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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

Entretien avec Lana Sadek : Quelle alternative à la feuille de route ?

Par

> agendaprocheorient@yahoo.fr

Lana Sadek, membre de l’Initiative Nationale Palestinienne

Abou Mazen et son équipe sont issus du processus d’Oslo et ils sont, jusqu’à présent, plafonnés par la logique qui en découle. Jusqu’à présent, ils refusent de reconnaître l’échec de ce processus, et ce malgré le fait qu’Ariel Sharon, au moment de son accession au pouvoir, ait déclaré qu’Oslo n’existe plus et que c’était son plan qui allait marcher. Ils refusent de reconnaître cet échec et la nécessité d’une nouvelle solution politique globale à la place des accords intérimaires et des solutions partielles.

Première partie : La feuille de route conduit à 9 % de la Palestine


Ma première question concerne le sommet de Charm El-Cheikh. Comment l’Initiative Nationale Palestinienne a évalué ce sommet ?


Ce sommet a été un échec et il a exprimé la vision d’Ariel Sharon pour la résolution du conflit israélo-palestinien, une vision qui se limite à assurer la sécurité d’Israël. A cela s’ajoute la question des prisonniers. Généralement, lorsqu’on veut mettre un terme à un conflit et engager un processus de paix, la question des prisonniers est traitée en premier.

Bien entendu, nous n’avons pas de prisonniers israéliens. Au lieu de s’engager sur la libération de tous les prisonniers selon un calendrier précis, Israël a imposé des critères pour n’en libérer que quelques centaines.

Cela n’encourage pas les Palestiniens à poursuivre dans le processus. Nous signalons surtout l’absence de tout contenu politique. Abou Mazen s’est contenté d’un discours général sur la paix, sans même mentionner les droits fondamentaux du peuple palestinien et sans lier la paix à la fin de l’occupation.

Tout est abordé d’un point de vue strictement sécuritaire, ce qui constitue un total recul par rapport aux engagements pris par Abou Mazen pendant sa campagne électorale. Malheureusement, il renforce l’idée que l’Autorité palestinienne s’oriente vers un rôle d’agent de sécurité pour Israël.



Considères-tu que ce recul est temporaire et contextuel ? Peut-on dire qu’Abou Mazen a agit de la sorte simplement parce qu’il y a d’abord nécessité d’une trêve avant d’engager les négociations sérieuses ?

Je ne pense pas que ce recul soit temporaire. Après 57 ans d’occupation, comment peut-on parler de recul temporaire. Avec Oslo L’OLP avait déjà renoncé à la Palestine historique pour n’en revendiquer que 22%, et actuellement si on accepte la feuille de route et l’Etat palestinien temporaire de Georges Bush, on n’en aura plus que 9%.

Depuis Oslo, c’est un processus de recul généralisé et permanent, un processus de recul systématique, déclaré et méthodique.

Le programme politique d’Abou Mazen doit être rapporté à cette réalité, car il ne faut pas oublier qu’il a été le premier architecte des accords d’Oslo qui nous ont conduit à la situation actuelle. Par conséquent, son programme politique est évident et repose uniquement sur les négociations...



Des négociations politiques ou essentiellement sécuritaires ?

Abou Mazen s’est engagé à appliquer la feuille de route et celle-ci ne comporte, dans sa première phase que des négociations sécuritaires. Nous nous sommes pratiquement engagés dans la vision israélo-américaine pour la résolution du conflit.
Abou Mazen n’a donc pas un autre programme politique que celui-ci.

Il se dit engagé pour préserver les frontières de 1967, mais l’application de la feuille de route aboutira à l’abolition de ces frontières. Il est ainsi dans une contradiction avec ses engagements.



Tu dis que la feuille de route conduit à 9 % de la Palestine. Comment peux-tu expliquer cette affirmation ?

On peut l’explique à la fois en se référant au texte de la feuille de route qu’en observant la réalité sur le terrain.
On parle d’un plan de désengagement israélien de Gaza et de certaines zones de Cisjordanie .
Sur la base de cette initiative unilatérale, il va y avoir une pression internationale sur l’Autorité palestinienne pour qu’elle accepte ces retraits comme solution définitive.
Le 9% de la Palestine correspondront alors à Gaza et aux enclaves de Cisjordanie contenues dans le Mur.



J’ai également noté deux idées dans ton analyse : d’une part, la feuille de route prévoit la création d’un Etat palestinien dans des frontières provisoires, et d’autre part cette même feuille de route ne comporte pas de négociations politiques.
N’est-ce pas la combinaison de ces deux éléments qui conduira au 9% en question ?


Bien sûr, ces deux éléments sont liés. Dans la feuille de route, les négociations peuvent avoir lieu seulement lorsque les Palestiniens auront appliqué la partie qui leur incombe, c’est-à-dire assurer les aspects sécuritaires, démanteler les organisations armées, cesser la " violence ", etc, tout cela alors qu’Israël, qui est censé geler la colonisation, poursuit l’expansion des colonies en Cisjordanie derrière le Mur.

Pas plus tard qu’hier, les habitants de Beit Hanine, dans les environs de Jérusalem, ont reçu un ordre de confiscation de leur terre.



Abou Mazen fait de temps à autre des déclarations où il demande d’avancer sur les négociations politiques parallèlement aux aspects sécuritaires.
Quelle est d’après toi sa marge de manœuvre actuelle ?


Il est actuellement soumis d’une part à la pression internationale, américaine et européenne, et d’autre part à la pression populaire palestinienne.
Les gens ont voté pour lui parce qu’il a promis un soulagement économique mais aussi l’engagement d’une solution politique. Il est donc dans une situation délicate très différente de celle de son mandat de Premier ministre.
Cette fois il est élu et il est censé représenter la vision générale du peuple palestinien.
Même au sein du Fateh, il y a des gens qui appellent à une politique de résistance. Cette pression palestinienne le conduit à exiger des négociations politiques…



Mais il ne le fait pas vraiment, car comment peut-on exiger des négociations politiques et en même temps appeler à l’application de la feuille de route ? Ces deux choses sont opposées.
Pourquoi l’Autorité palestinienne ne dit pas clairement qu’il faut un autre processus de paix ?
Pourquoi participe-t-elle à la campagne médiatique présentant la feuille de route comme un processus viable ?


C’est effectivement l’erreur dans laquelle se trouve piégée l’Autorité Palestinienne.
Abou Mazen et son équipe sont issus du processus d’Oslo et ils sont, jusqu’à présent, plafonnés par la logique qui en découle. Jusqu’à présent, ils refusent de reconnaître l’échec de ce processus, et ce malgré le fait qu’Ariel Sharon, au moment de son accession au pouvoir, ait déclaré qu’Oslo n’existe plus et que c’était son plan qui allait marcher. Ils refusent de reconnaître cet échec et la nécessité d’une nouvelle solution politique globale à la place des accords intérimaires et des solutions partielles.



Face à ce constat d’échec du processus d’Oslo, en quoi justement se différencie le programme politique de l’Initiative Nationale Palestinienne ?

Al Mobadara (L’initiative Nationale Palestinienne) a été constituée en juin 2002. Certains membres, comme Mostafa Barghouti ou Haydar Abdel Chafi, ont fait partie de la délégation Palestinienne lors des négociations de Madrid, mais pas celles d’Oslo. Pour nous, Oslo a été une trêve, ou disons une fin de conflit, à sens unique.

Du côté israélien, le conflit ne s’est pas arrêté : depuis, Israël a construit plus de 100 nouvelles colonies et le nombre de colons a augmenté de 100 %, il a de plus édifié les routes de contournement et les routes d’accès direct aux colonies…

L’Autorité palestinienne n’avait pas de stratégie pour affronter ces faits. La population était coincée entre l’espoir d’un futur Etat palestinien et l’expansion coloniale constatée sur le terrain.

C’est pour cela que la deuxième Intifada a été une protestation contre le fait colonial mais aussi contre l’absence de stratégie chez l’Autorité.
Elle a également exprimé le mécontentement des Palestiniens de la mauvaise gestion et de la corruption, leur mécontentement du projet d’Oslo qui a amené une nouvelle classe palestinienne qui exploite les ressources du peuple pour son propre enrichissement.

C’est le cas par exemple des monopoles dont des membres de l’Autorité se sont accaparés au détriment des investissements privés auxquels on a imposé, dans beaucoup de secteurs d’activité, le prélèvement d’une " taxe " non officielle et qui avoisinait les 30%, etc.


Al Mobadara a été créée pendant la deuxième année de l’Intifada, après des consultations et des débats, dans le but d'élaborer une nouvelle vision et une nouvelle stratégie palestinienne.

Une stratégie fondée sur la lutte et la résistance et qui n’exclut pas les négociations. Pour nous ces négociations doivent être tenues sur la base du Droit international et l’application des résolutions des Nations Unies.
C’est là que réside notre différence avec la ligne suivie par l’Autorité.

La deuxième question soulevée par Al Mobadara est celle de développer la lutte populaire. Le mouvement a critiqué le fait qu’elle ait été éclipsée au profit d’une lutte prioritairement militaire.
Nous n’appelons pas comme Abou Mazen à la "démilitarisation" de l’Intifada, mais nous pensons qu’il faut soumettre la lutte armée, en fonction de chaque période historique, aux intérêts nationaux.



Je résume. Al Mobadara s’est fixée le double objectif de remplir deux vides : d’une part l’absence d’une solution politique dans le processus d’Oslo, et d’autre part le manque d’horizon politique dans la lutte armée.
Qu’avez-vous proposé comme alternative concrète et qu’avez-vous réellement fait sur le terrain depuis 2002 ?


L’alternative que nous proposons par rapport à la solution politique est la tenue d’une conférence internationale, une vraie conférence internationale et non des réunions au sein du quartet ou les autres formes vides envisagées par la feuille de route, une conférence pour débattre de tous les problèmes en suspens et pour l’application de toutes les résolutions des Nations Unies relatives à la question palestinienne.
Il faut que cette conférence donne lieu à des discussions claires et des engagements pour la fin de l’occupation, la question des réfugiés et Jérusalem.

Concernant la lutte populaire, Al Mobadara a été une des forces qui ont initié et structuré la campagne populaire pour la résistance contre le Mur. Le mouvement agit également pour une campagne internationale de sanctions contre Israël pour exiger l’application de toutes les résolutions des Nations Unies.



Il ressort de ta présentation une différence importante avec le programme politique de l’Autorité. On a pourtant eu l’impression que tous les candidats avaient le même programme politique…

C’est vrai, et c’est peut être pour cela que beaucoup de gens ne sont pas allés voter.



Les objectifs annoncés – deux Etats, Jérusalem, droit au retour… - sont les mêmes mais les moyens d’y parvenir diffèrent totalement. Pourquoi vous n’avez pas exprimé votre différence ?
Pourquoi n’avez-vous pas fait une campagne pour proposer justement une alternative au processus d’Oslo ?


Nous avons bien sûr mis en avant ces questions, mais les médias locaux, régionaux et internationaux pendant la campagne électorale ont bien travaillé pour convaincre les Palestiniens qu’Abou Mazen sera sûrement élu, et ils ont évité de parler des autres candidats. Beaucoup de gens étaient mal informés et voyaient dans Abou Mazen un "nouveau président" comme un fait accompli.

Il y a eu aussi une campagne acharnée de diffamation contre Mostafa Barghouti allant jusqu’à dire qu’il recevait des fonds du USAID, qu’il était le candidat de l’Europe et des Etats-Unis et pas de la Palestine, etc.



Je voulais justement évoquer avec toi cette histoire de financement par le USAID. Quelle est la vérité ?

Il n’y a pas de fondement concret à cette accusation. Le problème est le suivant : les gens confondent notre mouvement avec les ONG palestiniennes, et ce partant du fait que Mostafa Barghouti est président d’une des ONG, à savoir le Secours médical palestinien, mais également parce qu’il a eu un rôle important dans la constitution du réseau des ONG.

Certaines ONG avaient effectivement reçu des fonds du USAID.

C’est un phénomène qui a commencé avec l’installation de l’Autorité palestinienne. Mais depuis 3 ans une campagne a été menée pour boycotter le USAID ainsi qu’un certain nombre d’autres institutions américaines et canadiennes.

Mostafa Barghouti a fait partie des initiateurs de cette campagne de boycott.




Deuxième partie

Al Mobadara est une alternative au vide politique d’Oslo
L’histoire des ONG palestiniennes.
Le contexte de création de l’Initiative Nationale Palestinienne.
La récente naissance du courant démocratique.
Peux-tu nous présenter un aperçu historique pour expliquer plus précisément la différence entre Al Mobadara et le réseau d’ONG Palestiniennes ?


Les organisations civiles (ONG) ont émergé en Palestine à la fin des années 70. A l’époque, donc avant Oslo, l’occupation israélienne avait institué l’administration civile.

Celle-ci s’occupait de l’enseignement, de la santé, de l’agriculture et de la vie civile en général des Palestiniens. Les services assurés étaient de très mauvaise qualité. Il n’y avait pas par exemple des possibilités de soin dans les villages.


Les premières ONG ont été créées d’abord dans le secteur médical, comme le Secours médical palestinien en 1979.

Les initiateurs, dont Mostafa Barghouti, ont voulu fondé les bases d’un système médical alternatif. Il y a eu aussi le PARC qui s’est proposé de développer une aide aux agriculteurs.

Ces services alternatifs ont constitué une forme de résistance à l’occupation. Il y a eu d’ailleurs une concurrence, mais positive, entre les différentes formations politiques car chaque formation a voulu créer son ONG. Ainsi, une miltitude d’organisations spécialisées a vu le jour pour former un système social et politique qui a permis de dépasser l’administration civile de l’occupation.

Ce système a par ailleurs énormément participé au renforcement de la première Intifada. Il a abouti à la création des comités populaires dans les camps, les villages, les villes et les quartiers.

Ensuite il y a l’arrivée d’Oslo…



Comment la nouvelle Autorité palestinienne va interagir avec ce réseau d’organisations civiles ?

L’Autorité représentait le futur Etat et devait avoir sous sa responsabilité la gestion de tous les secteurs dont s’occupaient déjà ces ONG. Très vite, elles ont été perçues par l’Autorité comme un concurrent.On a commencé à parler de la raison d’être de ces ONG, et il y a eu des affrontements politiques car l’Autorité voulait s’en emparer et les contrôler.

C’est précisément la question du financement qui a été la clé de ce contrôle. Les ONG palestiniennnes se financaient auparavant auprès d’organisations européennes, comme le Secours populaire, CCFD et d’autres, elles-même percevant des subventions de l’Union Européenne.

Pour l’Autorité palestinienne, il fallait que ces financements transitent par elle avant d’être repartis sur les différentes ONG…



Cela a-t-il été suivi ?

Cela a été suivi par les sources de financement gouvernemental, mais les ONG européennes ont insisté pour maintenir une relation directe avec les ONG palestiniennes.

On a alors posé la question de définir et organiser la relation entre les ONG et l’Autorité, ce qui a amené les ONG à former un réseau de coordination et donner naissance au PNGO (Palestinian Non gouvernemental Organisations).

C’était aussi une époque où il fallait élaborer des lois, une tâche difficile au regard de l’imbrication des législations en vigueur - jordanienne, égyptienne, osmanienne et britannique – qu’il fallait unifier dans une loi palestinienne. Il y a eu alors des concertations entre le PNGO et l’Autorité et les ONG ont fait un grand travail. Elles ont contribué à ce qu’il y ait un certain positivisme et une certaine équité dans les nouvelles lois pour que les intérêts des groupes sociaux les plus défavorisés soient préservés.

Les ONG ont toujours fait des propositions dans ce sens et ont joué ce rôle positif qu’il faut toujours reconnaître, même si la mauvaise gestion ait pu pénétrer certaines ONG.



La mauvaise gestion existe donc dans ce milieu ?

Elle existe mais il ne faut pas généraliser. L’Autorité a joué un mauvais rôle en ayant recours à des pratiques dangereuses. Elle a créé des organisations dites non gouvermentales qui étaient réellemnet gouvernementales. Ceci a introduit la mauvaise gestion dans le système…



Revenons à l’Initiative Nationale Palestinienne dont certains fondateurs sont issus de l’expérience des organisations civiles.
Où va se trouver la différence ?


Les fondateurs de l’Initiative Nationale Palestinienne ont considéré que les organisations civiles ne devaient pas remplacer mais être un complément des mouvements politiques.

C’était une des raisons qui a poussé plusieurs membres des ONG et d’autres personnes à réfléchir à la création d’un nouveau mouvement qui, tout en collaborant avec les organisations civiles, devait occuper le terrain politique.



Des longs débats ont eu lieu : Pourquoi un nouveau mouvement politique ?
Faut-il créer une formation politique de plus ou mettre en place un nouveau concept ?


Al Mobadara, jusqu’à présent, ne se considère pas un parti politique, ni une organisation, mais un mouvement.



Tu peux préciser la distinction entre " organisation politique " et " mouvement politique " ?

C’est encore le sujet d’un débat. Beaucoup de Palestiniens nous disent : quelle nouvelle idéologiqe vous apportez ? Justement, le mouvement n’apporte pas une nouvelle idéologie car il veut rester un mouvement large. Ce n’est pas une recette prête à l’emploi mais une expérience et un mouvement susceptible d’évoluer et d’être enrichi en interaction avec son environnement social et politique.

Si nous nous définissons par une idéologie, cela va faire exclure tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans celle-ci.

Al Mobadara ne se définit pas non plus comme un mouvement religieux, et c’est un point très important pour nous. C’est un mouvement qui n’a pas d’idéologie spécifique mais qui se positionne comme une troisième voie entre le Fateh, le parti de l’Autorité palestinienne et les mouvements islamistes, comme une alternative au vide du processus d’Oslo et à la stérilité du courant religieux.

Sur un autre plan, le mouvement n’est pas perçu comme une finalité en soi mais comme un tremplin, un moyen et une étape pour la construction d’un courant démocratique plus large. A travers ce nouveau concept, nous avons réussi à amener des gens qui n’ont jamais fait de la politique à adhérer au mouvement.



Le mouvement comme tremplin et non comme finalité, c’est une démarche très intéressante. Quels en sont les premiers résultats ?

A travers les élections, nous avons voulu affirmer notre inscription dans un mouvement démocratique plus large. C’est la raison pour laquelle, Mostafa Barghouti ne s’est pas présenté au nom de l’Initiative Nationale Palestinienne mais comme candidat du courant démocratique.



Ce courant démocratique regroupe actuellement d’autres composantes ?

Nous espérons que ce courant va s’élargir dans le futur. Actuellement, il regroupe Al Mobadara et le Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP).
Il y a aussi d’autres formations comme les Comités indépendants des travailleurs de Gaza, et un certain nombre de personnalités.



Donne nous quelques noms

On peut citer Haydar Abdel Chafi qui est un des fondateurs du mouvement et aussi une des figures de lutte du peuple palestinien. C’est un homme respecté et apprécié par tous, y compris par le Hamas et le Jihad Islamique. Il a été à la tête de la délégation palestinienne aux négociations de Madrid, puis il a démissionné avec le démarrage des négociations d’Oslo car elles étaient secrètes et parallèles.

Ibrahim Addaqaq est un autre fondateur du mouvement et une des figures palestiniennes de Jérusalem. Dans les années 70, il était un des leaders du Front National Palestinien qui a regroupé les formations palestiniennes de gauche à une époque où Israël interdisait les activités de l’OLP.

On peut citer d’autres personnalités comme Wahid El Hamadallah, de Anabta au nord de Tolkarem, qui a également fait partie du Front National Palestinien.



De quand date la constitution du courant démocratique ?

Le courant démocratique est en phase de constitution depuis les élections. Et il y a actuellement l’idée de créer des listes communes pour les futures élections législatives. C’est une question d’une grande importance. C’est un courant qui a besoin de soutien, notamment par le mouvement de solidarité internationale…




Troisième partie

La solidarité en France doit s’ouvrir à la diversité des Palestiniens
Le manque d’ouverture de la solidarité en France. Le ralliement inconditionnel sur Oslo. La confusion entre la critique et l’hostilité à l’égard de l’Autorité palestinienne. " Deux Etats " ne passe pas forcément par Oslo. L’idée d’une conférence internationale et la contribution du mouvement de solidarité.
Quel soutien attendez-vous de la solidarité en France ?


Nous avons besoin d’un soutien politique et d’une qualité d’écoute pour débattre des idées que nous apportons au sein du mouvement de solidarité. Il y a un problème en France car une partie de ce mouvement est strictement alignée sur les positions politiques de l’Autorité palestinienne, ce qui est à mon avis très dangereux car un mouvement de solidarité doit toujours être indépendant et avoir ses propres positions.

L’Autorité ne peut se confondre avec le peuple palestinien et elle n’est pas la composante principale, ou du moins unique, de ce peuple.



Tu demandes une ouverture à la diversité

Exactement. Le mouvement de solidarité n’est pas ouvert actuellement à notre diversité.



Comment expliques-tu ce manque d’ouverture ?

Je pense qu’il est du à une confusion. Au sein du mouvement de solidarité il y a la crainte que la moindre critique à l’égard de l’Autorité palestinienne implique la remise en cause de sa légitimité. Or ces sont deux choses différentes car la critique ne signifie pas forcément l’hostilité. Cette confusion aboutit à considérer l’Autorité comme quelque chose de sacré et d’intouchable.

Cet amalgame au sein de la solidarité est d’autant plus dangereux que L’Autorité se trouve elle-même dans une situation ambiguë car elle ne se positionne plus complètement à l’intérieur du mouvement de libération nationale.

Rappelons donc que la solidarité doit s’adresser à l’ensemble du peuple palestinien et pas seulement à l’Autorité.



Quelles sont les manifestations politiques de ce manque d’ouverture ?

Ce manque d’ouverture se traduit par un alignement inconditionnel sur le processus d’Oslo. Une partie du mouvement de solidarité trouve Oslo bien car il convient à son humeur politique, et c’est simplement parce que Oslo fait miroiter la solution de deux Etats et ne touche pas à Israël.



Oui, mais on vient de voir que vous aussi vous préconisez la solution de deux Etats et vous êtes pourtant critiques à l’égard d’Oslo…

Effectivement, notre première différence avec Oslo ne se situe pas au niveau de l’objectif annoncé mais au niveau des moyens d’y parvenir. C’est une différence importante car les moyens proposés par Oslo placent les résultats escomptés en déca même de l’objectif de deux Etats.

Mais il y a aussi une autre différence. Oslo se contente de parler exclusivement de deux Etats et s’enferme dans un horizon politique très limité.

Certaines composantes du mouvement de solidarité refusent de mettre en cause la politique coloniale de l’Etat d’Israël mais continuent à mettre en cause seulement certaines conséquences de cette politique. D’autres mettent égal à égal les Palestiniens et les Israéliens. Il faut comprendre que l’Etat d’Israël est un Etat colonial qui doit être traité comme tel et ne pas passer au-dessus de la loi…



Je crois que ces derniers points méritent un débat à part. Sur le premier point concernant les moyens de parvenir à vos objectifs, vous demandez la tenue d’une conférence internationale : quelle peut être la contribution du mouvement de solidarité ?
Est-ce que la tenue, dans un premier temps, non pas d’une conférence d’Etats mais d’une conférence réunissant les mouvements politiques qui peuvent s’impliquer dans cet objectif, serait un pas pour avancer dans cette direction ?


La tenue d’une conférence avec des mouvements politiques, c’est une très bonne idée que nous devons explorer.
Actuellement, la présence des mouvements palestiniens dans le Forum Social Mondial (FSM) ou Européen (FSE) est très importante et rejoint la même idée. Cette présence confirme le fait que le mouvement national palestinien est une composante du courant altermondialiste.
Le FSE de Londres a pris des orientations pour des sanctions contre Israël et pour le boycott de l’apartheid, orientations qui ont été confirmées à Porto-Allègre, tout cela est très important pour nous…



Oui mais je remarque que cette avancée en direction du boycott du système d’apartheid n’est malheureusement pas accompagnée d’une avancée dans la construction d’une alternative pour la paix…

C’est pour cela, il est vrai, qu’il faut mener des larges discussions au sein de ce mouvement dans ce sens.

Mais il faut, comme tu l’as dit, que nous soyons d’abord plus ouverts.


Entretien réalisé par Nazem Ghemraoui,
A Paris, le 14 février 2005
L’Agenda du Proche-Orient
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