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Palestine - 4 février 2005
Par Nazem Ghemraoui
Entretien réalisé et traduit de l’Arabe par Nazem Ghemraoui le vendredi 21 janvier 2005
Jamalat Abuyousef est une militante palestinienne qui vit en France.
Depuis l’âge de 14 ans, elle a milité au sein de la gauche palestinienne, dans les mouvements féministe et syndical. En France depuis 2002, elle participe au mouvement de solidarité avec le peuple palestinien.
En liaison avec l’organisation Badil (Alternatif), elle milite essentiellement pour le droit au retour des réfugiés, une clé principale de la solidarité et de tout projet sérieux de résolution de la question palestinienne.
Nous avons discuté avec elle des dernières élections de l’Autorité palestinienne et de la situation dans laquelle se trouve le mouvement de libération national palestinien.
Opposée au processus d’Oslo, Jamalat dresse un tableau qui contraste avec la propagande en cours à propos de la démocratie en Palestine et de la relance du processus de paix, une réalité qui incite à réfléchir…
Le nouveau président palestinien, Mahmoud Abbas, a présenté un programme politique dans la continuité de la ligne suivie par Yasser Arafat. Ce programme vise la fin de l’occupation de 1967, la création d’un Etat palestinien avec Jérusalem-Est comme capital, à côté de l’Etat d’Israël, et une résolution juste de la question des réfugiés.
En tant que Palestinienne, considères-tu que ce programme permet de réaliser les droits fondamentaux du peuple palestinien et la résolution du conflit ?
D’abord, le programme électoral de Mahmoud Abbas est plafonné par Oslo, je vais dire Oslo en tant que réalité et non en tant que discours. Or, Oslo a épuisé tout ce qu’il peut offrir au peuple palestinien.
Lors du processus d’Oslo, on avait promis le développement économique pour faire de la Palestine une nouvelle Singapour, mais nous sommes plutôt devenus une nouvelle Somalie.
Ils ont promis l’Etat palestinien indépendant, mais nous avons obtenu les "bantoustans", les enclaves, les check-points, les barrages militaires, le mur de l’apartheid, les incursions, les assassinats quotidiens, les destructions, les incursions des chars de grandes guerres.
C’est ce que nous avons obtenu du processus d’Oslo jusqu’à présent, sans oublier la multiplication des colonies, le vol des terres, l’isolement et l’enfermement des populations. Personne ne peut nier le fait qu’Oslo a produit ces résultats.
Le programme de Mahmoud Abbas s’inscrit donc dans le cadre d’Oslo qui a conduit à la situation actuelle ?
Aujourd’hui, la nouvelle Autorité veut poursuivre dans la même voie et elle donne au peuple palestinien davantage d’illusions.
La première illusion est l’obtention d’un Etat palestinien indépendant dans les frontières de 1967 avec sa capitale Jérusalem. C’est quelque chose qu’Israël ne veut clairement pas donner. Au sein de l’Autorité palestinienne, ils définissent la politique comme étant l’art du possible, or selon leur propre définition, les objectifs qu’ils donnent ne sont pas réalisables à travers les négociations.
Deuxièmement, il y a la question des réfugiés. Comment Abou Mazen qui a déclaré, à la conférence d’Akaba, à côté de Sharon et Bush, qu’Israël doit conserver son caractère en tant qu’Etat pour les Juifs, comment va-t-il avec cela proposer une solution globale de la question des réfugiés, comment garantir une solution juste sans appliquer le droit au retour ?
La troisième chose concerne la corruption. Abou Mazen promet des reformes, or il est lui même un des symboles de cette corruption…
Tu exprimes des doutes quant à la réalisation des promesses d’Abou Mazen…
Ce ne sont pas des doutes. Je suis certaine qu’aucune promesse ne sera réalisée.
Abou Mazen est impuissant.
Il ne peut ni empêcher l’armée israélienne d’envahir telle ou telle ville, ni supprimer le moindre barrage, ni supprimer l’encerclement du peuple palestinien et la situation d’apartheid qui lui est imposée…
Essayons tout de même de dissocier le jugement sur les capacités d’Abou Mazen de la validité même de ses objectifs. Es-tu d’accord avec les objectifs qu’il annonce ?
Le peuple palestinien lutte pour son auto-détermination. La question principale est bien celle-ci et non celle de réformer une Autorité qui souffre de la corruption. La deuxième question est celle d’un peuple expulsé de sa terre.
Nos objectifs doivent se concentrer sur ces deux questions : que le peuple palestinien puisse disposer de son droit à l’auto-détermination, que les gens expulsés de leur terre puissent retourner chez eux, que ça soit eux qui choisissent les modalités d’application de ce droit, et non quelqu’un d’autre qui fait le choix à leur place.
Comment réaliser ces objectifs ?
Il y a ceux qui voit la solution dans un Etat palestinien dans les frontières de 1967. Ils justifient cet objectif par le fait que le rapport de force n’est pas en notre faveur.
D’autres pensent justement que pour obtenir nos droits, il faut que nous poursuivions la résistance.
C’est un chemin difficile qui nécessite une direction assumant la responsabilité de cette résistance. Cette direction n’existe pas aujourd’hui.
On constate que le Hamas ne veut pas assumer cette responsabilité.
Le Fatah est une organisation militante et historique mais il est conduit aujourd’hui par une direction qui suit la politique américaine.
Nous sommes par ailleurs face à une pression internationale qui s’exerce au sein même du mouvement de solidarité ; on nous dit " il vaut mieux, pour vous, parler d’une solution à deux Etats pour deux peuples "…
Pour toi la solution serait donc un seul Etat et non deux Etats ?
De mon point de vue, si nous voulons réaliser une paix durable et juste, celle-ci ne doit pas être construite sur une base de discrimination raciale. Un Etat pour les Juifs, un autre Etat pour les Arabes, c’est un projet de discrimination et de séparation raciale.
Une solution juste ne doit pas se faire par la confiscation des droits d’un peuple et par l’octroi de privilèges à un autre peuple.
Il ne faut pas oublier qu’Israël est un Etat qui poursuit un projet colonial au détriment des droits de notre peuple…
Je préfère comme toi une solution sur la base d’un seul Etat pour tous ses citoyens. Mais n’est il possible d’envisager la paix en deux temps ?
D’abord l’établissement de deux Etats, avec la création d’un Etat palestinien entièrement souverain à côté d’Israël, puis un processus d’évolution pour supprimer la discrimination raciale. Au sein d’Israël actuellement, les Palestiniens n’ont pas les mêmes droits que les citoyens juifs. Le processus de cohabitation de deux Etats va de toute façon faire surgir cette problématique car il n’est pas possible, dans une situation de paix, que les Palestiniens d’Israël vivent indéfiniment comme des citoyens de deuxième degré.
Que penses-tu d’un tel processus en deux étapes ?
D’abord, nous, les Palestiniens, avons besoin de réévaluer notre expérience nationale dans sa totalité. C’est une expérience qui comporte des multiples échecs.
Nous avons besoin d’élaborer une nouvelle stratégie pour ne pas répéter les erreurs du passé.
Parmi les choses à revoir, il y a ce que nous devons reclamer : deux Etats ? un seul Etat démocratique ? Tout cela nécessite une réflexion.
Nos objectifs ne changeront pas et seront toujours au nombre de deux : l’auto-détermination et le retour.
Mais nous avons à répondre à un certain nombre de questions : les stratégies employées ont-elle été adéquates ? la direction actuelle est-elle capable de conduire le peuple palestinien vers la réalisation de ses droits ou est-ce une direction bureaucratique qui suit des programmes pré-établis comme celui de la feuille de route ?
Nous avons besoin d’abord de comprendre. La feuille de route fait partie du projet américain pour le contrôle de toute la région.
L’Irak est actuellement occupé. Toute la région est visée. Nous faisons partie de cette région et nous devons, en tant que Palestiniens, nous situer dans ce contexte global et nous inscrire dans une alliance internationale avec tous ceux qui luttent contre le capitalisme sauvage américain. Nous avons besoin de construire un nouveau mouvement de libération nationale…
Mais il faut aussi partir de la situation réelle d’aujourd’hui. Il y a une nouvelle Autorité palestinienne qui repose le projet d’Oslo dans le cadre de la feuille de route.
Est-il possible d’agir à l’intérieur de ce projet en lui apportant les corrections nécessaires ?
Est-il possible de corriger la feuille de route de façon à créer une pression internationale pour imposer la création d’un Etat palestinien et le retrait d’Israël des territoires occupés, donc parvenir à réaliser des objectifs et pas seulement passer les années à réévaluer l’expérience ? Que peut-on faire aujourd’hui ?
Nous n’avons pas besoin de refaire les mêmes expériences. Nous avons déjà expérimenté Oslo et nous n’avons pas besoin de refaire cette expérience avec Abou Mazen.
Tu ne trouves aucune différence entre ce que veut faire Abou Mazen et ce qui a été fait au départ du processus d’Oslo ?
La situation actuelle est pire. La première phase d’Oslo a préparé le terrain à la phase actuelle.
Dans la première phase, le peuple palestinien a été écrasé, économiquement, socialement et politiquement. La société palestinienne qui était politisée a pris ses distances à l'égard de "la politique".
Il n’y a plus de programmes politiques. Il n’y a qu’à voir le déroulement des dernières élections, aussi bien les municipales que les présidentielles.
Elles ont montré que le peuple palestinien se désintéresse complètement de la classe politique actuelle. Il n’y a personne qui représente les aspirations et les espoirs des gens.
Les élections municipales ont été faites sur la base des alliances tribales et familiales.
Ce n’étaient pas des élections politiques mais tribales. Dans les présidentielles, il n’y a eu que 43% de participation…
On a pourtant annoncé 70%…
Non. Le chiffre réel est de 43%. Le nombre d’électeurs potentiels est de 1 800 000. Sur ce chiffre, Il y a seulement 775 000 Palestiniens qui ont voté, ce qui fait bien un taux de 43%[1].
Par ailleurs, ces élections étaient proposées uniquement aux Palestiniens de la Cisjordanie et de Gaza qui forment une partie et non la totalité du peuple palestinien.
Il y a 9 millions de Palestiniens dans le monde, et c’est moins que le tiers qui a eu la possibilité de voter.
Ce sont donc des élections de l’Autorité palestinienne qui a un projet différent de celui du peuple palestinien pris dans sa totalité, un projet qui rejoint celui d’Israël et des Etats Unis.
La faible participation dont j’ai parlé montre que les gens ne se sont pas sentis concernés.
On avait largement propagé l’idée qu’Abou Mazen allait de toute façon remporter les élections. On l’a présenté comme le futur Président et non comme un candidat à la présidence. Il a eu le soutien des Etats-Unis et d’Israël. Il a eu le soutien des grands médias du monde, des télé-satellites, des radios de l’Autorité.
Les gens ont compris qu’il allait de toute façon être élu, qu’on le veuille ou non, et il y a eu le sentiment que le vote allait être inutile.
D’après ce que tu dis, le peuple palestinien n’avait pas devant lui de réels choix, comme si ces élections présentaient un seul choix possible…
Exactement. Le peuple palestinien avait le choix unique de l’Autorité et du projet d’Oslo, même si d’autres candidats se sont présentés.
Quelles différences présentent le programme de Moustafa Barghouti, principal concurrent d’Abou Mazen ?
Il y a des différences légères mais les lignes politiques de ces deux candidats sont plafonnées par Oslo.
Moustafa Barghouti dit représenter le courant démocratique dans la société palestinienne. Il faut savoir que la société politique palestinienne est une société d’élite.
Elle est composée de gens qui bénéficient des conditions différentes de celles des gens ordinaires qui vivent dans les camps ou les villages ou les quartiers populaires surpeuplés.
Avec ces privillèges, ils forment donc une élite coupée de la population et sans influence politique.
Moustafa Barghouti mène essentiellement des actions contre le mur, comme le font d’autres organisations. Ce qui le différencie et lui donne plus de moyens est le fait d’avoir constitué un vaste réseau de relations internationales, notament des ONG.
Mais il faut souligner les instances de financement qui ont généralement des liens avec des Etats, avec l’Union Européenne, mais aussi le USAID (l'Agence américaine pour le développement international) qui est le deuxième bras de la CIA.
Le USAID soutient la coalition de Barghouti ?
Il ne soutient pas la coalition, mais il finance. Ils ont bien sûr leurs conditions.
Quand tu veux faire des activités dans le cadre de ta ONG, il faut veiller à ce que cela ne dérange pas les projets des Etats-Unis dans la région. Il ne faut pas que tu incite les gens à la révolte.
Tu peux travailler sur des questions partielles, mais par exemple tu ne peux pas travailler sur le droit au retour.
Barghouti parle d’Israël comme Etat d’apartheid, un Etat qui a construit le mur, le mur qu’on doit abattre, le mur comme symbole de l’apartheid, comme si l’apartheid n’existe qu’à travers le mur et non en tant que système avec des multiples facettes.
Donc, le droit au retour, la situation de 9 millions de Palestiniens, on n’en parle pas.
Terminons avec les élections. Ce que tu nous dis contraste avec l’image donnée dans la presse à propos du phénomène démocratique palestinien.
Un parlementaire français qui a participé à l’équipe des observateurs européens a considéré que pour la première fois un pays arabe votait de façon démocratique.
La Palestine est ainsi devenue le premier pays arabe démocratique ! Qu’en penses-tu ?
Il a oublié l’Irak qui va bientôt devenir le deuxième pays arabe " démocratique "…
La Palestine est en fait devenue le premier pays " démocratique " sous occupation dans le monde. C’est même une première dans toute l’histoire de la démocratie !
Mais qu’est-ce que la démocratie ?
Est-ce simplement le fait d’aller déposer un papier dans les urnes ?
Choisir une personne favorisée par les médias et par des moyens financiers de campagne sans équivalent ?
Pour qu’il y ait démocratie, il faut d’abord qu’il y ait un Etat avec des lois.
Nous n’avons pas un Etat avec des lois en Palestine, mais avons un régime d’occupation qui domine toutes les ressources et forces du peuple palestinien.
Nous avons aussi une Autorité qui gère les affaires et qui est pénétrée par la corruption.
Maintenant, on a élu un des symboles de cette corruption.
Mais pourquoi les Palestiniens ont fait ce choix ?
Les élections se sont déroulées dans les conditions de l’occupation, ce qui ne peut que produire un résultat déformé.
Les gens ont subi un lavage de cerveau et on observe que la propagande était exceptionnelle.
Jamais dans un pays de tiers de monde autant d’argent n’a été dépensé dans une campagne électorale.
Une grande partie de la la population à Gaza, à Rafah, à Khan Younes et ailleurs est sans abri et sans travail.
Des millions ont été dépensés pour que les photos d’Abou Mazen et Barghouti soient accrochées…
On a payé les gens pour participer à la campagne ?
Bien sûr. Cela a été une saison de travail pour beaucoup de chômeurs qui se sont engagés dans ces actions pour l'argent et non par conviction politique.
Quels sont les candidats qui ont eu recours à cette pratique ?
Seulement les deux principaux candidats : Abou Mazen et Moustafa Barghouti.
Avec cela, on peut dire à l’Europe que la démocratie dont on fait l’éloge est toute relative…
On peut dire à l’Europe qu’il n’y a pas de démocratie sous occupation.
La démocratie nécessite la souveraineté du peuple concerné et aussi que les forces politiques engagées dans la campagne aient la possibilité de réaliser leurs programmes.
Abou Mazen n’a pas les moyens de réaliser le programme pour lequel il a été élu.
On parle aussi des réformes et de la lutte contre la corruption dans l’Autorité palestinienne, considères-tu qu’Abou Mazen est l’homme approprié pour mener ces réformes ?
On le présente comme un homme probe et rationnel…
Il est présenté ainsi, mais j’ai déjà dit qu’Abou Mazen est un des symboles de la corruption.
Il fait partie de l’équipe d’Oslo qui voit dans ce processus un projet de business.
Abou Mazen possède des entreprises et des monopoles qui profitent de sa position dans l’Autorité. Il ne changera pas, ou alors ce sera en suivant les normes américaines
Cela consiste essentiellement à jouer sur l’image en remplaçant les personnes.
On a trop parlé de la corruption de Yasser Arafat. On ne sait pas grand chose encore sur Abou Mazen…
On remplace un style de corruption par un autre, plus organisé, plus rationnel ?
Effectivement. Il y a le style d’Abou Ammar, où tout est annoncé au grand jour, et il y a la corruption discrète qui se cache derrière une meilleure image.
Quelle est ton analyse de la position du Hamas à propos des élections et des objectifs d’Abou Mazen ?
Ils ont boycotté les élections mais ils n’ont pas présenté une alternative.
Quand tu boycottes les élections, tu vas dans la rue et tu appelles les gens à ne pas voter.
Ils n’ont pas fait cela mais ont laissé la liberté à leurs membres de voter s’ils le souhaitent.
Ils ont en réalité ouvert la voie à Abou Mazen pour emporter ces élections
Ils ont considéré qu’Abou Mazen allait emporter les élections et ils ont voulu lui faire comprendre qu’ils ont participé à sa réussite.
Ils ont joué cette carte. Pourquoi ont-il agit ainsi ?
Ils se positionnent comme une force de la résistance.
Ils devaient assumer jusqu’au bout cette responsabilité, c’est-à-dire élaborer des programmes pratiques et concrets.
Le Hamas qui fait des attentats-suicide et lance des roquettes sur Israël ne propose pas aux gens un programme et une alternative.
Quelle alternative ?
Un nouveau mouvement de libération nationale du peuple palestinien qui repose sur la stratégie de la résistance.
Que cette résistance soit armée ou non, c’est une question qu’il faut discuter.
Je ne comprends pas pourquoi le Hamas ou le Jihad Islamique ne prennent pas l’initiative pour conduire le courant de la résistance.
Je crois qu’ils sont dans une crise.
Ils ne veulent pas assumer cette responsabilité.
Où se situe cette crise du Hamas et du Jihad Islamique ? Est-elle dans le fait qu’ils ne possèdent pas une vision globale et une stratégie d’avenir ?
Ils avaient, à travers les opérations-suicides, l’objectif annoncé de "faire subir des pertes à l’ennemi ", pour atteindre un point qu’il nomme "l’équilibre de la terreur".
Ils savent et disent qu’ils ne vont pas libérer la Palestine par ce biais, mais ils voulaient, au moins, faire trembler l’appareil militaire israélien.
Cette vision est courte et ne précise pas aux gens l’objectif à atteindre.
On peut conclure qu’ils n’avaient pas d’horizon politique
Exactement. Il faut préciser un objectif même s’il peut se situer à long terme.
Je reviens ici sur l’auto-détermination et le retour des réfugiés.
Ce sont des objectifs qu’il faut annoncer clairement et en permanence et non d’une façon timide ou sporadique.
Ces aspects ne sont pas entièrement clairs chez le Hamas par exemple.
Néanmoins, actuellement ils semblent en train de mener un débat pour présenter du neuf.
Leur crise vient aussi du fait qu’Israël a frappé fortement le Hamas par l’assassinat de la plupart de leurs cadres dirigeants.
Elle vient aussi du fait qu’ils se sont enfermés dans la mentalité du ghetto de Gaza.
Les gens à Gaza ont commencé à se plaindre des opérations militaires menées par le Hamas qui provoquent les représailles de l’armée israélienne.
Une nouvelle ligne politique est en cours de formation chez le Hamas ? Ils seraient en faveur de la solution de deux Etats ?
Les indicateurs en provenance du Hamas montrent que cette organisation planifie de récupérer le rôle du Fatah sur la scène politique palestinienne.
Le Fatah est menacé de divisions.
Abou Mazen a pu maintenir provisoirement l’unité du Fatah, mais cette unité est fragile, elle est l’unité de la direction qui tire profit du processus d’Oslo.
Mais si cette direction se sépare du Fatah, alors le Fatah peut se morceller et ne plus être le courant fort dans le mouvement de libération nationale.
Le Hamas regarde cela de près pour occuper la scène politique palestinienne. Il le fera avec les mêmes slogans du Fatah, c’est-à-dire deux Etats pour deux peuples, un Etat palestinien indépendant avec Al-Kods Assharif (Jérusalem) comme capital, mais le Hamas sera opposé aux négociations…
Parvenir à ces objectifs sans négociations ?
Il semble de toute façon qu’Israël va stopper la question des négociations après l’effondrement du Fatah et de l’Autorité d’Oslo.
Je pense que les choses vont aller dans ce sens…
J’observe plutôt le contraire. On a l’impression qu’Abou Mazen est en train de constituer une forte Autorité
Pas du tout. Israël et les Etats-Unis veulent actuellement obtenir l’abandon du droit au retour. Ils ne l’ont pas obtenu de Yasser Arafat, mais Abou Mazen et ses compagnons, adeptes des accords de Genève, sont prêts actuellement à donner cette carte à Israël.
Après cela, leur rôle sera fini.
Il semble qu’Abou Mazen ait tout fait pour éviter l’affrontement avec le Hamas et le Jihad islamique. Visiblement il ne veut suivre une politique de répression et désarmer ces forces, comme le lui demandent les Etats-Unis et Israël.
Il a préféré le dialogue pour obtenir une trêve réciproque avec Israël.
Dans ce cadre, les forces de sécurité palestiniennes se sont déployées à Gaza.
Considères-tu que nous allons vers la réalisation de l’unité nationale palestinienne ?
Abou Mazen ne pouvait pas commencer son mandat par une politique de répression.
Mais rappelons que Gaza est le prochain objectif dans le plan israélien pour dominer et contrôler le peuple palestinien.
Ce plan a été largement réalisé en Cisjordanie par la création de bantoustans et par l’isolement et l’emprisonnement des populations.
A Gaza, Sharon a annoncé son plan unilatéral de Desengagement et de séparation.
Son objectif sera la liquidation de toute forme de résistance et l’enfermement des populations dans le ghetto de Gaza, et ce avec l’aide de l’Autorité palestinienne.
Ce plan est en préparation depuis longue date.
Les forces de sécurité qui se sont déployées aujourd’hui (vendredi 21 janvier 2005) sont préparées et entrainées en Egypte ou par des officiers egyptiens.
Cet entrainement est orienté vers la répression des manifestations ou toute forme de résistance du peuple palestinien à Gaza.
C’est une réalité inscrite sur le terrain quelque soit le discours officiel.
Abou Mazen ne pourra y changer grand chose. Mahmoud Dahlan qui dirige la totalité de l’appareil sécuritaire à Gaza coordonne depuis longtemps le Plan de Désengagement avec les Israéliens.
Tu considères qu’on s’oriente vers un Etat policier à Gaza ?
Le rôle de l’Autorité sera de dispenser Israël de l’affrontement direct avec les populations.
Quelle perspective pour la Palestine et la région ?
Nous sommes dans une phase finale de répression des mouvements de libération.
En Irak il y a néanmoins un début de constitution d’un nouveau mouvement de libération du peuple irakien face à l’occupation.
Cela aura des répercussions positives sur la lutte du peuple palestinien pour entrer dans une nouvelle phase de son expérience nationale. Il y a un espoir sur le moyen et long terme.
Le peuple palestinien a une longue expérience et nous avons des leaders qui n’ont pas été récupérés par les projets de capitulation, des leaders équilibrés et honnêtes qui ne sont pas favorisés par les médias.
Néanmoins, ils existent et ils travaillent inlassablement sur leur projet.
NOTES :
[1] Le taux de 70% de participation est calculé en considérant le nombre de votants par rapport au nombre des électeurs inscrits et non les électeurs potentiels.
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