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Turquie - 30 janvier 2010
Par Khaled Amayreh
Tandis que la plupart des Etats arabes se délectent de leur impuissance et se chamaillent sur une longue liste de problèmes, la Turquie, lentement mais sûrement, s’affirme comme une puissance dirigeante au Moyen Orient, aux côtés d’Israël et de l’Iran. Elle a, en particulier sous le gouvernement du Parti Justice et Développement (AKP), pris et continue de prendre des mesures stridentes en déployant son influence vers l’est, se préparant en fait au titre prometteur d’Etat de premier plan du monde musulman sunnite.
Forum de Davos, 29 janvier 2009. Recep Erdogan quitte le plateau, estimant qu’il n’a pas pu répondre à la tirade enflammée du chef sioniste Shimon Peres défendant le massacre perpétré par l’entité à Gaza (Peres lui a présenté ses excuses un peu plus tard) (photo Reuters)
Les Turcs comblent un vide psychologico-stratégique au Moyen-Orient, en particulier dans la région arabe. Vide qui a principalement été causé, il est vrai, par le recul d’influence des puissances arabes traditionnelles comme l’Egypte, qui s’est mutée une entité stagnante, sans ambition, à cause à son asservissement invalidant aux Etats-Unis.
L’extension continue du rôle régional de la Turquie est un véritable succès que les autres pays pourraient considérer comme un modèle.
Le soleil levant de la Turquie
En effet, quand l’AKP est arrivé au pouvoir en 2002 par les urnes – sans magouilles politiques, comme c’est souvent le cas dans la plupart des pays arabes – il a commencé à s’attaquer avec tranquillité et sagesse à une multitude de problèmes chroniques qui assaillaient la république turque.
Finalement, le succès du traitement de ces maux principalement économiques a produit des effets et répercussions étonnants, permettant à l’économie turque non seulement de sortir de sa stagnation récurrente d’antan, mais aussi de réaliser une croissance phénoménale, en particulier dans les secteurs de la production et de l’exportation.
Aujourd’hui, la Turquie est la 17ème puissance économique au monde. Elle est aussi le pays qui peut se lever fièrement et dire « Non » à Israël et aux Etats-Unis.
En interne, le gouvernement turc a cherché à résoudre, ou du moins à atténuer, le problème kurde persistant, principalement en reconnaissant les griefs du peuple kurde et la légitimité de ses droits linguistiques et culturels. Cette démarche a beaucoup aidé à stabiliser la scène intérieure et à en renforcer la sécurité, condition essentielle de la prospérité économique.
Sous la direction d’Erdogan, la Turquie a réussi à résoudre de vieux contentieux avec l’Arménie, privant ainsi Israël et le lobby juif des Etats-Unis d’une carte de pression sensible qui avait été utilisée à maintes reprises contre elle pour la maintenir dans l’orbite israélo-états-unien.
Néanmoins, ce qui est le plus remarquable au sujet de l’AKP, c’est sa détermination inflexible à préserver sa libre volonté politique, en particulier vis-à-vis des Etats-Unis et d’Israël.
Il y a sept ans, lorsque les Etats-Unis étaient sur le point d’envahir l’Irak, le gouvernement turc a fermement refusé d’autoriser les avions de guerre états-uniens à utiliser la base aérienne Incirlik pour attaquer l’Irak. Le Premier Ministre Erdogan a défendu cette position, qui, a-t-il dit, reflétait la position collective du peuple turc.
Ceci s’est produit quand la plupart des régimes arabes rivalisaient pour faire plaisir et apaiser l’administration Bush qui massacrait les Irakiens par dizaines de milliers.
Erdogan n’a pas eu besoin de donner la moindre explication à l’administration états-unienne. Il a simplement dit « Non », et c’est tout.
Préservant la dignité de son pays dans un monde qui ressemble plus à une jungle et moins à une communauté humaine civilisé, Erdogan n’a pas hésité à aller à l’encontre de l’Etat sacrosaint du monde, Israël, pour ses agressions meurtrières et néonazies contre le peuple palestinien sans défense.
Finalement, tout en préservant soigneusement ses relations avec Israël pour certaines nécessités pratiques, Erdogan a dit clairement aux dirigeants du régime israélien que l’avenir des relations de la Turquie avec l’Etat juif dépendrait pour beaucoup du comportement israélien, en particulier envers les Palestiniens.
Ce sont des paroles graves venant d’un dirigeant de l’allié stratégique d’hier d’Israël au Moyen Orient. Israël a reçu le message, mais reste incapable de l’intérioriser et de l’accepter.
Il est vrai que la Turquie non arabe ne va pas devenir un allié dynamique des Palestiniens dans un avenir prévisible. Cependant, on peut affirmer sans risque qu’à partir de maintenant, la Turquie ne restera pas sourde et muette, et ne détournera pas les yeux si, et quand, Israël décide de s’embarquer dans un autre épisode génocidaire néonazi contre la population de Gaza et autres Palestiniens.
A tout le moins, la Turquie ne sera plus considérée comme un atout stratégique pour Israël, comme ce fut le cas pendant de nombreuses années avant l’avènement de l’AKP au pouvoir.
Un monde arabe en pleine stagnation
En contraste avec le succès turc, le monde arabe reste divisé contre lui-même, avec nombre d’Etats arabes luttant pour se maintenir à flot d’un point de vue économique, cédant gravement et manifestement leur souveraineté et leur dignité nationale aux Etats-Unis, l’allié et gardien d’Israël.
En fait, la situation collective arabe est probablement la pire depuis la chute du Califat ottoman, après la Première guerre mondiale. L’échec arabe collectif à accomplir une tâche relativement facile comme la levée du blocus écrasant de la Bande de Gaza, semble refléter une impuissance et une paralysie profondes qui transcendent tous les niveaux.
De même, la préoccupation intensive de chaque Etat arabe vis-à-vis de ses affaires intérieures exclut tout travail arabe concerté vers une intégration économique et politique. La raison principale de cette paralysie politique durable – cette écrasante calamité – est la prévalence continue d’une mentalité tribale et d’un despotisme dynastique dans tout le monde arabe.
Une des expressions les plus tangibles de cette mentalité tribale est le fait que les dirigeants arabes pour la plupart autocratiques, indépendamment du fait qu’ils adoptent une constitution royale ou républicaine, n’existent que pour contrôler leurs populations et se maintenir, ainsi que leurs fils, au pouvoir, et non pour conduire leurs nations et faire progresser leurs intérêts.
L’Egypte par exemple, un pays de 80 millions d’habitants, a d’immenses ressources humaines et autres à sa disposition. Ce pays très important, qui était jadis destiné à devenir un tigre africain, est en retrait dans toutes les sphères concevables de la vie à cause des décisions despotiques du régime et de sa gestion politique lamentable.
Comme on pouvait s’y attendre, cet état des choses a nourri et approfondi les sentiments de dépression collective, d’apathie et d’impuissance des Egyptiens ordinaires, ce qui, en retour, a poussé des milliers de professionnels à quitter le pays à la recherche de dignité, de respect et de travail à l’étranger.
Les Etats du Golfe
Quant aux riches pays arabes dirigés par des despotes ignorants, décadents et dynastiques, ils sont pris dans l’étau du même cercle de frustrations, parce que l’ultime stratégie des cheikhs au pouvoir est d’y rester à n’importe quel prix, y compris en succombant à la volonté des puissances étrangères.
Il va sans dire que ces despotes sont dans bien des cas de parfaits ignorants et ils ont scandaleusement échoué à traduire les immenses ressources financières à leur disposition en réalités économiques tangibles et durables.
Certains de ces émirats arabes sont en fait tellement stupides qu’ils ont gaspillé des milliards de dollars dans la construction de projets ostentatoires, mais stériles d’un point de vue économique, comme des tours gigantesques, pour étaler leur richesse.
Cependant, ces chefs tribaux manquent des moyens primaires qui protègeraient leurs économies des crises financières bien réelles, comme nous l’avons vu récemment à Dubaï.
C’est cette mentalité tribale destructrice qui a empêché des pays culturellement homogènes, comme les Etats membres du Conseil de Coopération du Golfe, de créer un vrai marché commun, ou de réaliser une unité monétaire. Pas plus qu’ils n’ont été capables de construire une force militaire crédible qui les protègerait contre une possible agression extérieure.
Il ne fait aucun doute que la situation arabe collective continuera à se détériorer davantage, jusqu’à ce que la maison arabe collective s’effondre complètement. A moins que les masses arabes ne se réveillent de leur léthargie, de leur désespoir et de leur apathie, et décident de se responsabiliser et de restaurer la dignité et la liberté arabes usurpées.
Les Arabes ne sont pas stupides, et ils peuvent, s’ils le veulent, apprendre des Turcs, nos frères dans la foi. Cependant, vous pouvez mener le cheval du proverbe au point d’eau, mais vous ne pouvez pas l’obliger à boire.
Il est vraiment triste que dans ce même pays où le Coran a été révélé au Prophète Mohammad (la paix soit sur lui) des milliardaires courent après leurs désirs bestiaux et affirment mensongèrement qu’ils respectent la loi de la Shari’a.
Oui, quelle est le genre de Shari’a qui autorise un prince décadent, par exemple, à gaspiller les ressources de la Oumma pour ses désirs lubriques, pendant que des millions de Musulmans n’ont pas de quoi nourrir leurs gamins ?
Dans le Coran, Allah avertit de tels individus décadents que leur punition n’est qu’une question de temps. « Si vous vous dérobez, Dieu fera appel, pour vous remplacer, à un autre peuple qui ne vous ressemblera nullement. » (Mohammed, 38)
En attendant, nous disons à nos frères turcs, nous sommes heureux de vous revoir. Cela fait longtemps que les Ottomans nous manquent.
Source : Islam On Line
Traduction : MR pour ISM
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Khaled Amayreh
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