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Gaza -

10 janvier, 19h30 - Difficile de dormir

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Certains matins, je suis réveillée par une nouvelle explosion et je réalise que j’ai quand même réussi à m’endormir en dépit des explosions. D’autres matins, je me réveille déboussolée, me demandant d’abord où je suis, parce que je dors dans les salles d’attente des hôpitaux et dans les locaux du service d’ambulance, ou la maison d’un chauffeur depuis que les bureaux du Croissant Rouge à Jabaliya Est ont été pour commencer bombardés, puis rendus inatteignables par les forces israéliennes dans la partie est de Jabaliya… ainsi que le nord, le nord-ouest, l’est, le sud…

10 janvier, 19h30 - Difficile de dormir

"On branche un petit réchaud électrique, et chacune à leur tour elles cuisent le pain pour leur famille : pas de gaz, pas d’électricité à la maison"

Hier matin, je me suis réveillée dans un calme presque inquiétant : pas d’explosion de bombes, juste les drones qui se sont emparés du ciel. Puis les explosions ont commencé.

A 8h38, j’ai noté : « reprise d’explosions sonores, avec réverbération. Toujours dans le secteur de Saraya (l’ancienne prison britannique a déjà été frappée de nombreuses fois) ?

8h59 : Quatre explosions très fortes avec des réverbérations profondes tournoyant au dessus de Gaza Est.

12h15 : J’ai noté et photographié la vapeur banche des nuages chimiques tour.

13h05 : « De la nuit dernière à maintenant, ils ont tué 23 civils, tous des civils », m’a dit le journaliste Yousel Al Helou, qui ajoute : « Cet après-midi, deux personnes – une femme et un enfant – ont été tuées par un bombardement sur Beit Lahia. »

Yousef me lit la réponse de Tzipi Livni à l’appel du Conseil de Sécurité pour un cessez-le-feu immédiat : « Israël a agi et continuera d’agir selon les calculs sur les intérêts de la sécurité de ses citoyens et de leur droit à se défendre. »

Yousel et moi avions discuté des violations du cessez-le-feu de 3 heures unilatéralement imposé [qu’un journaliste libanais a résumé ainsi : « Que penses-tu si je te tirais dessus et ensuite si je te disais que je te donne une minute pour danser avant que je te tue ?]. John Ging, le directeur de l’UNRWA dans la Bande de Gaza, en fait un résumé plus diplomatique : "Pendant 3 heures, les gens de Gaza ont un peu de sécurité. C’est tout."

Le premier jour de ce laps de temps mal nommé entre 13 et 16 heures, les forces israéliennes ont tué 3 sœurs (2, 3 et 10 ans), une femme (31 ans), 2 hommes âgés (60 et 87 ans), et visé des secouristes, blessant un à la jambe, tandis que les explosions ont continué sur toute la Bande de Gaza.

A 18h, deux heures après le « cessez-le-feu », la tuerie officielle a bien sûr continué : 5 morts au nord de Gaza, qui revenaient d’une file d’attente avec une poche de pain, bombardés dans leur voiture, des enfants de 10, 12 et 15 ans, le cousin de 20 ans, le père de 45. Et plus tard, après 21h, un autre secouriste a été blessé à la jambe dans l’exercice de son travail.

Avec les infirmiers, la nuit dernière, nous sommes arrivés dans le quartier Sheikh Radwan, devant le squelette fumant d’un immeuble de plusieurs étages, où vivaient plusieurs familles, évaporés. Devant nous des feux d’artifice, bien que nous ayons tous ensemble couru à un autre endroit, attendant le 2ème choc qui suit souvent la première destruction.

Tard dans la nuit, nous n’avons cessé de passer devant des ruines d’immeubles bombardés ces jours derniers. Je ne sais plus ce qui a été bombardé à telle date. Lorsque nous arrivons à un immeuble qui vient d’être bombardé, à une famille qui vient d’être jetée à la rue, et l’immeuble en face à qui il va arriver bientôt le même sort parce que la structure semble être tellement endommagée qu’il va bientôt s’effondrer.

3h20 : J’ai quitté mon lit et j’ai arrêté de faire semblant de dormir. Je regarde l’obscurité où explose la haine politique qui non seulement tue mais étouffe la vérité. La haine dans chaque détonation qui pilonne Gaza.

« Ils ne s’arrêteront pas. Jusqu’à ce qu’il y ait 1.000 martyrs », prédit un infirmier qui fait une pause pendant son service de nuit. « Ils veulent transformer Gaza en Guantanamo », continue-t-il. « Mais tout ceci ne brisera pas le peuple palestinien. »

Dans la pièce de l’hôpital où j’essaie de dormir, entre un roulement de l’équipe de secours et les obligations du matin, le bombardement et le tir des tanks sont dans la pièce, atterrissant sur mon oreiller. Les obus, qui crépitent et tonnent. Le staccato des tirs de fusils. Le bruit strident des drones, au niveau menaçant. La présence soudaine, foudroyante, de l’avion de chasse.

Le niveau de décibels du drone gonfle, un déraillement de manque d’harmonie. Puis l’inévitable souffle avant l’explosion, un tir de F-16 qui creuse un cratère là où il y avait juste avant la maison de quelqu’un, ou un marché, ou une mosquée. La détonation, tout à l’heure, c’était un beau marché, me dit une infirmière. « Ils y vendaient de tout, tout ce dont on avait besoin », dit-elle.

Quelques heures plus tard, le soleil se lève enfin. Des femmes marchent vers l’hôpital, des grands plateaux recouverts de couvertures sur la tête. On branche un petit réchaud électrique, et chacune à leur tour elles cuisent le pain pour leur famille : pas de gaz, pas d’électricité à la maison (photo ci-dessus). Elles ont la chance d’avoir de la farine à cuire, et je devine qu’une goutte de l’aide qui est entrée goutte à goutte a pu leur parvenir. Mais c’est très largement insuffisant.

Le bombardement continue. J’arrive à voir Osama, que je n’ai pas vu depuis des semaines, bien qu’il vive près de l’hôpital où je passe beaucoup de temps. Sa famille, comme la plupart, a enlevé toutes les fenêtres des maisons (celles qui n’ont pas déjà été détruites par le souffle des explosions) et la maison est glaciale. Nous discutons, posons les mêmes questions que chacun se pose tous les jours, sur quand ça va finir, pourquoi ça arrive, la valeur d’une vie palestinienne…

Une nouvelle série d’explosions, nous sortons pour voir, la dernière à juste quelques rues, mais ce n’est rien. La famille d’Osama vit en face d’une maison qui peut être attaquée à n’importe quel moment. « Que pouvons-nous faire ? », demandent-ils, demande chacun.

Source : In Gaza

Traduction : MR pour ISM

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