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Europe -

Agrexco - Les Fraises de Gaza comme Cheval de Troie

Par

Israël tente de faire croire à la fin du blocus en utilisant cyniquement l’exportation des fraises de Gaza. Une bataille d’image ? Pas seulement ! Le véritable enjeu est de contourner le boycott des produits israéliens en Europe. Le label Produit de Palestine est le subterfuge choisi.
Face au développement de la campagne BDS en Europe et dans le monde, Israël riposte sur plusieurs fronts. Le premier, avec la complicité du gouvernement français, vise à criminaliser le mouvement BDS et applique la répression juridique à l’encontre des militants BDS. Mais le large courant de sympathie dans la population et le soutien de personnalités aux inculpés contraignent Israël à d’autres recours. Le déblocage de millions d’euro en vue de promouvoir par tous les moyens Israël dans les medias européens vient d’être acté.

C’est dans ce contexte que survient en France une opération anti-BDS de grande ampleur lancée par Israël via son entreprise d’Etat Agrexco Carmel. Quasi monopole dans l’exportation des fruits, légumes et fleurs dans le monde et surtout en Europe, cette entreprise est mieux connue en France depuis 19 mois. En effet un regroupement de 103 organisations, nommé Coalition contre Agrexco, a entrepris de la chasser de France et, avec les Coalitions contre Agrexco des autres pays, de la chasser d’Europe.

LES MESSAGES DE LA CAMPAGNE MEDIATIQUE : Israël desserre le blocus de Gaza ; Israël/Agrexco fait vivre les Palestiniens ; les boycotteurs sont contre les Palestiniens

L’opération a été lancée le lundi 6 décembre 2010 par l’agence française de communication Adocom, qui publie un communiqué de presse au nom d’Agrexco-Carmel intitulé « Agrexco-Carmel relance les exportations de produits agricoles depuis la bande de Gaza ». Le site duCRIFrelaie l’information le même jour sous le même intitulé.

Cette première salve de communiqués délivre un double message :

1- Le blocus de Gaza se desserre

- Israël chouchoute les Palestiniens de Gaza, qui collaborent avec Israël à leur plus grand profit : Le « partenariat » avec Gaza est ancien (30 ans) et se « poursuit en dehors de toute polémique politique ou religieuse ». « Nous attachons beaucoup d’importance à ce partenariat et, en janvier prochain, nous accueillerons un groupe de producteurs palestiniens et nous lui ferons visiter le marché de Rungis ». Par dessus tout, Agrexco ferait travailler « 900 paysans qui font vivre 10 000 personnes ». Et annonce l’exportation de 700 tonnes de fraises et 2 millions de tiges de fleurs cet hiver.

- Agrexco exporte des produits 100% palestiniens de Gaza :
Ainsi, « les Sweet Charly et les Tamar ont une touche de couleur et un parfum de soleil en provenance de Palestine ». Elles sont proposées en « contre saison ». Message sous jacent : elles ne concurrencent pas les productions locales.
Israël Valley, le site de la chambre de commerce France-Israël, celle-là même qui poursuit les militants BDS en justice, n’hésite pas à titrer : « Le blocus de Gaza se desserre : Agrexco commercialise des fraises et des fleurs de Gaza en Europe. Les exportations de la bande de Gaza vers d’autres pays étrangers deviennent entièrement libres » (sic).

Le 8 décembre, l’ambassade de France à Paris envoie un communiqué repris par l’AFP le jour même sous le titre : « Les amis des Palestiniens en France boycottent les travailleurs palestiniens de Gaza ». On est passé à l’étape suivante :

2 - Les opposants à Agrexco font obstacle à la paix. La cible est clairement désignée : « Des organisations proches des Palestiniens qui appellent au boycott du groupe privé israélien Agrexco/Carmel. » (Notons au passage le mensonge : Agrexco serait un groupe privé !). Pourtant, « la coopération entre les peuples israélien et palestinien est un moyen utile pour aboutir à la paix »… Le responsable du blog de l’ambassade d’Israël en France s’en donne à cœur joie : « Il y a quelques jours arrivait au port français de Sète un navire de production agricole affrété par la société israélienne Agrexco. Des agitateurs pro-palestiniens sont là, évidement, prêts à se révolter contre cette injustice terrible: BOYCOTTONS ! "Mais pourquoi voulez-vous nous boycotter ?", s'étonne Agrexco, "nous acheminons en France et en Europe les fraises des agriculteurs palestiniens de Gaza, et d'ailleurs nous le faisons depuis 30 ans déjà, elles sont savoureuses !" Et de conclure : « C’est ainsi qu’Israël défend la cause palestinienne. » (!) Dans la foulée, une douzaine de sites ouvertement sionistes ou proches des sionistes démultiplient ces messages avec plus ou moins de violence et de mensonges.

Le 8 décembre, l’AFP reprend un communiqué du bureau du Premier ministre, Benjamin Netanyahu : « Le cabinet de sécurité a décidé de prendre de nouvelles mesures qui vont permettre d’accroître les exportations de marchandises de la bande de Gaza », dans le but de « faciliter la vie à la population qui vit sous le régime de répression et de terreur imposé par le Hamas ».
Israël est l’ami des Palestiniens, il les protège du Hamas, Agrexco travaille pour la Paix, la Coalition contre Agrexco qui boycotte les produits palestiniens est contre les palestiniens.

LES OBJECTIFS ÉVIDENTS DE LA MANŒUVRE : Délégitimer la campagne contre Agrexco et faire exploser la Coalition contre Agrexco en neutralisant son action.

L’opération médiatique vise non seulement à délégitimer la campagne menée par « la Coalition contre Agrexco France », mais également à la miner de l’intérieur. Cette large mobilisation déterminée à chasser Agrexco de Sète et d’Europe représente un vrai danger pour Israël, faisons la exploser ! Comme le précise la Coalition dans un communiqué du 23 décembre : « Le message est grossier mais la manœuvre n’en est pas moins dangereuse. » Il ne faudrait plus refuser en bloc Agrexco mais seulement certains de ses produits ! Ceux portant le label Produit palestinien devraient être acceptés… Un distinguo piégé qui s’attaque à la revendication centrale de la Coalition et menace l’existence même de la Coalition.

Qu’Israël veuille se réhabiliter à travers Agrexco atteste du poids symbolique, économique et stratégique de cette entreprise pour Israël.
Que cette opération s’attaque à la Coalition contre Agrexco France atteste du danger que représente la Coalition pour Israël.
Que l’opération ait démarré en France atteste du rôle central du port de Sète dans la stratégie d’Agrexco.

Israël utilise Agrexco pour prétendre que le blocus de Gaza est allégé. Les exportations Agrexco de Gaza ne sont qu’un moyen mystificateur pour rendre plus acceptable le blocus aux yeux de l’opinion.

Il faut retourner cette tactique contre Israël et faire de la lutte contre Agrexco le fer de lance de la lutte contre le blocus de Gaza. En prenant Agrexco pour cible, l’escale à Sète du « Bateau français pour Gaza » permettrait de s’attaquer ici, en France, au blocus. De plus, le bateau reparti, le combat européen contre Agrexco/Israël se poursuivra renforcé.

LES BUTS CACHÉS DE L’OPÉRATION : Mettre en place une filière d’exportation sécurisée qui échappe au boycott

Le projet initial, préparé depuis 10 ans par Agrexco et engagé en 2008, vise à faire du port de Sète la porte d’entrée des produits Agrexco pour toute l’Europe (500 000 tonnes/an prévues). Mais ce projet se heurte aujourd’hui à la Coalition contre Agrexco et la campagne BDS. Le débarquement à Sète est massivement refusé et il ne suffit pas de débarquer des produits, encore faut-il qu’ils échappent au boycott.

D’où l’autre objectif de l’opération médiatique « Fraises de Gaza » : mettre en place une filière d’exportation moralement acceptable pour les consommateurs européens. L’enjeu principal est de pouvoir vendre les produits agricoles israéliens et ceux des colonies. Comment ? En estampillant Produit palestinien un maximum de produits israéliens.

La neutralisation de la Coalition contre Agrexco est indispensable au bon déroulement de ce plan. Il s’agit ensuite, avec l’appui des médias, de convaincre l’opinion qu’Agrexco fait une bonne action en exportant les produits palestiniens et que c’est une bonne action d’acheter les produits sous label Produit palestinien. Les communicants n’auront aucune difficulté à fabriquer de toute pièce l’image d’une filière moralement acceptable pour le public européen.
Une fois en place, avec des produits palestiniens de Gaza ou de Cisjordanie , cette filière dès lors « sécurisée » pourrait s’étendre à des produits des colonies et d’Israël. Les dattes des colonies sous label israélien sont boycottées ? Il suffira de les exporter sous label Produit palestinien… Qui nous dit qu’à Hashdot ou Haïfa, d’où partent les bateaux d’Agrexco, n’arriveront pas d’autres produits israéliens déjà emballés sous étiquette palestinienne prêts à l’exportation ?

Pure fiction ? Les constantes violations du droit, des accords et des règlements commerciaux par Israël devraient nous rendre plus vigilants !

Lors des 153e et 157e missions CCIPPP « Spécial Agrexco » (juillet et novembre 2009) nous avons rencontré les principales organisations paysannes (PARC, PFU, UAWC). Tous les représentants rencontrés, à Ramallah et dans la vallée du Jourdain nous ont dit qu’Israël exportait depuis peu ses propres produits sous le label Produit palestinien. Nous venions chercher des preuves qu’Agrexco exportait des produits des colonies sous label Produit israélien et ils nous disaient « Bien sûr, ça c’est évident, mais en plus Agrexco exporte aujourd’hui des produits israéliens sous label palestinien, particulièrement dans les pays anglo-saxons où le boycott est puissant. »

Les deux missions ont visité longuement, dans la vallée du Jourdain, l’entreprise palestinienne Sinokrot. Créée par un ancien membre du gouvernement de l’Autorité Palestinienne qui lui a donné son nom, cette entreprise est fortement subventionnée par l’USAID américaine. C’est la seule entreprise palestinienne autorisée à exporter des produits palestiniens vers les pays arabes via la Jordanie. Nous avons vu chez Sinokrot des emballages estampillés Produit palestinien et Produit israélien. Des responsables nous ont appris que, bien sûr, les produits des colonies et de Palestine partaient sous label Produit israélien, mais que depuis peu, des produits israéliens (des colonies et hors colonies !) partaient sous le label Produit palestinien vers l’Europe.

Bien loin d’être une fiction, le détournement du label Produit palestinien pour des produits israéliens est déjà réalisé. En annonçant l’exportation massive de produits Produit palestinien, l’opération Fraises de Gaza ne vise qu’à préparer les consommateurs à acheter ces nouveaux produits… qui seront israéliens. Double gain pour Israël : le blocus de Gaza paraît allégé et le boycott européen est contourné ! Les « Fraises de gaza » comme cheval de Troie…

4 – UNE RIPOSTE PALESTINIENNE CATÉGORIQUE ET SANS APPEL : Boycott total d’Agrexco

La réponse sans ambiguïté des Palestiniens fait tourner au fiasco la manœuvre ! Non seulement ils démentent les allégations israéliennes qui faisaient d’Agrexco le sauveur des paysans palestiniens mais ils appellent au boycott total d’Agrexco !

« Toute affirmation selon laquelle les opérations d’Agrexco bénéficient aux paysans Palestiniens n’est rien d’autre qu’une feuille de vigne pour couvrir une complicité avec les violations du droit international et des droits du peuple palestinien par Israël. La levée du blocus de Gaza et la fin de l’occupation, de la colonisation et de l’apartheid israéliens sont la solution la plus garantie et la plus durable pour permettre à nos agriculteurs de produire et d’exporter librement, sans être contraints à se confier à des compagnies complices de leur oppression et de leur dépossession. Nous appelons plutôt à intensifier la pression contre Agrexco par un boycott complet et systématique de tous les produits et services d’Agrexco. (…)

(…) De plus, un boycott total de Carmel-Agrexco a été approuvé par la totalité des syndicats et comités agricoles et de fermiers Palestiniens. Quoique bien conscients du prix que nos agriculteurs pourraient payer du fait d’un boycott complet de Carmel Agrexco, nous considérons le BDS comme le moyen de solidarité le plus efficace pour provoquer la fin des différentes formes d’oppression par Israël qui empêchent nos agriculteurs et le peuple tout entier de jouir de la liberté et des droits de l’homme."

(Lire le communiqué du BNC en entier : www.protection-palestine.org).

Dans ce contexte, la Coalition contre Agrexco déclare dans un communiqué : « Conformément à l’Appel initial de la Coalition contre Agrexco et forte du soutien renouvelé du BNC (Comité National Palestinien pour le Boycott, Désinvestissement et Sanctions) en date du 22 décembre 2010, la Coalition contre Agrexco réaffirme son refus total de l’implantation de l’entreprise d’état israélienne Agrexco/Carmel/Coral à Sète et ailleurs. »

Il appartient aux campagnes BDS en France, en Europe et à l’ensemble du mouvement de solidarité de s’emparer du mot d’ordre du BNC palestinien de boycott total d’Agrexco et de le mettre en œuvre partout, en lien avec les contextes locaux.

José Luis Moraguès
CCIPPP - 26/12/2010


Sur le même sujet, lire "Faire du beurre avec des fraises", par Nicolas Duntze, ISM-France, 25.12.2010.

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