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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

La fureur des réfugiés se fera sentir pour les générations à venir

Par

Karma Nabulsi enseigne les relations politiques et internationales à l’Université d’Oxford. Elle est l’auteur de : « Traditions de guerre : occupation, résistance, et loi ». Cet article a été publié dans The Guardian le 2 août 2006.

Des gens marchent sur les routes poussiéreuses, défoncées, dans la chaleur torride de l’été, se mettent à l’abri dans les sous-sols de bâtiments vides.
A Gaza et au Liban, dans les camps de réfugiés de Khan Younis, Rafah et Jabaliya, à Tyr et à Beyrouth, à Nabatiyeh et Sidon, des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants cherchent refuge.

La fureur des réfugiés se fera sentir pour les générations à venir


Folie destructrice des barbares israéliens

Lorsqu’ils fuient, ils s’exposent au courroux aveugle d’un ennemi poussé par une folie existentielle qui ne peut être apaisée, seulement arrêtée.

Les ambulances sont frappées, les convois humanitaires sont frappés, les observateurs des Nations Unies sont frappés.
Des tracts de mise en garde tombent du ciel poussant les gens à abandonner leurs maisons, comme en 1996, 1982, 1978, 1967 et 1948.

Finalement, l’impossible question aujourd’hui, à Gaza et au Liban, est : « Où va un réfugié ? »

A Beyrouth en juillet 1982, après avoir survécu à une bombe qui détruisit un immeuble d’appartement de sept étages à côté du mien, ensevelissant vivantes plus de 40 personnes qui s’étaient réfugiées dans la cave, certains d’entre nous se mirent à dormir sur le toit ; il n’y a pas d’échappatoire à cette terreur, il n’y a que la résistance.

Quinze des 37 enfants tués à Qana dimanche étaient handicapés ; leurs familles ne pouvaient pas les emmener plus au nord, d’après le député libanais Bahia Hariri.

De juin à août 1982, les avions israéliens survolant le Liban ont jeté des "bombes intelligentes" sur les hôpitaux pour enfants du Camp de Shatila, l’Hôpital Gaza, l’Hôpital Acre et 11 orphelinats du pays, tuant des dizaines d’enfants handicapés.
Ils n’avaient pas d’autres refuges. D’immenses croix blanches avaient été peintes sur les toits, visibles du ciel.


Cette guerre n’a pas apporté à Israël la sécurité qu’ils prétendaient rechercher, pas plus que celle-ci ne le fera.

En 1948, les Palestiniens ont fui après avoir appris les massacres commis par la Haganah dans certains villages, et après avoir reçu des tracts tombés du ciel qui les encourageaient à se sauver.

Cette semaine, leurs petits-enfants et arrières petits-enfants sont tués en toute impunité dans le Camp de Réfugiés de Gaza, où ils sont piégés.


Trente palestiniens ont été tués le seul vendredi de la semaine dernière, sans aucune condamnation internationale et à peine un entrefilet dans la presse.

A Qana, ils étaient également piégés. "Nous ne pouvions pas partir parce qu’il n’y a que deux routes, et que les Israéliens les ont bombardées toutes les deux il y a quelques jours"», dit Mohammad Shalhoub, survivant handicapé de 41 ans.

Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne déclarent qu’aucun cessez-le-feu n’est possible tant qu’une force internationale ne mettra pas en application la Résolution 1559 des Nations Unies.

Pourtant, le Premier Ministre libanais a établi un plan en sept points à Rome la semaine dernière, en cohérence avec la loi internationale et accepté par tous les partis libanais élus (le Hezbollah compris), dont la première exigence était un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel.

Seule la mise en application des douzaines de résolutions des Nations Unies dont Israël a fait fi depuis plus de 50 ans avec l’aval des Etats-Unis – et maintenant de la Grande-Bretagne – arrêtera le conflit.


La capture d’un soldat de l’armée d’occupation à Gaza, et de deux soldats sur les frontières libanaises par la résistance locale, pour tenter d’obtenir la libération de milliers de prisonniers palestiniens et libanais incarcérés illégalement, auraient dû être gérées par Israël dans le cadre des lois sur la guerre et avec une réponse proportionnée.

A la place, en lançant cette attaque massive, Israël a détruit l’infrastructure sociale et économique d’une nation souveraine, le Liban, exactement comme il a détruit l’infrastructure du gouvernement démocratiquement élu en Palestine occupée.


Tout cela va produire des générations de réfugiés qui résisteront, eux aussi.

Les centrales électriques, les ponts, les usines de produits manufacturés et de nourriture du Liban sont ruinées, l’industrie à Gaza est complètement pulvérisée.

Le centre de la vieille ville de Naplouse a été démoli. Des villages entiers au sud Liban et des parties des camps de réfugiés à Gaza sont rayés de la carte.

Ce sont aussi des crimes de guerre.

Si la Grande-Bretagne n’arrête ni ne condamne Israël, alors, selon les Conventions de Genève, il y a complicité de ces crimes.


Avant de rechercher la mise en application de la Résolution 1559 des Etats-Unis, qui demande le désarmement du Hezbollah, la Grande-Bretagne devrait plutôt privilégier la mise en application des Résolutions 242 et 338 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, qui exigent le retrait immédiat par Israël des terres illégalement occupées au cours de la guerre de 1967, y compris les Hauts du Golan, la Cisjordanie (y compris Jérusalem Est) et Gaza.

Il n’y a aucun homme d’Etat ou citoyen au monde, aujourd’hui, qui ne voit pas qu’il faudra une intervention extérieure pour arrêter Israël de répandre la terreur.

Appeler à un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel, et s’attaquer à la mise en application de toutes les résolutions des Nations Unies relatives à ce conflit, rendra à la communauté internationale – et à la Grande-Bretagne en particulier – la légitimité dilapidée en permettant que des crimes de guerre se commettent pendant des mois, attestés mais sans condamnations ni contraintes.


Israël n’a pas réussi à comprendre qu’il ne peut pas chasser un peuple et se poser en victime ; qu’il ne peut pas conquérir ses voisins et traiter de terrorisme toute résistance à cette conquête ; qu’il ne peut pas s’équiper d’un armement de super-puissance locale et annihiler le tissu institutionnel de deux peuples sans encourir la furie de leurs enfants pendant les années à venir.

Source : The Electronic Intifada

Traduction : MR pour ISM

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