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Grande Bretagne - 8 décembre 2008
Par Gilad Atzmon
Bien que je passe en revue quotidiennement la presse israélienne et l’activisme juif, je dois reconnaître qu’en presque à chaque fois, je tombe sur une info inédite et rafraîchissante concernant mes ex-coreligionnaires.
Ne voilà-t-il pas qu’hier, j’ai appris l’existence d’une association, l’IAJLJ, International Association of Jewish Lawyers and Jurists (Association internationale des avocats et des juristes juifs).
Le fait qu’une association porte ce nom ne m’a absolument pas surpris. Depuis le temps, je suis habitué à ce concept des organisations et des associations « les juifs, avant tout ». Finalement, cela ne devrait pas nous surprendre en quoi que ce soit.
Israël, comme nous le savons, est l’Etat des «seuls juifs». De plus, les rares opposants israéliens à se faire entendre à l’intérieur du monde juif ont tendance, pour quelque raison, à opérer eux-mêmes de la même manière racialement orientée et politiquement exclusiviste juive, il suffit de voir les intitulés des associations du type «Juifs pour la Paix », «Juifs pour la Justice en Palestine», «Voix Indépendante Juive», etc, etc.
Apparemment, les juifs contemporains sont extrêmement nombreux à insister sur le maintien d’une forme de ségrégation qui leur permette d’opérer idéologiquement, intellectuellement et spirituellement, à l’intérieur d’un circuit racialement clos ou ethniquement orienté.
J’aurais tendance à être d’accord avec l’idée que, dans le cadre du discours démocratique progressiste, c’est là quelque chose que nous devons accepter, et même approuver. L’ethos du multiculturalisme maintient que des gens appartenant à divers groupes ethniques sont les bienvenus lorsqu’ils désirent célébrer leurs symptômes politiquement, idéologiquement et spirituellement dans un isolement total des autres.
Pour autant, autant nous pouvons approuver n’importe quelle forme de ségrégation ethnique, spirituelle ou religieuse, certaines des organisations essentiellement juives ont la prétention de maintenir un «agenda universel», tout en luttant pour «les droits de l’homme». Une question, évidente, doit être posée ici : si l’universalisme est bien ce qu’ils affirment mordicus pratiquer ou promouvoir, pourquoi donc le font-ils en cercle fermé ? Pourquoi le pratiquent-ils au sein de cellules racialement orientées ? Si l’humanisme est effectivement ce qu’ils recherchent, pourquoi ne se joignent-ils pas, tout simplement, au reste de l’humanité, afin de le faire ?
Il semble que le cas de l’IAJLJ nous permette d’avoir un aperçu nouveau sur l’idéologie tribale et sur les manœuvres politiques juives. Voici [Here] ce que cette association dit, à son propre sujet : «L’Association Internationale des Avocats et Juristes Juifs s’efforce de promouvoir les droits humains où que ce soit, y compris la prévention de crimes de guerre, le châtiment de criminels de guerre, l’interdiction des armes de destruction massive et une coopération internationale fondée sur l’état de droit et sur la mise en application honnête et équitable des traités et des conventions internationaux.»
Force est bien de reconnaître que cela aurait pu aboutir à une initiative juive particulièrement bienvenue. Lorsqu’on a, présents à l’esprit, le blocus dévastateur contre Gaza et la condamnation à la famine de millions de Palestiniens, des experts juristes juifs s’«efforçant de promouvoir les droits de l’homme, y compris la prévention de crimes de guerre», c’est exactement ce dont nous avons besoin. Il est essentiel d’avoir des humanistes éthiquement orientés, qui sont prêts à s’élever contre la violation de la Quatrième Convention de Genève par Israël, en matière de protection de la population civile.
Mais cette association ne s’en tient pas là : elle va plus loin, recherchant «le châtiment de criminels de guerre et l’interdiction des armes de destruction massive».
«C’est rien moins qu’idéal», je me pense en moi-même, tout ce dont nous avons réellement besoin, afin de traîner devant un tribunal les criminels de guerre Shimon Peres, Ariel Sharon, Ehud Barak, Shaul Mofaz,Dan Halutz, et bien d’autres encore, c’est de juifs soucieux d’éthique.
Comme si cela ne suffisait pas, considérant le refus de l’Etat juif de signer le Traité de Non-prolifération Nucléaire, on pourrait affirmer que l’Association Internationale des Avocats et des Juristes Juifs a énormément de ménage à faire, chez elle.
Vous savez quoi ? Je vais vous dire un truc : rien de tout cela n’arrivera jamais. Nos «avocats et juristes juifs internationaux» ne sont pas réellement intéressés à la «poursuite» des «droits humains» universels, comme un lecteur inattentif pourrait l’imaginer. Ils sont, de fait, bien plus intéressés à rechercher un type particulier de droits, appartenant à une espèce particulière et unique, d’être humain. Voici [Here] ce que dit l’Association des Avocats et juristes juifs, au sujet de leur engagement on ne peut davantage spécifique :
«L’Association est spécialement engagée sur des questions figurant à l’agenda des juifs, et elle œuvre à lutter contre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme, le négationnisme de l’Holocauste et la négation de l’Etat d’Israël.»
Manifestement, il n’est nul besoin d’être un génie pour relever les failles inhérentes au paragraphe qui précède.
1 – Si l’IAJLJ est « engagée » dans des questions qui figurent à l’ « agenda du peuple juif », cela peut tout aussi bien impliquer que des questions qui concernent le peuple juif diffèrent de questions concernant les gens, de manière générale. Autrement dit, nos éminents universitaires juristes internationaux ont trouvé le moyen d’approuver le statut juridique unique qui est celui du peuple juif parmi toutes les autres nations. Et comme si cela ne suffisait encore pas, les experts juristes juifs admettent, par légèreté ou tout-à-fait consciemment, qu’ils sont engagés dans les combats du peuple juif, plutôt que dans des luttes qui concernent l’humanité, de manière générale.
2 – Il est également très intéressant d’apprendre, de la part de l’IAJLJ, que le « peuple juif » a un « agenda ». Il serait génial d’apprendre aussi ce qu’est cet agenda, et où il est décidé et mis en forme ? Est-ce à la Knesset, est-ce au sein du Cabinet ministériel israélien, ou bien alors, peut-être, est-ce dans un des établissements financiers de Wall Street ?
3 – Si les juristes de l’IAJLJ sont bien, de fait, engagés dans la lutte contre le ‘racisme’ et la ‘xénophobie’, comme ils l’affirment, comment se fait-il qu’eux-mêmes dirigent une association racialement orientée ? Juste pour savoir : un avocat palestinien installé à Londres peut-il adhérer à leur association internationale juive ? Et supposons qu’une telle adhésion soit possible, pourquoi un juriste Gentil intègrerait-il une association essentiellement intéressées à des questions ayant trait aux juifs et à leur soi-disant « agenda » ?
4 – Non seulement l’IAJLJ lutte contre ceux qui nient le droit à l’existence d’Israël, apparemment, cette association s’est « juré de combattre toute négation d’Israël ». Autrement dit, nos juristes juifs suprêmement internationaux doivent réellement penser que l’Etat juif est au-dessus de toute critique. Ils sont manifestement déterminés à lutter contre ceux qui le combattent
Je dois reconnaître que c’est là une des manifestations les plus crues du sionisme militant que je n’aie jamais rencontrée.
C’est une forme d’intimation du silence politique qui coexiste, dans une contradiction absolue, avec les valeurs prônées par la pensée progressiste occidentale.
Je dois admettre qu’il est légèrement amusant de découvrir qu’une équipe d’éminents juristes internationaux juifs ont trouvé le moyen de rédiger un document aussi mal fagoté, qui ne peut être interprété autrement que comme une forme sévère d’intolérance, prête à verser dans l’extrémisme.
Toutefois, la question que nous devons nous poser est de savoir si des gens qui sont membres ou qui sont liés à une association aussi ouvertement raciste peuvent appartenir au système judiciaire occidental ?
Quelqu’un qui est membre d’une association telle celle-là peut-il un jour être juge, dans l’un quelconque des pays occidentaux ?
Apparemment, la réponse est : oui ! Comme je l’apprends grâce au Herald Tribune [The Herald], la première magistrate de l’Ecosse, Lady Cosgrove a été récemment innocentée d’allégations de parti-pris découlant de son appartenance, précisément, à l’association internationale de juristes juifs qui nous occupe.
Cela se passait en 2004 ; Lady Cosgrove était la juge de cassation qui confirma la décision du Scottish Home Department (ministère de l’Intérieur écossais) de refuser à Mme Fatima Helu le statut de réfugiés politique au Royaume-Uni. Mme Fatima Helu est une Palestinienne qui a survécu aux massacres de Sabra et Chatila, au Liban, en 1982.
Apparemment, Mme Helu faisait partie du groupe qui tenta, en 2002, de faire mettre en examen l’ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon par la Cour Internationale de La Haye, en raison de son implication probable dans le massacre.
Apparemment, on peut à bon droit arguer du fait que Lady Cosgrove, en raison de son association avec cette fameuse association juive, s’était jurée de «combattre» Mme Fatima Helu, une dame Palestinienne qui, ouvertement, «nie Israël», ainsi que l’un de ses criminels de guerre les plus notoires, j’ai nommé Ariel Sharon.
De même, on pourrait arguer qu’étant donné son affiliation avec une association sioniste internationale, Lady Cosgrove aurait dû se désister et éviter d’avoir à juger le dossier d’une militante de l’OLP et d’une rescapée d’un massacre largement associé à Sharon.
Les avocats de Mme Helu tentèrent de faire appel contre l’arrêt, au motif que Lady Cosgrove n’était pas un observateur impartial, en raison de son appartenance à l’IAJLJ. L’appel citait des discours de dirigeants de l’IAJLJ, ainsi que des articles publiés dans des revues trimestrielles qui critiquaient vertement les tentatives déployées par des Palestiniens d’ester devant des tribunaux internationaux contre Israël, comme preuves du parti-pris vraisemblable de Lady Cosgrove.
Toutefois, les allégations formulées à l’encontre de Lady Cosgrove furent rejetées, au mois de novembre, par Lord Nimmo Smith, qui a entendu les plaignants en compagnie de Lord Kingarth et de Lord Kirkwood. L’argumentation avancée par ce Lord s’avéra fascinant :
«Nous ne voyons aucune raison», déclaré Lord Smith, «de supposer que l’un quelconque des juges à l’esprit indépendant de la Cour de Cassation – ayant prêté serment et étant tout à fait capable de se former sa propre opinion – ait pu être influencé de cette manière.»
Lord Nimmo a peut-être raison. Il est manifestement hors de notre portée de savoir par quel processus mental Lady Cosgrove est effectivement passée en se décidant, dans ce dossier. Toutefois, étant donné la vision que Lord Smith a du serment judiciaire, nous sommes fondés à supposer que Lady Cosgrove a eu à choisir entre un jurement judiciaire universel, dans lequel elle a juré à la Reine [swore to the queen] «de rendre justice à toutes les conditions de citoyens, suivant les lois et les usages de ce Royaume, sans peur ni faveur, sans affection ni mauvaise volonté » et son engagement, dans le cadre de son adhésion à l’IAJLJ, « envers des questions figurant à l’agenda du peuple juif».
Comment Lady Cosgrove a-t-elle réussi à combler le fossé entre le «rendre la justice à toutes les conditions de citoyens» et son «engagement» envers l’IAJLJ en matière de primauté des «Questions Juives», c’est sans doute un miracle.
Comment ces Lords distingués ont-ils réussi à ne pas apercevoir un conflit d’intérêts manifestes entre « tous les citoyens» et «un groupe bien particulier de citoyens» est une question très particulière, mais tout-à-fait compréhensible.
Très longtemps, j’ai eu peur de le dire. Le fossé entre l’humanisme et les intérêts sionistes locaux et mondiaux est en train de devenir incomblable. Il est sans doute temps, pour les humanistes, parmi nous, d’insister sur le fait que les personnes nommées dans des fonctions judiciaires doivent être exempts de toute affiliation politique tribale.
Cela épargnerait à nos distingués Lords d’être incapables de voir la contradiction flagrante qu’il y a entre le tribal et l’universel. Nous ferions bien de nous orienter dans cette direction, et le plus vite possible, nous devons le faire pour le bénéfice de l’humanité, mais aussi pour celui de juifs tellement nombreux qui n’ont strictement rien à voir avec les crimes que l’on commet en leur nom.
Source : http://palestinethinktank.com/
Traduction : Marcel Charbonnier
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