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Palestine - 17 décembre 2007
Par Khaled Amayreh
Au moment où j'écris cet article, 300 à 500.000 personnes, selon Reuters, convergent vers le Square Katiba, au centre de Gaza, pour célébrer le 20ème anniversaire de la fondation du Hamas.
Indubitablement, l'énorme déplacement (presque 1/3 de la population totale de la Bande de Gaza) est la preuve que le Hamas est toujours très populaire parmi les Palestiniens, en dépit des efforts enragés des Américains pour saborder le mouvement, peut-être pour faciliter l'apparition d'une direction palestinienne aux relents collaborationnistes qui succombera à l'hégémonie et aux projets colonialistes israéliens.
Cette participation de masse est également une réfutation éloquente d'une pléthore d'enquêtes d'opinion tendancieuses financées ou inspirées par le Fatah, qui ont suggéré que la côte du Hamas, au sein de peuple, s'était sérieusement effondrée, en particulier depuis les événements de la mi-juin à Gaza.
Ces enquêtes d'opinion rappellent les nombreux sondages qui ont précédé les élections législatives de 2006 en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, qui avaient prédit une victoire massive du Fatah sur le Hamas…
A 20 ans, le Hamas apparaît comme un mouvement jeune, viable, vigoureux et ambitieux, avec des centaines de milliers de Palestiniens, jeunes en majorité, séduits par l'idéologie politique modérée des Frères Musulmans.
Il va sans dire que cette modération sera la garantie de la longévité du Hamas, de sa croissance et de sa prospérité.
Le Hamas n'est pas, et ne sera pas, une organisation de type Al-Qaida, il ne lancera pas le Jihad contre le monde entier et ne classera pas celui-ci en deux camps : "ceux qui sont avec nous, et ceux qui sont contre nous", comme l'a fait Al-Qaida.
De plus, le Hamas ne basera pas sa ligne politique sur les religions et les idéologies des gens, et continuera à chercher l'amitié sur la base du respect et des intérêts mutuels. Bien sûr, à part certaines déclarations isolées et stupides de quelques ignorants qui sont membres du Hamas, le mouvement islamique ne considère évidemment pas les Juifs comme des ennemis. En vérité, les Juifs qui prônent la justice et une paix véritable, et qui prennent position contre l'oppression et l'occupation sont les partenaires du Hamas pour un avenir meilleur à la fois pour les Juifs et les Musulmans sur cette terre suppliciée.
Qui plus est, le Hamas continuera à faire une distinction claire entre les états hostiles d'un côté, et les citoyens de ces états de l'autre, et ne cherchera jamais à viser les centres urbains des pays dont les gouvernements sont hostiles à la cause palestinienne, comme les Etats-Unis ou le Royaume Uni.
Et le Hamas continuera à circonscrire sa lutte et sa résistance légitime contre l'occupation israélienne à la scène palestino-israélienne. Ceci a toujours été sa politique, et continuera de l'être.
A 20 ans, le Hamas a tout traversé, de sa création à sa destruction. Le mouvement a enduré tout ce qui peut se concevoir d'actes de sauvagerie et de criminalité de la part du régime israélien néo-nazi.
Les dirigeants du mouvement, et dans de nombreux cas leurs familles aussi, ont été déportés, emprisonnés, assassinés et massacrés. Aujourd'hui, 4.000 dirigeants et militants du Hamas languissent dans le camp de concentration israélien, beaucoup d'entre eux sans charge ni procès.
Même des députés du Hamas démocratiquement élus et des ministres ont été sommairement kidnappés, chez eux ou à leurs bureaux, pour aucune autre raison que le "mantra Hamas", un mantra dont l'invocation semble justifier n'importe quelle sauvagerie, brutalité et atrocité israéliennes imaginables.
Evidemment, la revanchardise avec laquelle Israël traite des gens pour la plupart innocents n'a que peu de parallèles dans l'histoire de l'humanité. La récente répression sanglante des prisonniers de Ketziot, au cœur du désert du Néguev, par des unités militaires israéliennes d'élite, est un témoignage évident, s'il était besoin, de la barbarie flagrante de l'occupation.
Vingt ans n'est pas une longue période dans l'histoire des nations et de leurs luttes pour la liberté et l'indépendance. Cependant, au vu de ce que le Hamas a réalisé, on peut affirmer qu'il a été un atout précieux dans la longue lutte palestinienne.
Depuis le tout début, le Hamas a offert une alternative authentique à l'OLP corrompue qui a et continue de résumer par excellence tous les sens des mots de corruption, despotisme, dictature, népotisme, favoritisme et même trahison.
C'est vrai, le Hamas n'a pas réussi à libérer la Palestine de l'occupation colonialiste israélienne. Cependant, le Hamas a réussi à réinstitutionnaliser et à faire figurer au premier plan le droit au retour des millions de réfugiés palestiniens comme question primordiale qui ne peut ni subir de compromission, ni être ignorée ni contournée.
On peut dire la même chose des autres constantes et lignes rouges nationales palestiniennes que les négociateurs du Fatah, souvent légers, en sont arrivés à considérer comme "non sacrées" et même "sacrifiables".
En réalité, grâce à la culture politique que le Hamas a aidé à stimuler et à consolider parmi les Palestiniens, il n'y a plus un seul politicien palestinien digne de ce nom, même au Fatah, qui exprimerait publiquement qu'il est prêt à abandonner les lignes rouges que sont Jérusalem Est, les réfugiés et la totalité de tout futur retrait israélien des territoires occupés en 1967.
C'est en fait à cause de son refus constant de succomber à l'hégémonie israélienne et aux brimades qu'Israël et son allié-gardien, les Etats-Unis, et leurs caniches, marionnettes et alliés ont boycotté et fait le blocus du Hamas dans l'espoir qu'une autre entité palestinienne, c'est-à-dire le Fatah, ferait le jeu d'Israël et de l'Occident en se soumettant finalement au colonialisme israélien, probablement par un "règlement de paix" qui a toutes les apparences d'une capitulation.
Mais le Hamas n'a pas seulement des atouts, il a aussi des handicaps, et non des moindres. A la suite de la mort de son fondateur et chef spirituel Sheikh Ahmed Yasin, qui a été brutalement assassiné par Israël en 2004, une nouvelle génération de dirigeants Hamas n'a pas réellement compris l'adage d'or intemporel que "il ne suffit pas d'avoir raison, il faut aussi être sage".
Yasin et ses lieutenants avaient compris et traduit cette parole d'or en sagesse politique tangible qui a aidé le Hamas à surmonter, ou du moins à contourner le terrain miné et traître des années Oslo.
Il est parfaitement vrai que c'est le Fatah qui est à blâmer pour les événements de la mi-juin à Gaza, pas le Hamas. Il était clair pour tout le monde que les dirigeants du Fatah, en particulier dans la Bande de Gaza, avaient accepté de façon plutôt moutonnière de jouer le rôle de collaborateurs pour le compte des USA et d'Israël, obligeant ainsi le Hamas à prendre une action préemptive pour empêcher que ne survienne une guerre civile plus longue et plus sanglante qui aurait coûté les vies de dizaines de milliers de Palestiniens.
Nous avons tous en mémoire la réaction d'Israël aux massacres de Sabra et Shatila en 1982, lorsque le Premier Ministre de l'époque, Menachem Begin avait dit : "Nous n'avons rien à voir avec ce qui s'est passé… ce sont des Arabes qui ont tué des Arabes."
Si Keith Dayton et Muhammed Dahlan et leurs cohortes avaient mené à bien leur conspiration, Dieu nous en préserve, nous aurions entendu Ehud Olmert faire la même réflexion et dire : "Nous n'avons rien à voir avec ce qui s'est passé à Gaza ; ce sont des Palestiniens qui ont tué des Palestiniens !".
Pourtant, le Hamas n'est pas indemne de toute critique.
En ces jours difficiles, alors que notre peuple à Gaza est confronté à un blocus brutal et sans merci par la main des enfants, des petits-enfants et des arrière petits-enfants de l'holocauste, et que la plupart des nations préfèrent jouer les aveugles, sourds et muets et regarder ailleurs pendant que nos enfants sont tués et affamés, nous devons mobiliser chaque parcelle de sagesse à notre disposition.
Oui, nous devons faire ce qu'il faut, mais il est aussi vrai que nous devons choisir le bon moment pour cela. Faire ce qu'il faut au mauvais moment peut causer un désastre et un bain de sang et des souffrances inutiles. Cela sape aussi notre capacité à supporter la brutalité de notre ennemi.
Le Hamas a indubitablement raison de refuser de reconnaître le droit d'Israël à exister. Israël, un pays dont l'existence même n'a été rendue possible que grâce à la destruction et au quasi effacement d'un autre peuple, le peuple palestinien, n'a aucune légitimité morale et aucun droit moral à exister.
Pourtant, Israël existe en réalité et a une légitimité politique et internationale, et le Hamas et les autres factions palestiniennes devraient être capables de faire référence à cette existence en termes pragmatiques, mais sans lui donner aucune légitimité morale, parce qu'alors nous embrasserions tous le discours sioniste et deviendrions de facto des sionistes.
De là, il faut conseiller au Hamas de reformuler le concept de Hudna, au moins pour montrer au monde que le mouvement n'est pas nihiliste, comme Al-Qaida par exemple.
De même, le Hamas et les autres organisations palestiniennes devraient être capables et désireuses d'arrêter les tirs de projectiles Al-Qassam sur le territoire israélien si et quand Israël montre une volonté réelle de lever le blocus criminel et d'en finir avec son agression du peuple de Gaza.
Oui, la résistance à une occupation militaire sinistre et affreuse est un droit légitime que nul ne peut nier.
Cependant, comment exercer ce droit de façon à limiter nos pertes reste une question sujette à discussion.
En bref, le Hamas et les autres groupes de résistance palestinienne devraient commencer à penser avec leurs cerveaux, et non avec leurs cœurs.
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