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Palestine - 19 novembre 2009
Par Jamal Juma
Mon ami et compagnon organisateur Mohammad Othman, défenseur palestinien des droits de l’homme de 34 ans, est détenu par Israël depuis le 22 septembre alors qu’il rentrait chez lui après des réunions avec des fonctionnaires du gouvernement norvégien. Je suspecte qu’il n’a pas été surpris. Il y a quelques mois, des soldats israéliens à un checkpoint en Cisjordanie l’avaient pris à part et avaient menacé de l’arrêter. « On va t’arrêter, » lui a dit l’un d’eux, « mais c’est difficile avec toi parce que tu ne fais que parler. »
En tant que leader de base, cela me glace les os. Comme Mohammad, mes collègues et moi passons beaucoup de temps à parler – parler et penser à la façon dont les activistes non violents peuvent stopper l’expansion incessante d’Israël sur nos terres agricoles. Si parler est un crime, si exhorter la communauté internationale à tenir Israël pour responsable du vol de notre terre est un crime, alors nous sommes tous vulnérables.
Le droit, qui sur le papier protège les droits des occupés, semble impuissant à arrêter Israël.
Le mois dernier, Israël a lancé ses invectives contre le rapport Goldstone des Nations Unies, qui documente méticuleusement les crimes de guerre israéliens pendant l’attaque sur Gaza. La « nouvelle » administration US de Barack Obama est malheureusement revenue à ce qui ressemble beaucoup à l’administration Bush en reculant devant les demandes qu’Israël gèle la construction de ses colonies illégales et ses efforts vigoureux pour tuer le rapport Goldstone. Les civils palestiniens brutalisés à Gaza seraient obligés d’avaler une pilule amère en renonçant à la protection garantie par le droit international et la satisfaction bien mince d’une mesure de justice.
Pour sa part, Israël a, avec une intensité acharnée, cherché à enterrer le message et attaque le messager, malgré le fait que Goldstone est un juif, et un sioniste convaincu.
Mais attaquer un messager comme Goldstone n’est pas nouveau pour Israël. Les autorités israéliennes emprisonnent et maltraitent de plus en plus de Palestiniens – pas seulement Mohammad Othman – parce qu’il dénonce à l’étranger la situation tragique des Palestiniens.
Mohammad Omer, journaliste à Gaza, a été tabassé par des officiers du renseignement israélien à son retour d’Europe l’année dernière. Il venait de recevoir une récompense prestigieuse pour ses reportages. Pendant un interrogatoire féroce, on a dit à Omer, comme à Mohammad Othman, qu’il parlait trop (au monde extérieur). Il a répondu, « Eh bien, c’est mon travail de parler, et c’est cela que je veux faire, c’est mon choix. Je tiens à faire passer le message. »
En juin cette année, Mohammad Srour, de Ni’lin, un autre village dont les terres sont confisquées par la barrière illégale, a été arrêté alors qu’il revenait de Genève, où il avait témoigné devant Goldstone.
Beaucoup d’activistes anti-Mur ayant des liens avec la communauté internationale ont été emprisonnés par Israël sur la base d’accusations inexistantes ou fausses. C’est le Sud ségrégationniste au Far West de la Cisjordanie . Il y a plus de 11.000 prisonniers palestiniens, dont beaucoup sont détenus pendant des mois ou des années en détention administrative, sans accusation ni procès. 28 Palestiniens du village de Bil’in – qui perd lui aussi ses terres au profit du mur d’apartheid – ont été arrêtés lors de raids nocturnes depuis juin, et 18 sont toujours en prison.
Quant à mon ami Mohammad Othman, il a passé le plus clair de son temps depuis le 22 septembre en isolement. Sa détention a déjà été prolongée quatre fois, et un appel a été rejeté. Plus récemment, sa détention a été prolongée de 13 jours supplémentaires le 27 octobre (avec un appel attendu pour le 29 octobre). Mohammad a passé son anniversaire à être interrogé derrière les barreaux en tant que prisonnier politique accusé d’aucun crime, et sans voir une quelconque « élément de preuve » contre lui. Il est frappant de constater que les autorités israéliennes ont encore à apporter une preuve ou une accusation contre lui devant le tribunal militaire. Peut-être est-ce parce que, comme le soldat au checkpoint l’a admis – Mohammad n’est coupable que de parler, de dénoncer l’injustice.
Mohammad est originaire du village appauvri de Jayyous. Il parle sans relâche de la grille high-tech qui vole la terre de sa famille. Il y a près de 20 ans, le monde a applaudi la chute du Mur de Berlin, et pourtant aujourd’hui, Israël construit un mur encore plus massif qui enferme des dizaines de milliers d’êtres humains dans des enclaves isolées. Et plutôt que de construire sa barrière sur la Ligne Verte, Israël s’est servi du mur pour voler toujours plus de biens palestiniens.
Mohammad a choisi contre vents et marées de parler haut et fort parce que la vie même de sa communauté est en jeu. Il a découvert que sa voix à de la puissance. Les visiteurs internationaux restent cloués lorsque Mohammad décrit comment le magnat israélien du diamant, Lev Leviev, construit une colonie illégale sur la terre de son village. Nos collègues américains nous disent que la page d’opinion du New York Times présente régulièrement des encarts publicitaires sur les diamants de Leviev ; les visiteurs qui ont discuté avec Mohammad de la politique expansionniste de Leviev ne sont pas près d’acheter ses produits salis.
Mohammad, qui est autodidacte et n’a que récemment commencé à voyager en Europe, avait rencontré début septembre en Norvège le Ministre des Finances et des représentants du Fonds de Pension de l’Etat norvégien pour les convaincre de coller à leurs principes sur les droits de l’homme pour l’investissement. Moins de deux semaines avant l’arrestation de Mohammad, le Ministre des Finances a annoncé que le fonds de pension désinvestissait pour un montant de 5,4 millions de $ d’Elbit, compagnie israélienne qui fournit l’équipement de sécurité pour le Mur et construit des drones qui ont tué des innocents à Gaza.
A ce jour, ce fut un des grands succès de la campagne de désinvestissement d’Israël pour manquement à se conformer au droit international. Mohammad est rentré chez lui en héros national pour se voir intercepté par un gouvernement israélien qui, tout en perdant la bataille morale à l’extérieur, continue d’exercer un contrôle total sur nos vies.
Si le Président Obama veut être à la hauteur de son Prix Nobel de la Paix, il doit veiller à ce qu’Israël libère les prisonniers politiques comme Mohammad et il doit dire que piéger les Gandhis et les Mandelas de Palestine qui se lèvent derrière les murs, les grilles électrifiés et les autoroutes de la ségrégation est incompatible avec un avenir de justice et de paix.
Source : The Huffington Post
Traduction : MR pour ISM
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