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Gaza - 18 octobre 2006
Par Ran HaCohen
Alors qu’il s’enfuyait de l’Autriche nazie à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, on a demandé à Sigmund Freud de signer un papier disant qu’il n’avait pas été maltraité.
On raconte que le vieux psychiatre juif a demandé s’il pouvait ajouter : "Je recommande chaudement la Gestapo à tout le monde".
Photo Yediot Achronot.: l'armée israélienne prendrait grand soin des Palestiniens dans son centre de détention 4 étoiles à Gaza
Depuis la capture d’un soldat israélien le 25 juin, Gaza, la plus grande prison à ciel ouvert au monde, a été soumise à des attaques israéliennes meurtrières continuelles, plusieurs Palestiniens ont été tués chaque jour, et beaucoup d’autres ont été blessés.
Pendant que le Liban était écrasé sous des millions de bombes israéliennes, personne ne s’est soucié de Gaza. Après la défaite israélienne au Liban, l’armée, frustrée, peut maintenant prendre sa revanche sur les habitants de Gaza impuissants avec une énergie destructrice renouvelée.
Gaza est sous siège total, avec un taux de pauvreté de 75%, sans électricité dans la chaleur torride de la fin de l’été, à l’abandon, sans soins médicaux.
Mais même dans ces jours les plus sombres, il y a un rayon de lumière. Il y a quelqu’un qui s’inquiète vraiment pour la population de Gaza, quelqu’un pour qui ils sont des êtres humains qui méritent nourriture, refuge, liberté et dignité.
Devinez qui ? Mère Teresa ? Pas tout à fait.
La réponse est : l’armée israélienne.
Du moins si vous posez la question au portail de loin le plus populaire d’Israël, YNET, le site web du quotidien le plus vendu en Israël, Yediot Ahronot.
“Les Forces de Défense Israéliennes (Israël Defense Force, IDF) ont ouvert un centre de détention près de Gaza : les Palestiniens sont détenus dans un centre spécial temporaire construit près de Gaza parce l’IDF entreprend des vagues d’arrestations."
« Les Forces de Défense israéliennes ont ouvert un centre de détention temporaire près de la frontière avec la Bande de Gaza, où des douzaines de Palestiniens arrêtés par les troupes opérant dans la minuscule bande côtière sont interrogés tous les jours. »
Jusque là, ça va. Ou ça ne va pas si bien. On se demande ce qui va venir ensuite : une série de questions critiques ? Un commentaire bref sur l’illégalité de la procédure ?
Après tout, la loi internationale interdit explicitement l’enlèvement de personnes hors des frontières d’un territoire occupé, ce qui fait que tous les Israéliens impliqués dans ce "centre de détention" peuvent être accusés de crimes de guerre.
Ou bien, si la loi internationale ne compte pas, qu’en est-il de la loi israélienne ? Selon quel article ces gens sont-ils arrêtés, alors qu’ils vivent dans une zone dont Israël proclame s’être retiré ?
Peut-être une rapide comparaison entre le nombre d’Israéliens enlevés par les Palestiniens (soldats : 1 ; civils : 0 ; enfants : 0) et le nombre énorme de Palestiniens enlevés par Israël ? Pas tout à fait. Voyons au moins qui sont les personnes arrêtées, que sont leurs histoires ?
Bon, continuons à lire.
« L’armée dit que les soldats ont reçu comme instruction de traiter les détenus de manière humaine et elle souligne que la plupart des hommes sont relâchés après leur interrogatoire. On leur donne un colis de nourriture, du sucre, de l’huile et de la farine. »
« Nous pouvons être fiers de la façon dont l’IDF traite les Palestiniens », disent les réservistes travaillant dans le centre. (…) ».
« Depuis hier, les détenus arrivent à flots », dit un soldat à Ynet. “Dans l’après-midi, de nombreux Palestiniens sont arrivés, âgés de 15 à 45 ans. Nous faisons notre possible pour qu’ils se sentent bien, nous mettons des tables, des bancs, et nous installons même des tentes pour qu’ils ne restent pas au soleil ».
« Les soldats disent que les arrêtés ne semblaient pas effrayés, et ils ont vu certains d'entre eux rire. La plupart des Palestiniens qui sont arrivés au centre jeudi n’étaient ni menottés et n’avaient pas les yeux bandés. »
"On amenait chacun dans une tente pour l’interrogatoire. Ceux qui avaient des liens avec des groupes terroristes étaient amenés en bus dans un autre endroit et les autres étaient relâchés en quelques heures", dit le soldat.
"Nous avons reçu l’ordre de leur servir des repas chauds et la brigade a dressé une table avec du pain et du chocolat, et on leur a donné des boissons", disent les réservistes.
"Nous avons ressenti une grande fierté de traiter les Palestiniens avec respect, même ceux qui étaient soupçonnés d’activités terroristes."
Maintenant, nous savons tout.
"Centre de Détention" doit être une diffamation de la droite, ou antisémite. Ce que l’armée a installé juste à la sortie de Gaza est en fait un hôtel de luxe avec pension complète.
Les soldats travaillent au service d’étage et offrent aux Palestiniens un peu de soulagement après leurs terribles conditions de vie à Gaza : de l’eau, de l’ombre, de la nourriture, du chocolat, des repas chauds, et même un bon éclat de rire.
Il n’y a pas que les adultes qui profitent des services de l’hôtel : même les enfants peuvent être surpris par les soldats israéliens miséricordieux qui les enlèvent de leurs lits misérables au milieu de la nuit, les emmènent dans des tanks et des véhicules blindés (des bus avec air conditionné seront bientôt disponibles, excusez-nous pour le désagrément) vers cet oasis géré par l’armée, leur demandent comment ils se sentent ("interrogatoire"), les gâtent avec les excellents services de l’hôtel, et puis les relâchent, munis d’un sac plein de bonnes choses.
Les soldats disent aussi que la plupart des Palestiniens n’avaient pas les yeux bandés et n'étaient pas menottés. Ce qui n’est pas du tout confirmé par les trois photos illustrant le rapport sur lesquelles, parmi la douzaine de Palestiniens photographiés, on en voit clairement 12 les yeux bandés (et plus que probablement menottés aussi).
Ceci, cependant, est tout à fait compréhensible : si la localisation précise de l’hôtel de luxe de l’IDF était divulguée, des centaines de Palestiniens affamés voudraient s’inscrire, au moins pour la nuit et le petit déjeuner gratuits. Bien entendu, on peut chaudement recommander ce centre de détention à tout le monde.
Les médias comme miyen de propagande
Le rapport du YNET est un exemple tout à fait typique de la couverture des grands médias israéliens sur les atrocités et les crimes de guerre de l’occupation.
L’information dans sa presque totalité est libre et accessible au public. Chaque Israélien peut maintenant savoir qu’Israël a ouvert un camp de concentration près de Gaza soit disant libérée, avec un grand nombre de Palestiniens, y compris des enfants, enlevés de la Bande et détenus pour des durées inconnues, quelques-uns relâchés, quelques-uns déplacés pour d’autres "traitements".
Mais ce morceau d’information – auquel l’article consacre environ 50 mots – est noyé dans plus de 200 mots de pure propagande, comme sous les dictatures les plus sombres, qui encadrent les informations d’une manière sûre et réduit au silence, par avance, toute question ou pensée critiques. L’impression que reçoit le lecteur, c’est qu’il y a là-bas un camp où les Palestiniens reçoivent un traitement plus que correct.
La propagande ne cite qu’un seul côté : l’armée, les soldats, c’est-à-dire les bourreaux. Pas une seule victime n’est interviewée : nous ne savons pas dans quelles circonstances ils ont été kidnappés, nous ne savons pas si les soldats disent un seul mot de vrai, nous ne savons pas de quel prix les détenus paient leur libération (collaboration, comme d’habitude ?). Même le fait que des enfants soient kidnappés ne soulève aucune question de la part du « journaliste » ou des éditeurs de la « presse libre ».
Et, pour être sur le côté sûr, cette pure propagande exclut l’inévitable comparaison entre Israël – le pouvoir régional qui étrangle Gaza, tue et blesse ses habitants, hommes, femmes, enfants, avec des armes conventionnelles et expérimentales sataniques et les emmènent arbitrairement dans ses camps – et le coté palestinien, qui enlève un soldat israélien et harcèle les civils israéliens qui vivent autour de Gaza avec des missiles artisanaux. Voici à quoi ressemble cette fausse comparaison entre les victimes et les bourreaux :
« Il est triste que de leur côté, le respect de la vie humaine ne soit pas le même que du nôtre, car ils utilisent des enfants comme boucliers humains et une population innocente est sous menace constante à cause des groupes terroristes. »
On ne nous donne pas une seule preuve, mais pourquoi en attendre, lorsqu’il s’agit de propagande ?
Controverse
Parmi les réactions des lecteurs toutefois, on peut voir la démocratie israélienne en action. La démocratie encourage les controverses, comme nous savons tous. Ce rapport a également soulevé un débat brûlant. Alors que beaucoup de lecteurs étaient fiers de la conduite humaine de l’armée, encore plus de lecteurs étaient en désaccord, très critiques sur la conduite de l’armée.
Hautement critiques est faible. « Pourquoi les arrêter ? Tuez-les ! », suggérèrent quelques lecteurs. « Pourquoi leur donner du chocolat ? Torturez-les pour trouver notre soldat kidnappé ! », recommandait un autre. « Nous payons notre moralité de nos vies ; les terroristes sont des déchets humains ! », prêchait un autre lecteur israélien.
Sur 120 réactions, moins de 5% s’interrogeaient sur la validité de ce rapport de propagande bon marché.
Ainsi soit le coup a parfaitement marché, soit les administrateurs du forum du site web ont terminé le boulot par une sélection adéquate.
Source : Antiwar
Traduction : MR pour ISM
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