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Naplouse - 28 janvier 2005
Par ISM
Hier, à Iskaka, en Palestine, 300 villageois ont marché pacifiquement contre la construction de ce que les autorités israéliennes appellent la "Barrière de Séparation" dans leur secteur.
Les fermiers et les habitants locaux ont marché sur trois kilomètres depuis le centre du village pour prier sur la terre agricole qui sera perdue si la barrière est achevée.
Des jeunes hommes armés seulement de haut-parleurs scandaient les slogans alors que la population accompagnée d'environ 30 internationaux les reprenaient.
A 300 mètres du site du mur, les soldats israéliens se sont déployés sur le flanc de colline face à la manifestation pour tenter de cerner et de contenir la manifestation. Alors que les villageois s’approchaient de cette ligne, l'armée a commencé à lancer des grenades assourdissantes sur la foule pour essayer de disperser le groupe.
Des commandants ont été approchés par des représentants du village et de la mosquée et il leur a été expliqué que (comme c’était vendredi) la population de la ville souhaitait prier.
En refusant aux fermiers d’accéder à leurs propres terres, les soldats ont provoqué quelques arguments qui ont tendu s’intensifier jusqu'à ce que les soldats recourent encore aux grenades assourdissantes pour disperser le groupe, obtenant des huées de dérision de la part des jeunes hommes.
L'armée a essayé d'assigner un secteur pour que les gens du village prient, en montrant un flanc de colline accidenté situé à une bonne distance du chantier de construction. Mais les soldats s’étaient dispersés tellement loin les uns des autres que la communication entre eux était devenue presque impossible et un soldat israélien, ignorant l'accord, a pris sur lui de tirer des balles recouvertes de caoutchouc sur les gens qui entraient dans le « secteur de prière désigné »..
Personne a été blessé mais beaucoup de villageois étaient en colère et des disputes plus graves ont suivi. Les grenades assourdissantes étaient maintenant moins efficaces sur la foule à moitié-sourde aussi un soldat, au milieu d'un groupe dense, a levé son M-16 et a tiré en l'air des balles réelles pour disperser ceux qui se trouvaient autour de lui.
Les villageois étaient encore décidés à atteindre le site de la barrière; si assez de personnes pouvaient s’approcher, et donc la construction s'arrêterait probablement pour la journée. Mais les soldats se déployaient encore sur le flanc de colline, cette fois en se tenant tous les mains pour empêcher que les gens passent.
Quand les villageois ont rencontré cette deuxième ligne, il y a eu encore des agressions éparses. La politique de l’armée israélienne semblait autoriser à frapper les Palestiniens avec des matraques, mais pas les internationaux. Cela a permis aux internationaux d’empêcher parfois la violence militaire en se positionnant entre les soldats israéliens et les civils palestiniens dès que les matraques étaient brandies. Un international avait été informé par un commandant que si une pierre était jetée, l'armée tirerait `sur la foule '.
D’autres protestaires palestiniens posés ont pris la peine de contenir et calmer ceux dont les émotions étaient trop fortes et qui auraient pu compromettre la sécurité du groupe.
Les villageois étaient bien au courant que dans d’autres régions, « tirer sur la foule » a été utilisé comme dissuasion pour des manifestations pacifiques ainsi que pour d'autres punitions collectives comme des arrestations massives et des couvre-feux après les manifestations. Toutes ces mesures sont illégales selon le droit international.
Une heure et demi après le départ, les gens sont arrivés au chantier de construction. Les deux pelleteuses Caterpillar (dont l’une était un D9) ont cessé leur travail alors que l'armée cernait le site pendant que les villageois choisissaient l’endroit où prier.
Des discours ont été donnés par de divers leaders de la communauté d'un côté de la manifestation tandis que de l’autre, des plus jeunes protestataires continuaient de se heurter avec l'armée israélienne, la police des frontières israélienne et avec les gardes privés de la sécurité du chantier (tou'armés de petites armes automatiques).
Quelques disputes ont éclaté et à un moment, d’autres coups de feu ont été tirés en l’air par l'armée mais par la suite tout le monde s’est rassemblé dans une zone pour entendre les derniers discours et pour se recueillir dans une prière silencieuse, sous la surveillance d’environ 60 soldats fortement armés.
Quand la prière a été terminée, les manifestants ont pris le chemin du village, cette fois en longeant le tracé du mur qui cotoie une voie d'accès à une colonie.
Le groupe était content parce qu’il avait atteint le site en dépit des efforts répétés de l'armée pour les empêcher et qu’il avait brièvement empêché les travaux de construction.
Alors que les villageois rentraient tout en discutant, quelques soldats suivaient la fin du cortège.
Les villageois ont eu tous le souffle coupé quand un garçon a pris cette accalmie comme une opportunité pour lancer une pierre vers un soldat solitaire. La pierre a attiré l’attention du soldat et il s’est immédiatement tourné vers nous en levant son M-16, en hésitant sur qui le pointer. Une moitié de la foule s’est immobilisée et l’autre moitié est partie en courant. Le soldat n'a pas tiré.
L’un de ceux qui était parti en courant, un garçon d’environ 11 ans s’est fait sévèrement réprimandé par une vieille dame, elle appuyait chaque remarque qu'elle lui faisait en donnant un coup à terre avec son bâton de marche.
Nous avons deviné que ce garçon était le lanceur de pierre.
Quelques minutes plus tard, un camion transportant des bouteilles de gaz inflammable à la colonie voisine avançait lentement en passant à côté de la manifestation qui se dispersait graduellement, puis le camion s’est arrêté. Le conducteur a baissé sa vitre, a sorti un pistolet et l’a pointé en direction des villageois. Le conducteur pouvait tirer à peu près une dizaine de balles avant que les soldats puissent l’atteindre et lui demander de la ranger. Le conducteur de camion a ignoré les soldats et le camion a poursuivi sa route jusqu’à la colonie.
Après cet incident, au lieu de poursuivre le conducteur du camion, la police des frontières israélienne a décidé qu'une escorte de 3 jeeps était nécessaire pour accompagner le dernier et le plus vocal des groupes de la manifestation - les femmes et les enfants en bas âge – jusqu’au village.
Après environ 100 mètres, les femmes se sont retournées et ont commencé à scander leurs objections d’être suivies.
Au début, la police des frontières a juste grimacé, klaxonné et a attendu. Après 10 minutes, les femmes tenaient toujours fermement le terrain et leurs chants agressifs ne montraient aucun signe de lassitude.
La police des frontières s’est arrêtée, a fait demi-tour et les jeeps sont reparties vers la colonie. Les femmes et les enfants ont effectué leur dernier kilomètre sans être gênés par une présence militaire.
Quand nous sommes arrivés au village, la police des frontières avait garé quelques jeeps vers le haut de la colline à portée de vue de la route principale du village. Quelques jeunes garçons, toujours pleins d’entrain ont jeté des roches et des pierres, mais aucun n’a pu en lancer assez loin pour être une menace. Il n'y avait aucune raison valable pour que la police se gare là sauf de la provocation.
Les mères et les habitants les plus responsables ont essayé de faire rentrer les enfants; conscients des répercussions si l’un des lanceurs de pierres avait un tir chanceux.
Mais les jeeps sont parties rapidement, les lanceurs de pierres sont allés faire un tour pour trouver de nouvelles cibles et tous les internationaux qui avaient soutenu la manifestation y compris les Anarchistes israéliens, les membres de l’International Women's Palestinian Society, les membres du Mouvement de Solidarité Internationale (ISM) et un certain nombre de protestaires indépendants ont été invités à festoyer avec la population d'Iskaka.
A titre personnel, l'hospitalité dont j’ai été témoin, non seulement ici à Iskaka mais partout en Cisjordanie a été modeste.
La barrière de séparation contre laquelle les gens ont manifesté prendra la formen dans plusieurs endroitsn d'une barrière électronique haute de 3 mètres, dans d'autres ce sera un solide mur en béton haut de 8 mètres, deux fois plus que le mur de Berlin.
Beaucoup de gens supposent que la barrière s’étirera le long de la frontière entre Israël et l'Autorité Palestinienne, mais ici à Iskaka par exemple, la barrière dévie de la frontière reconnue de près de 26 kilomètres.
La raison pour laquelle la barrière entre si profondément dans le territoire palestinien en cet endroit, c’est pour intégrer la colonie israélienne illégale d'Ariel.
Bien que située à sept kilomètres au sud de Naplouse, Ariel, d’une façon ou d’une autre doit se situer du côté israélien de la barrière de séparation.
Cela oblige la route du Mur à serpenter vers l'est, faire le tour de la colonie et puis faire une boucle et revenir graduellement vers la Ligne Verte, enclavant des milliers d’hectares de terre palestinienne dans l’opération.
La colonie d'Ariel a été établie en 1980 quand l’armée israélienne a installé une petite base à 22 kilomètres à l'intérieur des territoires palestiniens occupés, expropriant la terre des villages d'Iskaka, de Salfit, de Marda et de Kifl Harris.
Depuis, des civils israéliens, à qui le gouvernement a offert des avantages financiers comme des subventions et des exonérations fiscales, ont commencé à venir et à s’installer sur la base.
En 1988, il y avait 45.000 Israéliens qui vivaient dans la colonie fortifiée; maintenant on dit que la colonie peut loger 75.000 personnes faisant d’elle la plus grande colonie de Cisjordanie .
La Quatrième Convention de Genève (dont Israël est signataire) interdit à tout état occupant de transférer sa population à l’intérieur de tout territoire occupé.
Les colonies qu'Israël a établi dans les territoires occupés de Gaza et de la Cisjordanie et ses pratiques de saisies de terres palestiniennes sont complètement illégales selon le droit international.
Ce n’est pas une separation. C’est de l’annexion.
C’était contre cela que la population d’Iskaka protestait.
Voir la carte de la région
Source : www.palsolidarity.org
Traduction : RB pour ISM-France
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