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USA - 6 juin 2009
Par Ali Abunimah
Co-fondateur d’Electronic Intifada, Ali Abunimah est l’auteur de : One Country: A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse (Metropolitan Books, 2006). Cet article a été initialement publié sur la page Comment is Free, du Guardian en ligne, et a été republiée avec autorisation.
Une fois débarrassée des “mujamalat” – les politesses échangées entre un invité et son hôte – la substance du discours du Président Obama au Caire montre qu’il y aura vraisemblablement peu de changement réel de la politique US. Il n’est pas nécessaire de deviner les intentions d’Obama – et il est peut-être tout-à-fait sincère et je crois qu’il l’est. C’est son analyse et ses préconisations qui, pour l’essentiel, maintiennent intacte la politique viciée américaine.
Barack Obama à l'Université du Caire, 4 juin 2009. (Chuck Kennedy/White House Photo)
Bien qu’il ait promis "de dire la vérité le mieux que je peux," le Président a omis beaucoup de choses. Il a parlé de tensions entre « l’Amérique et l’Islam » - le premier, un endroit spécifique concret, le second, une vague construction regroupant des peuples, des pratiques, des histoires et des pays plus divers que semblables.
Etiqueter « l’autre » de l’Amérique comme un « Islam » nébuleux et globalisant (même en professant le rapprochement et le respect) est une façon d’éviter de reconnaître ce qui, de fait, unit et mobilise les peuples à travers beaucoup de pays à majorité musulmane : l’opposition populaire écrasante à l’armée américaine de plus en plus intrusive et violente dans beaucoup de ces pays. Cette opposition – et la résistance qu’elle génère – est maintenant devenue, pour les partisans de ces interventions, synonyme de l’ « Islam ».
Il est décevant qu’Obama ait recyclé la notion de son prédécesseur que l’ « extrémisme violent » existe dans un vide, sans rapport avec l’usage exponentiel de la violence de l’Amérique (et de ses mandataires) avant et après le 11 septembre 2001.
Il s’est attardé sur « l’énorme traumatisme » subi par les Etats Unis, lorsque près de 3.000 personnes ont été tuées ce jour là, mais il n’a pas eu un mot pour les centaines de milliers d’orphelins et de veuves laissés en Irak – ceux dont la chaussure volante de Muntazer Al-Zaidi a obligé l’Amérique à se souvenir pendant quelques brèves secondes l’année dernière. Il a ignoré les dizaines de civils qui meurent chaque semaine dans la guerre « nécessaire » en Afghanistan, ou les millions de réfugiés qui fuient l’escalade US au Pakistan.
Comme le Président George W. Bush l’a souvent fait, Obama a affirmé que c’est seulement une minorité violente qui souille le nom de la grande majorité musulmane « pacifique ». Mais il a semblé une fois encore considérer tous les Musulmans comme suspects lorsqu’il a mis en garde, « Le plus tôt les extrémistes seront isolés et considérés comme importuns dans les communautés musulmanes, le plus tôt nous serons tous davantage en sécurité. »
Nulle part ces faiblesses ne furent plus apparentes que dans ses déclarations sur Palestine/Israël. Il a donné à son auditoire une leçon détaillée sur l’Holocauste et l’a explicitement utilisé pour justifier la création d’Israël. « Il est aussi indéniable, » a dit le président, « que le peuple palestinien – musulmans et chrétiens – a souffert à la poursuite d’une patrie. Pendant plus de 60 ans, il a enduré la douleur de la dislocation. »
Souffert à la poursuite d’une patrie ? La douleur de la dislocation ? Les Palestiniens avaient déjà une patrie. Ils ont souffert du nettoyage ethnique et de la dépossession de cette patrie, et ils ont été empêchés d’y revenir au motif qu’ils sont du mauvais groupe ethno-national. Pourquoi est-ce toujours si difficile à dire ?
Il a fait un cours aux Palestiniens sur « la résistance par la violence et le meurtre est fausse et ne réussit pas. » Il les a avertis que « c’est un signe ni de courage ni de pouvoir que de tirer des roquettes sur des enfants endormis, ou de faire exploser des vieilles femmes dans un autobus. Ce n’est pas ainsi qu’on affirme son autorité morale ; c’est ainsi qu’on l’abandonne. »
D'accord, mais Obama a-t-il imaginé que de telles phrases allaient vraiment impressionner un public arabe qui a observé avec horreur Israël massacrer 1.400 personnes dans la Bande de Gaza l'hiver dernier, y compris des centaines d’enfants endormis, fuyants ou terrifiés, avec des armes fournies par l’Amérique ? A-t-il pensé que ses auditeurs ne se souviendraient pas que le nombre de civils palestiniens et libanais ciblés et tués par Israël a toujours excédé, et de loin, le nombre d’Israéliens tués par des Arabes, précisément à cause des armes américaines qu’il a promis de continuer à donner à Israël sans que ce dernier n’en réponde ?
Amnesty International a récemment confirmé ce que les Palestiniens savent depuis longtemps : Israël a violé le cessez-le-feu négocié lorsqu’il a attaqué Gaza le 4 novembre dernier, invoquant des représailles aux roquettes qui n’avaient tué aucun Israélien, jusqu’à ce qu’Israël lance une attaque bien plus importante sur Gaza. Qu’il continue à rester silencieux sur ce qui s’est passé à Gaza, et qu’il refuse d’en tenir Israël pour responsable montre tout sauf un engagement à parler vrai.
Certains sont prêts à exonérer Obama pour tout ceci parce qu’il a, enfin, eu des mots durs sur les colonies israéliennes en Cisjordanie occupée. Au Caire, il a dit : « Les Etats Unis n’acceptent pas la légitimité de la construction continue de colonies israéliennes. Cette construction viole les accords précédents et sapent les efforts de paix. Il est temps que ces colonies s’arrêtent. »
Ces mots soigneusement choisis ne se focalisent que sur la construction continue, pas sur l’existence des colonies elle-même ; elles sont entièrement compatibles avec le consensus de l’industrie du processus de paix, selon lequel les colonies existantes resteront où elles sont pour toujours. Ce qui soulève la question d’où Obama pense aller. Il a résumé les « aspirations légitimes » des Palestiniens à l’établissement d’un « Etat ». C’est devenu un slogan commode qui est supposé remplacer, pour les Palestiniens, la poursuite de leurs droits et de la justice que l’Etat proposé nie complètement. Obama est déjà officiellement opposé au droit au retour des réfugiés palestiniens chez eux, et n’a jamais soutenu le droit des citoyens palestiniens d’Israël à vivre libérés de l’incitation raciste et religieuse, la persécution et les pratiques attisées par les tenants du pouvoir au plus haut niveau et gravées dans ses lois.
Il a peut-être plus de détermination que son prédécesseur, mais il reste engagé dans une “vision” à deux Etats impraticable dont le but n’est pas de restaurer les droits palestiniens, mais de préserver Israël comme une enclave de privilèges juifs israéliens. C’est une impasse.
Il y a une phrase dans son discours que je salue et dont il devrait tenir compte : « Etant donné notre interdépendance, tout ordre mondial qui élève une nation ou un groupe au-dessus d’un autre échouera inévitablement. »
Source : Electronic Initifada
Traduction : MR pour ISM
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Ali Abunimah
6 juin 2009