Israël - 15 août 2006

Israel devrait faire ses valises et partir

Par Nadim Shehadi

L'auteur, un économiste libanais, fait partie du Programme pour le Moyen-Orient à Chatham House.

Quelle est la logique qui émergera de cette guerre ?
Si Israel ne peut exister qu'en détruisant la région, alors il est temps de déclarer l'échec de cet Etat. Le rêve Sioniste s'est transformé en cauchemar et n'est pas viable.
Si le futur nous promet la même chose, alors le temps est venu de reconsidérer l'ensemble du projet.
Tout Etat a le devoir de défendre ses citoyens, mais il a également le devoir de leur fournir la sécurité et les deux choses sont différentes.

Les perspectives sont plus de destruction, de fanatisme, de violence et de haine.

Aucune séparation unilatérale ne peut isoler Israël de cela, et ni la région ni le monde ne peuvent vivre avec les conséquences.

Cela semble être le seul choix, et Israël doit se faire une faveur et aux autres : partir.

L'occupation de la Cisjordanie et de Gaza montre un pays privé de toute humanité.

La Cisjordanie est invivable, la population est étranglée dans trois bandes-prisons.

Des barrières de béton, des fils barbelés, des routes de contournement, des êtres humains émergeant comme des rats des tunnels souterrains, l'humiliation quotidienne à des centaines de checkpoints.

Gaza a été assiégée depuis que la population a osé élire le Hamas, son infrastructure a été effacée et sa population a été conduite au désespoir dans ce qui semble maintenant être une répétition de ce qui était à venir au Liban.

Le Liban s'est réveillé le 12 juillet face à une réalité qui est capable de détruire le tissu même de la société.

Divisé entre ceux qui croient en une "Riviera" avec une politique de consensus, le partage du pouvoir et un Etat faible, et ceux qui, comme le Hezbollah, qui voient la nécessité d'avoir une forteresse pour résister à un ennemi maléfique et dangereux.

Le comportement d'Israël verra la logique de ce dernier prévaloir.

Pourtant le système libanais est résistant.

Le Premier Ministre Fouad Siniora, sous les bombes, a pu extraire un consensus pour un plan en sept points par lequel la forteresse victorieuse a accepté de revenir au processus politique pour résoudre la crise.

Le Liban parvenait toujours, par pur entêtement, à défier les États-Unis et Israël et par un tour de force diplomatique, il a réussi à orienter le Conseil de sécurité des Nations Unies vers un solution politique au lieu d'une solution militaire.

Pour la première fois, des ministres des Affaires Etrangères Arabes ont été mobilisés et ont activement agi en faveur de la légalité internationale.

Il y a la prise pour cible délibéré des civils : Israël peut le nier, mais au moins, ces Israéliens qui l'ont fait savent que c'est la vérité.
Plus de 17.000 personnes ont été tuées dans l'invasion en 1982, et le résultat fut la création du Hezbollah, du Hamas et du Jihad islamique.

Il y a une doctrine qui dit que les Arabes doivent être écrasés, qu'ils peuvent être bombardés jusqu'à la soumission, qu'ils tomberont ensuite à genoux.

C'est la doctrine, non son application, qui est défectueuse.
Elle dit qu'en terrorisant la population, ils nous respecteront et feront la paix ;
Elle dit que ceux qui osent résister doivent être éradiqués par des assassinats ciblés et leurs partisans annihilés à n'importe quel prix.

La seule leçon qu'Israël a apprise, c'est qu'il devra faire mieux la prochaine fois.

Trois pays Arabes ont des traités de paix ou des relations diplomatiques avec Israël, la plupart des Etats du Golfe ont ou ont eu des bureaux commerciaux, l'Arabie Saoudite est venue avec le plan du Roi Abdallah offrir une normalisation à Israël : quelque chose qui n'avait pas été réalisé en près de 30 ans de paix avec l'Egypte.
La Tunisie et le Maroc ont d'excellentes relations avec Israël.

Même les voyous comme la Syrie et la Libye montrent un état d'esprit positif – le premier était désespéré de reprendre des discussions de paix sans réserve.

La région a une histoire de tolérance et de coexistence ; les minorités, y compris les Juifs, ont survécu et ont prospéré pendant des siècles.

Israël est sourd à tous les développements positifs, et cela entrainera bientêt la disparition de ces positions et de ceux qui les tiennent, leur position est insoutenable.

Le Liban peut reconstruire des aéroports, des routes, des ponts, et des usines ; enterrer et pleurer les morts, reconstruire les vies brisées.

Israël n'est là que depuis 60 ans, une miniseconde dans l'histoire, mais suffisamment longtemps pour juger des résultats.

Si la logique morale de base est défectueuse, alors il est temps d'abandonner, de faire ses valises et de partir.

Source : http://www.haaretz.com/

Traduction : MG pour ISM