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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

La séparation génère le racisme

Par

[Les sondages confirment, l'un après l'autre, un racisme profondément ancré dans la société israélienne. La lutte pour les droits des Palestiniens reste, par conséquent, comme cela a toujours été le cas, un combat universel, écrit Azmi Bishara.]

Les territoires arabes occupés connaissent aujourd'hui un processus de réclusion raciste. Les mur israélien ne signifie pas autre chose. Certains, parmi nous, sont allés jusqu'à proclamer qu'ils n'auraient pas d'objection à ce que ce mur soit érigé, eût-il suivi le tracé des frontières du 4 juin 1967, puisque cela signifierait implicitement qu'Israël aurait l'intention de se retirer jusqu'à ces frontières. Toutefois, la différence entre ce qui est en train de se passer aujourd'hui - à savoir : la construction du mur sur son tracé actuel et le désengagement israélien unilatéral de la bande de Gaza - et les frontières du 4 juin 1967 n'est pas seulement quantitative. Il s'agit d'une différence totale, qualitative.

Israël poursuit la construction du mur de séparation. Il s'apprête à sceller la dernière interruption entre Jérusalem et Ramallah. Parmi les modifications définitives aux traits topographiques de la région, cela aura pour effet de couper la voie de circulation - historique - entre ces deux villes.



Certains d'entre nous ont tenté d'ignorer la relation entre les agissements d'Israël - la construction du mur de séparation en Cisjordanie et le désengagement unilatéral de Gaza - ainsi qu'entre leurs mobiles. Ou encore, lorsqu'on évoque des « considérations démographiques israéliennes », nous le faisons comme s'il s'agissait d'une expression banale ou d'une raison parfaitement naturelle qu'aurait Israël de vouloir se séparer des Palestiniens.



De plus, certains parmi nous ont cédé à la tentation de menacer Israël au moyen du taux de fécondité palestiniens, comme si les utérus des femmes palestiniennes fussent des armes, ou comme si le taux de fécondité arabe représentât, de fait, un « danger ». En réalité, les «considérations démographiques », dans ce cas, sont synonymes de racisme. De notre part, y attacher foi, les intégrer et les brandir comme s'il s'agît d'une menace, cela reviendrait à admettre le racisme, et à le normaliser.



Les territoires arabes occupés connaissent aujourd'hui un processus de réclusion raciste. Les mur israélien ne signifie pas autre chose. Certains, parmi nous, sont allés jusqu'à proclamer qu'ils n'auraient pas d'objection à ce que ce mur soit érigé, eût-il suivi le tracé des frontières du 4 juin 1967, puisque cela signifierait implicitement qu'Israël aurait l'intention de se retirer jusqu'à ces frontières. Toutefois, la différence entre ce qui est en train de se passer aujourd'hui - à savoir : la construction du mur sur son tracé actuel et le désengagement israélien unilatéral de la bande de Gaza - et les frontières du 4 juin 1967 n'est pas seulement quantitative. Il s'agit d'une différence totale, qualitative.

Pourquoi ? Parce que ce qui est en train de se passer ne vise pas à établir des frontières politiques entre deux entités souveraines. Non, la logique et l'inspiration, derrière ce projet et ceux qui le planifient et le mettent en application, est de oursuivre avec froide détermination et mûre préméditation la mise sur pied d'une Autorité palestinienne restreinte, dont la fonction première sera de faire en sorte que les détenus palestiniens enfermés derrière des murs et des barrières, en Cisjordanie et à Gaza, ne représentent plus aucune menace potentielle pour la sécurité d'Israël, à l'avenir.



Cela ne rendra en rien Israël moins raciste, plus calme ou plus en paix avec lui-même. Bien au contraire : la logique sous-jacente au projet, ainsi que les affirmations et les confirmations venant de tous côtés au sujet du caractère juif de l'Etat, représentent la recette infaillible pour propulser Israël vers un racisme encore plus enragé et vers une détermination encore renforcée à pérenniser ces mesures et ces moyens, jugés par lui nécessaires au maintien de sa majorité démographique juive.

Dès lors qu'Israël serait reconnu par les Arabes et le reste de la communauté internationale comme un Etat exclusivement juif, il ne saurait y avoir de place, chez lui, pour des Palestiniens.

Autrement dit, les habitants indigènes du pays – les Palestiniens qui vivent à l'intérieur de la Ligne Verte - pourraient être considérés tout au plus comme des hôtes de passage ou, dans le meilleur des cas, comme des sujets. Difficile d'imaginer que ces invités / sujets pourraient être très longtemps tolérés dans cette « démocratie unique au Moyen-Orient », où le spectre de la démographie arabe rendrait acceptables les pratiques les plus discriminatoires et où l'hostilité anti-arabe aurait donné l'ascendant à une ambiance et à une culture politique anti-démocratiques.



Assurément, les élites, tant politique qu'intellectuelle, ainsi que les médias israéliens, ont joué un rôle déterminant dans la création de ce climat délétère, dans lequel la rhétorique raciste est devenue discours officiel. Il ne serait nullement exagéré d'affirmer qu'Israël en est venu à représenter la société moderne la plus intolérante, de nos jours. Des sondages d'opinion effectués en Israël révèlent un racisme tellement flagrant et véhément que, se fût-il manifesté dans un quelconque autre pays, il aurait entraîné un scandale majeur et soulevé de dégoût la société des nations civilisées. Impossible d'imaginer une société occidentale qui affirmât que l'état d'esprit populaire en Israël soit acceptable et normal, dans le cadre d'une culture démocratique.



Le 21 juin dernier, la presse israélienne a publié les résultats d'un sondage qui confirme la marche victorieuse d'Israël vers l'apartheid. Cette étude, effectuée courant mai par le Centre des études de sécurité nationale de l'Université de Haïfa, portait sur 1 016 répondants appartenant à tous les secteurs de la population : juifs, Arabes, colons, conservateurs religieux et nouveaux immigrants. Elle a révélé qu'une majorité d'sraéliens - environ 64 % d'entre eux - pensent que leur gouvernement devrait encourager les Arabes israéliens à quitter Israël.

Autrement dit, une majorité d'Israéliens soutiendraient une politique de « transfert », comme diraient les Israéliens. L'étude nous laisse imaginer les lourds sous-entendus de l'expression « encourager » ; quels moyens ne risquent-ils pas d'être employés, afin de persuader les Arabes de se sentir «encouragés ».



De plus, 55 % (environ) des juifs interrogés pensent que les citoyens arabes d'Israël représentent un danger pour la sécurité nationale ; 48,6 % ont le sentiment que le gouvernement est trop favorable à la population arabe (il s'agit bien du gouvernement Sharon, lequel est notoirement discriminatoire à l'endroit des Arabes, dans tous les domaines de l'existence), tandis que 45,3 % se disent en faveur de la suppression du droit de vote des Arabes, ainsi que de leur éligibilité.

Près de 80 % des répondants juifs sont favorables à la politique des « éliminations ciblées » (lire : assassinats) dans les territoires arabes, et près d'un quart d'entre eux se déclarent prêts à voter pour un parti ultranationaliste comme le Kach, si un parti tel celui-là présente un candidat aux prochaines élections.

Le parti Kach, rappelons-le, est ce parti fondé par le rabbin fasciste Meir Kahane, qui prêchait l'expulsion de force des Arabes d'Israël, de la Cisjordanie et de Gaza. Ce parti fut interdit en 1994. Non pas, à notre humble avis, à cause de son racisme flagrant, mais en raison de la concurrence menaçante qu'il représentait, pour le système partisan de la droite israélienne.



Mme Dafna Kaneti-Nassim, assistante de recherches au Centre d'études de sécurité nationale de Haïfa, fait observer que ce sondage, rapproché de deux autres, effectués précédemment par son institut en 2001 et en 2003, montre une augmentation marquée de la haine anti-arabe, ainsi que de l'hostilité vis-à-vis des travailleurs immigrés (quelle que soit leur nationalité). Elle suggère l'idée que cette tendance résulte de la menace sécuritaire prolongée - interprétation à la fois trop simpliste et trompeuse.

Car, en réalité, qui est menacé ? Ce sont les Palestiniens ! La judaïté, lorsqu'on l'applique à l'Etat, n'est pas un simple épithète, un simple trait distinctif ni un banal terme générique entendant regrouper diverses tensions de nature sécuritaire. Il s'agit d'une idéologie dominante, qui interdit toute séparation entre l'Etat et la religion, et qui tend vers la traduction de l'affirmation d'une identité religieuse sous la forme d'un titre de propriété sur l'Etat.

Une telle idéologie entre en conflit avec le concept de citoyenneté individuelle, tel que défini par un ensemble établi de droits inaliénables et de devoirs incombant à tous, dès lors qu'elle affirme l'appartenance (à la nation) en fonction d'une affiliation à un groupe spécifique qui revendique un titre quelconque à exercer son monopole sur l'Etat. Dans ces circonstances, la haine anti-arabe devient une manière d'affirmer son identité et son appartenance au groupe et, partant, de revendiquer sa « part » dudit monopole.



Non qu'en Israël, le racisme soit quelque chose de bien nouveau. Simplement pour nous rafraîchir la mémoire, jetons un coup d'oil à quelques études plus anciennes. Le 12 mars 2002, le quotidien Ha'aretz a publié les résultats d'un sondage effectué par le Centre Yaffe pour les études stratégiques : 46 % des juifs étaient favorables au « transfert » des Arabes des territoires occupés, et 31 % soutenaient l'application d'une telle politique aux Israéliens arabes.

Ce dernier chiffre suffit, à lui seul, à faire un sort à l'interprétation discutable selon laquelle l'augmentation enregistrée par le phénomène raciste, en Israël, mise en évidence par l'étude de l'institut de Haïfa, serait due au facteur « sécurité », puisque le « danger sécuritaire » a diminué de manière significative depuis le sondage effectué par le Centre Yaffe.

D'après ce sondage, toujours, 61 % des répondants juifs avaient le sentiment que les Arabes représentaient une menace pour la sécurité en Israël. Comment expliquer la chute dans le ratio de répondants ayant le sentiment que les Arabes mettent Israël en danger et l'augmentation - simultanée - de ceux qui prônent leur expulsion ?

Quels facteurs jouent-ils un rôle dans ces courbes inversées ? Enfin, selon le même sondage, 60 % des répondants juifs soutiennent l'idée d' « encourager » les citoyens arabes d'Israël à partir.



Un autre sondage est venu confirmer la vague montante de la droite ultra-religieuse et son opposition au concept généralement reçu de ce qu'est la citoyenneté, dans une société démocratique. 80 % des répondants à un sondage effectué en mars 2002, étaient opposés à la participation des Israéliens arabes à toute « décision critique affectant l'Etat », à comparer aux 75 % seulement des répondants en 2001, aux 67 % en 2000 et aux 50 % en 1999 [Ha'aretz, 12 mars 2002]. Il s'est déjà vu qu'un Premier ministre israélien soit assassiné sur fond d'une haine anti-arabe chauffée à blanc.

Néanmoins, bien que Rabin ait été tué parce qu'il avait pris à son bord plusieurs députés arabes afin de créer (de toutes pièces) la majorité qui approuva les accords d'Oslo, les statistiques montrent que les Israéliens n'ont pas encore digéré la leçon de cette tragédie. La montée de la droite antidémocratique en Israël se manifeste à ce genre de petits détails qui retiennent insuffisamment l'attention.




Tous les sondages que nous avons examinés, au cours des années passées, montrent qu'une majorité d'Israéliens est favorable à la création d'un Etat palestinien et qu'une majorité encore plus confortable pense qu'un Etat de cette nature est absolument inévitable, en tout état de cause.



Cela n'est pas aussi contradictoire qu'on pourrait le penser, au premier abord, avec le glissement vers la droite religieuse et les vociférations croissantes accompagnant le soutien aux opinions et aux politiques racistes en Israël. Porter la « judaïté » au niveau de valeur suprême de l'Etat, cela a un corollaire : l'impossibilité d'une « coexistence » avec les Palestiniens - à un point tel que, dans l'un des sondages, 52 % des répondants soutenaient l'idée de remettre les régions d'Israël peuplées majoritairement d'Arabes au futur Etat palestinien.



Non seulement la séparation, soit au moyen d'une solution à deux Etats adoptée d'un commun accord, soit unilatéralement, est-elle soutenue par une majorité des Israéliens : c'est aussi la seule idée que le Likoud, de toute son histoire, ait piquée au parti Travailliste.

Le Likoud est déterminé à l'appliquer à sa manière, voilà tout, comme cela apparaît à l'évidence dans les développements actuels dans les territoires occupés. Les attitudes de l'opinion publique vis-à-vis des colonies juives sont cohérentes avec cette position. D'après divers sondages, 65 % des Israéliens sont en faveur du démantèlement des colonies lorsque ce démantèlement est imposé par une séparation effective [Ha'aretz, 6 juin 2002] ; 52 % soutiennent le démantèlement de toutes les colonies, par la force, au besoin, dans la bande de Gaza ; 70% soutiennent le démantèlement de toutes les colonies situées dans des zones densément peuplées de Cisjordanie , et 60 % celui de certaines, seulement, des colonies en Cisjordanie [Yediot Aharonot, 29 mars 2002].



Lorsqu'on l'examine, avec toutes ces tendances, le premier sondage que nous avons pris en considération au début de cet article, il est confirmé que le soutien à un désengagement - concerté, ou unilatéral - n'émane nullement d'une quelconque conviction généralement partagée (en Israël) qu'une solution à la cause palestinienne soit possible, qu'elle soit juste ou injuste étant une autre question. Et aussi que la tendance est à l'apartheid à Gaza et en Cisjordanie , ainsi qu'à un climat incendiaire en ce qui concerne les Arabes vivant à l'intérieur de la Ligne Verte. Le désengagement ne saurait être pris en considération isolément de ce dernier facteur. Le retrait des forces Israéliennes n'est que le revers de la médaille de la politique d'assassinats ciblés, du mur, des démolitions de maisons et des autres formes prise par l'imposition par Israël, tant de ses conditions à la séparation, que d'une direction palestinienne qui doive s'y conformer.



Les projets politiques d'Israël doivent être perçus dans le contexte de la culture politique dominante qui les sous-tend : une culture politique indiscutablement raciste. Pour les Arabes et les Palestiniens, reconnaître les exigences et les conditions basées sur cette logique et y accéder, non seulement ne saurait être pour eux d'aucun bénéfice, mais confèrerait même une certaine légitimité à un racisme qui n'a aucune légitimité d'aucune sorte dans aucune des nations civilisées auxquelles les Arabes sont tellement désireux de plaire.

Il s'agit d'un racisme intégrale et structurel, et la lutte nationale doit le prendre en compte pour ce qu'il est - à savoir : un problème central - si elle veut être authentiquement démocratique. En réalité, le fait de se concentrer sur ce problème est précisément ce qui rend démocratique et compréhensible, car exprimée dans un langage universel, notre lutte nationale.



Quant à reconnaître l'identité juive d'Israël, comme Arafat l'a fait, récemment, au cours d'une interview accordée au quotidien Ha'aretz, cela ne fait que confirmer la triste réalité qu'une large composante de la direction palestinienne a depuis longtemps abandonné les attitudes, le discours et l'essence fondamentaux, propres à la Libération. La conséquence pratique de ce comportement politique - incarnée par ces déclarations arabes et palestiniennes reconnaissant non seulement Israël, mais même le caractère juif de cet Etat et, par voie de conséquence, l'idéologie sioniste - c'est qu'il conforte le racisme israélien et les dimensions effrayantes qu'il a pris aujourd'hui.

En tout état de cause, Israël n'attache aucune foi à ces grandes déclarations, le cour sur la main. Autrement dit : ceux qui les font ne jouissent d'aucune légitimité aux yeux des gens auxquels ils s'ingénient à complaire.



Difficile, de comprendre ces cadeaux unilatéraux au sionisme même, de la part du leadership d'un peuple sous occupation. A la fin des fins, si notre lutte n'a pas été livrée contre le racisme et l'occupation, quel besoin avions-nous de faire autant de sacrifices ? Dans quel but les avons-nous aits ?



Question - ô combien - légitime.



http://www.al-awdacal.org

http://www.al-awdasandiego.org

Source : http://weekly.ahram.org.eg/

Traduction : M. Charbonnier

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