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ISM France - Archives 2001-2021

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USA -

Les juifs de gauche et la Palestine : de simples bêlements de désapprobation

Par

Lorsque des consciences juives s’expriment ouvertement au sujet d’Israël, on constate un hiatus étonnant, dans les propos, entre le problème évoqué et la solution suggérée.
La gauche juive et ses alliés commencent leur discours par des dénonciations, des plus retentissantes, qui ne tardent pas à s’atténuer, jusqu’à ne plus être que de simples recommandations, des plus timides, de surcroît.
De nombreuses personnes critiques vis-à-vis d’Israël le considèrent comme un Etat paria*.

Beaucoup considèrent cet Etat raciste.

Beaucoup pensent qu’il est coupable d’atrocités brutales contre le peuple palestinien, et font montre d’un intérêt presque lubrique pour ces atrocités.

Beaucoup de sources d’information consensuelles, en dehors des Etats-Unis – tels la BBC, The Guardian, la CBC – véhiculent des rapports accablants sur les exactions israéliennes et, cela, depuis pas mal de temps.

Nous entendons dire, par exemple, que les officiers israéliens, lorsqu’ils envisagent d’attaquer un camp palestinien, étudient au préalable la stratégie utilisée par les Allemands pour prendre d’assaut le Ghetto de Varsovie.

Nous entendons horreur sur horreur. Les militants juifs et israéliens n’hésitent pas à établir des parallèles avec l’Allemagne nazie. (cf Norman Finkelstein).
C’est terrible, non ? Que pouvons-nous faire ?
Pas grand-chose, semble-t-il, et cela ne date pas d’hier.


En 1998, le Comité Juif sur le Moyen-Orient a publié un communiqué dans lequel il déclarait explicitement qu’"Israël est devenu, en tant que tel, un Etat paria au sein de la communauté internationale".
Cette déclaration est encore fièrement inscrite sur les pages du site ouèbe de cette organisation, qui a attribué à Israël "une idéologie raciste", affirmant que "les événements actuels ne nous rappellent que trop bien les pogromes qu’avaient dû fuir nos ancêtres, voici deux ou trois générations."
http://www.middleeast.org/archives/jcome1.htm

Il s’agit là de personnes qui perçoivent clairement qu’il s’agit de la part d’Israël d’outrances très sérieuses – crimes de guerre, violations des droits de l’homme, violente croisade raciste.

Il s’agit de gens dont le documentaire produit à compte d’auteur pourrait s’intituler "Nous, Nous Osons Parler – La Voix des Juifs Américains'.

Mais que préconisent-ils, au juste ?

"Les aides économiques exorbitantes accordées par les Etats-Unis à Israël doivent être réduites, au cours des deux ou trois années à venir, à des niveaux beaucoup plus raisonnables. De plus, l’assistance militaire et informationnelle considérable des Etats-Unis à Israël devrait elle aussi être réduite de manière drastique".

Est-ce que vous lisez bien comme moi ? Cela ne signifie-t-il pas, par hasard, qu’une aide économique et militaire à cet Etat paria devrait se poursuivre ?

Humm… Alors, c’est comme ça que nous sommes supposés répliquer à un Etat qui perpètre (je cite) "des tueries, des passages à tabac, des couvre-feu, des expulsions et des arrestations domiciliaires" – tout cela, contre des Palestiniens vivant dans des régions qu’Israël occupe depuis plus de vingt ans ?

Comme qui dirait, l’Etat paria juif retors conserve des privilèges auxquels bien des Etats vertueux, quant à eux, ne pourraient que rêver. Mais cette déclaration fut jugée satisfaisante par Noam Chomsky, par conséquent, j’imagine qu’il devrait en aller de même pour moi ?…

Bon. Est-ce que les choses ont évolué, depuis 1988 ?

Evidemment. Mais, hélas, elles n’ont fait qu’empirer. Enormément empirer. Alors, voyons un peu.
Comment la réponse a-t-elle évolué, face à cette aggravation catastrophique ?


Elle n’a pas bougé d’un pouce. Le site ouèbe dissident le plus connu, Not In My Name (appel : Pas en Mon Nom ), est animé par une association juive avant tout soucieuse, apparemment, de ne pas être compromise par les crimes israéliens.

Cette organisation recommande "la suspension de toute aide militaire américaine à Israël jusqu’à ce que ce pays mette un terme à son occupation de la Cisjordanie , de la bande de Gaza et de Jérusalem Est." (cf : rubrique "Common Ground").
J’en tire donc la conclusion que l’aide économique va, quant à elle, continuer. Je reviendrai sur cette suspension de la seule aide militaire.


Et puis, il y a cet encart, publié dans le New York Times du 17 mars 2002, par Jewish Voices Against the Occupation (Voix juives contre l’occupation).

Cette pétition appelle le gouvernement à suspendre son aide militaire à Israël qui poursuit son occupation, jusqu’à ce qu’il se retire totalement des territoires occupés ; à réduire l’aide économique à Israël en la défalquant des capitaux dépensés au fonctionnement des colonies, jusqu’à leur démantèlement…


OK…Il y aura donc encore un peu d’aide économique, et l’aide militaire sera rétablie dès qu’Israël se sera retiré des territoires occupés… Autrement dit : Israël recevra des cargaisons de nouveaux joujoux, automatiquement, à chaque fois qu’il fera mine de se retirer. Et le tout, à l’avenant : personne, à ce que je sache, n’exige plus que cela.


Ainsi, nous avons affaire à un pays qui est dénoncé pour ses violations - des plus graves qui soient -des droits de l’homme, dont le dirigeant est accusé de crimes de guerre… - à un Etat paria, donc - dont les exactions sont quasiment insoutenables à voir à la télévision, et totalement insoutenables, bien sûr, pour ceux qui en sont les victimes directes.

Tout le monde semble bien être d’avis, pourtant, qu’un tel Etat mérite de recevoir une aide économique… Quant à l’aide militaire qu’on lui accorde, elle est tout au plus suspendue : dès qu’Israël aura quitté le lieu du crime, nous devrons nous assurer – surtout - qu’il n’aura perdu aucune de ses capacités à tuer.


Oublions un moment, voulez-vous, la question de savoir si cette réponse est proportionnée, ou non, à la gravité des crimes auxquels elle est supposée correspondre ?

Demandons-nous simplement ce que la réponse est supposée viser ?

Il est pratiquement inutile de mettre sur le tapis la question de l’aide économique, puisqu’elle continuera, quoi qu’il arrive, fût-ce à un niveau moindre. Qu’en est-il, alors, de cette exigence de suspension de l’aide militaire, qui voudrait se faire passer pour courageuse, mais qui est tellement pondérée et édulcorée, en réalité ?


Il s’avère, tout au moins de l’avis d’Andrew Cordesman, analyste au Centre pour les Etudes Stratégiques et Internationales de Washington (Center for Strategic and International Studies), qu’Israël pourrait soutenir une guerre pendant deux ans avant d’avoir besoin d’une aide militaire des Etats-Unis. Autrement dit : même une cessation totale et immédiate de l’aide militaire américaine ne contribuerait en rien à empêcher les Israéliens de faire subir aux Palestiniens absolument tout ce qu’ils désirent leur faire subir.

On estime qu’Israël détient entre 200 et 500 têtes nucléaires, ainsi que des missiles de croisière qui ont atteint, avec succès, des cibles expérimentales situées dans un rayon de 950 miles. Israël a-t-il l’air d’être le genre de pays qui va sentir qu’une quelconque pression pèse sur lui, du simple fait que l’on aura "suspendu" l’aide militaire qui lui est prodiguée ?

Même dans le cas où son buffet se retrouverait vide, il pourrait encore vendre quelques-unes de ces têtes nucléaires et acheter à peu près tout ce dont il a besoin…


Les militants juifs savent cela. Ils le savent parfaitement. Les gens de gauche le savent. Ils sont parfaitement au courant, par ailleurs, de ce que l’on doit faire, normalement, pour contenir un Etat voyou.


Normalement, toute aide est coupée. On impose un embargo sur les armements et le commerce. Tous les transferts de fonds sont gelés. Les comptes bancaires à l’étranger sont mis sous séquestre ou saisis. Les liaisons aériennes et les relations diplomatiques sont coupées ou réduites au strict minimum.
On met fin à tout échange scientifique et culturel.

Pour faire que tout cela tienne bon, il faut que l’Etat paria soit encerclé par des forces militaires d’une supériorité écrasante. On doit mettre en œuvre un programme d’urgence afin d’augmenter les capacités de défense de ses voisins ; une coalition emmenée par les Etats-Unis envoie sur place des milliers de combattants ; les forces navales sont déployées ; les efforts de renseignement et de contre-espionnage sont considérablement accrus.

On amène tout doucettement cet Etat à prendre conscience qu’au cas où il utiliserait ses armes nucléaires, il peut s’attendre à recevoir la monnaie de sa pièce. Il s’agirait là, bien entendu, d’une réponse extrêmement pondérée, ne ressemblant à rien à ce qui a pu se passer en Serbie ou en Irak. Mais le simple fait de maîtriser Israël – et en aucun cas de l’attaquer – nécessiterait une initiative d’une envergure dépassant les concentrations de troupes en préparation de la Guerre du Golfe.


En résumé, tous ces gens qui pleurent sur les Palestiniens, tous ces militants qui s’exposent sur la ligne de front, toutes ces personnalités éminentes et ces écrivains engagés émouvants et éloquents qui condamnent les méfaits d’Israël – aucun de tous ceux-là n’exigent – si encore ils se contentaient, ne serait-ce, que de le demander… - de mesures un tant soit peu sérieuses à l’encontre d’Israël.

Et on ne trouve qu’une seule explication à ce comportement étrange. Cette explication, elle est vraiment hideuse…


Les Juifs valent-ils encore plus cher, à tout prendre, à leurs yeux, que les Palestiniens ?

L’ère nazie leur confère-t-elle un droit illimité aux pillages et aux massacres ?

Le fait d’être juif fait-il de vous quelqu’un de tellement intouchable, de tellement sage, de tellement sacré, de tellement humaniste, de tellement chaleureux et de tellement mignon qu’un Etat juif ne saurait "réellement" commettre autant de méfaits, ou mériter plus qu’une bonne engueulade ?
Les réponses possibles sont aussi limitées que déprimantes.


Une chose est claire : lorsque des crimes d’une telle ampleur sont commis par votre peuple, en votre nom, de simples bêlements ne sauraient vous absoudre de votre responsabilité.

Vous devez, au moins – au strict minimum – même si vous ne "faites" rien – soutenir une action susceptible de mettre un terme à ces crimes. D’après un tel critère d’exigence, pour ce que j’en sais, même les mains d’un Chomsky ne sont pas propres.


Certainement, le monde a d’autres chats à fouetter que s’occuper d’obtenir des juifs qu’ils se défassent de leur hypocrisie. Mais, pour les Palestiniens, j’espère que la gauche juive va finir par se décider à s’y atteler.


* : Ainsi, par exemple, "Israël est devenu un ‘Etat paria’ sous le gouvernement du premier ministre Ariel Sharon et ses méthodes de lutte contre le terrorisme sont "inacceptables", a déclaré l’ex-député travailliste juif Gerald Kaufman".


'Qu’est-ce qu’Israël pourrait bien faire afin de cesser d’être un Etat paria, si ses maîtres de Washington permettaient que cela soit fait ?' (C.G. Estabrook, CounterPunch, December 5, 2001)
Uri Avnery : "Les bouclages", les "états de siège" et tous les autres expédients en vue de la protection des colons sont en train de faire de nous un Etat paria aux yeux du monde."

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