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Israël - 28 septembre 2004
Par Antony Loewenstein
Herzl's Nightmare, par Peter Rodgers, éditions Scribe, $22
Vivons-nous les derniers jours du « rêve » sioniste ? La croyance que le peuple juif à la fois mérite et a besoin d’un « foyer national » est dans l’air depuis plus d’un siècle, bien que le conflit continu entre Israéliens et Palestiniens représente un profond défi lancé à l’Etat créé en 1948, au milieu des cendres de l’Holocauste.
Toute aussi importante est la question de savoir si des Etats confessionnels sont encore d’actualité, en 2004 et, si tel n’est pas le cas, ce qu’il en est d’Israël, du monde musulman et des pays catholiques ? Après tout, un nombre croissant de personnes ne font-ils pas leurs dévotions devant l’autel du laïcisme ?
Peter Rodgers, ancien ambassadeur d’Australie en Israël et spécialiste du Moyen-Orient, retrace les origines du conflit le plus insoluble de notre époque. Il explique de quelle manière la création d’Israël est advenue moins d’un demi-siècle après que le thaumaturge du sionisme, Theodore Herzl, eut couché par écrit les fondements de l’idéologie qui amena deux peuples – tous deux historiquement lésés et incapables de vivre ensemble pacifiquement – à se faire la guerre.
Rogers écrit : "Ce fut un triomphe total… sur les cendres de millions de juifs européens, et aux dépens de la société palestinienne et du nationalisme palestinien. Quel qu’ait pu être leur attachement pour la terre sur laquelle désormais ils imposaient leur loi, quelque légitime eût été leur revendication de cette terre, les juifs d’Israël avaient évincé un autre peuple, lequel n’oublierait pas."
Dans Herzl’s Nightmare, un accent particulier est mis sur l’Israël post-1967, période marquée par l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza, régions qualifiées en 2002 « de société coloniale » par Michael Ben-Yair (procureur général du temps du Premier ministre israélien assassiné Yitzhak Rabin), lequel indiquait : "En fait, nous avons créé un régime d’apartheid, dans les territoires occupés, immédiatement après leur conquête [au cours de la guerre de juin 1967]. Ce régime oppressif existe encore aujourd’hui."
Pour Rodgers, "les colonies donnent aux Palestiniens une raison tangible de continuer à haïr et à attaquer les Israéliens", et il souligne les déclarations oiseuses des présidents américains et des dirigeants israéliens successifs, qui estimaient la paix à portée de main, alors que "presque quotidiennement, les Palestiniens voyaient plus d’un cinquième de la Palestine, qui aurait pu devenir leur Etat, en train d’être phagocyté par des colonies".
L’acceptation, par le président George Bush, du plan du dirigeant israélien Ariel Sharon visant à amplifier la colonisation ridiculise totalement toutes les soi-disant «feuilles de route de paix» du monde.
Rodgers fustige également les dirigeants israéliens successifs qui ont fait montre, sans défaillir, d’un mépris et d’un racisme virulents envers les Palestiniens. Prenons l’exemple de Golda Meir, troisième Premier ministre israélien : «Qui sont-ils, les Palestiniens ? Moi, je suis Palestinienne !»
Même le langage de la dispute fait question, et cela n’est pas sans évoquer l’absurde guerre actuelle «contre le terrorisme».
"La violence de l’adversaire était nécessairement «du terrorisme", écrit Rodgers, alors que "sa propre violence était de l’ «autodéfense», légitime, par conséquent. Les deux positions reposant, le plus souvent, sur le socle rocheux d’une solide hypocrisie.
Tant les juifs que les Palestiniens ont eu recours au terrorisme pour atteindre leurs objectifs".
Cette liste interminable inclut Yasser Arafat, le dirigeant de l’OLP, et tous les Premiers ministres israéliens depuis 1948. C’est le genre de terrorisme qui n’est jamais remis en question en Occident, parce que dans la plupart des cas il s’agit, en fait de «notre» terrorisme, comme l’a dit à juste titre Johg Pilger.
Combien y a-t-il de personnes qui pensent que la violence sponsorisée par l’Occident, à l’instar de celle d’Israël, s’assimile en quoi que ce soit à du terrorisme ?
Le combat pour sauver l’âme d’Israël semble plus illusoire aujourd’hui que jamais. Tout en reconnaissant que les attentats kamikazes ont porté atteinte à la cause palestinienne, au même titre que son leadership corrompu et inepte, les conclusions de Rodger ne seront sans doute pas du goût des adulateurs de l’Etat juif.
Qualifier systématiquement la moindre critique formulée à l’encontre d’Israël d’antisémitisme, afin de tenter d’étouffer tout débat, est une manœuvre qui ne devrait plus être tolérée très longtemps par tous ceux qui recherchent désespérément la paix dans cette région du monde.
L’ouvrage Herzl’s Nightmare, de Peter Rodgers, est une plaidoirie formidablement agréable à lire, qui permet de comprendre, et qui ouvrira les yeux des intransigeants de tous poils. Permettez-moi, pour conclure, de citer l’homme politique israélien Avraham Burg, qui a écrit, l’an dernier :
'Il s’avère qu’un combat bimillénaire pour la survie des juifs a abouti à un Etat colonisateur, géré par une clique amorale de hors-la-loi, aussi sourds envers leurs concitoyens qu’envers leurs ennemis".
Source : The Sun Herald
Traduction : Marcel Charbonnier
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