ici, c’est à dire, la nouvelle Neveh Dekalim.

Les bulldozers de Haim Ysraeli & Sons roulent dans les champs de Mavki’im, à savoir la Barbara palestinienne.

Tout ce qui reste ici d’un village de 2 410 habitants, ce sont des tas de pierres , d’après Malidi. Mavki’im a été fondé en janvier 1949 au sud des terres de Barbara, pour empêcher le retour au village des réfugiés de Gaza.

C’est un “moshav” maigrichon, sans même une maison moderne, en sombre situation économique, qui attend un pactole qui est peut-être plus proche que jamais.

Le restaurant qui sert un goulahs hongrois insipide dans la station service à l’entrée du moshav est situé sur les ruines de l’école de Barbara.

Les bulldozers sont acharnés à la tâche à l’ouest des maisons du moshav, enlevant les derniers tas de pierres qui furent Barbara.


En 1949 après la démolition de l’école, les travailleurs du Fonds National Juif ont éloigné les ruines , créant involontairement un monument muet sous forme de tas de pierres au milieu des eucalyptus qu’ils ont plantés sur les ruines.

Barbara a été abandonnée entre le 4 et le 5 novembre 1948 au cours de l’opération Yoav , conduite par la brigade Givati que commandait Yigal Allon - lequel n’a pas laissé une seule population arabe dans les régions qu’il a conquises - de l’opération Yiftah, de l’opération Dani et finalement de l’opération Yoav, qui s’appelèrent pour commencer “Opération dix Plaies”.

Ce fut sans doute une de ces occasions où sans même qu’Allon dise rien de spécifique “(ses) officiers savaient ce qu’il voulait” note Benny Morris dans “The Birth of the Palestinian Refugee Problèm - 1947-49” (Naissance du problème des réfugiés palestiniens”.

Abed, un ouvrier en construction de Gaza, qui était originaire de Barbara et avait construit les maisons de Nitzam sur le sol de son village perdu, a raconté à Farjun que son père lui avait dit sur son lit de mort que la famille s’était enfuie et n’avait pas été expulsée et qu’il ne s’était jamais pardonné de cette décision hâtive.

“Nous avons vu tout le monde partir en courant, et nous avons couru aussi” avait dit le vieil homme à son fils d’un ton désolé. Ils étaient convaincus alors que lorsque la bataille cesserait et qu’ils pourraient revenir. Mais qu’ils aient fui ou qu’ils aient été chassés, ils n’ont jamais obtenu le droit de revenir.
Maintenant un conducteur arabe du village israélien de Tamara, qui travaille pour Haim Yisraeli & Son, dégage les derniers vestiges de Barbara pour Zvi Hendel et ses filles.



Le kibboutz Zikim est aussi en plein agrandissement.

L’agrandissement d’abord prévu pour le marché privé mais qui a échoué, sera maintenant et probablement vendu à l’état pour loger les colons (à Carmiya qui est proche de 53 autres maisons sont en cours de construction à leur intention sur la terre du village perdu d’Irbiya).

A côté du château d’eau du kibboutz Zikim, il y a la maison aux voûtes multiples de Moussa al-Alami, surplombant les pelouses de la colonie.

A l’entrée du kibboutz, un autre bâtiment abandonné d’un impressionnant verger arabe, sur les murs duquel les paniers des travailleurs du verger de Zikim pendent toujours.
Sur les murs, il y a aussi des photos rayées des avocatiers, sur le sol il y a des vieux livres d’agriculture sur la manière d’exterminer les insectes nuisibles de la salade et sur la culture de papayers.

“Longue vie à la paix” a écrit un membre du mouvement de gauche Hashomer Hatzair sur le mur de cette construction arabe.

Un numéro du “Yedioth Ahronoth” annonce à la une “Des investissements dans les territoires vont créer des emplois et accélérer la séparation”.

Le journal date du 11 avril 1983, il y a 22 ans. Pas d’emploi et pas d’accélération : le temps est immobile dans une Occupation.

L’école de Shkmim Field, de la Société israélienne de Protection de la Nature, est située à Nitzaanim dans une jolie maison arabe, une des rares qui aient été rénovées, avec un balcon à voûtes et de hauts plafonds.

“Le travail de restauration et de préservation est en cours ici dans le cadre des “50 Colonies et sites ressuscités”. Ce bâtiment a en fait été acheté à son propriétaire Effendi Surkaji en 1942.



Le Dr Michaël Satner, zoologue, est assis dans le bureau de Farjun, épuisé d’une journée de recherche, et extrêmement soucieux :
“Vous êtes en train de détruire le dernier habitat de la “force grise” sur la plaine côtière; du monde entier, des chercheurs furieux lui écrivent à cause de ce projet de construction pour colons, et à la veille d’une importante conférence internationale sur la “gray force” qui doit se tenir à Bonn. “Gray Force” ? Ces mots hébreux pour “gecko” ou “koach” (cf Lévitique 11-30) (espèces de lézards) - peut avoir un autre sens : celui de “monitor lizard”.

Un grand prédateur diurne, explique Satner, des sandales et un genre de poche pour le stockage de la nourriture.

Il a passé toute la journée sous un soleil brûlant à chercher des traces du “monitor lizard” (une sorte de varan) dans les sables de Nitzam et il n’en a trouvé que quatre.

Sa thèse de maîtrise portait sur le “monitor lizard” des dunes de Nizan et son mémoire de doctorat sur les serpents de Hadera.

Avant le sionisme, il y avait sûrement beaucoup plus de ces lézards ici.
Satner est inquiet que les lézards qui ont déjà laissé des traces ne soient pas tous anciens. Le nom latin de ce lézard, un Varan, dérive d’un mot arabe, souligne-t-il.

Farjun, de la Société pour la Protection de la Nature, a la tête de l’emploi. Hérose de la guerre de Kippour dans les combats des hauteurs du Golan, vétéran handicapé de la guerre, barbe et cheveux en bataille, déterminé dans son T-shirt et ses sandales. Il parait plus jeune que ses 52 ans, c’est une expert reconnu qui parle couramment l’arabe.

“Dans les terms de la philosophie sioniste, c’est dans le sud qu’on a fait le meilleur travail.

Sans ce travail, Ahmed et Mustafa serait maintenant en train de débattre à notre propos, et je préfère que ce soit moi qui débatte sur Ahmed et Muwtafa” -. C’est l’essentiel de son sionisme.
“Celui qui vous dit qu’il n’y a pas eu de nettoyage ethnique ici mentirait et celui qui vous dirait que sans ce nettoyage ethnique Israël aurait quand même été créé mentirait aussi”.



Nous circulons sur un route poussièreuse, mais une route étonnamment belle, jusqu’à Hamama ; ce fut une route d’accès pour les fermiers entre Majdal (aujourd’hui Ashekelon) et Hamama.

Tout le chemin caché est riche de vergers avec une rangée de vieux sycomores plantée de chaque côté. Les fraises sauvages , blanches, ont un goût de paradis - peut-être est-ce de ce goût que se languissent les réfugiés quand ils parlent de leur enfance.

En 1945 la population de Hamama était de 5070 âmes.
Maintenant c’est le verger Mehadrin du colon évacuateur Yonatan Bassi.

Certains colons seront transférés ici, aussi, mais pas, comme nous le remarquons, là où se situait le centre du village, à cause des vestiges Byzantins.

Il y a encore des tessons éparpillés parmi les rangées de jeunes citronniers bien soignés. Farjun explique que les tessons rouges sont byzantins, les noirs palestiniens. Il ramasse les restes d’un robinet palestinien et une poignée rouillée de fenêtre.

Ici il y a des vestiges de pièges à lapins et ici les morceaux d’un rocher de mer apporté ici depuis la côte pour servir de mur.

Ce qui est écrit sur la porte d’une réserve à côté l’est en Thaï


Source : www.haaretz.com/

Traduction : CS pour ISM

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