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Ramallah - 17 avril 2005
Par Kim
Finalement, nous nous sommes installés à l’intérieur pour une nuit de sommeil agitée ponctuée par les aboiements des chiens et en tournant et virant pendant que nous attendions le martèlement des soldats sur la porte.
Enfin, le jour s’est levé. Les soldats n'étaient pas revenus - au moins pour une nuit.
Cette attente affreuse des soldats qui viennent donner un coup de pied dans la porte en pleine nuit est un exemple du véritable terrorisme que vivent les gens de Bi'lin et les Palestiniens dans tous les territoires occupés.
Dans une de ces coïncidences étranges que j'ai appris à ne pas remettre en cause, je me suis retrouvée la nuit dernière allongée sur ma natte, à demi-endormie, en me souvenant de la scène d’un « Violoniste sur le toit » qui dépeint un mariage joyeux dans un village qui est interrompu par un pogrom cruel qui transforme une belle soirée en une fin terrible.
Nous venions de passer une soirée inoubliable à festoyer et à faire la fête avec des amis du village, des activistes israéliens, et beaucoup d'internationaux. Quelle fête sous le ciel palestinien clair et frais!
Des plats communs remplis de houmos, de chou rouge, des salades diverses, et du poulet grillé. Des rires, des histoires, des discussions sérieuses. Après le dîner, des effluves fumantes des narguilés et du café arabe. Un odeur de doux parfum de tabac circulait parmi les invités. Au cours de cette soirée, je me suis souvent dit : "C’est à ça que notre monde devrait ressembler. Voila l'espoir du futur."
Parmi les convives, il y avait Jonathan, le jeune activiste israélien qui a été sérieusement blessé il y a deux semaines quand une boîte métallique de gaz lacrymogène jetée par un soldat israélien l’a heurté à la tête, lui causant une hémoragie interne qui a entrainé son hospitilisation.
Après le dîner, les hommes du village qui organisaient la fête ont demandé le silence afin de présenter à Jonathan une récompense spéciale pour son travail de solidarité contre l’occupation et le mur.
L'inscription sur la récompense a été lue à haute voix en arabe, en hébreu, et en anglais.
C’est une nuit que je n’oublierai jamais. Vers environ 11h30, la soirée se terminait et les femmes présentes ont décidé que c’était la nuit
J'étais à moitié endormie et je pensais, comme je vous l’ai dit, à une scène d'un film oublié depuis longtemps, quand plusieurs hommes sont entrés dans la maison pour nous dire que l'armée était entrée dans le village et de nous habiller pour rejoindre les autres à l’extérieur.
Plus tôt dans la journée, le village avait tenu sa manifestation hebdomadaire du mercredi sur le site de construction du mur. L’objectif de la manifestation d’hier était le bulldozer Caterpillar utilisé ici pour construire des murs et abattre des maisons.
Le village avait décidé d'unir sa voix à celles du monde entier, en cette journée internationale de protestation contre la Société américaine Caterpillar qui se trouve être ici le symbole de l’occupation. La protestation d'hier fu assez calme.
Des pancartes disant : "Arrêtez Caterkillar," "Caterpillar est Catastrophique," et "La Paix signifie des Ponts, Pas des Murs" ainsi que beaucoup d'autres slogans ont été portées et des pierres sur le site ont été peintes aux couleurs du drapeau palestinien. Un des activistes israéliens a été arrêté, mais dans l’ensemble, la manifestation s’est bien déroulée.
Si j'ai appris une chose dans le petit village de Bi'lin, c’est que quand les Palestiniens protestent, ils payent inévitablement le prix. Excepté quelques pierres plutôt sans gravité et essentiellement symboliques jetées par les jeunes garçons du village, les manifestations ici sont nonviolentes et disciplinées.
C’est difficile pour moi d’affronter la main lourde et militarisée de l'armée israélienne contre les manifestants qui marchent pacifiquement.
J’ai pourtant rencontré des flics tyranniques et les dures stratégies de la police aux Etats-Unis lors des manifestations, mais je n'ai jamais eu affaire à quelque chose de tel.
Le message ici est clair : Si vous êtes un Palestinien qui osez faire entendre votre voix contre le vol de votre terre, de la destruction de votre maison, des vergers et de votre moyen d’existence et de l'attaque de vos droits en vertu du droit moral et international, vous - sans aucun doute – le paierez très cher.
Si vous osez fêter, festoyer, danser en face de cette occupation, vous serez remis à votre place.
La visite des soldats de la nuit dernière était seulement une affirmation du pouvoir - un rappel que quand la manifestation est finie et la partie terminée, l'armée utilise ici toujours la matraque.
Les soldats sont arrivés dans une maison du côté éloigné de la route rurale où nous étions. Prenant des lampes-torches et les téléphones portables, notre groupe substantiel de villageois, d’internationaux et des anarchistes israéliens avons descendu rapidement la route sombre pour nous confronter aux soldats qui étaient à l’extérieur de la maison.
Étonnés par notre nombre tout comme par notre réponse rapide, ils se sont retirés en colère dans leurs jeeps en quelques minutes, une victoire provisoire pour le village.
Craignant qu'ils reviennent plus tard, la famille a demandé à un petit groupe d'internationaux de passer la nuit dans la maison de la famille afin de contrecarrer toute agression potentielle et, peut-être, décourager même tous les soldats d'entrer.
Les soldats ne recherchaient pas à arrêter quelqu’un en particulier; leur mode de fonctionnement, comme la famille nous l’a expliqué plus tard, est de choisir une maison et d’y apparaître en plein milieu de la nuit pour terroriser les habitants seulement pour les punir d’être Palestiniens et de s’exprimer.
Dans d'autres cas, les soldats viennent la nuit pour arrêter les jeunes lanceurs de pierres repérés pendant les manifestations.
En conclusion, les cinq femmes du Michigan Peace Team et un cinéaste israélien ont offert de rester avec la famille.
La situation était indéniablement tendue quand nous nous sommes assis à l'extérieur jusque vers 2h du matin à boire du café et à parler avec la famille, une famille chaleureuse et affectueuse qui se compose de la mère, du père, et de dix enfants.
Notre cinéaste a profité de cette période de calme pour enregistrer l'histoire d'un des fils de la famille que nous avions rencontré plusieurs fois avant alors qu’il se déplaçait dans le village dans son fauteuil roulant et drapé khafiyeh.
R. était un étudiant en technologie de l'université quand il a reçu une balle à la poitrine par un soldat israélien à Ramallah le jour où Ariel Sharon est entré à Harim al-Sharif, l'action provocatrice qui est à l’origine du deuxième Intifada.
Quand R. nous a montré la cicatrice qui va du cou à l’estomac, l’empreinte creusée dans son dos par la balle et des photos prises sur les lieux où il a été pris pour mort, nous avons revu les effets de cette occupation terrible.
Finalement, nous nous sommes installés à l’intérieur pour une nuit de sommeil agitée ponctuée par les aboiements des chiens et en tournant et virant pendant que nous attendions le martèlement des soldats sur la porte.
Enfin, le jour s’est levé. Les soldats n'étaient pas revenus - au moins pour une nuit.
Cette attente affreuse des soldats qui viennent donner un coup de pied dans la porte en pleine nuit est un exemple du véritable terrorisme que vivent les gens de Bi'lin et les Palestiniens dans tous les territoires occupés.
Au matin, nous avons été invités dans le hangar à l’extérieur de la maison où du pain et des gâteaux arabes sont cuits au four en quelques minutes dans un four de pierre souterrain. Pendant un couple d’heures, nous avons siroté le thé et plongé ce pain délicieux dans l’huile d'olive produite à partir du verger de la famille qui sera, en grande partie, perdu pour le Mur. Avec le cinéaste israélien qui nous servait de traducteur, nous avons eu une bonne discussion sur la politique, la famille, et l'agriculture.
Les soldats ne sont pas revenus la nuit dernière, mais ils reviendront certainement pour harceler et intimider les personnes hospitalières de ce village qui veulent seulement qu’on les laisse en paix avec leurs propriétés intactes.
Des gens qui accueillent dans leurs maisons les internationaux, y compris les Américains qui payent cette occupation, et - oui - les Israéliens à bras ouverts.
Pendant que nous parlions avec la famille, nous pouvions entendre le ratata incessant des machines à proximité qui se préparent à dégager la route pour le mur.
En Paix,
Bi'lin
Population : environ 1,800 personnes
Principale source de revenu : agriculture
4,500 dunums de terre; le Mur s’appropriera 2,000 de ces dunums (43%)
En raison de la construction du Mur :
La décharge à ordures a dû être déplacé.
2 puits seront pris au village
La construction entrainera probablement la destruction du puits existant.
1 dunum = 1000 mètres carré
Source : www.palsolidarity.org
Traduction : MG pour ISM
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