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ISM France - Archives 2001-2021

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Suisse -

La charrue avant les bœufs ou la fin d'un rêve ...

Par

> silviacattori@yahoo.it

Nul ne souhaite voir échouer un projet qui se propose de mettre fin à la terreur. Or l’initiative dite de Genève, présentée par le chef de la délégation israélienne comme « un tournant historique », par le chef de la délégation palestinienne comme «le début d’une nouvelle ère» ; baptisée par dérision par d’autres « cheese agreement », a peut-être manqué son rendez-vous avec l’histoire. En quoi ce modèle - assez similaire à celui soutenu par Clinton - est-il à même de réussir là où Camp David a échoué ? Les erreurs d’analyse du passé et les désillusions d’Oslo nous incitent à être prudents.

On peut légitimement se demander si les tractations officieuses, qui ont abouti - après deux ans de négociations « secrètes » - au document de paix finalisé à mi octobre sur les rives de la mer Morte, n’est pas une paix mort née.

L’initiative suisse ne se joue-t-elle pas - comme toutes celles qui l’ont précédée - un peu trop facilement de la tragédie que connaît le peuple palestinien ? Une tragédie humaine qui demande des solutions immédiatement applicables.

Il y a là un peuple livré à la cruauté et la vindicte d’un Etat qui ne connaît que le langage de la force et qui s’est toujours ingénié à torpiller toutes les initiatives de paix. Comment les états qui cherchent une solution pour mettre fin au pire du pire, peuvent-ils continuer à s’enferrer dans ce genre de diplomatie des petits pas ?

Une nouvelle initiative de paix, sur fond de désastre imminent, ne peut avoir de sens que si elle demande, comme tout préalable à de nouvelles négociations, qu’Israël cesse toute occupation et toute oppression, et qu’elle est accompagnée de rétorsions, si ces conditions ne sont pas respectées.

Faire passer dans les faits les points inscrits dans les quelques cinquante pages du document, qui devrait être signé sous peu à Genève, ne sera pas une partie de plaisir pour la diplomatie suisse, qui a certes eu l’audace d’être le moteur de ce rapport, mais aussi l’imprudence, d’avoir, semble-t-il, joué un rôle actif, dans sa rédaction et sa terminologie.

La Suisse officielle se défend de toute critique en disant, ce qui est vrai, que l’accord de Genève va dans la direction opposée de celle d’Oslo. Qu’Oslo était un processus qui avait laissé les sujets les plus brûlants en suspens. Alors que, dans l’accord qui les occupe, tous les sujets cruciaux ont été mis sur la table avec des propositions d’une solution.

Le peuple palestinien martyrisé à Naplouse, Jenin, Gaza, n’a plus rien à perdre - contrairement à la direction palestinienne qui, elle, a son pouvoir à défendre et le souci constant de se positionner - n’a pas plus de foi en l’initiative de Genève, qu’il n’en a eu pour les défunts accords d’Oslo, dont il n’a pas encore fini de payer le conséquences. En reprenant encore une fois ce chemin, l’initiative suisse semble oublier deux questions capitales.

Premièrement : quel a été le véritable résultat du « processus » d’Oslo ? La réponse est claire : alors que l’objectif proclamé était la fin de l’occupation et des colonies, le nombre de colons juifs en territoire palestinien a plus que doublé, la spoliation des terres palestiniennes s’est amplifiée, la militarisation s’est intensifiée et le peuple palestinien s’est trouvé complètement floué.

Deuxièmement : qu’elle est la force qui s’est, à un moment donné, dressée contre la poursuite de cette spoliation ? Là aussi la réponse est claire : ce n’est pas l’autorité palestinienne divisée, mais le peuple palestinien, la résistance héroïque du peuple - que les médias occidentaux se complaisent à assimiler à des terroristes - qui n’était pas représentée à la table des négociations.

En bref : peut-on vraiment préparer la paix en reprenant une formule discréditée, dans des discussions qui maintiennent à l’écart ceux qui se battent légitimement contre l’occupant ?

Il ne faut donc pas s’étonner si les dirigeants du FPLP, du Hamas, du Jihad, ont manifesté leur dépit. Ceux qui taxent d’extrémistes les Palestiniens qui rejettent cette initiative ont tort. Le droit de retour des réfugiés est au cœur de la question palestinienne. Il n’est pas négociable de leur point de vue.

Les Palestiniens, qui ont déjà tout perdu, veulent vraiment la paix. Si dans l’accord de Genève, il y avait eu une perche tendue pour qu’ils puissent sortir de l’enfer, ils la saisiraient. Or quand ils s’entendent dire - après tout ce qu’ils ont déjà concédé - que la question des réfugiés de 1948 sera résolue hors des frontières de l’Etat d’Israël, qu’il faudra « trouver une solution pratique » avec des fonds internationaux, qu’ils devront renoncer à leur droit de retour, qu’ils seront envoyé nul ne sait où, hors du Moyen Orient, une fois ce document avalisé, ils ne peuvent qu’éprouver une certaine aversion pour un tel projet. Accepter ce document, équivaudrait, de leur point de vue, à se suicider.

Alors qu’Arafat a applaudi l’initiative suisse, Sharon, y a vu son intérêt mais, pour des raisons tactiques, l’a banalisée. Quant au peuple palestinien, loin des feux de la rampe, mais sous les feux incessants des avions de guerre, il n’a pu ressentir que comme une nouvelle humiliation le fait que, dans ce document, l’on ait balayé ce qui faisait déjà partie d’un acquis inaliénable : le droit de retour reconnu par la Résolution 194 des Nations Unies. Balayées aussi toutes demandes futures de réparation pour les blessures historiques et le devoir de reconnaissance par Israël de sa responsabilité dans cette catastrophe humaine.

Quant à la composition des délégués, il y a de quoi s’interroger sur leur représentativité. Même si l’écrivain Amos Oz ou Avraham Burg, applaudissent aveuglement et cherchent à « vendre » cette initiative en disant qu’elle est soutenue par un groupe appartenant à une « gauche de premier plan ». On croit revenir dix ans en arrière. Quand on veut donner une légitimité à des actes illégitimes - comme le mur de l’apartheid hier - on affirme que la gauche les soutient. Il faut s’entendre sur ce que l’on appelle, par erreur, gauche israélienne. Sauf à nous faire croire que le parti travailliste est de gauche, il n’y a pas en Israël de gauche selon les critères que nous connaissons. Barak et Perez, qui ont travaillé la main dans la main avec Sharon pour commettre les crimes que l’on sait, sont-ils de gauche ?

Aussi, la composition des délégations israéliennes et palestiniennes, impliquées dans ces travaux, est-elle des plus discutable. En quoi les représentants des partis religieux israéliens, sont-ils plus présentables que les représentants politiques des mouvements religieux palestiniens qui étaient les grands absents ?

A côté des figurants de dernière minute, utiles pour faire le marketing, nombre de ces délégués qui sont considérés comme les architectes de l’accord, sont des politiciens qui s’étaient déjà compromis lors des accords d’Oslo. Des négociateurs peu estimables. Sans parler des militaires, qui, comme le colonel Shaul Arieli, le général Shlomo Brom, l’ex officier du Mossad David Kimche, ont du sang sur les mains. D’autre part, si, côté israélien, les délégués couvraient des sensibilités qui allaient, grosso modo, des colombes aux faucons - ou étaient leurs portes paroles - côté palestinien, seuls des hommes choisis dans le giron du Fatah, ont pris une part active dans les négociations.

Le Ministère des Affaires étrangères suisse, qui a appuyé et financé ces rencontres, ne pouvait pas ignorer que ces mouvements se sont toujours opposés à ce que l’autorité palestinienne négocie avec Israël, dans un rapport d’inégalité ; et que, aussi longtemps qu’il maintient leur territoire sous occupation, et qu’il ne se retire pas au delà de la frontière de 1967, il n’était pas question de déposer les armes. Ne pas les voir associés aux négociations, c’était faire peu de cas du vrai rapport de force sur le terrain, c’était nier les simples règles de la démocratie.

Il eut fallu avoir le cran de mettre tout le monde autour de la table. Et non pas laisser de côté les parties qu’Israël considère infréquentables. Le Hamas, le Jihad, le FPLP incarnent aux yeux du peuple palestinien la dignité de sa lutte. Les avoir laissé en dehors de la table des négociations, était une grave erreur. Pire, c’était avaliser les thèses du gouvernement Sharon qui assimile la résistance au terrorisme. Si Arafat demeure le symbole qui rassemble, cela ne veut pas dire qu’il représente toutes les composantes de la résistance, que l’OLP a abandonnée.

Les Palestiniens sont victimes de toutes les manipulations. Il y a toutes raisons de penser que Sharon, informé point par point, par ses agents, du déroulement de ces négociations « secrètes », avait programmé l’assaut final de Rafah, pour le faire coïncider avec le moment où les médias auraient les yeux braqués sur la Jordanie. Ce sont assurément les « indiscrétions » des services secrets israéliens du Mossad, qui ont divulgué la rencontre feutrée qui se tenait dans un hôtel de Jordanie les 12 et 13 octobre et qui devait rester secrète. Et pourquoi ? Pour faire coïncider ces « indiscrétions » avec l’offensive d’envergure qui allait s’abattre, pour commencer, sur les réfugiés de Yibna - l’un des lieux les plus densément peuplés, miséreux et désespérés de Gaza – pour l’étendre ensuite à d’autres camps. Il s’agissait pour Israël de détourner des atrocités commises par l’armée israélienne l’attention des médias et du public.

C’est dans ce contexte de paix sur fond de guerre d’extermination que certains médias ont eu la légèreté, voir l’immoralité, de présenter l’accord finalisé en Jordanie, comme « un espoir pour le camp de la paix en Israël ». Comme si les Palestiniens, agressés, n’étaient pas les premiers concernés par la paix. Cela illustre, une fois de plus, le regard que l’Occident porte sur « l’autre partie ». Un regard biaisé qui fait peu de cas des vraies victimes de la brutalité aveugle de l’Etat d’Israël.

Le « camp de la paix » israélien, est souvent égoïste dans son désir de paix. La paix oui, mais pour autant qu’Israël puisse garder tous les acquis obtenus durant un demi siècle de dépossessions. Cela explique pourquoi, dans leur écrasante majorité, les Israéliens sont resté muets durant ces années où leur Etat a humilié, détruit, tué des centaines d’enfants, violé les droits de millions de palestiniens. Et c’est leur déshonneur.

Tant que l’Europe, ne se donne pas les moyens d’exiger d’Israël de respect de la légalité internationale, Israël continuera, comme par le passé, de torpiller toutes les initiatives de paix, et fera, comme par le passé, porter aux victimes palestiniennes, la responsabilité de l’impasse.

Cet accord de Genève, n’aurait de sens que s’il aboutissait, au moment de sa signature en novembre 2003, au retrait immédiat des troupes d’occupation qui martyrisent les Palestiniens. Accepter que l’armée israélienne, forte de plus de 50'000 hommes et plus de 1000 chars continue, un jour de plus, d’exercer la force sur un peuple sans défense, est une chose inadmissible.

Dans l’immédiat, ce n’est pas une trêve qu’Israël préconise, mais le nettoyage ethnique.

Face à la sauvagerie de l’état d’Israël, l’urgence serait de mettre en place en Palestine une force d’interposition internationale sans délai. Tant que cette force n’est pas effective, le seul semblant de protection dont peuvent disposer les victimes innocentes, sont les volontaires internationaux. La Suisse, tout en oeuvrant pour la réussite de cet accord, ne devrait-elle pas avoir le courage de soutenir parallèlement ce genre de simple solidarité ?

Voir le texte de l'accord de Genève (en anglais)

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