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Palestine - 4 avril 2013
Par Ibrahim Alloush
Nous avons particulièrement souffert par le passé, et continuons à souffrir actuellement, lorsque nous entendons une personne soulever la question de la Palestine – ou toute autre question arabe – de façon à faire perdre ses principaux mérites à cette question. Tous ceux qui soulèvent une question arabe, en suscitant une agitation autour de celle-ci ou d’eux-mêmes, ne le font pas dans le but d’aider à mieux comprendre ce problème.
Un Palestinien défend l'entrée de la mosquée Al-Aqsa contre les intrus sionistes, mars 2013
Braquer les projecteurs sur une question quelconque sert les parties qui cherchent à l’éclairer : soit pour des calculs purement opportunistes ; soit pour une évaluation politique ; ou soit en lien direct avec les intérêts du parti américano-sioniste – comme ce fut le cas des signataires de l’Initiative de Genève ayant aboli le droit au retour des réfugiés palestiniens (1) 1. Cette dernière possibilité concerne particulièrement ceux qui se trompent et prennent une tumeur pour une boule de graisse. Ils considèrent que soulever une question équivaut à prendre une position significative.
Par exemple, il existe plusieurs manières de poser la question du droit au retour des réfugiés palestiniens. Certains affirment que le droit au retour est un droit individuel propre à chaque Palestinien. Personne, à part le réfugié lui-même, ne peut y renoncer. Il s’agit du droit individuel au retour. D’autres estiment que le droit au retour est un droit collectif découlant du droit du peuple palestinien à son autodétermination sur sa terre. Il s’agit du droit collectif au retour. D’autres encore soutiennent que le droit au retour est un droit humanitaire résultant du droit de tout réfugié à « disposer d’un oreiller sous sa tête » comme l’affirmait un poète. Il s’agit du droit humanitaire au retour. Un dernier droit est lié aux résolutions de l’ONU fondant la légalité internationale au droit au retour des réfugiés palestiniens comme, par exemple, la résolution 194 datant de 1948 (2) 2. Il s’agit du droit légal au retour.
Le problème réside dans le fait que chacune des formes susmentionnées peut être facilement interprétée de manière à invalider le droit au retour des réfugiés et à les relier au processus de compromis et d’épuration de la terre palestinienne. Ces réinterprétations peuvent se faire aisément malgré le fait qu’elles soient pour nous comme une « baguette magique » nous permettant de pénétrer l’opinion publique mondiale. Le droit individuel au retour – auquel seule la personne concernée peut renoncer – peut être facilement remplacé par une indemnité. Le droit collectif au retour, lié au droit à l’autodétermination du peuple palestinien, peut être réinterprété depuis que seul « l’État » – et non la libération – est devenu l’objectif de la lutte pour le retour dans les frontières du « petit État palestinien » (3) 3. Le droit humanitaire au retour est facilement résoluble par la sédentarisation des réfugiés palestiniens en Jordanie ou l’émigration des Palestiniens au Canada, ou dans tout autre pays, car cette question ne concerne pas automatiquement la Palestine mais peut toucher n’importe quel pays. Le droit au retour lié à la résolution 194 de l’ONU pourrait facilement être aboli par une autre résolution qui supprimerait le droit au retour des réfugiés palestiniens d’un trait de plume, comme le fut la Palestine par la résolution onusienne de partition en 1947. Cette abolition pourrait être imposée par le rapport de force international qui ne nous est pas favorable. Nous avons énormément perdu en liant nos droits à la « légalité internationale ».
Un dernier droit demeure au sein duquel le droit au retour des réfugiés palestiniens, ou tout autre droit, ne peut pas se perdre. Il ne peut, en aucune manière, être lié à un processus de compromis. Il s’agit du « droit historique arabe à la possession de la terre palestinienne ». Ce droit signifie que la Palestine demeurera, en tout temps, une terre arabe même s’il ne reste plus aucun Palestinien en vie. Le droit au retour des réfugiés palestiniens est intrinsèquement lié à la libération de la Palestine sans laquelle aucun retour n’est possible.
Ce droit n’abolit nullement les droits individuel, collectif, humanitaire ou légal au retour des réfugiés palestiniens. Bien plus, il protège chacun de ces droits contre toute forme de violation du droit au retour. Toutes ces autres formes de droit au retour se placent sous l’égide du « droit historique arabe à la possession de la terre palestinienne ». Ils sont des moyens tactiques pouvant être utilisés, ou non, selon les besoins médiatiques et politiques du moment. Ces différentes utilisations sont légitimes tant que le fondement du droit au retour demeure l’arabité de la Palestine, de la Méditerranée au Jourdain.
En revanche, toute forme de compromis avec le parti américano-sioniste sous le slogan du « petit État » ou de l’« État binational » ou autres, doit renoncer, par avance, à l’arabité de la Palestine. Ce renoncement signifie nécessairement l’abandon du droit au retour des réfugiés palestiniens comme conséquence logique de la reconnaissance du mot « Israël ».
Notes de lecture :
(1) Note de la traductrice : Signée le 1er décembre 2003 par les « Israéliens » Yossi Beilin, Ammon Shahak et Daniel Levy et les Palestiniens Yasser Abd Rabbo et Ghaith al-Omari, l’« Initiative » prévoyait une indemnisation des réfugiés palestiniens.
(2) NDT : Cette résolution de l’ONU stipule « que les réfugiés souhaitant retourner dans leurs foyers et vivre en paix avec leurs voisins pourraient être autorisés à le faire à une date aussi rapprochée que possible; et que ceux qui décideraient de ne pas rentrer devraient être indemnisés de leurs biens ». Cf. « La question de Palestine », URL : http://www.un.org/french/Depts/palestine/history2.shtml
(3) NDT : Ibrahim Alloush désigne ainsi les projets de fondation d’un État palestinien dans les « frontières de 1967 ».
Source : Free Arab Voice
Traduction : Souad Khaldi
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Droit au retour
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