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ISM France - Archives 2001-2021

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Europe -

Une « pandémie d’antisémitisme » à la sauce Abe Foxman

Par

S’il existait un Prix Nobel d’Hypocrisie, Abraham Foxman aurait été un candidat grandiose. Le directeur de l’Anti-Defamation League [une sorte de Licra à la sauce ketchup, NdT..], qui alla jusqu’à voir, un jour, dans la Journée Internationale de Commémoration de l’Holocauste l’expression d’un désir latent, chez les Gentils, de voir des juifs morts, a publié une nouvelle étude consacrée à l’antisémitisme en Europe.

Une des assertions auxquelles les personnes sondées devaient répondre par oui ou par non, se trouvait celle-ci : « Les juifs sont davantage loyaux envers Israël qu’envers leur pays » : une réponse affirmative était considérée indicatrice d’antisémitisme.

Certes, douter de la loyauté d’une minorité nationale n’est pas sympa. Et le fait que de nombreux sionistes confirmeraient cette assertion, ou tout au moins attendraient d’un juif qu’il soit plus loyal envers Israël qu’envers son pays de résidence, n’est qu’une excuse bien faible pour acquiescer à une telle stigmatisation de l’ensemble des juifs.

Mais mettons les choses en perspective : même si près de la moitié des Européens dit qu’il est « probablement exact » que les juifs sont plus loyaux envers Israël (qu’envers leur pays de résidence), aucun parti politique européen ne prône la révocation de la citoyenneté des juifs, si ceux-ci n’apportaient pas la preuve de leur loyauté. Je n’ai jamais entendu une telle exigence envers une quelconque autre minorité autochtone, non plus, ni en Europe, ni ailleurs. Même feu Joerg Haider n’allait pas aussi loin.

Comme toujours, il y a, bien sûr, une exception. Le principal slogan électoral du parti Yisrael Beiteinu d’Avigdor Lieberman était : « Pas de loyauté = pas de citoyenneté ! », et il visait la minorité arabe d’Israël. 13 % des électeurs israéliens ont voté pour lui.

Qu’en dit Abe Foxman ? Eh bien, voyez-vous, Foxman, en réalité, défend Lieberman, le qualifiant d’inoffensif : « Il ne dit pas de les [= les Arabes] expulser. Il ne dit pas de les [= les Arabes] punir. » Non, pas du tout : il se contente de les diaboliser et de les menacer de les priver de leur citoyenneté : on le voit, il n’y a pas, là, de quoi fouetter un chat…

Ainsi, pour Foxman, une personne doutant de la loyauté des juifs lors d’une interview au téléphone est un « sale antisémite ». Mais un parti politique important qui diffame publiquement les Arabes israéliens et jure de révoquer leur citoyenneté obtient un quitus du président de (la fort mal nommée) Anti-Defamation ( !) League, soi-disant vouée à (je cite) « combattre l’antisémitisme, le fondamentalisme et l’extrémisme » !


Un rapport bidonné

Le rapport de l’ADL, dans son ensemble, mérite d’être soumis à un minimum d’analyse critique. Réalisé pour la deuxième fois dans sept pays européens, le sondage a consisté en une courte liste d’assertions sur lesquelles les répondants étaient censés prendre position.

Notez que les répondants n’avaient de choix qu’entre deux options : ils devaient répondre, à chacune des assertions par « probablement exact » ou « probablement faux ». Toutes les assertions étaient formulées de manière à ce que « probablement exact » fût le choix considéré antisémite. Cela souffre du célèbre « biais de confirmation », qui « incite les gens interrogés à accepter des assertions, plutôt qu’à réfléchir de manière plus générale et de percevoir les biais contenus dans lesdites assertions » (voir Jon Krosnick, "Maximizing Questionnaire Quality").

Une étude sérieuse aurait formulé certaines des assertions à la forme négative afin de pallier ce biais naturel. Mais l’ADL a suivi son propre biais : l’antisémitisme doit coûte que coûte être débusqué, et le plus on en trouvera, le mieux cela sera… De fait, si une partie de cette distorsion, comme l’indique le rapport lui-même, est due au désir d’individus d’un statut social inférieur de marquer leur hostilité envers des individus de statut social supérieur, cela pourrait expliquer la raison pour laquelle l’étude de l’ADL a trouvé, de manière constante, que les niveaux d’antisémitisme étaient plus élevés chez les personnes n’ayant pas poursuivi leurs études au-delà de l’âge de dix-sept ans.

On se demande bien, également, si l’assertion « Les juifs continuent à trop parler de ce qui leur est arrivé avec l’Holocauste » (notez ce verbe très suggestif : « continuent »…) a quoi que ce soit à voir avec l’antisémitisme (voir Yehuda Elkana's et le grand classique « The Need to Forget »).

Et puis, grands dieux, qu’est-ce qui a bien pu inciter l’ADL à gaspiller deux de ses six questions pour formuler deux assertions quasi identiques (« Les juifs ont trop de pouvoir dans le monde des affaires » et « Les juifs ont trop de pouvoir sur les marchés financiers internationaux »), qui ont presque dans tous les cas obtenu les mêmes scores (le coefficient de corrélation entre les deux atteignant 92 %). Ils étaient à court d’assertions antisémites, ou quoi ?

Voici deux semaines, Foxman – qui a la langue plutôt bien pendue – a fait les gros titres en dénonçant un « antisémitisme pandémique », conséquence de l’Opération Plomb Coulé : la crise était, à ses dires, « la pire, la plus intense, la plus globale dont nous ayons conservé la mémoire. »

Ladite opération avait débuté le 27 décembre de l’an dernier. Or, le sondage de l’ADL a été effectué du 1er décembre 2008 au 13 janvier 2009, c’est-à-dire que son dernier tiers a été mené en pleine dévastation de Gaza. S’il y a un « antisémitisme pandémique » dû aux événements de Gaza, comme le prétend Foxman, une étude sérieuse aurait établi un distinguo très clair entre les données recueillies avant, et après l’explosion de cette fameuse « pandémie ». En réalité, l’ADL aurait dû, tout simplement, lire son propre rapport, pour voir qu’il était nécessaire de faire ce distinguo : un de ses constats, c’est que « 23 % des personnes interrogées ont répondu que leur opinion des juifs était influencée par l’action de l’Etat d’Israël. »

Quoi qu’il en soit – distinctions scientifiques scrupuleuses mises à part – si tout cela était juste, un sondage effectué en partie après le déclenchement des atrocités à Gaza ne pouvait manquer d’être influencé par la prétendue « pandémie », et montrer une montée significative de l’antisémitisme.

Cela a-t-il été le cas ? Pas vraiment. De fait, comme l’ADL le reconnaît elle-même, « Une comparaison avec le sondage de 2007 indique que, sur les deux années écoulées, les niveaux d’antisémitisme sont restés étales dans six pays, sur les sept testés. » Et quel a été le pays à gâcher la fête ? La Grande-Bretagne, of course, patrie de l’une des campagnes de boycott d’Israël les plus efficaces… [Etrange, non ?] : « Le Royaume-Uni est le seul pays où l’on a constaté une baisse conséquente » de l’antisémitisme. Donc : continuité dans six pays du Continent, plus un déclin marqué au Royaume-Uni – et ça, dans un sondage réalisé, pour partie, durant une soi-disant « pandémie » d’antisémitisme… Je vous demande un peu ?!


Vous nous foutez la migraine, avec votre avalanche de données

Evidemment, le sondage a été très largement traité dans les médias israéliens. De fait, tout-à-fait à l’instar de l’anticommunisme, aux Etats-Unis, dans les années 1980, l’anti-antisémitisme est la religion nationale (juive) en Israël. Tout non-juif est un antisémite en puissance, sinon un antisémite déclaré – qu’il s’agisse d’un serveur au caractère de cochon d’un restaurant français, ou même du Premier ministre de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan.

L’antisémitisme est notre meilleure excuse : nous ne croyons pas à la paix parce que tous les Arabes « sont des antisémites ». Nous devons attaquer l’Iran parce que tous les musulmans sont « antisémites » qui veulent nous anéantir. Quant au reste du monde, il est antisémite, et il n’en a strictement rien à cirer, que nous nous fassions rayer de la carte. Et puis, bien entendu, toute critique contre l’occupation israélienne ne saurait être autre chose que de l’antisémitisme à l’état pur.

Bien entendu, des rapports faisant état du déclin des niveaux d’antisémitisme, ça n’est pas du tout ce que les Israéliens veulent entendre : l’antisémitisme se doit d’être en permanence en augmentation, car il n’y a que ça qui puisse booster notre cohésion nationale.

Par conséquent, tant Ha'aretz (11 février, édition en hébreu) que le site du Yediot Aharonot YNet (10 février, édition en hébreu) se sont servis de cette donnée partielle selon laquelle « 31 % des Européens accusent les juifs d’être responsables de la crise économique » comme gros titre menaçant.

Tous deux ont mis la focale sur les chiffres en valeur absolue de 2009 et ils ont gardé les tendances qui les gênaient pour un paragraphe marginal, en avant-dernière page. Eh bien, même avec ça, la journaliste du Ha'aretz Natasha Mozgovaya a trouvé le moyen de traduire l’expression « déclin marqué » dans l’antisémitisme britannique, utilisée par l’ADL, en « un léger déclin » (sans même se donner la peine de mentionner à quoi cette donnée était comparée), tandis qu’YNet omettait l’adjectif et n’écrivait que : « un déclin ». Les deux médias reprenaient le résumé de l’ADL, après quoi ils « équilibraient » la tendance, globalement positive, en soulignant la partie négative des constats.

Ne vous y trompez pas : un certain niveau de racisme, y compris antisémite, existe bel et bien dans chaque société ; l’Etat raciste d’Israël est le dernier endroit où l’on pourrait dénier cela ; mais, exactement de la même manière que l’antisémitisme réel sape la cause palestinienne, il en va de même pour les études biaisées et les déclarations manipulatrices au sujet de l’antisémitisme, qui sape le combat contre le racisme. Et Foxman, en critiquant une forme de racisme tout en en soutenant une autre, est tout simplement pitoyable.

Source : Antiwar

Traduction : Marcel Charbonnier

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