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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

Le crépuscule d'Israël

Par

> amayreh@p-ol.com

Tandis qu'Israël célèbre avec ostentation le passage de 60 années depuis sa création en Palestine en 1948, plus de neuf millions de Palestiniens, chez eux et en exil, commémorent la Nakba, la saisie, dans la violence, de leur patrie ancestrale par les Juifs sionistes et la dépossession, l'expulsion et la dispersion d'une masse de Palestiniens aux quatre coins du globe.

Le crépuscule d'Israël


Photo ISM : Marche du Retour à Paris le 17 mai 2008

Cette année, les activités ont lieu dans beaucoup d'endroits du monde où les réfugiés palestiniens et les expatriés habitent, rêvent et attendent le retour dans leur patrie, qui n'apparaît nulle part à l'horizon de la réalité politique.

Les Palestiniens, en dehors de toute affiliation politique, ne réaffirment pas seulement le statut légal et moral de leur droit au retour dans les maisons et les villages dont ils ont été expulsés à la pointe du fusil, ou bien obligés de fuir il y a 60 ans, mais ils soulignent aussi à tous ceux qui écoutent, y compris leurs propres dirigeants, que le droit au retour demeure – et sera toujours – le cœur, l'âme et la pierre angulaire de la question palestinienne.

Au grand chagrin de la plupart des Palestiniens, la commémoration de la Nakba coïncide cette année avec la crise continue entre le Fatah et le Hamas, que certains intellectuels palestiniens appellent déjà la "seconde Nakba". Cependant et heureusement, en dépit de tous les différends, la scission nationale entre le Fatah et le Hamas n'a pas fait bougé d'un pouce le consensus national sur l'importance primordiale du droit au retour.

Mais alors que la "seconde Nakba" semble plus ou moins réversible, du moins en apparence, la première Nakba est quelque chose d'entièrement différent, étant données les dimensions historiques et les réalités physiques indélébiles qu'elle a créées et qu'elle continue à créer, même aujourd'hui, 60 ans après.

Beaucoup d'Israéliens et de Palestiniens pensent que la Nakba continue aujourd'hui. Le blocus israélien mortel de Gaza, avec les meurtres quotidiens des Palestiniens ordinaires par l'occupation israélienne, est du déjà-vu pour les Palestiniens les plus âgés qui vivent le cauchemar des meurtres de masse, de la terreur de masse et du nettoyage ethnique de 1948.

Avec Israël qui continue d'annihiler toute chance d'établissement d'un Etat palestinien viable en Cisjordanie , Bande de Gaza et Jérusalem Est, beaucoup de Palestiniens se tournent tranquillement vers l'option à Un Etat. En réalité, la solution à Un Etat a été, depuis des années, la ligne de base inconsciente et implicite des Palestiniens.

Cette semaine, Ahmed Qureï, le chef de l'équipe palestinienne de négociation, a révélé qu'il a dit à la Secrétaire d'Etat US Condoleezza Rice, lors de sa récente visite, que les Palestiniens "auraient recours à l'option à Un Etat si Israël refusait de se retirer aux frontières d'avant juin 1967."

Qorei a dit qu'il ne savait pas si des discussions continuelles avec Israël conduiraient à un quelconque progrès. "La situation globale est très difficile et décourageante. La position israélienne est rapace, la position palestinienne est faible, la communauté internationale est hypocrite et le monde arabe est presque impuissant."

Al-Ahram Weekly a demandé à Qurei si l'évocation occasionnelle de la "solution à Un Etat" était une tactique utilisée par les Palestiniens pour amener Israël à aller un peu plus de l'avant, ou bien si c'était une option sérieuse. Qurei a répondu : "Ce n'est pas une tactique. Il ne faut pas être un grand expert en politique pour réaliser que la solution à Deux Etats a échoué ; la seule alternative qui reste, c'est la solution à Un Etat. Il n'y a pas d'autre alternative, à part l'occupation, l'apartheid et la colonisation, qui sont insoutenables."

Qurei, qui s'est trouvé dernièrement sous le feu de critiques pour s'être engagé dans des négociations "sans fin" sans déterminer à quoi ressemblerait "la fin de partie", a dit qu'il ne savait pas si oui ou non Israël était vraiment intéressé par la paix avec les Palestiniens. Il a souligné qu'Israël avait atteint un point critique où il devait choisir entre être un Etat juif ou un Etat binational, dans lequel au moins la moitié de ses citoyens seraient des non Juifs.

L'incertitude de Qurei sur les négociations a attiré la colère d'une partie grandissante des intellectuels palestiniens, comprenant des élites de tout le spectre politique et idéologique palestinien.

Cette semaine, le Forum pour Un Etat en Palestine a proposé un Manifeste pour la solution à Un Etat, qui appelle à la création d'un Etat unitaire démocratique sur toute la Palestine mandataire, de la Méditerranée au Jourdain, et au sein duquel les Israéliens et les Palestiniens vivraient comme des citoyens égaux.

Le Manifeste, publié le jeudi 15 mai, comprend six points :

- Palestine : la terre historique de Palestine est le patrimoine et la patrie du peuple palestinien qui, dans le contexte d'un règlement d'ensemble durable, accepterait les Israéliens comme citoyens égaux dans un Etat unitaire démocratique.

- Le droit au retour : chaque palestinien obligé de fuir sa patrie ("Israël proper") a le droit inaliénable de revenir, ainsi que de recevoir compensation et réparations pour les pertes psychologique, économique et sociale qu'il ou elle a subies.

- Sionisme : le sionisme est une idéologie discriminatoire et fait partie du mouvement colonialiste international qui a créé et consolidé un Etat raciste pour les Juifs, aux dépens du peuple palestinien, ce qui a eu pour conséquence le meurtre et l'expulsion de plus de la moitié des Palestiniens. C'est la raison pour laquelle nous pensons que cette idéologie doit être déclarée illégale et que l'infrastructure politique dont elle est la base doit être démantelée.

- Un Etat pour tous : la création d'un Etat en Palestine historique est la solution la plus juste, la plus réaliste, la plus morale et la plus humaine de la question palestinienne qui garantira la paix et la stabilité dans la région. La création d'un Etat démocratique unitaire comprenant les Israéliens vivant actuellement en Israël et les Palestiniens, sur la base de l'égalité des citoyens et la justice pour tous, quels que soient la religion, la race ou le sexe, est la voie idéale pour la résolution de ce conflit qui fait rage depuis le début du 20ème siècle.

- Réconciliation historique : la solution à Un Etat servira de départ à une réconciliation historique entre Israéliens et Palestiniens qui effacera les effets destructeurs de décennies d'occupation et de colonisation. Cependant, le processus de réconciliation devra être précédé de la reconnaissance véritable et des excuses, par Israël, pour les injustices et les pertes historiques infligées au peuple palestinien. De plus, Israël, avec la communauté internationale, devra indemniser les Palestiniens pour leurs souffrances et leurs pertes.

- Cette vision requiert les efforts concertés de la totalité du peuple palestinien où qu'il soit, ainsi que les efforts des Israéliens et des Juifs partisans de la paix, et tous les hommes et femmes de bonne volonté partout dans le monde.


De telles idées sont un anathème pour Israël, le sionisme et la grande majorité des Juifs, car elles impliquent en fin de compte le démantèlement du sionisme et la création d'un Etat binational où les Palestiniens seraient en majorité numérique. Elles représentent également un choc pour la pensée palestinienne, habituée depuis longtemps à l'idée d'un Etat palestinien.

Mais comme Qurei le souligne, la solution à Un Etat deviendra l'option palestinienne, non pas par choix, mais plutôt parce que toutes les autres alternatives ont été effacées.

L'expansion continue des colonies israéliennes en Cisjordanie , couplée avec les perspectives politiques timides pour un Etat palestinien viable, met déjà les Palestiniens devant un dilemme, à savoir être confrontés à une dissolution nationale (c'est-à-dire l'option jordanienne en Cisjordanie et l'option égyptienne dans la Bande de Gaza), ou se lancer dans une réévaluation longue envers l'adoption de la solution à Un Etat.

Al-Ahram Weekly a demandé à deux intellectuels palestiniens éminents s'ils pensaient que l'option à Deux Etats était toujours valide.

Nasser Al-Qiwa est l'ancien représentant palestinien aux Nations Unies. Il dit que "le temps va à l'encontre de la solution à Deux Etats" à la lumière du changement des réalités du terrain dans les territoires occupés.

"Ce que les Palestiniens devraient faire maintenant est réaffirmer l'essence du conflit, qui est l'occupation militaire israélienne de notre pays. Nous devons aussi prendre une position décisive sur la question des colonies juives ; nous ne pouvons pas simplement négocier pendant qu'Israël vole toujours plus de notre terre.

"Nous devons également arrêter d'ergoter sur la création d'un Etat. Nous devons plutôt exiger l'indépendance nationale, une indépendance par rapport à une occupation militaire étrangère
."

A la question sur comment il imagine l'avenir du conflit avec Israël si le scénario à Deux Etats échoue, Al-Qidwa dit que l'alternative ne serait bonne pour personne, ni pour les Israéliens, ni pour les Palestiniens, ni plus largement pour la région ou le monde. "Il y aurait beaucoup de violence, de troubles et de bains de sang dont il est difficile de prédire aujourd'hui l'ampleur."

Azzam Tamimi est le fondateur l'Institut de la Pensée Politique Islamique (Institute of the Islamic Political Thought) à Londres et l'auteur de plusieurs ouvrages sur la question palestinienne. Il pense qu'Israël a d'ores et déjà atteint son zénith et que son déclin commence en tant qu'entité raciste, qui se terminera par sa dissolution et sa disparition.

"Je ne sais pas avec certitude combien d'années Israël va survivre. Toutefois, il est sûr qu'Israël va de plus en plus diminuer. La tendance, depuis qu'Israël a envahi le Liban en 1982, a été le déclin du projet sioniste et le ralentissement de son colonialisme territorial. Il est vraisemblable que quelques zones lourdement fortifiées resteront sous contrôle sioniste, mais il est encore plus vraisemblable qu'Israël, en tant qu'Etat sioniste, disparaîtra."

Tamimi, qui a récemment écrit un livre sur le Hamas, a dit qu'il ne pensait pas qu'un quelconque Etat palestinien sur tout ou partie de la Cisjordanie , la Bande de Gaza et Jérusalem Est serait viable.

"Une entité créée sur quelques parties des territoires, même appelée Etat palestinien, sera tout simplement une entité dépendante non viable dont le but serait de prolonger l'existence d'Israël. La possibilité existe que des retraits unilatéraux par Israël, ici ou là, laissent les Palestiniens sans autre option que celle de simuler un Etat, mais cette perspective ne sera jamais un Etat viable."

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