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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

Les conséquences juridiques de la fin du mandat du président Mahmoud Abbas

Par

Le docteur Ahmed Moubarak Al-Khalidi est Professeur du Droit constitutionnel, Président de la commission de la rédaction de la constitution, Doyen de la faculté de Droit, Ancien ministre de la justice de l'Autorité Palestinienne, ancien doyen de la faculté de Droit de l’université An-Najah (Naplouse). Exposé préparé par Dr. Al-Khalidi à la demande du Centre Az-Zaytouna pour études et conseils, Beyrouth – Liban.

A la fin du mandat présidentiel, le Conseil Législatif aura la charge de considérer le poste de président comme vacant et de désigner son chef comme président de l’autorité par intérim. Ce dernier aura la charge à son tour d’appeler à l’organisation d’élections présidentielles. Ce cas extrême ne sera certainement pas accepté par l’autorité de Ramallah. Elle pourra considérer le bande de Gaza comme une zone rebelle. Les ennemis du peuple palestinien et de sa résistance pourront profiter d’une telle mesure pour déclarer la guerre contre ce peuple, pour juger ses leaders, pour confisquer son droit à l’autodétermination et à lutter contre l’occupation, entre autres.

Au nom d’Allah, le clément, le miséricordieux,

Cet exposé se consacre au prolongement du mandat du président de l’Autorité palestinienne. Il démontrera comment ce prolongement sera illégitime, s’il ne se fait pas par la voie constitutionnelle et démocratique : les élections. Il se consacre également aux conséquences d’un tel prolongement. L’exposé essaie d’être simple, bien loin d’une plaidoirie juridique.

Au départ, il faut se rappeler que toute règle doit respecter les principes juridiques, la légitimité démocratique et la légitimité constitutionnelle. Cela s’applique au pouvoir exécutif et à son prolongement.

1°) Les bases juridiques d’un prolongement du mandat

- Il faut respecter la hiérarchie des règles de la loi. Chaque loi doit respecter les lois supérieures. Ainsi, une règle d’une loi ordinaire ne doit pas venir à l’encontre d’une règle constitutionnelle, sinon, elle sera nulle.
- Toute règle constitutionnelle ne peut être modifiée (annulée, réduite ou prolongée) que de la même façon, avec le même pouvoir et les mêmes conditions établis par des règles constitutionnelles.
- La durée du mandat d’un pouvoir exécutif élu commencera du moment de son élection, sauf s’il y a des règles constitutionnelles qui la délimite autrement, ou si des règles constitutionnelles donnent une procuration au pouvoir législatif pour pouvoir la délimiter.

2°) Les bases juridiques pour soustraire l’ordre concernant le sujet du prolongement
- La loi constitutionnelle réformée de l’an 2005.
- La loi des élections générales numéro 9 de l’an 2005.
- L’ordre présidentiel numéro 1 de l’an 2007 concernant les élections générales.

3°) Les légitimités nécessaires pour un mandat présidentiel

31- La légitimité démocratique nécessaire pour un prolongement du mandat présidentiel

32- La légitimité constitutionnelle nécessaire pour un prolongement du mandat présidentiel

31- La légitimité démocratique nécessaire pour un prolongement du mandat présidentiel :

Dans les systèmes démocratiques, la légitimité du pouvoir exécutif vient de la volonté populaire exprimée par des élections. Dans de ces systèmes parlementaires, c’est le peuple qui choisit ses dirigeants, le président de l’Etat en tête, pour une période délimitée d’avance. A la fin de cette période, le pouvoir retourne au peuple. En tout cas, ce sont les constitutions qui délimitent la période de tout mandat afin de couper la route à tout dirigeant voulant se donner le pouvoir.

En général, si le pouvoir est donné à quelqu’un sans se fier aux élections, on ne parle, dans ce cas, d’un régime démocratique et parlementaire.

La délimitation du mandat et la réélection du pouvoir exécutif lui donneront la légitimité démocratique. Elles feront de lui un représentant réel de la nation. L’organisation d’élections de façon périodique pousse les dirigeants à respecter la volonté du peuple, à réaliser ses souhaits, à défendre ses intérêts.

La délimitation du mandat signifie l’obligation du dirigeant à retourner à la nation pour le renouveler, lorsqu’il arrive à son terme. Ainsi, cette délimitation deviendra une manière de faire des pressions sur le dirigeant pour respecter la volonté du peuple, sinon, ce dernier ne sera pas en mesure de lui renouveler sa confiance. Cette pression ne sera possible sans cette délimitation de la durée du mandat, sans que son pouvoir soit nul sans de nouvelles élections.

Et pour ce qui est du système constitutionnel palestinien, le pouvoir est donné au président de autorité palestinienne par des élections. Son mandat est donc délimité dans le temps, selon le principe démocratique. A la fin de son mandat, des élections nouvelles doivent être organisées, si le président veut rester au pouvoir de façon légitime, et s’il veut que le régime reste démocratique et qu’il ne se transforme pas en autre chose, une affaire qui affectera la stabilité politique du pays.

A remarquer que la durée du mandat présidentiel est différente d’un régime constitutionnel à un autre. Toutes les constitutions (hormis celles des régimes monarchiques) délimitent cette période du mandat. Et la loi constitutionnelle palestinienne de l’année 2002, réformée en 2003, ne la délimitait pas, pour la période transitoire. Il en était de même pour le Conseil Législatif Palestinien. Cette période transitoire devait prendre fin le 4 mai 1999, selon l’accord signé à Washington en 1995. Néanmoins, pratiquement, elle a duré dix ans.

La réforme apportée à la loi constitutionnelle en 2005 a délimité à quatre ans, explicitement, le mandat du président, et implicitement pour le Conseil Législatif. Pour le président, l’article 36 de cette loi ne laisse aucune confusion : le mandat du président est exclusivement de quatre ans, à partir de la date de son élection, non à partir de sa naissance ou à partir d’une date délimitée plus tard selon des intérêts partisans ou personnels.

Le président de l’autorité palestinienne doit appeler à des élections nouvelles, vers la fin de son mandat. S’il ne le fait pas, le poste de la présidence sera considéré comme vacant, avec toutes les conséquences que cela engendre.

32- La légitimité constitutionnelle nécessaire pour un prolongement du mandat présidentiel

Dans tout régime démocratique, un peu avant la fin de son mandat, le président doit se mettre à organiser des élections pour choisir un nouveau président ou pour prolonger son propre mandat, sinon, le poste de président sera tout simplement vacant. Et pour le cas palestinien, le mandat du président approche de sa fin et rien ne bouge encore.

Beaucoup parlent maintenant d’une prolongation de ce mandat jusqu’à la fin du mandat du Conseil Législatif Palestinien, en se référant à un décret présidentiel émis sans respect à la loi constitutionnelle. Cette affaire, si elle se fait, aura des conséquences graves. Il est alors de notre devoir d’insister sur l’illégitimité de toute prolongation du mandat du président effectuée en se basant sur la loi des élections modifiant la loi constitutionnelle. Il est alors primordial d’attirer l’attention sur l’illégitimité (constitutionnellement parlant) de toute prolongation du mandat présidentiel se fiant à des règles de la loi des élections déformant la loi constitutionnelle.

En regardant de prêt les articles concernant la délimitation de la durée du mandat présidentiel de la loi constitutionnelle de l’an 2003 et les articles de la loi des élections de l’an 2005, on remarque les points suivants :

1°) la date du mandat présidentiel ne coïncide pas avec celle du mandat du Conseil Législatif. Par conséquent, les dates de leurs élections ne coïncident non plus.

On remarque encore une fois :
A- L’article 36 de la loi constitutionnelle réformée en 2005 délimite la durée du mandat du président de l’autorité palestinienne à quatre ans. Et étant donné que le président a été élu le 9 janvier 2005, son mandat prendra fin le 8 janvier 2009.

B- L’article 47/3 de la même loi décide que la durée du conseil législatif est de quatre ans, à partir de la date des élections. Et puisque les élections sont réalisées le 26 janvier 2006, le mandat des parlementaires prendra donc fin le 25 janvier 2010.

Ainsi, la date de nouvelles élections pour un nouveau président ou pour la prolongation de l’actuel président doit se faire avant le 8 janvier 2009. L’actuel président a pour devoir d’appeler à des élections présidentielles avant cette date.

Donc, les élections présidentielles devront être organisées un an et demi avant les élections législatives. La constitution ne montre aucune volonté d’unifier les dates de ces deux élections. De plus, l’unification de ces deux dates n’est pas une règle dans les pays démocratiques.

Si le législateur constitutionnel avait eu cette intention, il l’aurait exprimée clairement. Il l’a fait par exemple en ajoutant l’article 47 à la loi constitutionnelle. Cet article décide que la durée du Conseil Législatif Palestinien est de quatre ans. Cette durée débutera le jour de la déclaration des résultats des élections. Néanmoins, le législateur a voulu faire une exception, en prolongeant le mandat de l’ancien conseil jusqu’à ce que tous les membres du nouveau conseil fassent leur serment constitutionnel.

Même la loi numéro 9 de l’an 2005, concernant les élections générales, à laquelle se fient ceux qui veulent prolonger le mandat présidentiel, ne donne pas de légitimité à une prolongation :

A- L’article 94/3 de cette loi dit que le président occupera son poste après qu’il fait le serment, selon les règles de la loi constitutionnelle. Le président a été élu le 9 janvier 2005 et son mandat se terminera quatre ans plus tard, une durée délimitée par la loi constitutionnelle dont la modification a été publiée dans le journal officiel le 18 août 2005.

B- Pour prolonger le mandat présidentiel, on ne peut non plus se fier à l’article 97, alinéa 4, comme prétendent certains. L’article n’a rien à voir avec une telle prolongation. Il parle du cas où le poste de président sera vacant par la mort du président, sa démission ou la perte de ses compétences juridiques. Cet article s’applique alors au nouveau président qui occupera le poste une fois qu’il sera vacant pour les raisons précédemment mentionnées. Il ne s’applique donc pas au président au pouvoir.

2°) La loi constitutionnelle (la Constitution) ne peut être modifiée par une loi ordinaire

C’est une grosse erreur de modifier une constitution par une loi ordinaire, sans que la constitution n’en donne l’autorisation. Une telle loi ordinaire sera un néant complet. Et pour le cas en question, on remarque :

1- L’article 1/2 de la loi des élections générales numéro 9 de l’année 2005 a ajouté une règle que la loi constitutionnelle ne contenait pas. Cet article dit : « Les élections du président et des membres du conseil législatif seront organisées en même temps. ».

Bien évidemment, c’est une affaire impossible. Les articles 36 et 47/3 de la loi constitutionnelle délimitent la durée du mandat du président et du conseil législatif à quatre ans, à partir de la date de leur élection. Notons que le mandat du président se termine un an avant celui du Conseil Législatif.

Faire les élections présidentielles et législatives dans la même date exige la modification de quelques articles de la loi constitutionnelle. Mais toute modification ne peut être effectuée que par l’approbation de deux tiers des membres du Conseil Législatif Palestinien. Donc, la modification introduite par la loi des élections est totalement nulle.

2- La décision présidentielle ordonnant la publication d’une nouvelle loi des élections générales (numéro 1 de l’année 2007) est tout à fait nulle et invalide : c’est une pure violation de la fonction du Conseil Législatif.

Selon le deuxième article de la loi constitutionnelle, c’est le peuple qui est la source de tous les pouvoirs : législatif, exécutif et juridique. Les trois pouvoirs seront séparés. La constitution ne donne au président qu’une petite procuration provisoire dans des cas limités. Il n’aura jamais la capacité législative totale. Et même la petite procuration, elle reste sous le contrôle du conseil législatif, restreinte par des conditions énumérées par l’article 43 de la loi constitutionnelle :

A- un cas d’extrême urgence,
B- pendant les vacances du Conseil Législatif.
C- Il peut prendre des décisions et non faire des lois.
D- Ces décisions suivent l’obligation de la loi jusqu’à la prochaine réunion du Conseil Législatif.
E. Les décisions prises par le président doivent être présentées au Conseil Législatif, sinon elles perdent leur force.

Ladite décision présidentielle ne respecte aucune de ces conditions. Il n’y a aucune urgence. Le Conseil Législatif existe, à ce que l’on sache.

Au demeurant, ladite loi (numéro 9 de l’an 2005 concernant les élections générales) a été annulée par un décret publié par le président de l’autorité, un décret qui a pris la forme d’une loi pour l’an 2007 concernant les élections générales. Sans vouloir ici parler de l’inconstitutionnalité d’une modification de la constitution par un décret présidentiel, l’article 116 de la décision présidentielle concernant la loi des élections générales de l’an 2007 a néanmoins rajouté le texte à l’article 36 de la loi constitutionnelle modifiée. Ce texte exige que les élections présidentielles soient organisées en même temps que les élections législatives.

La loi 9 de l’an 2005 des élections générales est nulle, pour la raison unique qu’elle vient explicitement à l’encontre d’un article de la loi constitutionnelle (l’aliéna 2 de l’article 36). Il est donc normal que la décision présidentielle numéro 1 de 2007 concernant les élections générales soit inconstitutionnelle.

Elle se base sur deux graves violations :

La première : La décision numéro 1 de l’an 2007 change l’article 111 de la loi constitutionnelle. Elle prolonge le mandat du président, contrevenant explicitement l’article 36. Ainsi, le président publie un article prolongeant son propre mandat.

La deuxième raison : La loi constitutionnelle ne donne au président aucun pouvoir législatif. Elle lui donne uniquement le pouvoir d’entamer quelques actions provisoires, lorsque les conditions d’urgences expliquées par l’article 43 seront réunies.

Elle ne lui donne aucunement le pouvoir de modifier ou d’annuler la loi constitutionnelle et même les lois ordinaires.

Ainsi, nous nous précipitons vers un vide juridique laissé par la fin du mandat présidentiel, si des élections présidentielles ne sont pas organisées avant le 8 janvier 2009. Ce vide aura des conséquences concrètes dont l’aggravation de la division entre la bande de Gaza et la Cisjordanie . A la fin du mandat présidentiel, le Conseil Législatif aura la charge de considérer le poste de président comme vacant et de désigner son chef comme président de l’autorité par intérim. Ce dernier aura la charge à son tour d’appeler à l’organisation d’élections présidentielles. Ce cas extrême ne sera certainement pas accepté par l’autorité de Ramallah. Elle pourra considérer le bande de Gaza comme une zone rebelle. Les ennemis du peuple palestinien et de sa résistance pourront profiter d’une telle mesure pour déclarer la guerre contre ce peuple, pour juger ses leaders, pour confisquer son droit à l’autodétermination et à lutter contre l’occupation, entre autres.

Et comme l’appel à l’organisation des élections présidentielles est actuellement entre les mains du président, selon la loi, c’est le président qui porte la responsabilité de tout vide juridique causé par l’absence d’un tel appel. Un tel cas donnera des occasions supplémentaires aux occupants israéliens pour imposer sur la scène palestinienne de nouvelles données, pour leurs intérêts bien évidemment.

Exposé traduit et résumé par Centre Palestinien d’Information-CPI

Source : Palestine Info

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