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Palestine - 22 août 2008
Par Khaled Amayreh
Tout d'abord, je voudrais souligner que j'écris cet article au risque d'être arrêté pour "incitation" et "atteinte" à l'image de l'Autorité Palestinienne. Cependant, la cause de la liberté de la presse en Palestine Occupée est trop primordiale pour se voir compromise par des craintes sur sa propre sécurité.
Les journalistes et les citoyens libres d'esprit ne doivent pas se laisser intimider par un appareil de police d'Etat qui se considère comme le régent de Dieu sur terre.
Au cours des semaines et mois récents, le régime de Ramallah, soutenu par les Américains et approuvé par Israël, a systématiquement violé les droits de l'homme et les libertés civiles du peuple palestinien, comme cela ne s'était jamais vu depuis le début de l'occupation israélienne de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza en 1967, en violation absolue de la règle de la loi et essentiellement pour consolider la domination du Fatah dans la région.
En bref, il semble que l'Autorité Palestinienne, et non le Hamas, soit en train d'installer un régime impitoyable qui réprime toute forme de désaccord par la force brute.
Il n'y a pas que la liberté de la presse qui souffre, sous ce régime diffuseur de crainte imposé aux masses palestiniennes en Cisjordanie , grâce à la brutalité des américains, des israéliens et des européens. L'Autorité Palestinienne a arrêté des gens, bouclé ou pris le contrôle d'institutions universitaires, sanitaires et caritatives depuis le contre coup d'Etat du Hamas à Gaza il y a plus de 14 mois.
Cependant, la liberté de la presse sert toujours de baromètre exact reflétant le statut des droits de l'homme et des libertés civils dans un pays donné.
Aujourd'hui, en Cisjordanie , la liberté de la presse est sous attaque de l'Autorité Palestinienne. Au cours de ces dernières semaines, des agences palestiniennes de sécurité ont accéléré leurs efforts pour museler la liberté de la presse et intimidé les journalistes non alignés qui critiquent l'AP, ou expriment des points de vue jugés antithétiques aux politiques de l'AP et à ses objectifs politiques.
Beaucoup de journalistes, en particulier des cameramen, ont été battus et blessés par les hommes de sécurité, et aucune mesure réelle n'est prise pour empêcher la récurrence de ce phénomène inquiétant.
Les responsables de l'AP ont volontiers fait des déclarations dénonçant les agressions contre les journalistes. Cependant, ces agressions se poursuivent sans répit, avec même une férocité accrue, ce qui suggère que la direction de l'AP a soit perdu le contrôle des agences de sécurité, soit qu'elle n'est pas vraiment sincère lorsqu'elle prétend vouloir protéger les journalistes des matraques de ses policiers.
Il y a deux semaines, la Force Préventive de Sécurité de l'Autorité Palestinienne a arrêté Awadh Rajoub, dans son bureau à Dura, dans la région d'Hébron. Rajoub travaille pour le service arabe de al-Jazeera.net et écrit des reportages pour plusieurs publications arabes dans les territoires occupés et à l'étranger.
Selon ses proches, Rajoub a été accusé de propager "l'incitation contre l'Autorité Palestinienne" et "de mettre en danger l'unité nationale", une référence tacite aux critiques du régime basé à Ramallah, en particulier son renforcement des mesures répressives sur la société civile.
Rajoub, 30 ans, a été durement interrogé sur son travail et menacé d'être traduit devant un tribunal militaire. L'AP n'est pas un Etat, elle n'est même pas un semi Etat ni un Etat en devenir puisqu'elle n'a ni autorité ni souveraineté propres.
Evidemment, si ce genre de traitement de ses propres citoyens par l'AP est un signe avant-coureur de l'avenir, je suis sûr que les Palestiniens, ou la plupart d'entre eux, préfèreront rester sous l'infâme occupation israélienne jusqu'à ce qu'une perspective de liberté réelle et de libération véritable soit en vue.
Mustafa Sabri, un journaliste de Qalqilya, au nord de la Cisjordanie , a croupi lui aussi dans les geôles de l'AP pendant plusieurs semaines à cause de ses écrits, jugés "non alignés" sur "l'intérêt national".
Sabri est lui aussi accusé d'écrire "des articles tendancieux" qui peuvent saper l'image publique du régime palestinien. Cependant, on croit largement que son orientation politique est la véritable raison de son arrestation et de son incarcération continue. La semaine dernière, Sabri a été transféré aux "renseignements militaires" où des accusations concoctées ont été lancées contre lui, dont "attaque d'un officier de police".
Son avocat a dit à l'auteur de ces lignes que "il n'y a aucune base légale qui justifie que mon client reste derrière les barreaux ; son arrestation est en violation de toutes les lois palestiniennes."
Il ne fait aucun doute que l'arrestation de journalistes constitue une atteinte flagrante à la liberté de la presse, et une violation évidente des lois de la presse palestinienne.
La loi palestinienne sur la presse établit que "aucun service de sécurité n'a le droit de questionner, interroger ou détenir un journaliste palestinien pour des motifs en rapport avec son travail."
En conséquence, il est clair que l'AP viole ses propres lois relatives à la liberté de la presse.
L'Autorité Palestinienne peut penser qu'arrêter et harceler les journalistes les obligera à exercer une "autocensure". Cela peut être vrai en partie, surtout avec de jeunes journalistes luttant pour se construire une carrière professionnelle.
Cependant, à long terme, cette pratique stupide va à l'encontre du but recherché puisque cacher la vérité aux citoyens et plus largement au monde est une tâche impossible à l'ère d'Internet.
C'est donc seulement des régimes fragiles et vulnérables qui adoptent une attitude hostile à la liberté de la presse.
De plus, les agences de sécurité de l'AP ont dernièrement commencé à interférer dans les politiques éditoriales de quelques agences de presse locales dans le but de s'assurer qu'elles ne dévieraient pas de "la ligne officielle".
Malheureusement, certaines d'entre elles ont de fait succombé à cette intimidation.
Il y a quelques jours, l'auteur de ces lignes a cherché en vain à poster un article en arabe sur le site web d'une agence de presse financée par l'Europe. Cet article mettait en lumière le sort de milliers d'enseignants palestiniens qui n'ont reçu aucun salaire régulier depuis presque deux ans, pour des raisons de suspicions sur leur loyauté envers le régime de l'AP.
Certains de ces professeurs, qui enseignent "l'éducation nationaliste" dans des classes le matin, sont obligés de travailler dans des colonies juives en Cisjordanie l'après-midi pour arriver à joindre les deux bouts.
Malheureusement, le rédacteur en chef de cette agence de presse, qui a à l'étranger la réputation d'être un organe d'information indépendant, a refusé de poster l'article, sans aucune explication.
Les services de sécurité de l'AP essaient même de réprimer les pensées et les idées du peuple.
Cette semaine, les responsables de la sécurité palestinienne ont convoqué pour interrogatoire un ancien journaliste du sud de la Cisjordanie , au sujet d'un article Internet écrit par un cousin éloigné.
Cet homme a déclaré à "l'officier" enquêteur qu'il n'avait rien à voir avec l'article, et qu'il avait arrêté d'écrire depuis longtemps.
Cependant, l'officier condescendant a dit à l'homme qu'il savait qu'il n'avait pas écrit l'article lui-même, et qu'il soupçonnait seulement que les idées contenus dans l'article correspondaient aux siennes !!!
Il y a ceux qui citent les violations de la liberté de la presse par le gouvernement Hamas dans la Bande de Gaza pour justifier, ou du moins atténuer la gravité de ce qui est en train de se passer en Cisjordanie . Toutefois, il est hautement évident que ce qui se passe à Gaza ne peut être comparé, en termes de proportion et de gravité, à ce qui se passe en Cisjordanie .
En tant que journaliste indépendant et à la libre pensée, qui a résisté et continue de résister à la répression et au harcèlement israéliens, je dénonce, sans aucune hésitation et dans les termes les plus forts, toute violation de la liberté de la presse, quelles que soient l'identité politique ou l'affiliation idéologique de la victime et du bourreau.
Un peu plus tôt cette semaine, j'ai pris contact avec mon ami Saleh al-Naami, journaliste aux références impeccables, et je lui ai demandé si des journalistes affiliés au Fatah étaient détenus par les autorités de Gaza.
Voici ce que al-Naami m'a répondu :
"Je n'ai connaissance d'aucun journaliste qui ait été arrêté à Gaza. Un journaliste qui travaillait pour une chaîne de télévision allemande a été détenu récemment pendant quelques jours, en lien avec la violence qui a frappé la plage de Gaza en juin, mais il a été libéré."
Dans tous les cas, il est absolument urgent que tant l'Autorité Palestinienne à Ramallah que le gouvernement Hamas à Gaza mettent immédiatement fin à toutes formes de violations de la liberté de la presse. C'est la seule chose à faire ; la Palestine est trop fatiguée, trop épuisée pour être entraînée dans de nouvelles luttes intestines qui ne feraient que nous affaiblir et nous épuiser davantage.
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Khaled Amayreh
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