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Cisjordanie - 28 avril 2009
Par Adam Morrow et Khaled Moussa Al-Omrani
La récente attaque contre la Bande de Gaza – et l’échec d’Israël à mener à bien ses objectifs militaires – a renforcé plus que jamais la dimension politique du groupe de la résistance palestinienne Hamas. Elle a en même temps porté un coup peut-être mortel à la faction interne au Fatah dirigé par l’homme fort Mohammed Dahlan, connu pour sa proximité de longue date avec Israël.
Hamas gouverne la Bande de Gaza depuis qu’il a pris le pouvoir en juillet 2007, après avoir remporté les élections législatives palestiniennes en 2006. Le territoire de la Cisjordanie occupée est dirigé par le Fatah.
« Depuis que la faction Dahlan a échoué à détruire le Hamas en 2007, son influence sur les affaires palestiniennes a considérablement diminué, » a dit à IPS Abdelhalim Kandil, analyste politique égyptien et éminent journaliste d’opposition. « Et l’échec récent d’Israël à renverser le Hamas à Gaza a servi à marginalisé le groupe de Dahlan encore davantage. »
Les trois semaines d’attaque d’Israël contre la Bande de Gaza (27 décembre – 17 janvier) n’ont pas réussi à mener à bien l’objectif initial d’en extirper le Hamas. En dépit de la férocité de l’attaque, au cours de laquelle plus de 1.400 Palestiniens ont été tué et de grands pans de l’infrastructure détruits, la résistance menée par le Hamas a subi des pertes limitées tout en conservant sa capacité à lancer sur Israël des roquettes à courte portée
« La fermeté du Hamas face à la puissance de feu israélienne tellement supérieure a payé en dividendes politiques ; le Hamas restera à Gaza. » dit Kandil. « Si les Israéliens veulent discuter de Gilaad Shalit [le soldat israélien capturé], ou si les Egyptiens veulent discuter de la frontière de Gaza, ils devront discuter avec le Hamas. »
En même temps qu’elle soutenait le Hamas, disent les analystes, la débâcle d’Israël à Gaza affaiblissait le mouvement Fatah du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, soutenu par les Etats Unis.
À la différence de Hamas, le Fatah est impliqué dans des négociations avec Israël - bien que les pourparlers de paix précédents d'Abbas avec les homologues israéliens, mandatés par le Sommet d’Annapolis de 2007 patronné par les Etats-Unis, n’aient pas réussi à satisfaire aucune des demandes palestiniennes. Demandes de longue date qui incluent la création d'un Etat palestinien viable, l’arrêt de la construction de colonies israéliennes sur la terre arabe occupée et le droit des réfugiés palestiniens à revenir dans ce qui maintenant Israël.
« Abbas, dont le mandat comme président de l’Autorité Palestinienne s’est officiellement terminé en janvier, subissait déjà une grave crise de légitimité parce que sa politique de négociation a complètement échoué, » dit Kandil.
« La récente attaque d’Israël contre Gaza a de fait détruit la position du Fatah, qui a même été sapé davantage par des membres du nouveau gouvernement israélien, qui ont déclaré ouvertement leur opposition aux discussions sur la paix. »
« Entre temps, le Hamas, et sa stratégie de résistance armée, a pris un nouvel élan à la suite de l’attaque, » ajoute Kandil.
Selon des analystes, l’échec israélien à renverser le Hamas dans la Bande de Gaza fut une déception particulièrement cuisante pour la « faction Dahlan » du Fatah.
Mohammed Dahlan a débuté sa carrière politique comme dirigeant Fatah pendant la Première Intifada palestinienne, à la fin des années 1980. Après avoir été arrêté et libéré par les autorités israéliennes d’occupation, il a rejoint l’OLP de Yasser Arafat installée à Tunis.
Dahlan est rapidement devenu un acteur clé au sein de l’OLP, et fut étroitement impliqué dans les discussions secrètes avec Israël qui ont finalement conduit aux Accords de Paix d’Oslo de 1993, qui ont créé l’Autorité Palestinienne et demandaient le retrait d’Israël de parties de Gaza et de la Cisjordanie . L’accord devrait préparer la voie à la résolution des désaccords en suspens, mais n’a pas tenu cette promesse.
En 1994, Dahlan est revenu à Gaza avec Arafat, qui lui a confié la responsabilité des services de la sécurité préventive de l’Autorité Palestinienne. Pendant la Deuxième Intifada, en 2000, les forces de sécurité de Dahlan ont commencé à persécuter avec zèle les groupes de résistance – en particulier le Hamas – qui s’opposaient aux négociations en cours avec Israël. Au cours des années suivantes, les agences sécuritaires de l’AP sous Dahlan étaient connues pour arrêter les résistants et fournir à Israël des renseignements sur les actions de la résistance.
« Les USA et Israël ont travaillé étroitement avec Dahlan, dont la mission principale était de persécuter le Hamas, » dit Kandil.
Plus récemment, Dahlan fut connu pour son rôle dans la tentative de coup d’Etat contre le Hamas qui a conduit directement à la saisie de Gaza par le groupe de résistance pendant l’été 2007.
Peu après la victoire du Hamas aux élections de 2006, les USA ont coopéré avec Israël pour armer et entraîner des éléments du Fatah, en préparation d’un violent coup d’Etat contre la direction du Hamas à Gaza, qui a ensuite gouverné Gaza avec le Fatah. Le stratagème, connu ensuite comme le Plan Dayton, aurait été concocté par Dahlan en coordination avec le Lieutenant-Général US Keith Dayton.
Après avoir eu connaissance du complot en juin 2007, le Hamas a préemptivement chassé son adversaire Fatah et pris le contrôle de la Bande de Gaza toute entière. L’animosité du Hamas envers Dahlan et ses acolytes était telle que sa villa, sur la côte de Gaza, a été démolie peu après la prise du pouvoir.
Hamas a maintenu son contrôle sur le territoire depuis lors, et en conséquence, Gaza est soumise à un embargo international qui a conduit ses 1,5 million d’habitants à une catastrophe humanitaire.
L’échec de Dahlan à en finir avec le Hamas en 2007 a rapidement conduit à l’érosion de son influence au sein du Fatah. En février de l’année dernière, le puissant comité exécutif du mouvement a publié une déclaration fustigeant « l’imprudence » de Dahlan, à qui est directement imputé la perte de Gaza.
« Dahlan n'a eu aucun poste important au Fatah depuis, » dit à IPS Diaa Rashwan, analyste éminent au Centre Al-Ahram d'Etudes Politiques et Stratégiques. « Il a complètement disparu de la scène publique après la perte de la Bande de Gaza et n'a réapparu que lors du récent assaut israélien sur le territoire dirigé par le Hamas. »
Le 3 janvier – quelques jours après le lancement de l’attaque israélienne – le quotidien libanais Al-Safir a rapporté que Dahlan était arrivé en Egypte dans l’espoir de rassoir le contrôle du Fatah à Gaza.
« 36 heures à peine après le lancement de la guerre aérienne d’Israël, des officiels ont afflué au Caire, venant de Ramallah, d’Amman, de Washington et de Tel Aviv, » rapporte le quotidien. « Le moteur qui menait cette activité était le responsable palestinien Mohammed Dahlan, qui venait d’arriver de Cisjordanie . »
« Quelques 400 policiers palestiniens ont suivi Dahlan en Egypte, où ils se sont concentrés à al-Arish (près de la frontière Egypte-Gaza) pour attendre les ordres d’entrer dans la Bande, dans le cas où la direction Hamas serait détruite, ou si elle se rendait, » rapporte Al-Safir.
L’article note ensuite qu’alors qu’il était au Caire, Dahlan a également « fourni des informations détaillées sur des cibles Hamas à Gaza aux officiers israéliens. »
Les commentateurs remarquent également que le récent départ de l’administration Bush – connu pour sa position pro-israélienne farouche – a représenté un coup supplémentaire pour Dahlan et ses sbires. « L’administration Bush a soutenu corps et âme la faction Dahlan contre la résistance,” dit Kandil. « Il ne fait aucun doute que son départ affectera gravement les capacités du groupe. »
« Après deux échecs à déloger le Hamas de Gaza, le départ de Bush fut le dernier clou dans le cercueil de Dahlan, » dit à IPS Essam al-Arian, membre dirigeant des Frères Musulmans en Egypte. Les Frères Musulmans, le mouvement d’opposition le plus important en Egypte, est idéologiquement proche du Hamas.
Mais les commentateurs notent également que l’influence de la faction controversée s’étend au-delà de la personne même de Dahlan.
« Dans cette faction, il y a des conseillers proches d’Abbas, » dit al-Arian. « Et on trouve aussi son influence dans d’autres mouvements politiques palestiniens à côté du Fatah. »
Kandil va jusqu’à dire qu’Abbas lui-même représente un élément dirigeant de la « faction israélienne » œuvrant actuellement au sein de l’Autorité Palestinienne.
« Sous Abbas, les agences de sécurité de l’AP en Cisjordanie continue d’être entraînées directement par les USA, » dit Kandil. « Et la première tâche de ces agences est de persécuter les éléments de la résistance et de fournir à Israël des informations qui permettront d’arrêter ou d’assassiner ses chefs. »
Source : Electronic Initifada
Traduction : MR pour ISM
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