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Palestine - 7 juillet 2007
Par Richard Falk
Richard Falk, juriste international, est actuellement professeur émérite de droit international à Princeton.
Même s’il était reconnu que les pressions exercées sur Gaza ont une potentialité génocidaire, et même si l’impunité d’Israël, sous le parapluie géopolitique américain était rangée au placard, il est très peu certain qu’une quelconque forme d’action protectrice serait entreprise à Gaza.
"Et quelle bête brute, revenue l’heure
Traîne la patte vers Bethléem, pour naître enfin ?”
William Butler Yeats, The Second Coming (1919)
(traduction d’Yves Bonnefoy in Anthologie bilingue de la poésie anglaise, La Pléiade, 2005)
Nul doute que l’Holocauste nazi ait été aussi proche que possible du mal absolu tel qu’il a été révélé tout au long de l’histoire sanglante de l’espèce humaine. Son caractère massif, son intention génocidaire affichée et son recours à la mentalité et aux possibilités techniques de la modernité confèrent à sa mise en œuvre dans les camps de concentration d’Europe un statut spécial dans notre imaginaire moral.
Ce statut spécial est exhibé, au moyen de la présentation continuelle de ses réalités sanglantes, par des films, des livres et toute un ensemble d’artefacts culturels, plus de soixante ans après que les événements dont il est question aient cessé. La mémoire permanente de l’Holocauste est maintenue en vie, par ailleurs, par l’existence de plusieurs muséums prestigieux, voués exclusivement à la description des horreurs qui se sont produites durant la période où les nazis étaient au pouvoir en Allemagne.
Dans ce contexte, il est particulièrement douloureux, pour moi qui suis juif américain, de me voir dans l’obligation de décrire les mauvais traitements en cours et croissants infligés par Israël au peuple palestinien en devoir recourir à une métaphore aussi incendiaire que celle de l’ «holocauste ». Ce mot est tiré du grec ‘holos’ (qui signifie « totalement, complètement ») et ‘kaustos’ (qui signifie « brûlé »). Il était utilisé en grec ancien pour signifier la calcination complète d’une offrande sacrificielle sur l’autel d’une divinité. Un tel contexte impliquant une action rituelle, il y a une certaine tendance, dans la littérature juive, à lui préférer le mot ‘Shoah’, en hébreu, qui peut être traduit en gros par « calamité, catastrophe », et qui fut choisi en 1985 pour titre du film d’une durée de neuf heures, relatant les conséquences du nazisme, du réalisateur français Claude Lanzmann.
Les Allemands eux-mêmes étaient plus « hygiénistes » dans leur terminologie, puisqu’ils appelaient officiellement leur projet : « Solution finale de la question juive ». Cette désignation, bien entendu, est inexacte, étant donné que plusieurs autres identités furent aussi les cibles de cette agression génocidaire, dont les Roms et les Sinti (les Tziganes), les Témoins de Jéhovah, les homosexuels, les handicaps, les opposants politiques.
Est-ce une exagération irresponsable que d’associer le traitement infligé aux Palestiniens avec ce palmarès criminel d’atrocités collectives perpétrées par les nazis ? Je ne le pense pas. Les derniers développements dans la bande de Gaza sont particulièrement dérangeants précisément parce qu’ils expriment une intention absolument délibérée, de la part d’Israël et de ses alliés, de soumettre une communauté humaine entière à des conditions mettant sa vie en danger de la plus extrême cruauté.
La suggestion que ce type de comportement est en réalité un holocauste en devenir représente un appel quasi désespéré adressé aux gouvernements du monde entier ainsi qu’à l’opinion publique internationale leur demandant d’agir urgemment afin d’empêcher que ces tendances génocidaires ne culminent dans une tragédie collective. A supposer que l’éthos d’un « devoir de protection », récemment adopté par le Conseil de sécurité de l’Onu comme fondement des « interventions humanitaires » ait une applicabilité, il consisterait à agir immédiatement afin de commencer à protéger la population de Gaza contre de nouvelles douleurs et de nouvelles souffrances.
Mais il serait irréaliste d’attendre de l’Onu qu’elle remue le petit doigt devant cette crise, étant donné le soutien inconditionnel des Etats-Unis à Israël, surtout si l’on prend en ligne de compte l’énergie avec laquelle les gouvernements européens ont prêté main-forte aux récents efforts illicites visant à écraser le Hamas, en tant que force politique palestinienne.
Même s’il était reconnu que les pressions exercées sur Gaza ont une potentialité génocidaire, et même si l’impunité d’Israël, sous le parapluie géopolitique américain était rangée au placard, il est très peu certain qu’une quelconque forme d’action protectrice serait entreprise à Gaza. Il y avait eu de forts signaux avertisseurs, en 1994, d’un génocide à venir au Rwanda, et pourtant, rien n’avait été fait pour l’empêcher ; l’Onu et le monde entier ont regardé sans rien faire, tandis que se déroulait le massacre de Bosniaques, à Srebrenica, en 1995 – incident que la Cour Internationale de Justice a qualifié de « génocide », voici de cela quelques mois ; de même, il y a eu des allégations réitérées d’un comportement génocidaire au Darfour, tout au long des dernières années écoulées, or la communauté internationale n’a pour ainsi dire pas bougé le petit doigt, ni afin de protéger les personnes menacées, ni pour résoudre le conflit en répartissant de manière équitable le pouvoir et les ressources naturelles entre les groupes ethniques en conflit.
Mais la situation à Gaza, du point de vue moral, est pire, et de très loin, bien que des décès massifs ne s’y soient pas encore produits.
C’est bien pire, car la communauté internationale est en train de regarder le spectacle hideux se dérouler tandis que certains de ses membres les plus influents encouragent et secondent activement Israël dans sa façon de traiter Gaza. Non seulement les Etats-Unis, mais aussi l’Union européenne, sont complices, comme le sont ces piètres voisins que sont l’Egypte et la Jordanie, qui redoutent manifestement que le Hamas ait un rapport, d’une façon ou d’une autre, avec leurs propres problèmes liés à l’ascension des Frères musulmans à l’intérieur de leurs propres frontières.
Il est utile de rappeler ici que les démocraties libérales de l’Europe ont rendu hommage à Hitler, lors des Jeux Olympiques de 1936, après quoi elles ont envoyé balader des dizaines de milliers de réfugiés juifs fuyant l’Allemagne nazie. Je ne suggère nullement que la comparaison doive être perçue comme littérale, mais j’insiste sur le fait qu’un certain type de criminalité associée à l’action politique israélienne à Gaza a été, de fait, soutenu et secondé par les grandes démocraties du vingt-et-unième siècle.
Pour étayer ces allégations, il faut prendre en considération le contexte de la situation actuelle. Depuis plus de quarante ans, c’est-à-dire en permanence, depuis 1967, Gaza a été occupée d’une manière qui a transformé cette zone surpeuplée en un véritable chaudron de douleur et de souffrance de toute une population, quotidiennement, avec plus de la moitié des Gaziotes habitant dans de misérables camps de réfugiés, plus nombreux encore étant ceux qui dépendent des secours humanitaires pour satisfaire leurs besoins humains les plus vitaux et élémentaires. A grands sons de tambours et trompettes, sous la houlette de Sharon, Israël a soi-disant mis un terme à son occupation militaire, et démantelé ses colonies, en 2005. Ce processus a été dans une très large mesure une mascarade, Israël ayant maintenu son contrôle total sur les frontières, l’espace aérien, les eaux territoriales, tout en affirmant son contrôle militaire sur Gaza, engageant des incursions violentes, tirant des missiles sur Gaza à volonté, pour des missions d’assassinats ciblés qui sont en elles-mêmes des violations du droit humanitaire international, et trouvant le moyen de tuer plus de 300 civils gaziotes depuis son départ physique supposé.
Tout aussi inacceptable que cette première partie de cette histoire, un tournant dramatique, vers le pire, s’est produit lorsque le Hamas a remporté les élections législatives palestiniennes, en janvier 2006. Quelle ironie amère que le Hamas ait été encouragé, tout particulièrement par Washington, à participer à ces élections afin de faire montre de son engagement vis-à-vis d’un processus politique (en tant qu’alternative à la violence) pour se voir ensuite terriblement puni pour avoir eu la témérité de l’emporter ! Ces élections furent placées sous contrôle international, sous l’autorité de l’ancien président américain Jimmy Carter, et elles furent déclarées totalement libres et démocratiques. Carter a qualifié récemment ce refus israélo-américain de reconnaître l’issue d’un tel verdict électoral démocratique de « criminel » lui-même. Cela discrédite par ailleurs gravement la campagne déployée par l’administration Bush visant à promouvoir la démocratie dans cette région du monde, une initiative d’ores et déjà fortement obérée par le fiasco de la politique américaine en Irak.
Après avoir remporté les élections palestiniennes, le Hamas fut châtié, au prétexte qu’il se serait agi d’une organisation terroriste qui n’aurait pas renoncé à la violence contre Israël et qui aurait refusé de reconnaître l’Etat juif en tant qu’entité politique légitime. De fait, le comportement et l’allure du Hamas sont tout autres. Dès le début de sa création, le Hamas s’est dit prêt à travailler avec d’autres formations palestiniennes, en particulier avec le Fatah et Mahmoud Abbas, afin de créer un gouvernement d’ « union ». Plus encore, ses dirigeants ont fait montre d’une volonté de progresser vers une acceptation de l’existence d’Israël, dès lors que ce pays accepterait, quant à lui, de se retirer à l’intérieur de ses frontières antérieures à 1967, en mettant enfin en application les Résolutions 242 et 338 adoptées à l’unanimité par le Conseil de Sécurité.
Plus théâtralement encore, le Hamas a proposé une trêve de dix ans avec Israël, allant jusqu’à décréter et mettre en vigueur un cessez-le-feu unilatéral qui tint plus de dix-huit mois, et qui ne fut rompu qu’afin, pour lui, de se lancer dans des frappes plutôt pathétiques essentiellement en représailles à de violentes provocations israéliennes dans la bande de Gaza. Comme l’aurait dit Efraim Halevy, ancien chef du Mossad (service de renseignement israélien) : « Ce dont Israël a besoin, de la part du Hamas, c’est d’une fin des violences, et non d’une reconnaissance diplomatique. » Et c’est précisément ce que le Hamas a offert, et qu’Israël a rejeté.
L’arme principale à la disposition du Hamas, et d’autres éléments palestiniens extrémistes, c’étaient les missiles Qassâm, qui causèrent la mort de pas plus de 12 civils israéliens en six ans. Même si chaque mort de civil est une tragédie inacceptable, il y a une telle disparité dans les ratios des morts et des blessés des deux côtés que cela remet en cause la logique sécuritaire consistant à infliger en permanence une force excessive ainsi que des punitions collectives à la toute la population de Gaza en état d’insurrection, laquelle est considérée, à juste titre, comme la population carcérale de la plus grande ‘prison’ du monde.
Bien loin d’user de diplomatie et de respecter les résultats d’élections parfaitement démocratiques, Israël et les Etats-Unis ont pesé de tout leur poids pour renverser le résultat des élections législatives de 2006 en organisant un ensemble d’initiatives internationales visant à faire échouer le Hamas dans sa gouvernance de la bande de Gaza. Ces efforts furent renforcés par la mauvaise volonté associée des éléments vaincus du Fatah à coopérer avec le Hamas en vue de la création d’un gouvernement susceptible de représenter l’ensemble des Palestiniens.
La principale tactique anti-Hamas sur laquelle on comptait beaucoup consistait à soutenir Abbas en tant qu’unique dirigeant légitime du peuple palestinien, à imposer un boycott économique aux Palestiniens de manière générale, à envoyer des armes aux milices du Fatah et à impliquer des pays voisins dans ces initiatives, en particulier l’Egypte et la Jordanie. Le gouvernement américain nomma un envoyé spécial, le lieutenant général Keith Dayton, qu’il envoya sur place travailler avec les forces d’Abbas ; celui-ci a contribué à convoyer 40 millions de dollars dans les territoires occupés, afin de mettre sur pied la garde présidentielle [prétorienne] d’Abbas, composée des forces du Fatah fidèles à Abbas.
C’était là, en l’occurrence, une politique particulièrement désastreuse. Les milices Fatah, en particulier à Gaza, étaient depuis fort longtemps largement corrompues, et elles faisaient souvent usage de leurs armes pour terroriser leurs adversaires et pour intimider la population de toutes sortes de manières violentes. Ce sont ces abus du Fatah qui ont joué un rôle non négligeable dans la victoire électorale du Hamas, en 2006, ainsi que le sentiment largement répandu dans la population que le Fatah, en tant qu’actant politique, n’avait ni la volonté ni la capacité d’obtenir des résultats quelque peu positifs pour le peuple palestinien, tandis que le Hamas, au contraire, avait réussi à résister et à mettre à la disposition de la population des services publics quasi unanimement admirés par les Gaziotes.
La phase ultime de cette dynamique interne / externe allait introduire des dissensions proches de la guerre civile à Gaza, qui aboutirent à une prise de contrôle totale par les forces du Hamas. Par une ironie dont l’Histoire a le secret, tout un ensemble de politiques adoptées par Israël en partenariat avec les Etats-Unis, une fois de plus, produisirent un résultat aux antipodes de leurs effets escomptés. L’impact du refus de reconnaître les résultats des élections a rendu (dix-huit mois plus tard) le Hamas bien plus puissant qu’auparavant dans l’ensemble des territoires palestiniens [c’est-à-dire tant en Cisjordanie que dans la bande de Gaza, ndt], et il a eu pour effet de placer celui-ci aux manettes à Gaza. Un tel résultat rappelle un effet similaire de la Seconde guerre du Liban, en juillet 2006, qui avait été déclenchée par la doublette stratégique Israël / Etats-Unis en vue de détruire le Hezbollah, mais qui a eu pour conséquence, en réalité, de faire de celui-ci une force encore plus puissante et respectée, tant au Liban que dans l’ensemble du Moyen-Orient…
Israël et les Etats-Unis semblent empêtrés dans une logique faussée, qui les rend incapables de tirer la leçon de leurs erreurs, et qui leur fait prendre toute déconvenue pour l’indication qu’au lieu de réfléchir et de mettre la pédale douce, leur initiative brouillonne doit au contraire être amplifiée et intensifiée, l’échec ayant résulté (à leurs yeux) du fait qu’ils auraient fait trop peu de ce qui s’imposait, plutôt que de ce qui était pourtant la réalité, à savoir qu’ils venaient de faire une énorme connerie…Ainsi, bien loin de tirer parti de l’appel réitéré du Fatah à la constitution d’un gouvernement d’union, et de ses assurances que son action n’était pas dirigée contre le Fatah en tant que tel, mais bien uniquement motivée par le fait que « nous ne pouvions pas faire autrement que mettre au pas une petite clique en son sein » (Abu Ubaya, commandant militaire du Hamas), Israël semble plus déterminé que jamais à fomenter une guerre civile en Palestine, à faire payer les Gaziotes de leur bien-être et de leurs vies le prix suffisant pour écraser leur volonté, et pour séparer une bonne fois pour toutes les destinées de la bande de Gaza de celles de la Cisjordanie .
La tournure insidieuse prise par l’occupation israélienne est la suivante : pousser Abbas à se raccrocher à une approche dure, sans aucun compromis, vis-à-vis du Hamas, illustrée par la création d’un gouvernement « d’urgence » non élu, en remplacement du leadership (démocratiquement) élu. Le Premier ministre d’urgence désigné, Salam Fayyad, étant nommé afin de remplacer le chef du Hamas, Ismaïl Haniyyéh, en tant que chef du gouvernement de l’Autorité palestinienne.
Il est révélateur de se remémorer que lorsque le parti de Fayyad participait aux élections de 2006, ses candidats n’ont remporté que 2 % des voix… Israël, rapporte-t-on, serait par ailleurs disposé à alléger certaines restrictions imposées aux déplacements en Cisjordanie , de manière à convaincre les Palestiniens qu’ils pourraient connaître un avenir meilleur en répudiant le Hamas et en misant sur le canasson Abbas, désormais devenu un personnage politique totalement discrédité, qui a carrément bradé la cause palestinienne pour se gagner les faveurs et le soutien d’Usraël, et pour s’imposer dans la lutte interne pour le pouvoir palestinien. Afin d’atteindre ces objectifs, il est concevable, bien qu’improbable, qu’Israël en vienne à élargir Marwan Barghouthi, le seul dirigeant Fatah crédible, de sa prison, pour peu que celui-ci soit prêt à accepter l’approche israélienne Sharon / Olmert en matière de création d’un « Etat palestinien ». Cette dernière initiative est peu probable, Barghouthi étant le jour et la nuit par rapport à un Abbas : il est extrêmement peu probable que Barghouthi accepte autre chose qu’un retrait total d’Israël jusqu’à l’intérieur de ses « frontières » de 1967, avec, y compris, le démantèlement des colonies sionistes en Cisjordanie et à Jérusalem Est.
Ce dernier revirement dans la politique israélienne doit être compris dans le contexte plus large du refus opposé par Israël à l’obtention d’un compromis raisonnable avec le peuple palestinien, et ce, depuis 1967. La quasi-totalité des observateurs admettent qu’un tel résultat dépend d’un retrait israélien, de la création d’un Etat palestinien doté d’une souveraineté totale sur la Cisjordanie et la bande de Gaza, dont la capitale serait Jérusalem Est, et d’une aide financière extérieure suffisante pour ouvrir aux Palestiniens la perspective d’une viabilité économique. La vérité, c’est qu’il n’y a aucun dirigeant israélien qui nourrisse cette vision ou qui soit partisan de négocier une telle solution, and c’est la raison pour laquelle le combat va se poursuivre, avec des violences des deux côtés.
L’approche israélienne du défi palestinien est basé sur l’isolement de la bande de Gaza et un saucissonnage de la Cisjordanie conservant intouchés les blocs d’implantation, ainsi que l’appropriation de la totalité de Jérusalem, considérée comme la capitale d’Israël. Cette mise au rencart de la diplomatie a été le trait dominant du comportement israélien pendant des années, y compris durant le processus dit « de paix » d’Oslo, qui avait été lancé dans la roseraie de la Maison Blanche, à Washington, en 1993, par une célèbre poignée de mains échangée entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat.
Pendant qu’on bavardait de paix, le nombre des colons israéliens doublait, des sommes énormes étaient investies dans des routes réservées aux colonies et directement reliées au territoire israélien, et le processus ‘colonisation israélienne’ / éviction des Palestiniens’ de Jérusalem Est se poursuivait inexorablement, à grands pas. De manière significative, également, le « modéré » Arafat fut totalement discrédité en tant que dirigeant palestinien capable de négocier avec Israël, étant traité comme quelqu’un de dangereux précisément parce qu’il était impatient d’accepter un compromis raisonnable. Il est intéressant de noter que, jusqu’à tout récemment, dès lors qu’il était devenu (l’idiot) utile pour renverser la victoire électorale du Hamas, Abbas fut traité par les Israéliens comme quelqu’un de trop faible, manquant trop d’autorité pour agir au nom du peuple palestinien dans un processus de négociation – une excuse de plus, pour Israël, pour s’enferrer dans sa tactique unilatérale adorée.
Ces considérations rendent elles aussi hautement improbable que Barghouthi soit relâché, à moins que ne se produise un changement d’attitude spectaculaire du côté israélien. Au lieu d’œuvrer dans le sens d’un forme ou d’une autre d’une solution politique, Israël a érigé une muraille de sécurité aussi technologiquement sophistiquée qu’illégale sur le territoire palestinien, il a étendu les colonies, il a rendu invivable la vie des 1,4 millions de Palestiniens confinés dans la bande de Gaza, et il prétend que ces « faits accomplis » illégaux paveraient la voie en direction de la sécurité et de la paix !
Le 25 juillet prochain, des dirigeants israéliens, égyptiens, jordaniens et ‘autorito-palestiniens’ vont se rencontrer à Sharm El-Sheikh, sur la Mer Rouge, afin d’aller de l’avant dans leur diplomatie anti-Hamas. Israël propose de libérer 250 prisonniers fathaouis (sur les 9 000 Palestiniens qu’il détient, à ce jour), et de refiler les revenus des taxes palestiniennes à Abbas à tempérament, pour peu que pas un centime de ces fonds ne soient utilisés dans la bande de Gaza, où une catastrophe humanitaire est en train de bourgeonner, de jour en jour.
Ces dirigeants sont convenus de coopérer dans cet effort visant à briser le Hamas et à imposer une Autorité palestinienne à direction Fatah pur sucre à une population palestinienne rétive. Il faut se souvenir que le Hamas a gagné les élections de 2006, non seulement dans la bande de Gaza, mais aussi en Cisjordanie ! Dénier aux Palestiniens leur droit à l’autodétermination garantit un retour de manivelle similaire à celui produit par des efforts du même acabit, qui ont le don de générer une version radicalisée de ce qu’on souhaiterait voir disparaître… Comme l’ont indiqué certains commentateurs, la seule manière de se débarrasser du Hamas, c’est de le remplacer par Al-Qa’ida !
Actuellement, Israël durcit le boycott économique qui a placé la population de la bande de Gaza au bord de la famine. Cet ensemble de politiques, suivies depuis plus de quarante ans, a imposé une existence infra-humaine à des gens qui ont été continument et systématiquement pris pour cible par tout un éventail de formes particulièrement cruelles de punition collective. La totalité de la population de la bande de Gaza est traitée comme « ennemie » d’Israël, et on se soucie peu, à Tel Aviv, de reconnaître l’innocence de cette société civile martyrisée depuis si longtemps.
Persister dans une telle approche, dans les circonstances actuelles, est de fait génocidaire, et risque de détruire une communauté palestinienne toute entière, qui fait partie intégrante d’un ensemble ethnique. C’est cette perspective qui rend appropriée une mise en garde contre un holocauste palestinien en puissance, et qui devait rappeler au monde entier le célèbre vœu de l’ère post-nazie : « Plus jamais ça ! »
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