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Palestine - 27 janvier 2008
Par Ramzy Baroud
Ramzy Baroud (www.ramzybaroud.net) est un écrivain et rédacteur en chef de PalestineChronicle.com. Ses travaux ont été publiés dans de nombreux journaux et revues du monde entier. Son dernier ouvrage s'intitule : “The Second Palestinian Intifada: A Chronicle of a People's Struggle“ (Pluto Press, London). (La deuxième Intifada palestinienne: Une chronique de la lutte d’un peuple)
Les Israéliens et leurs sympathisants ont tendance à décrire Israël comme un pays de miracles. Quoi d'autre pourrait expliquer l'étonnante "naissance" du pays et sa survie ultérieure contre toutes sortes de «menaces existentielles" ?
Sinon, comment Israël pourrait-il se développer à une vitesse aussi phénoménale, en faisant "fleurir le désert" et en se positionnant à un rang élevé parmi les nations développées dans la plupart des aspects significatifs ?
Pendant ce temps, les Palestiniens continuent d'être décrits comme «leurs pires ennemis", un peuple qui "ne rate jamais une occasion de rater une occasion», et qui agit en dehors des paramètres de comportement humain rationnel. Israël est présenté souvent, sinon toujours, comme le contraire de l’arrière-plan régional «rétrograde», «antidémocratique» et essentiellement violent des Arabes et des Musulmans.
Ces descriptions – d’Israéliens lumineux et civilisés affrontant les méchants Arabes arriérés - sont les pièces maîtresses d'une polémique vendue sans relâche par les médias israéliens, américains et occidentaux.
Le plus souvent, cela n’est pas contesté, définissant ainsi l’interprétation occidentale d’Israël et de son "droit d'exister" moral.
L'argument est ancré dans les horreurs de l'holocauste juif, mais les maîtres israéliens ont réussi à transformer la sympathie méritée pour cette tragédie en une affirmation injustifiée, en comparant d’une certaine façon les Palestiniens à l'Allemagne nazie pour justifier un état de guerre constant au nom de l'auto-défense.
Dans ce contexte spécifique, le pouvoir des médias ne saurait être trop souligné. Ils ont défini une fausse réalité, basée sur un récit déformé. Jamais dans l'histoire, un récit des évènements n’a été présenté de manière aussi peu objective que celui de la Palestine et d'Israël. Jamais les victimes n’ont été autant blâmées pour leur malheur que les Palestiniens. Ce n'est pas un contre-récit arrogant aux concoctions israéliennes. Il s'agit d'une vérité criante qui continue d'être ignorée ou incomprise.
Les "miracles" souvent associés à Israël ne sont pas aléatoires, ce sont des affirmations. Les miracles ont une notion religieuse se référant à l'inexplicable et au surnaturel. Ainsi, ils deviennent exonérés de questionnement rationnel. Cette formule a bien servi les objectifs stratégiques d'Israël.
D'une part, l'existence d'Israël est décrite comme une sorte de résurrection : de la quasi-annihilation à une "miraculeuse" renaissance. En effet, en considérant la manière dont est présentée l'histoire de la naissance d'Israël, le récit n'est pas moins impressionnant que les légendes bibliques.
Ce discours a été utilisé avec succès pour faire appel à un groupe beaucoup plus large que ceux qui s'identifient à Israël sur des bases ethniques ou religieuses. Il a impressionné des dizaines de millions de fondamentalistes chrétiens du monde entier. Aux États-Unis, les sionistes chrétiens représentent la base populaire du camp pro-israélien.
Alors que les Juifs américains ont tendance à voter en fonction d'intérêts économiques ou politiques, les chrétiens sionistes voient leur allégeance à Israël comme un devoir religieux.
Comme tous les miracles religieux, les miracles israéliens sont une "question de foi". Ils peuvent soit être acceptés soit être rejetés ; le résultat, c'est qu'ils vont au-delà du raisonnement, au-delà de la nécessité d'une preuve tangible.
Ceux qui sont assez stupides pour démolir cette histoire - et donc remettent en question Israël en tant qu'État responsable devant la loi, comme tous les autres - sont victimes de la colère de Dieu (dans le cas des «vrais croyants») ou de la colère des médias et du Lobby sioniste (dans le cas des sceptiques).
Par exemple, quand un homme politique américain est accusé de ne pas se tenir "totalement aux côtés d’Israël", l'accusation ne garantit pas une justification. Elle existe par elle-même, comme un commandement biblique qui a survécu à l'épreuve du temps et de la raison: Tu te tiendras totalement aux côtés d’Israël.
L'homme politique accusé ne peut que défendre son dossier de soutien à Israël, il ne peut pas remettre en question le fait de savoir pourquoi cela est nécessaire, et il ne doit jamais reconnaître le fait que le bilan de ce dernier est trempé de sang, terni par des occupations illégales et basé sur des violations des droits de l'homme et du mépris du droit international.
Alors que s’approche le 60e anniversaire de la prétendue naissance d'Israël, une déformation de l’histoire plus impressionnante – et même grotesque – sera abondement présentée.
Les experts des médias et les politiciens vont célébrer le miracle, en omettant la façon dont Israël a été créé sur les ruines de centaines de villes et villages palestiniens. Le massacre et le nettoyage ethnique qui sont connus sous le nom de Catastrophe Palestinienne - ou Nakba - n'ont pas été le travail des séraphins invisibles et miraculeux, mais bien par des groupes sionistes bien entrainés et bien armés et leurs partisans.
Les Palestiniens n'ont pas non plus perdu la bataille en raison de leur laxisme ou de leur arriération. Leur courage, pour ceux qui prennent soin de consulter les ouvrages historiques sérieux (tels que ceux de l'historien israélien Ilan Pappe ou le défunt professeur palestinien Edward Said), est un signe d'honneur qui sera porté par les Palestiniens dans les années à venir. Ils ont perdu parce que, comme le démontrent les expériences historiques parallèles, ni le courage, ni leur force morale n’étaient suffisants pour résister aux si nombreuses forces puissantes qui complotaient tous pour leur chute.
De plus, ceux et celles qui célèbrent les efforts miraculeux d'Israël pour faire fleurir le désert – la conclusion étant que les «nomades Palestiniens" avaient échoué à s’attacher à la terre «négligée», et que seul le "retour" de ses propriétaires légitimes a réussi à faire revivre -- oublieront probablement que c’était le prolétariat palestinien – la force de travail bon marché, opprimée et dépossédée – qui a en majorité travaillé la terre, construit les maisons et entretenu les jardins de l'Etat miracle.
Pas moins de 100 milliards de dollars de l’argent des contribuables américains ont contribué à la viabilité économique actuelle d’Israël ainsi qu’à sa préparation militaire.
Tout cela devrait être oublié puisqu’Israël et les "amis d'Israël" dans le monde entier vont célébrer une autre année miraculeuse de survie et de prospérité.
Vont-ils prendre le temps de se demander pourquoi plus de cinq millions de réfugiés palestiniens sont dépossédés et dispersés aux quatre coins du monde ?
Vont-ils accorder un moment de silence pour les milliers de personnes qui ont été brutalement assassinées afin qu'Israël puisse vivre ce faux miracle ?
Comprendront-ils un jour la douleur et les larmes de générations successives qui meurent en conservant les clés des maisons qui ont été détruites, des titres de propriétés qui ont été volées, et des souvenirs d'une belle réalité d’autrefois à laquelle ils ont été brutalement arrachés ?
S'il existe un miracle dans l'existence d'Israël, c’est que les mensonges sur lesquels il est basé peuvent durer aussi longtemps, malgré les vérités évidentes qui démontrent le contraire.
En fait, c'est un miracle que cette grave injustice puisse durer aussi longtemps sans être contestée.
Source : http://palestinechronicle.com
Traduction : MG pour ISM
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