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Hébron - 6 septembre 2005
Par Greta Berlin
L’International Solidarity Movement est une organisation non-gouvernementale palestinienne regroupant des pacifistes palestiniens et internationaux travaillant à promouvoir la lutte pour la liberté en Palestine et la fin de l’occupation israélienne. Nous utilisons des méthodes de résistance non-violentes et des actions directes pour affronter et défier les Forces illégales d’occupation israélienne et leur politique.
Au lendemain de notre journée passée dans la localité de Bil’in, deux d’entre nous ont pris un bus pour Hébron, une ville où habitent 130 000 Palestiniens, 600 colons fanatiques et 10 000 hommes de l’armée et de la police israéliennes, uniquement pour "garder" les colons.
Dès notre arrivée, un samedi, Ã midi – le samedi étant le jour où la plupart des colons deviennent enragés contre un peu tout le monde – on nous a demandé de nous rendre immédiatement au sommet de la colline qui sépare les colons des Palestiniens…
Une demi-heure après, à peine, plusieurs colons, entre dix et dix-sept ans, se sont pointés : ils descendirent la route en se pavanant, en se dirigeant droit vers des petits enfants palestiniens qui étaient en train de jouer, sous nos yeux. Les enfants sont partis, immédiatement, et nous avons mis en marche nos caméras tandis que les colons avançaient vers nous. Les plus âgés encouragèrent les plus jeunes à ramasser des pierres et à nous les jeter (nous = deux femmes assises à une terrasse…).
Les pierres commencèrent à voler, m’atteignant à une main et à la hanche. Deux soldats qui étaient en faction, observant la scène, finirent par se décider à appeler la police.
J’ai gueulé après les colons malfrats, et j’ai commencé Ã escalader la colline derrière eux. Mais un soldat m’a barré le chemin, en me disant : "Je suis désolé, mais ils deviennent complètement digues, quand ils aperçoivent une caméra. Il faut que vous la cachiez !"
"Planquer ma caméra? Mais, jamais de la vie ! Vous pensez que je vais laisser ces maudits malfrats lancer des pierres à deux femmes assises, comme ça, tranquillement ?"
"Je sais, je sais… Mais nous ne pouvons rien faire… Ils ont moins de douze ans, alors…"
"Alors, coffrez leurs parents ! Punissez-les collectivement, comme vous le faites avec les Palestiniens ! Collez une amende à ces connards cinglés !"
Vous voyez le genre de conversation…
Bien sûr, j’ai châtié mon langage… Parce que j’étais furieuse, et j’ai la langue sacrément bien pendue, quand je suis poussée à bout.
Nous avions pas mal filmé, et on aurait pu voir très clairement lequel des mecs m’avait atteinte. Les soldats suggérèrent d’amener le film au commissariat de police le lendemain et que, pour peu que nous partions, ils les arrêteraient immédiatement.
Eh bien, ces sales gamins ont déclenché une véritable émeute, lançant des pierres sur les policiers et les militaires, balançant des tuyaux métalliques depuis les étages supérieurs de leurs immeubles de colons sur des maisons situées au-dessous, hurlant des obscénités, jetant des ordures et éblouissant les militaires à l’aide de miroirs.
Des petites colones commencèrent à descendre et à venir jeter des pierres.
C’était tellement écoeurant que je suis finalement partie et je suis allée faire soigner mes éraflures et mes bleus. L’émeute s’est poursuivie des heures durant, jusque dans la nuit, durant laquelle ils ont balancé des gros gadins sur les maisons des Palestiniens…
Un Palestinien nous a appelés et invité Ã entrer chez lui. Les colons étaient venus la semaine d’avant, et ils avaient fendu en deux tous ses pieds de vigne, des vignes de plus d’un siècle, avec des ceps gros comme ma cuisse (qui me faisait mal, pendant ce temps).
Ayant appelé l’armée à l’aide, les soldats israéliens étaient venus, et ils lui avaient dit : "Rentre chez toi, sinon on te descend !".
Il n’avait pas le choix, et toutes ses vignes avaient été partagées en deux. Il nous en a montré une : "Vous voyez, il y a déjà un rejet qui pousse, à celle-là … Ils reviendront, un jour ou l’autre, c’est certain…"
Mon Dieu, que pouvions-nous répondre à ce brave homme ?
J’ai passé tout hier, et une partie de la matinée d’aujourd’hui au commissariat, à faire une déposition et à leur confier la bande vidéo de l’agression.
Un policier m’a dit : "Je compatis vraiment, mais nous ne pouvons rien faire. Ils ont moins de douze ans…"
Je lui ai rétorqué : "Cela ne vous a pas empêché de punir des familles palestiniennes dont un enfant avait jeté des pierres… et vous avez six cents enfants palestiniens de 13-14 ans dans vos prisons, alors…"
Après une heure d’échanges de plus en plus hostiles, il a fini par admettre que la dernière fois qu’il avait tenté d’arrêter ces nervis, ils avaient éventré les quatre pneus de sa bagnole. D’autres policiers ont dit qu’ils avaient aussi cassé son pare-brise.
J’ai dit : "Bienvenue en Allemagne !", et je suis partie.
Rien ne se passera. Rien ne sera fait. Ces nervis vont grandir et devenir la pire espèce de zionazis, et la police elle-même le reconnaît. Six cents de leurs semblables ont fait de la vie des Palestiniens en enfer ; ils ont fait fermer les magasins, ils ont lancé des excréments et des pierres sur les terrasses des maisons, ils ont coupé les arbres, ils ont décapité les vignes à la tronçonneuse…
Aujourd’hui, je suis allée à Qawawis, un petit village d’une cinquantaine de bergers. Nous étions allés passer la journée avec eux, pour les protéger de colons qui les ont battus et qui ont empoisonné leurs moutons.
La nuit passée, huit colons ont tabassé un homme qui avait déjà été salement amoché, l’an dernier, et qui avait dû aller en Irak se faire opérer. Il a refusé de porter plainte, tant il a peur des colons, persuadé qu’il est qu’en dépit de la présence de trois internationaux, de deux observateurs de l’ONU et d’un militant israélien de l’association Ta’âyush [Coexistence, ndt], ils reviendront et le tueront.
Je suis crevée. J’ai trop chaud, je suis couverte de poussière. J’ai enfin pu prendre une douche, la première depuis trois jours…
J’ai des coups de soleil, et je me demande ce que je suis venue faire dans ce coin et si notre présence fait une quelconque p.tain de différence ? !
Israël est en train de perpétrer un génocide silencieux contre un peuple ignoré et méprisé.
Les Palestiniens nous regardent avec de grands yeux, et ils nous demandent pourquoi notre gouvernement ne voit pas ce qui est en train de se passer ?
Que dois-je leur dire ? Que la police et l’armée refusent de voir ce qui est en train de se passer ?
Le policier que j’ai vu, aujourd’hui, un juif irakien, m’a avoué qu’il savait parfaitement qu’il n’était qu’un citoyen de deuxième catégorie, dans une société profondément raciste.
"Mais, au moins, heureusement pour moi, je suis juif…" a-t-il précisé.
Que Dieu nous vienne en aide, Ã nous tous !
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