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ISM France - Archives 2001-2021

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Nation arabe -

La primauté de la géopolitique

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Oublions un instant les belles paroles unionistes ou les liens existants entre l’arabité, la religion, la langue arabe et l’histoire. Aucun pays de la nation arabe ne demeure hors de son contexte spatial. Bien au contraire, il se situe au sein d’un cadre géographique régional clairement défini. Il est impossible de séparer ou d’isoler une région arabe d’un trait de plume dénué de sens que nous appelons « frontière ». Les relations et les interactions, qui sont inévitables entre les expressions et les composantes d’un même élément, imposent une présence régionale traversant les frontières politiques.

La primauté de la géopolitique

Par exemple, nous ne pouvons pas réellement comprendre les motivations du colonialisme européen à vouloir créer l’État « d’Israël » sans prendre en compte les théories propres à la géopolitique. Après la prise du pouvoir par Mohamed Ali Pâshâ en Égypte (1805) et son annexion de la péninsule arabique et du Bilâd al-Shâm, le ministre britannique des Affaires étrangères, Lord Palmerston, évoqua l’idée « d’un retour du peuple juif en Palestine » afin de couper le chemin vers l’est à l’Égypte.

En réalité, la Palestine n’était pas directement visée par cette politique. Elle ne le fut qu’en raison de sa position géographique au cœur de la nation arabe. L’épreuve vécue par les Palestiniens n’est finalement que le résultat annexe de la position géopolitique de la Palestine. Actuellement, les Palestiniens, et l’ensemble des Arabes, sont nombreux à oublier ce fait. L’État ennemi était, et continue à être, dirigé contre la construction d’un bloc concurrent de l’Occident.

Autre exemple : lorsque Mohamed Ali fut expulsé de la péninsule arabique et du Bilâd al-Shâm par la force, le colonialisme européen a restitué ces territoires à l’Empire ottoman. La Grande-Bretagne percevait les Ottomans uniquement comme un obstacle géopolitique permettant de lutter contre l’extension des Tsars russes au sud et à l’ouest. Lorsqu’un traité entre la Grande-Bretagne et la Russie fut signé en 1907 et que l’ancienne animosité fut remplacée par une alliance, la Triple-Entente, le gouvernement de l’Empire ottoman s’écroula rapidement et le coup d’Etat des « Jeunes-Turcs » s’organisa dès 1908.

De la même manière, nous ne pouvons pas comprendre les relations internationales et les conflits régionaux sans recourir aux théories de l’analyse géopolitique. Sous couvert de divergences idéologiques, l’Union soviétique et la Chine sont entrées en conflit pour contrôler le camp socialiste. Le conflit entre les deux partis Baath, syrien et irakien, ne dérogeait pas à cette règle. Au XIXème siècle, la Prusse et l’Autriche se sont concurrencées pour contrôler les autres États allemands. L’Autriche fut finalement exclue de l’équation allemande jusqu’à l’arrivée d’Hitler au pouvoir et la création de l’Anschluss en 1938. Les accords de « Camp David » sont avant tout une ingérence internationale dans la géopolitique régionale afin d’exclure l’Égypte du conflit arabo-sioniste.

Les règles de la géopolitique nous apprennent également que le commandement de la nation arabe ne peut revenir à des pays comme Djibouti, la Lybie ou la Palestine ou toute autre région rattachée historiquement aux centres de gravité principaux que sont la Syrie, l’Iraq, la péninsule arabique, l’Égypte ou le Maghreb. Lorsqu’il était arabe, le califat était obligatoirement situé dans l’un de ces centres régionaux primordiaux. Par conséquent, les régions arabes secondaires ne pouvaient devenir « indépendantes » qu’en se rattachant à une grande puissance extérieure à la région.

Cette équation mathématique est inévitable. Par exemple, le Qatar se sépare de l’Arabie saoudite en raison du soutien que lui apportent les États-Unis. De même, le Liban se sépare de la Syrie passant sous domination étasunienne, française ou « israélienne ». Sans l’appui de l’Égypte, le Soudan devient une proie facile. Historiquement, la Palestine était sous influence égyptienne et syrienne. En réalité, pour la Palestine, le fait d’affirmer vouloir prendre ses décisions de manière « indépendante » signifie nécessairement une dépendance vis-à-vis de l’axe américano-sioniste. La Palestine n’est pas suspendue dans le vide !

Dans un pays arabe, si le pouvoir est détenu par un parti islamique, nationaliste, marxiste ou même bouddhiste, respectant des principes ou étant purement opportuniste, celui-ci ne peut jamais s’affranchir des règles de la géopolitique. Au Soudan, soit ce parti suit l’Égypte, soit il est contraint de s’aligner sur une puissance extérieure à la région. Au Liban, soit ce parti se range derrière la Syrie, soit il suit une puissance extérieure à la région. Les pays arabes secondaires sont soit des points d’ancrage pour les puissances hégémoniques étrangères contre les centres régionaux, soit une région d’influence de ces centres régionaux ou soit un espace d’affrontements et de conflits entre deux puissances voulant y exercer leur influence.

Les slogans tels que « l’Iraq d’abord », « l’Égypte d’abord », « la Jordanie d’abord », « la capacité de décision palestinienne indépendante » ou encore « la liberté et la souveraineté du Liban » ne signifieront jamais que ces pays fabriqués par un trait de plume au milieu des sables du désert se transformeront, par leur isolement, en paradis suspendus au-dessus de la région dans laquelle ils évoluent. La réalisation de ces slogans ne signifiera pas davantage qu’un Liban éloigné de la Syrie sera réellement indépendant, qu’une Égypte isolée de son fond civilisationnel arabe se pavanera dans la béatitude absolue, ou encore que le Sahara occidental deviendra véritablement indépendant si les Nations Unies le reconnaissent.

Soyons clairs : nous n’appelons pas à une dépendance vis-à-vis d’un régime quelconque mais au développement d’une logique globale au niveau de la compréhension des rapports de force internationaux. L’objectif des politiques menées au Liban n’est pas seulement l’unité et l’arabité du Liban mais la Syrie, en tant que centre régional. Cette analyse resterait valable même si Muawiya ibn Abî Sofiane (1) ou le lecteur de ces lignes étaient le commandant de la Syrie.

(1) Muawiya ibn Abî Sofiane (602-680) fut le premier calife de la dynastie omeyyade.


Traduction : Souad Khaldi
dont les traductions sont disponibles sur son blog, "Le point de vue du monde arabe en langue française".

Source : Free Arab Voice

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