Palestine - 6 juin 2008

Pourquoi Maintenant ?

Par Tony Sayegh

A-t-il fallu autant de temps à Abbas pour se rendre compte que c'est la fin ?
Il est possible qu'il ne voit pas seulement la disparition du "processus de paix", mais aussi celle de l'Autorité palestinienne et il tente de sauver un peu de sa réputation en lambeaux puisqu’il est le dirigeant palestinien qui a fait le plus de mal à la cause que tout autre Palestinien en trois générations.

La plupart des observateurs ont été surpris hier quand Mahmoud Abbas a lu une courte déclaration écrite à l’avance sur sa chaine de télévision à Ramallah dans laquelle il s’est adressé aux Palestiniens. Il n'a répondu à aucune des questions pour clarifier sa déclaration, ce qui a ajouté à la spéculation quant à l’objectif et à la date choisie pour cette déclaration.

Dans sa déclaration, Abbas a offert au Hamas et aux autres factions palestiniennes des négociations sans conditions pour «mettre en œuvre le document signé au Yémen sur lequel il avait auparavant donné son accord" destiné à "rétablir l'unité nationale palestinienne."

C'est le même Abbas qui avait, jusqu'à aujourd'hui, posé des conditions, tout en sachant que le Hamas ne pourrait pas les accepter. La principale «condition» était que le Hamas rétablisse le statu quo dans la bande de Gaza d’avant Juin 2007.

En d'autres termes, que le voyou de Dahlan et les Contras palestiniennes armées et financées par Elliott Abrams chargées de monter un coup d'État contre le gouvernement élu du Hamas et de commencer une guerre civile palestinienne, soient réintégrées pour poursuivre la mission d’Abrams à Gaza !

Curieusement, Abbas n’a pas fait mention de cette demande répétée cette fois-ci et au lieu de cela il a insisté sur "l’unification de la nation palestinienne."

Connaissant la nature affective de notre peuple et le profond désir de guérir de cette blessure profonde et larvée, il est tentant de sauter sur cette offre d’Abbas et d’oublier le passé. Le Hamas, qui a, à maintes reprises, offert un dialogue sans conditions à Abbas et à ce qui reste de son Fatah, a saisi l'offre et l’a félicité. Tout cela a un sens politique (de la part du Hamas), mais il faut se demander pourquoi Abbas change de cap, et pourquoi maintenant ?

Au lieu d'être emportés par les émotions, les Palestiniens doivent être très prudents vis-à-vis d'Abbas et ils seraient bien de se méfier des ses motivations. Je ne crois pas une seule seconde que l’apparent changement de cap s'explique par le fait qu’Abbas se soit soudainement transformé en un patriote palestinien, loin de là.

C'est le même Abbas qui a rencontré Ehud Olmert il y a deux jours, avant qu’Olmert parte pour les États-Unis, probablement pour sa dernière rencontre avec Bush et faire son discours à l'AIPAC pour préconiser un blocus et une déclaration de guerre contre l'Iran.

C'est le même Abbas dont les forces, les marionnettes de Dayton, coordonnent toujours l'arrestation des activistes palestiniens avec les FOI et qui continuent de fermer les orphelinats et les organisations caritatives en Cisjordanie .
Il y a deux jours seulement, un autre prisonnier palestinien est mort, torturé dans un donjon d’Abbas à Al-Khalil (Hébron). C'est la deuxième mort confirmée d'un Palestinien torturé par les voyous de la «Sécurité Préventive» d'Abbas, et cela est arrivé après qu’Abbas ait promulgué un décret ordonnant l'arrêt de la torture!

Encore une fois, pourquoi le changement de cap et pourquoi maintenant ? Il y a plusieurs hypothèses.


On peut en conclure qu'il s'agit là d'une preuve supplémentaire de l'effondrement de la doctrine Bush au Moyen-Orient. Après tout, cela survient peu de temps après la victoire politique et militaire du Hezbollah au Liban et de l’envoi de forces soutenues par les Etats-Unis.
Ce n'est un secret pour personne que le soi-disant processus de paix lancé il y a juste sept mois à Annapolis, et décrit par Abbas comme la plus grande chance depuis deux générations d’établir un Etat palestinien, est arrivé comme prévu dans une impasse.

Condoleezza Rice a, elle-même, déclaré hier qu'un accord de paix risquait de ne pas être conclu à la date prévue qui est la fin de cette année. La colonisation juive à Jérusalem et dans le reste de la Cisjordanie se poursuit à un rythme effréné et une nouvelle loi a été présentée à la Knesset déclarant Jérusalem comme capitale éternelle de tous les Juifs, partout dans le monde!

A-t-il fallu aussi longtemps à Abbas pour se rendre compte que c'est la fin ? Il est possible qu'il ne voit pas seulement la disparition du «processus de paix", mais aussi celle de l'Autorité palestinienne et il tente de sauver un peu de sa réputation en lambeaux puisqu’il est le dirigeant palestinien qui a fait plus de mal à la cause que tout autre Palestinien en trois générations .

USrael a prévenu Abbas à plusieurs reprises que le dialogue et l’union avec le Hamas conduiront à l'élimination de l'Autorité Palestinienne. Est-il crédible qu’Abbas et Fayyad puissent faire quelque chose maintenant sans l’argent du silence des États-Unis et de l’Union Européenne ? Peu probable.

Et qu’en penseront les copains d’Abbas et les centaines de milliers d’employés de l’Autorité Palestinienne qu’Abbas contrôle en tenant les cordons de la bourse ? En bref, Abbas ne peut pas être sérieux dans cette tentative de réconciliation.

Autre chose, après sa rencontre avec Olmert lundi, Abbas a déclaré qu'Israël allait donner un grand coup de balai dans la Bande de Gaza pour renverser le Hamas et mettre fin à la résistance. Il est possible que cette attaque contre Gaza fasse partie d'une plus grande campagne contre le Hezbollah et l'Iran, comme cadeau de départ de Bush et Olmert ?

Dans ce cas, Abbas a du décider de reprendre contact avec le Hamas pour qu’il ne soit pas considéré comme un traître et un collaborateur d’Israël, lorsque la grande attaque viendra. Il pense probablement que USrael va se débarrasser du Hamas et que, de toute façon, ils lui remettront le pouvoir, alors pourquoi paraître ouvertement comme un collaborateur volontaire ?


Le 28 mai, son négociateur Erekat a dit ceci :

"Parvenir à un accord cette année est "critique", en ajoutant que les négociations étaient «au point où nous en étions à Taba en 2001, et même pire." Il n'a pas décrit la portée du futur accord, mais il a dit, "il n’y a pas besoin d’un accord de 1000 pages, mais d’un document qui comprend les paramètres pour la création de deux États. Un tel accord sera accepté par un référendum national et éliminera le Hamas du pouvoir."

Une autre chose, c'est qu’Abbas est en train de préparer des élections anticipées pour les présidentielles et les législatives. Sa réputation et celle du Fatah aux yeux du public palestinien sont plus faibles encore que la réputation de Bush auprès des Américains. Donc, cette tentative de réconciliation avec le Hamas pourrait être considérée comme une tentative d’améliorer les piètres chances du Fatah.

Un scénario possible serait une grande invasion de Gaza pour renverser le Hamas, qui serait suivie par des élections truquées, aidées par des fonds américains, ce qui permettrait de rétablir le Fatah au pouvoir. Abbas tente de se donner une nouvelle image de patriote et d’unificateur ainsi qu’au Fatah, dans le cadre des préparatifs de ces événements.

En tout état de cause, le Hamas devrait être très prudent avec ce crétin et il devrait lui demander de rendre des comptes pour l'ensemble de ses actes.

Un nouveau cap et un nouveau cadre pour la libération devront être ensuite reconstruits qui impliqueront la majorité des Palestiniens, y compris ceux de la diaspora, afin de les impliquer dans la lutte de libération. Ce serait le bon moment d’administrer le coup de grâce à l'Autorité Palestinienne, il serait vraiment temps.

Source : http://palestinianpundit.blogspot.com/

Traduction : MG pour ISM