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Palestine - 22 avril 2012
Par Khader Adnan
21.04.2012 - Al Jazeera : Vous venez de vivre l'expérience la plus difficile de votre vie et vous avez été séparé de votre famille pendant plusieurs mois. Pourquoi vous êtes-vous arrêté d'abord auprès des familles des autres prisonniers avant de voir votre propre famille, et que ressentez-vous d'être à nouveau libre ?
Khader Adnan : Nous vivons chaque jour grâce à la Journée du Prisonnier et à sa symbolique particulière. Je suis allé voir les familles de ceux qui sont emprisonnés avant de voir la mienne en signe de reconnaissance pour leur soutien pendant mon incarcération et pour l'angoisse permanente que représente l'emprisonnement des bien-aimés derrière les barreaux de l'occupation israélienne.
Khader Adnan accueilli chez lui à Arraba, près de Jenin, le 17 avril 2012, après sa libération des geôles de l'occupation sioniste. (AFP PHOTO/ SAIF DAHLAH)
Ma liberté n'est pas complète parce que j'ai laissé derrière moi des prisonniers. Nous saluons tous les prisonniers : Lina Jarbouni [la femme purgeant la plus longue peine], Sheikh Ahmad Hajj [le prisonnier le plus âgé en grève de la faim], Omar Abu Shalalah, Jaafar Ezzedine, Hassan Safadi, et bien sûr Thaer Halaleh et Bilal Thiab. La mère de Bilal Thiab m'a reçu à Kufr RaI [village voisin] et je lui ai transmis son message d'endurance et d'engagement dans la grève de la faim.
Après avoir refusé toute nourriture pendant 66 jours, vous avez passé 53 jours à récupérer. Le traitement des officiers israéliens pendant votre emprisonnement s'est-il amélioré après la fin de votre grève ?
Non, pas du tout. Jusqu'au dernier jour à l'hôpital de la prison, ils n'ont cessé de m'humilier, ouvrant la porte pour me regarde lorsque j'étais aux toilettes ou sous la douche.
Pendant que j'étais en grève de la faim, ils venaient exprès boire et manger devant moi. Ils m'ont insulté, m'ont traité de chien. L'un d'entre eux m'a dit que je n'avais encore rien vu. Leur comportement était tellement honteux.
Ils ont essayé de me provoquer en me répétant que ma femme était infidèle, et que mes filles n'étaient pas à moi. Que pouvaient-ils faire d'autres ? Ils ont empêché les médias de couvrir mon cas, preuve qu'ils ont peur de la vérité.
Même après que j'ai interrompu ma grève de la faim, alors qu'on me transférait de l'hôpital de Safat à Ramleh, ils ont fait en sorte que personne ne puisse me voir.
Ils m'ont kidnappé et m'ont poussé dans un garage. On a entendu mon appel jusqu'à la cafétéria de l'hôpital ! Israël a donc tellement peur de montrer son vrai visage au monde ?
Comment avez-vous réussi à trouver la résilience et la force de continuer votre grève de la faim, en particulier après les trois visites de votre famille ?
[Rires] Je ne sais pas. Toute la force vient de Dieu, et lorsque j'ai commencé ma grève de la faim, je savais que ce serait jusqu'à la liberté ou la mort... quelquefois je m'étonne moi-même !
Israël n'a pas autorisé ma famille à venir me voir par bonté d'âme mais parce qu'ils pensaient que voir ma famille serait suffisant pour me forcer à m'alimenter à nouveau. Ce fut l'effet inverse, et cela m'a donné encore plus de force pour défier mes geôliers.
J'ai passé de nombreuses nuits blanches tant mon corps était douloureux. Cependant, le bonheur de ma famille, le bonheur de mon peuple et le bonheur des gens libres dans le monde entier m'a fait oublier la douleur que j'ai ressentie tout au long de ma grève de la faim.
Mille six cents prisonniers palestiniens en sont à leur troisième jour de grève de la faim illimitée dans les geôles israéliennes pour exiger une amélioration de leurs conditions de vie, dont le droit aux visites familiales et de recevoir des photos de leurs familles. Cette tactique réussira-t-elle à se transformer en un mouvement de résistance populaire à l'extérieur des murs des prisons parmi les Palestiniens ?
Je serai toujours aux côtés des prisonniers, que ce soit à côté d'eux, derrière eux ou devant eux. De la Bande de Gaza à la Cisjordanie et aux Territoires 48 et en exil, les Palestiniens doivent rester unis.
Nous sommes tous les enfants de la même cause, et un seul peuple vivant sous occupation. J'ai vu tant de soutien de notre famille en Palestine 48, des médecins et des infirmières palestiniennes, des Palestiniens d'Haïfa, des écoliers de Nazareth qui ont fait un devoir sur moi... je n'oublierai jamais leur amour.
La grève de la faim massive est un signe à tous les opprimés et à tous les gens vulnérables, partout, pas seulement aux Palestiniens. C'est un message pour tous ceux qui souffrent d'injustice, sous la botte de l'oppression. Cette méthode réussira, si Dieu le veut, et nous obtiendrons les droits des prisonniers.
Je demande à Dieu de toucher les consciences des gens libres du monde entier. Je les remercie tous, en particulier l'Irlande, pour avoir été à mes côtés pendant ma grève de la faim. Je leur demande d'être solidaires avec tous les prisonniers palestiniens en grève de la faim par le passé, le présent et à l'avenir, avec notre peuple torturé et opprimé qui vit sous une occupation injuste jour et nuit.
En tant que prisonnier palestinien qui a fait la plus longue grève de la faim et qui a survécu, que ressentez-vous d'être devenu un symbole, non seulement de la détermination palestinienne mais de la résistance parmi les peuples opprimés ?
Pendant que je me trouvais à l'hôpital [Meir Ziv] à Safad, en Palestine occupée d'avant le partage, je me rappelai la sainteté et la gloire de cette terre. Etant proche des pays résistants du Liban et de la Syrie, cela m'a incité davantage à défier les autorités pénitentiaires israéliennes, que je ne reconnais pas.
Je n'ai pas fait un cadeau de grande valeur à la cause palestinienne. Je travaille dans une boulangerie et je vends du zaatar, et je continuerai à le faire pour rappeler à chaque Palestinien que ses racines sont profondément implantées dans cette terre, parmi les oliviers et le zaatar.
Nombreuses photos du retour victorieux de Khader Adnan ici.
Source : Al Jazeera
Traduction : MR pour ISM
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