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Canada - 22 novembre 2004
Par Kevin Spurgaitis
Une société civile est un état dans lequel Davis serait heureux de vivre. Néanmoins, Davis n’est pas certain de l’efficacité d’un mouvement palestinien non violent face à la supériorité militaire d’Israël.
Son expérience de Juif palestinien l’a radicalisé.
Il n’est plus un pacifiste idéologique ou anti-militariste, son seul horizon c’est la justice : la disparition des institutions d’Apartheid, de colonisation, de dépossession et d’occupation des Arabes palestiniens.
En chemise de circonstance et bretelles, dépassant de sa poche de poitrine des notes griffonnées, le Dr Uri Davis a tout de l’universitaire. Il arbore une barbiche argentée et une chevelure parsemée, il parle avec par instant un ton de moquerie sardonique.
Les étudiants juifs se tiennent immobiles devant un groupe attentifs de jeunes étudiants, derrière un podium drapé d’un drapeau palestinien.
Organisée par le National Council on Canada-Arab Relations and Solidarity for Palestinian Human Rights, sa communication principale à l’intention de l’université York de Toronto n’est pas toute fois une simple harangue.
C’est un appel qui vient du cœur.
"Le drapeau de l’Etat d’Israël ne me fait éprouver ni orgueil ni satisfaction. Le drapeau de mon pays, le drapeau de Palestine, est le drapeau derrière lequel je suis heureux de parler", dit-il avec mépris.
Je considère que mon pays est le pays de Palestine.
Je considère l’Etat dont je suis citoyen comme l’Etat d’Israël, Etat membre de l’organisation des Nations Unies. Il a un drapeau dont, personnellement, je n’ai pas envie de parler. Le drapeau flotte sur les centres de détention et de torture, les postes de police et les prisons où les détenus politiques sont « incinérés »
Davis est citoyen Juif d’Israël mais il se définit résolument comme Juif Palestinien. Né dans la Jérusalem non divisée en 1943, élevé par des parents anglais et tchécoslovaque, il est un supporter inattendu de l’Organisation Palestinienne de Libération (OLP).
Pendant trente ans, l’anthropologue et philosophe a scruté la démocratie d’Israël et cherché à démasquer ce qu’il appelle le système envahissant de la discrimination légale et sociale exercée contre le peuple palestinien.
Davis est membre fondateur et président du Mouvement contre l’apartheid israélien en Palestine (MAIAP) et fait partie en tant qu’observateur du Conseil National Palestinien.
Il est engagé dans des mouvements d’avocats, MIFTAH (Initiative palestinienne pour la promotion d’un dialogue global et de la démocratie) et Al-Beit (l’Association pour la défense des droits de l’Homme en Israël).
Expert en histoire des affaires du Proche Orient et de l’Islam, il reste membre de l’Université de Durham et de l’Université d’Exeter en Grande-Bretagne.
Défenseur des droits de l’homme, il a écrit et publié quinze livres et de nombreux articles sur la politique, le système juridique et les droits de l’homme en Israël et en Palestine.
Dans son premier livre « Israël, un Etat d’apartheid » publié pour la première fois en 1987, il disait que la législation israélienne garantit leurs droits seulement à un sous-ensemble de ses citoyens. Après ce succès, il a poursuivi avec son autobiographie « Crossing the Border » (Traverser la Frontière) et sa plus récente publication « Israël et l’Apartheid : combattre de l’intérieur »
Davis vit dans la ville arabe de Sakhnin au nord d’Israël et pourtant, en tant que Juif, il pourrait vivre n’importe où dans l’Etat, « un droit refusé à ses voisins arabes ».
Autrefois, il vivait au sud-ouest de l’Angleterre près de Plymouth, il est venu à Sakhnin pour diriger les relations extérieures de l’Institut Arabe pour l’orientation professionnelle. Mais après sa mission, il n’a vu aucune raison de changer d’adresse.
Dans son article, « Un jour ordinaire à Sakhnin », paru en 2001, il écrit :
« quand je me lève dans mon appartement, et après m’être brossé les dents, m’être rasé, avoir peigné mon crâne dégarni, m’être habillé et être sorti sur la véranda pour saluer mes voisins, je vois ma ville de Sakhnin entourée d’un anneau de petites villes plutôt verdoyantes, rurales, banlieusardes et résidentielles presque toutes perchées au sommet des montagnes. Voilà ce que je vois de ma véranda quand je me lève le matin »
Sa patrie d’adoption n’est pas une ville collégiale ni une ville branchée pour touristes du coin. C’est une sorte de parc industriel sans usines dont il parle. Pourtant, étant le seul juif, il ne risque pas d’être emprisonné à vie pour son appartenance à une association illégale.
Il n’y a pas de chars menaçant ses enfants sous ses fenêtres.
Il dit pourtant qu’on lui a déjà interdit d’aller à l’hôpital pour se faire traiter, ou qu’il a été retenu « indéfiniment » à un checkpoint « des humiliations bien connues, celles qu’endurent les Palestiniens ». Ici, le choix de résidence de Davis reflète son engagement pour un futur dans lequel tous les Juifs et tous les Palestiniens jouiront de droits égaux.
Se dresser en tant que Juif
Sa conscience lui vient de l’Holocauste. La famille juive de sa mère a été tuée au cours de la seconde guerre mondiale à la suite de l’invasion de la Tchécoslovaquie par les Nazis.
"Ses valeurs (celles de sa mère) sont le socle de mon développement moral et sont universellement valables pour toutes les personnes concernées y compris moi-même" soulignait-il dans un article du Irish Time.
Dans ce papier, il accusait aussi Israël d’exploiter l’extermination des Juifs d’Europe, décrivant ça comme « une agression directe » contre ses ancêtres. Il dit « L’expression de toute critique d’Israël passe pour antisémite, c’est un instrument de pression sur le débat critique concernant Israël depuis des décennies. Dès lors, il essentiel de baser ou d’ancrer notre histoire dans la séparation fondamentale entre Sionisme et Judaïsme. C’est l’obstacle le plus difficile que nous ayons à franchir.
Le sionisme politique, dit-il, est une proposition tout à fait négative.
« Mon identité n’est pas sioniste. J’opère sur la base d’une distinction claire entre sionisme et judaïsme, je n’ai rien contre l’identité collective, l’identité tribale ou l’identité religieuse des Juifs. Mais le sionisme, c’est autre chose. C’est un programme politique et ça n’a rien à voir avec l’identité professionnelle.
« Je n’ai pas de problème avec l’identité juive ; j’ai un problème avec la revendication qui prétend qu’il est justifié, au nom de la libération nationale du peuple juif, de perpétrer des crimes contre l’Humanité et des crimes de guerre, dit-il solennellement.
Un Etat d’Apartheid
Selon Davis plus de 950.000 indigènes palestiniens possédaient 94% de la région avant 1948. Après l’établissement de l’Etat d’Israël, 530 de leurs villages et localités ont été décimés, dit-il.
Plus de 800.000 Palestiniens ont pris la fuite ou ont été expulsés de leur territoire, « La diaspora des réfugiés ».
Aujourd’hui un million de Palestiniens qui vivent à l’intérieur des frontières de la Ligne Verte représentent 20% des citoyens d’Israël.
250.000 sont toujours des déplacés de l’intérieur, et n’ont pas le droit de revenir chez eux.
Le mois dernier était le quatrième anniversaire de la seconde intifada, ce soulèvement contres les forces israéliennes qui a coûté estime-t-on 3000 vies palestiniennes et presque 1000 vies israéliennes.
Le carnage continue.
Une récente attaque de rocket qui a tué deux enfants Israéliens dans une ville frontière, a incité le premier ministre Ariel Sharon a étendre l’offensive de son armée dans le territoire.
On s’attend à d’autres raids et frappes aériennes avant le retrait unilatéral de ses troupes et des colons du territoire occupé de Gaza.
Sharon a déclaré au quotidien Yediot Ahronot, un journal israélien, qu’Israël « continuera sa guerre contre le terrorisme et restera en Cisjordanie après le retrait de Gaza. "Il est très possible qu’après l’évacuation, il y ait une longue période pendant laquelle il ne se passera rien d’autre » a dit Sharon.
La Feuille de Route soutenue internationalement qui prévoit une Etat palestinien pour 2005, a été abandonnée selon les détracteurs d’Israël.
La situation au Proche Orient a été abordée lors de la 59è Assemblée Générale annuelle en septembre. Au centre de la scène, le soi disant « Mur de Sécurité » la structure en puissance de 687 km caractérisée par des lames coupantes, des routes pour les patrouilles militaires, des allées de sable et des cameras de surveillance.
Bien qu’Israël affirme que la construction du mur est une mesure anti-terroriste, des critiques comme Davis considèrent que c’est une annexion de facto de terres palestiniennes « A la fois dans le présent et dans le fur. Son tracé serpente à travers la Cisjordanie , fermant les colonies illégales et isolant Jérusalem Est
Quand les Palestiniens veulent aller à l’école, au travail ou sur leurs sites religieux, ils doivent obtenir une autorisation de l’armée d’Israël. Les plans du mur sont sujets à modification. Pourtant, les restrictions de mouvement couplées avec la conquête des ressources naturelles, ont déjà ravagé l’économie palestinienne, selon la presse.
La politique de l’Etat sioniste est consubstantielle à un état d’Apartheid qui se proclame démocratique. Israël est un Etat d’Apartheid dans le même sens que l’Afrique du Sud l’a été pendant des dizaines d’années.
Il régularise ses structures et ses choix raciaux par le biais d’actes parlementaires et de lois d’application, affirme Davis
On a besoin d’une constitution démocratique pour pouvoir être protégé.
Dans les Etats d’Apartheid, ce type de constitution n’existe pas.
Ni autrefois en Afrique du Sud, à l'époque de l’Apartheid ni dans l’Israël d’aujourd’hui.
L’érudit applaudi reconnaît que des Palestiniens sont représentés au Parlement. Ils ont aussi le droit d’accès aux Tribunaux.
Pourtant, 20% de ces citoyens restent ghettoïsés dans 2,5% de l’Etat.
Davis a vu à plusieurs reprises les cimetières profanés : « leur sanctuaires violés ainsi que la destruction des maisons des villes et des campagnes. La terre et le sous-sol sont vitaux en Israël.
Environ 93% du territoire est dévolue à la colonisation, la culture et le développement. (L’apartheid) devrait être rejeté non pour son double standard et ses incohérences mais pour les blessures qu’il perpètre contre le peuple indigène de Palestine.
Les lois internationales violées
Selon Davis, « cette construction classique de l’Apartheid contrevient à la résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations Unies qui recommande le partage de la Palestine entre Juifs et Arabes.
La décision des Israéliens de faire de Jérusalem la capitale de l’Etat d’Israël est simplement nulle et non avenue, illégale et grotesque.
Cette résolution, affirme-t-il, n’autorise aucun parti, pas d’avantage l’armée d’Israël, à pratiquer le nettoyage ethnique sur les territoires attribués par l’Assemblé générale des Nations Unies à l’Etat Juif.
Davis n’est pas le seul ; des milliers de juifs israéliens souscrivent en secret à ce point de vue, dit-il.
Dans le futur, pourtant, il prédit qu’il deviendra progressivement plus difficile de considérer les militants anti-sionistes comme anti-Juifs.
Dans son article, le « Mouvement contre l’apartheid israélien en Palestine », Davis écrit que la conscience politique s’est répandue dans les cercles universitaires après l’échec des Accords d’Oslo.
En 2000, il faisait partie d’une mince coalition de militants à Jérusalem et Haîfa qui ont déclenché la campagne « Pas d’Apartheid ». Mais leur travail a été mis en sommeil pendant l’Intifada.
Une société civile est un état dans lequel Davis serait heureux de vivre. Néanmoins, Davis n’est pas certain de l’efficacité d’un mouvement palestinien non violent face à la supériorité militaire d’Israël.
Son expérience de Juif palestinien l’a radicalisé.
Il n’est plus un pacifiste idéologique ou anti-militariste, son seul horizon c’est la justice : la disparition des institutions d’Apartheid, de colonisation, de dépossession et d’occupation des Arabes palestiniens.
Il veut un ordre social et politique plus juste, basé sur l’égalité de tous devant les droits individuel et collectif, économique, social, culturel, civil, politique et national.
Son devoir, dit-il, est celui de chacun dans le monde « se mobiliser contre les crimes de guerre perpétrés par les gouvernements au nom de leurs citoyens »
« Pas en mon nom » déclare Davis « une main fermée soulignant
l’affront.
« Pas en mon nom » est une démarche individuelle et citoyenne. Davis hausse la voix aussi fort qu’il le peut pour crier « Pas en mon nom de Juif »
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