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Palestine - 12 avril 2007
Par Ramzy Baroud
Ramzy Baroud est un écrivain et journaliste américain. Son dernier livre : "La deuxième Intifada palestinienne : chronique de la lutte d'un peuple" (Pluto Press, Londres) est disponible sur Amazon.com et aux Presses de l'Université du Michigan.
Dans un bâtiment spacieux bien que fortifié des Nations Unies à Rome, les membres d'un comité Palestine à l'Assemblée Générale répétaient les vieux mantras : jurer de soutenir les Palestiniens, publier un communiqué de presse et partir déjeuner.
Le comité était constitué de plusieurs ambassadeurs des Nations Unies ; tous bien intentionnés, compatissants et soucieux ; néanmoins, ils savaient aussi très bien que leurs efforts étaient assez futiles.
Un des ambassadeurs, venant d'un pays pas très ami selon les standards américains, s'exclamait : "Peu importe ce que nous tentons, l'Amérique bloque nos efforts."
Tout allait à peu près bien jusqu'à ce qu'un militant israélien, à la barbe ébouriffée et aux pensées dispersées, fasse part de quelques-unes de ses observations ; il rêvait d'un Moyen Orient dans lequel les Arabes et les Israéliens seraient bien intégrés, vivant dans une harmonie sans faille, partageant et tirant profit de leur puissance économique ; un jour où Israël serait accepté comme part et partie d'une région entière.
Alors qu'il tentait de reprendre le souffle qui commençait à lui manquer, une autre personne d'une ONG opta pour ramener ces fantasmes à un peu de réalité ; elle suggéra le dialogue, entre les parlementaires israéliens et palestiniens.
J'étais tout simplement exaspéré.
Depuis quelque temps, il est de plus en plus évident pour moi que la crise palestinienne est en train de perdre son attrait à l’échelle internationale : elle n'est ni urgente, ni définie selon ses propres paramètres, à savoir ceux [d’une guerre entre] un maître colonial – qui n'hésite pas à commettre les crimes les plus atroces pour réussir son projet colonial mûrement réfléchi – et une nation opprimée et nationalement désintégrée, qui a lutté, plus ou moins seule, par tous les moyens, terrorisme y compris, pour obtenir sa libération.
"Moi aussi je souhaite que le Moyen Orient devienne une oasis d'harmonie économique et d'intégration politique", ai-je dit aux ambassadeurs. "En fait, je souhaite que tous les conflits, partout, cessent en faveur d'un monde fondé sur les principes d'égalité et de justice. Mais jusqu'à ce que cela se produise, nous devons poursuivre partout notre combat contre l'injustice, et avec les moyens, quels qu'ils soient, à notre disposition."
Avant que nous ne transformions la souffrance des Palestiniens en une question anodine, qui pourrait être facilement résolue par le dialogue – comme si 60 années de meurtres, d'implantations coloniales et de nettoyage ethnique n'étaient que la conséquence d'un simple malentendu, rappelons-nous les faits, cruels et urgents : une nation emprisonnée et persécutée dans les Territoires occupés, une autre traitée comme des citoyens de deuxième, voire de troisième classe à l'intérieur d'Israël, et des millions d'autres croupissant dans des camps de réfugiés partout au Moyen Orient.
On a rapporté que le dirigeant libyen Mouammar al-Kadhafi a décidé de chasser tous les Palestiniens de Libye, parce qu'ils appartiennent à la Palestine. La sagesse notoire de Kadhafi a déjà provoqué la déportation de milliers de Palestiniens, après l'accord d'Oslo d'Arafat. Ils habitaient dans le désert, mon oncle et sa famille compris, entre l'Egypte et la Libye, avant d'être dispersés dans plusieurs pays.
Le "frère" libyen connaît bien le sort qui attend ces Palestiniens si sa décision se réalise, mais une fois qu'on est révolutionnaire, on l'est pour toujours, comme on dit.
En Irak, le sort des Palestiniens se détériore. C'est comme une histoire d'épouvante. Saddam, bien qu'il ait correctement traité les Palestiniens, a bloqué leurs tentatives de devenir propriétaires, de manière à ce qu'ils ne s'installent pas et ne renoncent pas à leur droit au retour dans leur patrie.
Résultat, au moment où sa statue est tombée, les propriétaires irakiens ont expulsé des milliers de familles palestiniennes.
A ce jour, plus de 500 Palestiniens ont été assassinés en Irak ; des milliers d'autres ont été blessés ; et la majorité des autres vivent dans des villages de tentes dans diverses parties de l'Irak et près de la frontière jordanienne.
Lors d'un massacre récent, les milices irakiennes et les soldats US ont attaqué al-Baladiat, dans la banlieue de Baghdad, tuant et blessant un grand nombre de personnes.
Ceux qui avaient la chance d'avoir de l'argent ont échangé les vies de leurs familles pour 250$ par personne, et furent ensuite forcés de fuir. Et ils n'ont nulle part où aller.
Louise Morgantini, du Parlement européen, m'a indiqué en Italie que la crise qui frappait les réfugiés palestiniens en Irak faisait actuellement l'objet de discussions aux Nations Unies, derrière des portes closes.
Une solution clé faite jusque ici est de les "transférer" en Amérique du Sud.
En colère, elle a demandé que quelque chose soit fait pour qu'ils aillent s'installer en Cisjordanie .
Je ne pouvais pas faire grand-chose sauf d'écrire sur le sujet. Les dirigeants palestiniens sont trop occupés à se chamailler sur leur terrible "factionnalisme" et à se partager un imaginaire pouvoir politique.
Ce ne sont pas de simples problèmes symboliques qui pourraient être abordés lors d'une initiative de paix arabe bien exprimée, ni qui peuvent être résolus par le "dialogue".
Israël sait bien qu'un Etat juif ne peut être établi que sur une terre exempte de toute personne qui ne souscrive pas à cette qualité.
Joseph Weitz, qui fut nommé par l'Agence Juive pour diriger les "Comités de Transfert" en 1948, avait saisi l'essence sous-jacente du projet israélien depuis le premier jour : "Entre nous, il doit être clair qu'il n'y a pas la place pour deux peuples dans ce pays.
Nous ne réussirons pas notre projet d'être un peuple indépendant avec des Arabes dans ce petit pays. La seule solution est la Palestine sans les Arabes."
Depuis les premiers jours de l'adhésion de Ben Gourion à la "Muraille d'Acier" de Vladimar Jobotinsky jusqu'au "Mur de Séparation" d'aujourd'hui et aux colonies juives pures, l'élan du projet israélien n'a jamais faibli.
Pendant ce temps, les Palestiniens sont dans un état constant de transfert et de re-transfert. Il est indubitablement clair qu'Israël ne fera pas la paix par bonté d'âme et à travers un "dialogue" sans condition ; il ne peut qu'y être forcé.
Il n'a ni besoin d'initiatives arabes ni de réunions parlementaires communes au cours desquelles des malentendus seraient aplanis. Nous devons commencer soit à réfléchir à ce front, soit arrêter de perdre un temps précieux en conférences, symposiums et réunions d'ONG extravagants.
Source : The Palestine Chronicle
Traduction : MR pour ISM
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Ramzy Baroud
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