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Jénine - 8 juillet 2005
Par Ali Samoudi
Ali Samoudi est le correspondant à Jénine de Reuters et d'Al Jazeera. Il est également le coordinateur local de l'ISM
"Quelle est la faute de mon enfant pour qu'il naisse sans père ?
Quel crime a commis mon mari pour perdre la vie, pour que nous en soyons privés, pour qu'il soit privé de la réalisation du rêve que nous avons toujours attendu ?
Comment allons-nous vivre sans lui ?
Quelle joie pouvons-nous ressentir, même après la naissance de mon fils, alors que son père est parti à tout jamais ?"
C'est par ces termes que commence Abir Yaqub Qar'awi son entretien, après le décès de son jeune mari, Raed Salim Qar'awi, 29 ans, sous les balles des unités spéciales israéliennes, alors qu'elle était enceinte de 8 mois.
Malgré le temps passé, les images de l'assassinat commis par une unité spéciale israélienne défilent encore devant ses yeux et devant les yeux de toute la famille, et notamment son jeune frère Ahmad, qui l'a vu, à quelques mètres, saigner, mais les forces de l'occupation l'ont empêché de s'en approcher et de lui sauver la vie.
Ahmad rapporte que la scène est épouvantable, "je n'aurai jamais pu l'imaginer, mon frère a été assassiné de sang-froid, sans raison, et les ambulances ont été empêchées de s'approcher de lui, pendant une heure."
Il raconte : "Raed se trouvait à la fenêtre, interpellant un des jeunes de la famille allé lui acheter des cigarettes. D'un coup, nous avons entendu des coups de feu, nous avons vu Raed entrer dans la maison, et malgré sa blessure, il ne s'est pas arrêté. A ce moment, nous ne savions pas qu'il avait été touché, les balles survolaient nos têtes, de façon continue."
Des témoins affirment qu'une unité spéciale israélienne, masquée par des vêtements civils, a utilisée une voiture portant une plaque numérologique palestinienne, pour entrer dans le quartier Sabah el-kheyr, puis a encerclé la maison Abu Tabikh.
La population raconte que la voiture s'est arrêtée, que des hommes en sont sortis, qu'ils ont tiré vers la maison, sans aucune raison. Raed était debout, et les coups de feu se sont poursuivis pendant longtemps. Il y a une panique dans le quartier, et surtout dans la maison visée, les enfants, les membres de la famille ainsi que les visiteurs se sont aplatis par terre. Les cris des enfants se sont élevés, se mêlant aux tirs.
"Parmi nous, se trouvait quelqu'un qui parlait hébreu. Il a crié : arrêtez vos tirs, il y a des femmes et des enfants, nous sommes des civils. Mais les coups de feu se sont poursuivis jusqu'à l'arrivée d'une force militaire importante.
"Un quart d'heure plus tard, dans la panique la plus totale, où nous sommes morts plusieurs fois", dit Ahmad, "ne pouvant imaginer que quelqu'un s'en sortirait, les tirs se sont arrêtés, et ils nous ont demandé de sortir tous, les bras levés.
Nous sommes sortis, avec les enfants, les vieillards, les femmes. Ils nous ont regroupés au portail de la maison, et les soldats ont commencé à nous questionner sur les personnes encore présentes à l'intérieur.
Nous leur avons fait savoir qu'il n'y avait plus personne, excepté Raed dont nous ignorons le sort. Ils sont entrés, les armes en avant, et après un moment, ils sont revenus, et nous les avons vus tirer Raed au sol."
"J'ai vécu les pires moments de ma vie. Je voyais mon frère être tiré, par les soldats, j'ai essayé de bouger, d'aller leur demander ce qui arrivait, mais ils ont pointé leurs armes sur ma tête, m'ont interdit de m'approcher, et lorsque je demandais à l'un d'eux de m'expliquer, il ma répondu, en colère : ne dis rien, cela ne te regarde pas.
J'étouffais, mon frère est devant moi, en sang, je ne pouvais l'aider, il n'y avait personne pour l'aider, l'ambulance israélienne était à quelques mètres seulement.
Un secouriste du Croissant Rouge Palestinien a expliqué plus tard que les ambulances de Croissant Rouge se sont dirigées vers le lieu de l'assassinat, pour transporter un blessé dont ils ignoraient l'identité, mais les forces de l'occupation les ont empêchés d'avancer, pour plus d'une heure.
Lorsque l'hôpital du martyr Khalil Sulayman a reçu le corps, il a annoncé le décès du jeune Raed Qar'awi, touché par une balle au dos et du fait d'une vive hémorragie.
Après l'assassinat, les forces de l'occupation se retirent de la région, après avoir arrêté plusieurs jeunes dont il s'est avéré plus tard qu'ils n'étaient même pas recherchés. Il en était de même du martyr.
Son épouse a rejeté les allégations israéliennes selon lesquelles il faisait partie des Brigades al-Aqsa.
Elle a déclaré :
"Il était quelqu'un d'ordinaire, il était employé à la Banque arabe, n'avait aucune activité politique. S'il avait été recherché, nous ne l'aurions pas nié, mais il a été tué sans aucune raison.
Dire qu'il était recherché n'est qu'un mensonge israélien pour mystifier l'opinion publique.
Le monde doit savoir que l'assassinat de mon mari est dû au fait qu'il est palestinien. Ils l'ont tué, ils ont tué son rêve et ont détruit notre vie, à tout jamais.
Les Brigades d'Al-Aqsa ont également nié que le martyr ait fait partie de leurs rangs, affirmant que les Brigades n'ont aucune relation avec le citoyen martyr dont l'assassinat représente un exemple de la grave menace que fait peser l'occupation pour tout notre peuple.
Au milieu de ses blessures, avec la naissance du petit, Abir se demande encore quelle est cette loi qui autorise que l'événement le plus beau, tant attendu par l'être humain, devienne une occasion pour souffrir et se lamenter ?
L'occupation avait déjà privé le martyr Raed Qar'awî de sa mère, Saada, lors de la première intifada, tuée elle aussi par les forces israéliennes. Leur maison avait été détruite en avril 2002 lors de la bataille du camp de Jénine.
Abir réclame actuellement une enquête sur l'assassinat de son mari, elle réclame que les responsables soient jugés et punis.
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