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Palestine - 3 mars 2004
Par Silvia Cattori
Entretien réalisé par Silvia Cattori en décembre 2003. Traduit de l'anglais.
Voilà pourquoi je ne vois rien de positif ni aucune solution à brève échéance. Ce qui m’inquiète tout particulièrement, c’ est qu’Israël met à profit toutes ces périodes de crises interminables pour créer de nouvelles contraintes physiques sur le terrain, pour s’annexer plus de terres, construire plus de barrières, causer toujours plus de souffrances aux Palestiniens.
Tout cela contribue à augmenter sa marge de manoeuvre, va encore compliquer davantage nos chances d’arriver à une solution politique équitable.
Tout cela cumulé réduira considérablement nos possibilités de nous construire comme nation.
L’homme est fin, discret, attachant. Il vit à Bethléem. Il est chrétien. Il a connu, comme beaucoup de ses frères palestiniens, la dureté de la prison et de la torture. Professeur de physique à l’Université de Bir Zeit, Ghassan Andoni a toujours oeuvré en faveur de la paix et prêché la résistance non violente. Il est l’un des fondateurs de l’International Solidarity Movement (ISM).
Silvia Cattori : Quand on voit ce que les Palestiniens subissent, on est terrifié. Que dire au monde ?
Ghassan Andoni : Nous devons dire la vérité.
Silvia Cattori : Quand nous nous étions vus la dernière fois, il y a six mois, c’était une période tragique pour le peuple Palestinien. Tragique aussi pour le Mouvement international de solidarité (ISM) frappé par l’assassinat de Rachel Corrie, les tentatives d’assassinat de Tom et Brian, les arrestations. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Ghassan Andoni : Nous traversons une des périodes les plus difficiles que nous ayons connues. Les dommages causés par l’occupation sont devenus irréversibles. Les difficultés que nous affrontons sont d’autant plus pénibles que nous sommes livrés à nous mêmes, dépourvus d’une direction digne de ce nom. Sur le plan diplomatique, tous les efforts déployés autour de la Feuille de route, vont à mon avis échouer. Toutes ces initiatives se bornent à traiter les dommages causés au lieu de s’attaquer à la racine du mal. Il n’y a aucun changement ni aucune amélioration à attendre, aussi longtemps qu’Israël mène des offensives militaires en Palestine. Rien n’indique que nous allons vers une meilleure période.
Même, il y a tout lieu de craindre que le conflit ne se prolonge avec plus ou moins d’intensité. Ce qui entrainera davantage de destructions et incitera des groupes de résistants à mener encore plus d’attaques contre les soldats et les colons israéliens. Le système de contrôle mis en place par l’occupant, n’est donc pas prêt d’être allégé, tout au contraire ; les réseaux de contournements routiers, les barrages, les murs et les barrières métalliques, les annexions de terres n’ont de cesse d’augmenter.
Voilà pourquoi je ne vois rien de positif ni aucune solution à brève échéance. Ce qui m’inquiète tout particulièrement, c’ est qu’Israël met à profit toutes ces périodes de crises interminables pour créer de nouvelles contraintes physiques sur le terrain, pour s’annexer plus de terres, construire plus de barrières, causer toujours plus de souffrances aux Palestiniens. Tout cela contribue à augmenter sa marge de manoeuvre, va encore compliquer davantage nos chances d’arriver à une solution politique équitable. Tout cela cumulé réduira considérablement nos possibilités de nous construire comme nation.
Concernant l’ISM, nous sommes dans une phase d’évaluation. L’ISM est aujourd’hui un mouvement bien établi. Un mouvement qui est là pour durer, qui a une assise internationale et locale.
Depuis sa création, en 2001, l’ISM a accompagné et soutenu les communautés palestiniennes particulièrement frappées par l’occupant pour tenter d’alléger leur fardeau et de les aider à desserrer l’étau en organisant des actions de résistance civile. Cela consistait à rendre les activités de l’armée d’occupation plus difficiles, à ralentir et réduire leur efficacité.
L’armée a mal supporté la présence de ces internationaux qui faisaient obstruction à ses actions et témoignaient de ses abus. C’est pourquoi, l’armée s’est montrée de plus en plus agressive avec eux. Et malheureusement les soldats sont allés jusqu’à causer les pertes que vous avez mentionné au début. Les actions directes telle que menées jusqu’à ce jour ont été essentielles. Il fallait tout tenter pour freiner l’occupant et appuyer les Palestiniens dans des actions de résistance non violente. Il était alors important de manifester une présence constante sur le terrain, de signifier à l’occupant qu’il ne pouvait pas tout faire, de déployer une résistance qui s’opposait à ses excès.
Toutefois ce dont nous avons besoin aujourd’hui est de devenir partie d’un mouvement local plus large. Ce que nous voulons maintenant réaliser est attirer de plus en de Palestiniens dans des actions de résistance civile. Nous sommes arrivés à la conclusion que l’ISM doit s’enraciner davantage dans la société palestinienne. Que l’ISM ne peut se substituer à elle. Je sais que c’est un grand défi et que cet objectif ne pourra pas être atteint en quelques semaines ni en quelques mois. Mais il est impératif pour nous d’aller dans cette direction.
C’est un changement majeur. Mais sans cet effort d’intégration dans la société locale, l’ISM ne pourra pas obtenir cette large adhésion de la population à la résistance non violente contre l’occupant qui était sa raison initiale. Le temps est venu pour l’ISM d’approfondir ses liens avec les divers groupes qui, dans la société civile palestinienne, sont susceptibles de se rallier à des actions de résistance. Nous devons donc cesser de fonctionner comme des unités de l’ISM pour nous insérer localement. Nous sentons la nécessité d’être rattachés à un réseau local et de nouer des liens plus serrés de partenariat avec les différents groupes palestiniens. Et de voir en concertation avec eux quels sont les moyens les plus adéquats susceptibles d’attirer la population dans des actions de résistance et de défiance civile massives.
C’est le défi que nous voulons relever. Il est difficile de dire avec quelle facilité l’ISM arrivera a s’intégrer dans la communauté et à établir des liens avec les différents groupes. L’ISM a les capacités de s’adapter aux exigences de la communauté, de devenir un partenaire de la communauté, d’appuyer ses initiatives tout en laissant les groupes locaux développer eux-mêmes leurs plans de résistance non violente. Il faut s’attendre à ce que le niveau des activités ralentisse. Quant on agit au sein de la communauté, on est obligé de marcher au rythme de celle-ci.
La question est : est-ce que l’ISM va savoir s’adapter à ce changement de rythme ? Jusqu’ici le profil de l’ISM était calqué sur les actions de ces volontaires courageux qui ont su faire face à l’armée israélienne. Les Palestiniens ne peuvent pas se permettre de mener ce genre de confrontations avec l’armée. Ils se feraient immédiatement tuer par dizaines.
Silvia Cattori : Les internationaux ont-ils toujours su répondre aux attentes de la population en détresse ?
Ghassan Andoni : Nous devons examiner de très près quelles sont les motivations des gens qui viennent en Palestine. S’ils viennent ici pour vivre des sensations fortes, la nouvelle orientation que devrait prendre l’ISM, ne les intéressera pas. Par contre, elle attirera des gens qui ont de solides motivations et qui savent comment se comporter dans le cadre d’une communauté.
Des gens qui savent accepter de travailler sous la direction de la communauté palestinienne et qui sont suffisamment patients, et capables de s’adapter à son rythme.
En résumé. La première période d’actions directes menées par l’ISM était un passage obligé. Cette période est révolue, je crois. C’était un mode d’action rendu nécessaire alors, parce que le niveau de violence était très élevé et la possibilité d’attirer des Palestiniens dans des actions de désobéissance civile très mince. Je le repète. De simples manifestions de protestation pacifiques contre l’occupant entraînent de lourdes pertes en vies humaines, dès que les Palestiniens se trouvent hors de la présence internationale.
Malheureusement, avec les accords d’Oslo et l’établissement de l’Autorité Palestinienne, la plupart des leaders palestiniens de l’OLP qui étaient actifs dans le mouvement de résistance sont entrés en politique. Ils ont donc cessé de diriger la communauté et la résistance.
Privée de dirigeants, la communauté a perdu son potentiel et sa capacité à résister. L’absence de direction demeure toujours d’actualité. Le vide politique était tel qu’il était devenu essentiel pour la société civile de se prendre en main pour assumer du mieux qu’elle pouvait les difficultés causées par l’occupation militaire. L’ISM, avec l’aide d’individus capables de mener des actions directes de confrontation avec l’armée israélienne et les colons, a joué un rôle actif durant cette crise aigue où la société palestinienne a été laissée sans direction.
Quand on risque quotidiennement sa vie, on a besoin de gens en qui on peut avoir une confiance absolue. Il ne s’agit pas comme dans vos pays de faire confiance à des élus qui vont vous représenter dans un parlement. Il s’agit de dirigeants capables de se battre sur le terrain et non pas de politiciens.
Si nous pouvons bénéficier d’une accalmie dans la violence israélienne, nous aurons alors un peu plus de chances et d’espoir que la résitance civile puisse s’exprimer. Nous espérons pouvoir lui donner l’impulsion qu’il faut pour que des directions locales puissent émerger et assurer un leadership.
Si les dirigeants des organisations de la société civile locale, tels que les groupes de réfugiés, les groupes syndicaux, les groupes de paysans, parviennent à redonner confiance à la population, ils peuvent êtres nos meilleurs alliés pour engager la population dans des actions de résistance non violente telles que nous les préconisons.
C’est à de nouvelles orientations stratégiques que nous devons consacrer notre réflexion. Si nous voulons réussir ce pari, nous devons trouver une meilleure intégration dans la société palestinienne et nous écarter des méthodes sur lesquelles l’ISM basait jusqu’ici son action. Le temps d’agir différemment est donc venu.
Mais pour orienter les choses différemment nous avons besoin d’analyser les différents aspects de la crise. Mon grand souhait est que l’ISM puisse être capable d’aller dans le sens de cette évolution. Parfois les mouvements ont des résistances aux changements, des rigidités. Je crois, que nous avons tout à gagner à être suffisamment flexibles, à aller vers des changements de stratégie.
Jusqu’ici, l’ISM était surtout basé sur le travail des internationaux et les militants locaux agissaient, eux, comme coordinateurs. Ces derniers étaient entièrement absorbés par les actions au jour le jour. Ils devaient consacrer l’essentiel de leur temps a organiser les actions du lendemain et n’avaient donc pas le temps de nouer des contacts étroits avec les groupes locaux.
Le défi est de parvenir à nous adapter au travail tel que dicté par la base tout en ne perdant pas de vue notre objectif qui est de soutenir la résistance et pas de faire le travail d’une ONG humanitaire. C’est ce nouveau concept que nous devons développer. Avant nous étions le moteur de la résistance. Maintenant nous devons nous intégrer à l’intérieur de la société civile et nous adapter à elle. Tout en sachant que parfois, sous la direction de la société locale, certains d’entre nous qui sont impatients, vont se sentir à l’étroit. Néanmoins nous devons admettre que les gens qui sont sur le terrain savent mieux que quiconque ce qui est bon pour eux.
Reste à espérer que la base saura s’organiser rapidemement et que l’ISM pourra se joindre à la ligne de front et lui apporter une contribution valable, tout en se soumettant à ses directives.
Silvia Cattori : Donc la présence des internationaux en Palestine demeure une nécessité ?
Ghassan Andoni : Nous ne pouvons jamais oublier que, même lorsque les volontaires de l’ISM et les Palestiniens associés à l’ISM manifestaient de manière clairement pacifique, nous n’étions pas traités comme tels par l’armée israélienne. Au départ, les internationaux benéficiaient d’une certaine immunité. Ils pouvaient servir de protection aux Palestiniens qui démontaient des barrages routiers ou essayaient d’ouvrir une barrière. Mais tout cela n’est plus vrai depuis que l’armée a commencé à tirer sur eux.
Je suis conscient que, sur le long terme, le degré de violence que nous subissons de la part de l’armée israélienne, n’est pas tenable. Il est essentiel de se doter de certaines formes de protection. Toutefois l’ISM ne peut pas rester enfermé dans un rôle d’assistance qui se limite à soutenir et à protéger.
Nous devons vivre avec l’idée que toute communauté qui s’engage dans la résistance a un prix à payer. La société palestinienne a déjà payé un lourd tribut en vies humaines. Elle a la capacité de continuer de résister tout en sachant que, même en luttant pacifiquement, elle prend des risques.
Silvia Cattori : Où en êtes-vous de votre réflexion ?
Ghassan Andoni : A nous demander où nous allons. Nous devons répondre à ces interrogations. Faute de quoi nous risquons de nous égarer et tomber dans des conflits internes. Quand il y a une direction qui a une claire vision, les autres ont envie de se rallier. S’assoir, réfléchir, définir clairement des objectifs. Nous sommes à ce stade où nous sentons qu’il y a des choses qui doivent être revues.
Un des problèmes que nous avons eu à affronter découle du fait que les gens qui se sont ralliés à l’ISM dès le début, ont une identité combative. Ils ont participé à des actions spectaculaires qui ont eu un retentissemement médiatique et ont suscité l’admiration.
Or quand, comme dans une de nos dernières campagnes de récoltes des olives, les internationaux qui avaient cette volonté d’action directe, ont dû consacrer la plus grande partie de leur effort à travailler avec la communauté, cela les a déconcertés, voire contrariés. Ce travail de collecte des olives ne correspondait pas aux attentes qu’ils avaient en venant en Palestine.
Cet exemple nous fait toucher la limite entre ce que nous pensons utile pour notre communauté et un engagement sans directives bien définies.
Nous devons être attentifs à revoir nos méthodes et à raisonner en termes d’engagement positif.
Nous devons nous poser les bonnes questions. A savoir qu’est-ce qui est utile dans ce que nous voulons apporter aux Palestiniens sous occupation ? Et non pas nous regarder le nombril et vanter nos exploits, croire que nous sommes admirables parce que nous nous sommes confrontés à l’armée sur les check points ou autre chose.
Nous ne pensons pas que nous pouvons continuer à mener des actions directes comme par le passé. Dès lors, ce sera la communauté palestinienne qui définira ce qu’elle entend entreprendre en terme d’action contre l’occupation. Si nous changons de stratégie, il est fort probable que les groupes qui vont nous rejoindre à l’avenir vont être davantage affectés à des manifestations de protestation et non plus uniquement à des actions directes.
Ceci est un des aspects des activités que l’ISM palestinien doit affronter. Il faut le souligner. Nous avons assumé la première étape avec des résultats remarquables. L’action accomplie durant ces trois années était utile et nécessaire. Elle était très importante. Mais si nous continuons sur la même lancée sans nous interroger jamais sur l’avenir, nous allons cesser d’êtres utiles.
Quand nous nous sommes rencontrés, il y a six mois, c’était une période dure, où nous étions tendus, où nous nous sentions très mal à l’aise, où nous étions en peine pour ce qui était arrivés à Rachel, Brian, Tom, mais en même temps nous n’avons pas baissé les bras. Nous en étions à l’étape où nous voulions démontrer à Israël que, même s’il nous tirait dessus, il ne pourrait pas arrêter le mouvement.
Ne pas céder à la peur, ne pas se montrer intimidés, était une manière de protéger nos volontaires. Car, si nous avions laissé entrevoir à Israël que nous étions pris de panique, si nous avions réduit nos activités après l’assassinat de Rachel et les blessures de Brian et de Tom, nous aurions encouragé les militaires à nous attaquer davantage. En quoi nous avons vu juste. Nous avons été capables de montrer notre détermination et capables de résister aux directives de l’armée qui voulait notre disparition. C’était une stratégie efficace, car elle a convaincu l’armée que rien ne pouvait nous anéantir, et que nous tuer allait multiplier nos forces.
Maintenant, nous avons besoin de poser les bases d’une période nouvelle. Une période qui requiert différentes stratégies. Nous ne pouvons pas continuer de faire les choses comme par le passé. L’ISM a le potentiel pour s’engager dans de nouvelles stratégies. Même si l’on peut supposer qu’il y aura une ample résistance à l’intérieur du movement, qu’il y aura des personnes qui vont refuser ce changement. Mais nous n’en devons pas moins continuer de discuter jusqu’à ce que nous atteindrons un consensus. Mon opinion est claire. Si aucun changement ne se produit, nous risquons d’hypothéquer l’avenir de notre mouvement et de détruire l’image que nous avons construite.
Nous avons l’exemple de l’OLP. Il y a eu une période où ses leaders étaient efficaces. Mais ils ont perdu tout crédit et leur image s’est rapidement détériorée, quand ils n’ont pas su réviser leurs stratégies.
Silvia Cattori : Vous devez vous sentir très découragés par périodes ?
Ghassan Andoni : En cette dernière période nous avons ressenti des signes de fatigue. Nous devons avoir la modestie de nous demander “Pourquoi fait-on cela ?” Nous ne pouvons plus continuer sur la même lancée. Quand on passe son temps à courir on finit par perdre la vision des choses. Quand elle devient une routine, votre action perd de son efficacité. La première fois que nous avons tenté de tirer en bas une porte du mur, cela a eu un retentissement immense.
Bush recevait Sharon ce jour là, les médias ont largement parlé du mur, on a pu le voir physiquement pour la première fois dans le monde entier et cela les a forcés à s’expliquer publiquement.
La deuxième fois cela a eu un faible impact.
La troisième plus personne n’en a parlé. Il s’agit de trouver des brèches pour toucher l’opinion. Nous devons êtres capables d’inventer sans cesse et non pas persévérer dans des actions qui ne mènent nulle part. Aussi nous devons nous garder de tomber dans la trappe médiatique. Vous n’êtes intéressant qu’une fois.
Mais ensuite les gens vous demanderont à juste titre : “Quelle est votre vision ? Où êtes-vous en train de nous mener ?”
Faire des actions spectaculaires, se faire plaisir, avoir des choses excitantes à se raconter une fois de retour n’est pas forcément utile pour les gens ici.
Certes, nous devons répondre et nous adapter aux attentes des volontaires internationaux qui nous rejoignent. Mais, en même temps, nous avons la responsabilité de définir ce qui est utile pour la communauté et ce qui est nuisible. Nous vivons ici. Nous nous devons d’être responsables. C’est toute la différence entre un mouvement implanté localement et des groupes qui viennent en Palestine pour faire ce qui leur plaît, et puis s’en vont.
Silvia Cattori : Quand vous avez fondé l’ISM, les Palestiniens, épuisés par des années d’occupation et, révoltés contre l’inertie de l’Autorité Palestinienne, étaient au bord de l’explosion. L’ISM offrait un cadre où les gens pouvaient exprimer leur exaspération. Or, il s’est avéré que les Palestiniens ont été réticents à se montrer, y compris dans des manifestations résolument pacifiques. Ne sont-ils pas aujourd’hui plus frustrés que jamais ?
Ghassan Andoni : Il est évident que le moral de la société palestinienne en général est au plus bas. Et il est évident que, quand le moral est en baisse, cela a des incidences sur le niveau d’engagement. A fur et à mesure des offensives d’Israël, nous avons vu la population lutter, s’investir corps et âme pour aider les gens en grande détresse. La résistance faisait partie de cet engagement solidaire pour assurer la survie. Maintenant tout cela n’existe plus. Les gens sont fatigués. Ils sont attentifs à s’entraider les uns les autres. Mais ils ne peuvent rien faire de plus.
Après tant de difficultés et cette lutte permanente pour assumer la dureté du quotidien, tous sont obligés de se concentrer sur leur propre famille. Parfois ils ne sont même plus en état de faire face. Tout cela nous affecte directement.
Silvia Cattori : Israël a donc réussi à vous atteindre en profondeur ?
Ghassan Andoni : Bien sûr ! Ce ne sont pas des limitations dues à la peur. Ce sont des limites humaines. Les gens ont un grand potentiel de résistance.
Mais ils peuvent se sentir parfois écrasés par la pression que l’occupant exerce sur eux. Il y a une sorte de balance en nous. Parfois on la voit en bas, parfois en haut. Une société c’est pareil. Le défi que doivent relever les Palestiniens est immense. En ce moment le moral est bas mais cela ne veut pas dire que c’est la fin. Cela ne veut pas dire qu’Israël a réussi dans sa volonté de nous détruire. Vous pouvez constater que, même si actuellement les Palestiniens n’investissent pas beaucoup d’efforts dans la résistance, il y a toujours des groupes qui restent combatifs, qui sont très motivés et, chaque fois qu’il y a une occasion, ils s’attaquent à l’adversaire. Et leur nombre est en constante augmentation.
La résistance est comme un poumon qui respire. En ce moment le poumon est fatigué. C’est déjà assez dur d’assumer toutes les contraintes imposées à la société par l’occupant. Je suis donc d’accord avec vous. Le moral est bas. Je vis ici et tout cela m’influence énormément moi aussi. C’est un fait que nous avons moins d’espoir que par le passé. Mais malgré ça, je suis là et je ne me sens pas frustré. J’ai accumulé assez d’expériences pour savoir que ces périodes font partie du chemin à parcourir par toute résistance.
Je me remémore toujours cette chose-ci : en 1997, après les accords d’Oslo, quand je regardais autour de nous je ne voyais rien de positif. Les Palestiniens n’avaient rien récolté de ces mauvais accords signés avec Israël. Les Palestiniens avaient tout perdu. Ils étaient totalement désemparés. Ils avaient perdu leur foi en la politique. Ils ressentaient dans leur chair cette déception et les trahisons de leurs autorités. C’était une période de total désespoir.
Les êtres humains ont le droit d’avoir des baisses dans leur moral. Nous avions déjà connu, dans les années quatre vingt, après la défaite de l’OLP au Liban, une période où notre moral avait été profondément atteint. Car, une fois l’OLP affaiblie, nous étions sans défense. Il était devenu difficile pour la société palestinienne de combattre l’avancée des colonisateurs.
Tous nos efforts pour contrecarrer l’extension des colonies et stopper l’annexion de notre terre échouaient. Quand les villageois se sont vus encerclés par des colonies, dépossédés de leurs biens, ils ont perdu tout espoir.
Oui, nous devons admettre ce qui est. Que ce sont des temps durs. Qu’il y a un certain niveau de fatigue et de frustrations perceptible. Cela nous indique que nous avons besoin de prendre plus de temps, que nous devons encore investir des centaines de fois les efforts déjà investis.
Silvia Cattori : Je vous sens à bout ?
Ghassan Andoni : C’est un fait que je perçois moi aussi une fatigue. Que c’est dur de s’engager quand il n’y a pas d’espoir d’amélioration dans l’immédiat. C’est une situation frustrante. Mais malgré cela, nous n’avons pas perdu tout espoir. Ce dans quoi les Palestiniens ont puisé des forces c’est que, durant ces trois années d’intense oppression, malgré les difficultés, il y a eu des actes de résistance inespérés. Je sais que les Palestiniens vont réémerger. Que le potentiel est là. Qu’il est immense.
Qu’il n’y a rien qui puisse les anéantir. Je crois que la société palestinienne sera capable de remonter la pente et se structurer dans des activités de résistance non violente. Nous devons respecter son besoin de faire une pause. Nous devons savoir attendre le moment opportun, savoir quand il est possible d’apparaître, quand on ne peut pas. Notre priorité ce n’est pas de nous presser mais de nous consolider, de maintenir vivante la perspective de la résistance et d’en accroitre son efficacité sur la durée.
Les Palestiniens ont fait la preuve d’une grande clairvoyance. Il ont su se dire : “Attend ton heure, la lutte est longue, il ne faut pas épuiser tous les efforts en un seul.”
C’est avec cette sagesse que la mentalité collective voit les choses.
Parfois nous ressentons le besoin de nous mettre à l’écoute de la société, à l’écoute de sa conscience collective. Une conscience qui prend en consideration des centaines de milliers de personnes.
Silvia Cattori : Ce contexte déprimant a donc eu pour effet de limiter l’action de la résistance ?
Ghassan Andoni : Certes, nous aurions voulu voir la communauté participer de façon massive à la résistance civile. Cela n’a pas pu se réaliser et a ajouté aux frustrations. Je suis d’accord avec vous. Nous sommes arrivés à ce degré de démoralisation qui nous a atteints en profondeur. Nous devons toujours garder à l’esprit les éléments qui sont à la base de toute résistance civile de base et nous y tenir :
- la nécessité de mettre l’accent sur l’information pour rallier l’opinion à notre cause. Nous sommes conscients que c’est un immense problème. Lutter contre la propagande d’Israël n’est pas un combat facile. D’autant qu’il a l’ensemble des médias occidentaux avec lui. Pour ouvrir une brèche, il nous faut faire un million de fois ce que les Sud africains ont dû faire pour en finir avec l’apartheid.
- la nécessité d’un environment international qui soit favorable à notre cause. Ce à quoi nous assistons n’est pas en notre faveur. Les Etats-Unis - pays le plus puissant - sont totalement acquis à Israël et ne font rien pour soutenir les Palestiniens. Notre devoir est de nous doter de tous les moyens pour changer cette donne.
- la nécessité de voir émerger en Israël un ample mouvement qui combatte la politique d’occupation de leur gouvernement. Nous avons besoin de mouvements qui sont actifs des deux côtés. Et de vous partout dans le monde. Venez.
Silvia Cattori : Si j’ai bien compris, le moteur de la résistance en Palestine sera la société civile et l’ISM sera là en appui ?
Ghassan Andoni : Les contexte, est comme vous le savez, très complexe et difficile. Nous devons dire ce qui est, nous présenter tels que nous sommes, avec nos faiblesses, nos capacités réelles. Personne ne doit tromper la communauté sur les buts possibles de son action. Quant nous nous présentons comme un mouvement de résistance civile non violente, comme une solution au problème, nous devons être très prudents.
Nous devons nous garder de créer des images roses. Les risques et les embûches sont immenses. C’est pourquoi nous préférons nous en tenir à des pronostics modestes. Le fait qu’il y a des périodes où il faut savoir garder un profil bas, et réviser sa capacité à résister, ce n’est pas une nouveauté pour nous.
Silvia Cattori : L’objectif de départ, de vous doter de témoins internationaux, a porté ses fruits, non?
Ghassan Andoni : Oui, il faut le souligner. Quantité de grandes choses ont été réalisées par les volontaires de l’ISM. De ne pas se sentir isolés à ce moment crucial, a été un facteur très important pour le moral des Palestiniens. Je suis très heureux de l’impact que de la diffusion de leurs témoignages a eu à l’extérieur, du changement que cela a créé aussi dans les medias. Aussi la capacité de l’ISM à contrecarrer l’armée, et à empêcher parfois la destruction des maisons, a dépassé tout ce que nous pouvions espérer. Oui, de grandes choses ont été accomplies par l’ISM. Vous ne pouvez pas vous imaginer combien cette expérience avec ce mouvement a été enrichissante pour moi.
Mais mon souci en ce moment est “Demain quoi ?”.
Nous ressentons le besoin d’évaluer le contenu de cette expérience pour redéfinir ce qui est utile pour l’ISM à ce stade de la lutte. Et de nous en servir pour concrétiser notre intégration et notre action dans un partenariat avec les groupes locaux. L’ISM n’est pas exclusivement international.
Depuis le début l’ISM s’est défini en tant que mouvement sous direction palestinienne. Jusqu’ici nous avons fonctionné en entretenant des relations avec la communauté mais pas dans le cadre d’un partenariat total. Or notre rôle est d’agir à l’intérieur de la résistance civile. De devenir complémentaires avec les groupes de base palestiniens.
C’est à eux que doit revenir le fardeau de diriger le movement. Hier nous étions les initiateurs du mouvement, nous ressentons aujourd’hui le besoin de travailler en aval.
Silvia Cattori : Vous avez évoqué combien il peut être délicat de concilier les désir des internationaux avec les vôtres. Entre ceux qui recherchent des sensations fortes et ceux qui veulent être utiles avant tout, y a-t-il un vrai fossé?
Ghassan Andoni : C’est toujours un défi qui comporte des risques que de faire venir des gens de partout, de les intégrer à l’intérieur de la société palestinienne, avec tous les problèmes qu’il y a déjà. Nous avons été rejoints par des gens venant de 40 pays différents avec des cultures et des origines différentes. Nul n’est jamais prêt à faire face à des situations pareilles. N’empêche, la venue de ces internatioanux est essentielle pour les Palestiniens et pour l’ISM en particulier. Je dois avouer que le résultat a été très positif. Même, il a dépassé toute espérance. L’ISM a créé, avec eux, une merveilleuse machine interculturelle. Une machine qui a fonctionné à merveille.
Il faut accepter que tout ne peut pas être parfait. Malgré les aléas, l’ISM a toujours cherché à améliorer sa capacité d’entrainement pour s’assurer que toutes les personnes qui ralliaient notre mouvement ici en Palestine, étaient bien intentionnées.
Oui nous avons eu des cas qui nous ont posé des problèmes. Quelques personnalités difficiles qui n’avaient aucun respect de notre culture, qui faisaient maladresses sur maladresses, qui nous créaient des problèmes de relation à l’intérieur de notre commuanuté, qui avaient des attitudes possessives et de lutte pour le pouvoir.
Au début 50 % des arrivants avaient entre 35 et 70 ans, et l’autre moitié de 20 à 35. Les actions directes ont eu pour effet d’attirer plus de jeunes. Des êtres merveilleux, courageux, je dois le souligner. Ce rajeunissemnt a modifié la balance des âges. Nous devons idéalement retrouver cette balance. Nous avons besoin de cet équilibre qu’apporte l’énergie des jeunes et la sagesse des anciens. Cela est un point très important pour la santé de notre mouvement. La première génération a été dans son ensemble une grande génération. Une merveilleuse génération. Il y avait parmi eux des êtres de grande valeur, de grande sagesse. Sans elle nous n’aurions pas pu construire un mouvement de cette qualité et de cette ampleur.
Il y a des internationaux pour qui venir en Palestine est comme un amusement. Au début notre crainte était telle qu’elle nous amenait à être très sélectifs. Puis quand il a fallu accueillir des centaines de gens à la fois, nous avons du courir le risque que dans le lot il pouvait y avoir des personnes non adéquates. Ce sont des problèmes inérents à tout mouvement.
Silvia Cattori : Vous avez parlé de ce qui a été positif au sein de l’ISM. Mais à l’extérieur, il y a des gens qui pensent que l’ISM est un mouvement traqué, qui agit dans l’illégalité.
Ghassan Andoni : L’ISM n’est pas illégal. Il n’est pas irresponsable. C’est ce qu’on a voulu vous faire croire. Israël a tout essayé pour nous diaboliser, pour interdire l’ISM. Mais il n’a pas pu, il n’a jamais rien trouvé qui puisse être susceptible de nous faire condamner par un tribunal. Ils viennent de nous rendre les ordinateurs qu’ils nous avaient séquestrés. Ils n’ont rien trouvé de concret. Mais ils nous les rendent cassés, inutilisables. Ils n’avaient rien à nous reprocher mais ils ont mené une campagne de dénigrement contre l’ISM avec l’aide des médias. Ils nous ont accusés de quantité de choses illégales.
Si on devait prendre au sérieux toutes leurs accusations, chacune d’elle nous vaudrait des peines à perpétuité. Toutes ces accusations étaient un bluff destiné aux medias. Cette campagne de dénigrement nous a conduit à faire des efforts considérables pour expliquer aux médias ce qu’était ISM.
De faire parler de l’ISM cela nous a valu des sympathies. Lors du débat à l’intérieur du gouvernement israélien il y a eu des voix qui ont pris le parti de l’ISM et qui se sont plutôt penchées sur la manière avec laquelle l’armée nous tirait dessus. A la Knesset, l’extrême droite mise à part, tout le monde a disculpé l’ISM.
En résumé, il n’y a jamais eu aucune des accusations contre l’ISM qui puisse tenir devant un tribunal. Au contraire il y a eu beacoup de violations de la part d’Israël que l’ISM a portées devant les tribunaux et qui ont fait l’objet de condamnations.
Silvia Cattori : Nos gouvernements ne donneraient pas un centime pour soutenir l’ISM.
Ghassan Andoni : L’ISM est une ONG active et non pas une organisation de charité. Les gouvernements, quels qu’ils soient, n’aiment pas les mouvements agissants et les témoins embarassants. Les gouvernements les aiment d’autant moins quand ils violent la loi et qu’ils ont des choses à cacher. Vos gouvernements se fondent sur des considérations politiques tandis que les militants qui dénoncent les abus d’Israël sont animés par des considérations morales. Si les gouvernements suisse ou français veulent entretenir des bonnes relations avec Israël, ils ne sont pas intéressés à nous soutenir.
L’ISM n’est pas un mouvement interessant pour eux. L’ISM est gênant car il dénonce les abus d’un gouvernement qu’eux ils protégent en se taisant. Raison pour laquelle vos gouvernements ne feront rien pour nous défendre si nous sommes en difficulté. L’ISM tient à dire au monde haut et fort que, moralement parlant, Israël commet des crimes. Que les gens ont été induits en erreur quand Israël a pompeusement déclaré que les internationaux qui entraient à Gaza devaient signer une déclaration selon laquelle ils n’appartenaient pas à l’ISM. C’était pure intoxication. Personne n’a jamais rien eu à signer. Cette annonce faite par Israël pour des raisons médiatiques, était sans fondement. Mais Israël s’en est servi pour accréditer l’idée que l’ISM n’était pas un mouvement légal.
Silvia Cattori : Quand les soldats demandent si vous appartenez à l’ISM peut-on leur dire la vérité sans risque ?
Ghassan Andoni : Vous pouvez être expulsée. Pas besoin de commettre une infraction pour être expulsé par les soldats. Pour vous expulser, ils n’ont pas besoin de passer par une procédure légale. L’ISM n’est pas hors la loi. C’est un mouvement populaire qui rassemble les gens. Personne ne peut être accusé d’appartenir à l’ISM et envoyé en prison pour cela. Les volontaires de l’ISM peuvent être l’objet de harcèlement de la part d’Israël, car Israël ne les tolère pas dès lors qu’ils sont présents là où il commet des abus et ils le gênent dans son action répressive, Donc il faut s’en débarasser.
Silvia Cattori : A quoi les internationaux qui viennent en Palestine doivent-ils être attentifs pour ne pas ajouter des problèmes à la société palestinienne. Qu’est-ce que vous attendez que vous n’ayez pas obtenu ?
Ghassan Andoni : Deux choses devraient être considérées à l’extérieur.
• Premièrement, il est important d’envoyer des gens en Palestine travailler avec l’ISM ou une autre organisation, car il est important pour nous d’avoir des témoins neutres.
• Deuxièment, vous pourriez nous aider dans la préparation des volontaires, leur donner des informations qui les orientent un peu avant leur arrivée ici. Les gens qui connaissent bien la Palestine peuvent faire cela.
• Troisièmement, les groupes qui, au-dehors, soutiennent l’ISM peuvent nous aider financièrement. Nous n’avons aucune ressource et des frais considérables. L’ISM palestinien est partie de l’ISM international. Il doit assumer le fardeau de l’encadrement. Et plus le mouvement a grandi, plus nos charges se sont accrues.
J’aimerais également que les groupes de l’ISM, puissent nous donner des “feed back” (un retour). Ceux qui sont venus peuvent nous faire des suggestions sur des réformes, sur des changements de structures, sur la stratégie, etc.
Nous sommes désireux de recevoir vos points de vues, et de vous sentir partie prenante de la discussion. De vous entendre dire ce que vous souhaitez voir comme changements pour mieux répondre aux besoins des uns et des autres. Ce qui est bien ou ne l’est pas partant de l’expérience que vous avez eue ici. Bref, toute question qui se réfèrent à l’information dans les médias, à l’entrainement, à la coordination, aux pressions exercées au-dehors sur les gouvernements… ce sont là des échanges que j’aimerais que l’on entretienne.
J’aimerais aussi que les groupes considèrent sérieusement la possibilité de favoriser des projets de grande envergure ; qu’ils ne se limitent pas à rester repliés sur eux mêmes, qu’ils ne s’enferment pas dans de petits groupes, qu’ils cherchent à élargir leurs actions en association avec d’autres secteurs de la communauté, pour générer davantage d’intérêt autour de la question palestinienne, pour favoriser le plus grand nombre de volontaires venant rejoindre le travail de l’ISM en Palestine.
Un des sujets qui nous préoccupe est l’unification de nos efforts pour créer un meilleur réseau, resserrer davantage nos liens avec les différents groupes dans les différents pays. A ce jour, ce n’est pas encore le cas. Il y a quantité de groupes de soutien mais la plus grande partie d’entre eux n’ont aucun lien, il n’y a pas de travail collectif. Les décisions ne sont pas coordonnées. Elles sont totalement dépendantes de telles ou telles énergies ici ou là. C’est un thème qui nous concerne : comment fonctionner efficacement comme mouvement.
Silvia Cattori : Vous avez dit qu’il n’y a pas suffisamment de “feed back”.
Ghassan Andoni : Nous avons besoin d’être mieux organisés ici pour être à même de gérer le travail avec les groupes de l’ISM venant de l’extérieur. Nous devons créer des réseaux et des pôles de travail dans différents domaines. Avoir des groupes qui s’occupent des médias, des groupes en charge de l’entraînement, etc. Quand nous sommes dans des périodes d’évaluation comme celle-ci, le “feed back” est essentiel. Beaucoup de gens sont venu en Palestine. Chacune de ces personnes a fait une expérience ici. Nous ressentons le besoin de travailler ensemble là-dessus.
Silvia Cattori : Vous avez toutes sortes de tracas dans la vie de tous les jours ?
Ghassan Andoni : Ce n’est pas sans difficulté que l’on se déplace, en effet.
Pour aller de Bethléem à l’université de Bir Zeit qui se trouve à Ramallah, je dois marcher sur des routes de contournements, je dois traverser des collines, parfois je dois passer des chek points, être soumis à des fouilles, changer 4 ou 5 fois de taxi, marcher sur de longues distances. En temps normal cela prendrait moins d’une heure. Parfois il me faut trois heures, parfois six, parfois sept. Parfois on se fait arrêter par les soldats car ils considèrent que vous êtes dans une zone miltaire. Quant ils s’en vont, vous essayez de sauter par dessus des barrages et vous risquez de vous faire prendre. Il y a des routes que vous ne pouvez pas emprunter comme Palestinien. Et, pour sortir de Ramallah, vous êtes obligés d’utiliser l’une de ces routes. C’est vraiment dur !
Silvia Cattori : Vous ressentez tous ces tracas comme humiliants ?
Ghassan Andoni : Oui, dans beacoup de cas oui. Il y a un sentiment d’humiliation en moi. Mais aussi difficile que cela soit, et les risques que vous devez prendre sur la route, c’est mieux que de rester toujours enfermé au même endroit, sans pouvoir bouger du tout. Au moins je suis en mesure d’aller à Ramallah à l’Université. C’est dur mais il faut le faire. C’est important de prendre sa part des difficultés, de ne pas se plier aux dictats de l’occupant, de ne pas se laisser enfermer derrière des grillages.
Si vous voulez exprimer votre point de vue à Ghassan Andoni :
g-andoni@yahoo.com
Vous pouvez envoyer votre aide à l’ISM, en Palestine :
G & G & H & N (ISM)
Bank Hapoalim - Main Branch Tel Aviv 600
Account No. 360883
Swift HAPOALILIT
Palestine Investment Bank
76-411
Account No. 78266
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Interviews
Silvia Cattori
3 mars 2004