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Israël - 19 janvier 2005
Par Kate
Nous, le peuple juif, nous connaissons mieux que quiconque l’importance de la responsabilité de chacun dans l’action pour l’intérêt de l’humanité.
L’état d’Israël a-t-il l’intention de punir ceux qui assument cette responsabilité ?
Est-ce qu’Israël veut se priver lui-même, en même temps que la nation palestinienne dont il contrôle indûment les frontières, de la présence de gens qui font exactement ce que nous aurions voulu que tout étranger vivant en Allemagne ou en Pologne en 1936, fasse ?
Pour m’expulser, le ministère de l’Intérieur base ses arguments sur deux points :
1- Que j’ai participé à ce qu’il appelle une « manifestation violente » contre le mur de ségrégation et je n’ai pas quitté une zone militaire fermée : et
2- Que j’ai été déjà arrêtée dans des circonstances identiques et requise de quitter le pays.
Ces deux points n’en sont qu’un seul en réalité parce que si, comme je souhaite l’exposer, j’ai été arrêtée illégalement par les forces d’occupation israéliennes il y a un mois à Bil’in, c’était déjà illégal de m’avoir arrêtée il y a un an à Budrus.
Si le ministère de l’Intérieur a tort de m’expulser pour la manifestation de Bil’in, cela n’est-il pas simplement parce que j’ai été illégalement expulsée il y a un an.
Mon retour en Israël était parfaitement légal. J’ai changé de nom comme l’autorise la loi des Etats-Unis, je n’ai jamais dit à personne à la frontière ni au ministère de l’Intérieur que je n’avais pas changé de nom.
La police israélienne n’avait pas compétence pour m’arrêter à Bil’in.
Bil’in est un village du district de Ramallah en Cisjordanie , qu’Israël a occupé en juin 67.
Le 22 novembre 1967, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a unanimement adopté la résolution 242, appelant au « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés dans le récent conflit » et la "cessation de toute assertion de belligérance ou de tous états de belligérance"
La manifestation au cours de laquelle j’ai été arrêtée a eu lieu en totalité sur une terre appartenant à Bil’in, à 4 km au moins des frontières internationalement reconnues d’Israël avec la Cisjordanie (Ligne Verte) dans une région d’habitations palestiniennes.
C’est clairement dans la zone B. comme le montre la carte établie par l’organisation israélienne B’tselem.
Selon différents accords signés par Israël et les négociateurs palestiniens entre 1993 et 1999, Bil’in devrait être en ce moment partie intégrante de l’état palestinien souverain.
J’étais là à l’invitation du village, comme l’étaient les seuls israéliens civils dans la zone.
Seule la police palestinienne a l’autorité juridique pour m’arrêter à Bil’in ou Budrus.
J’ai une lettre du ministère palestinien d’Etat, datée du 12 janvier 2005, qui m’invite à venir dans le territoire palestinien et à revenir à un autre moment pour une action humanitaire en faveur des droits de l’homme.
Même si le tribunal décide de m’expulser des frontières d’Israël, Israël ne peut pas résilier mon autorisation de me rendre chez l’Autorité Palestinienne.
Sur la question de savoir si je suis allée en connaissance de cause dans une zone militaire fermée et si la manifestation était violente, je présente l’enregistrement vidéo que j’ai fait au moment de mon arrestation (le fichier est en HAUTE RESOLUTION et prendra un CERTAIN TEMPS à charger).
L’enregistrement montre que la manifestation n’était pas violente. Il montre aussi que seules les actions des Forces Israéliennes de Défense ont été violentes et, comme le ministère de l’Intérieur lui-même le reconnaît, que seuls des Palestiniens ont été blessés et qu’il a fallu mon intervention et celle d’autres observateurs internationaux pour empêcher des blessures graves ou des morts, comme c’est arrivé à Biddu et à Beitunia, où six manifestants non violents ont été tués il y a dix mois.
L’enregistrement montrera aussi que je n’ai jamais reçu l’ordre de quitter une zone militaire fermée, que je n’ai entendu aucun ordre en anglais donné à la foule, que la police des frontières savait que j’était dans la zone et ne m’a pas dit de partir.
Arrestations, harcèlements, intimidations et expulsions de journalistes et autres observateurs sont devenus des pratiques de plus en plus utilisées par l’armée israélienne et la police de sécurité.
Au cours des 4 dernières années, l’Etat a interdit l’entrée de centaines de journalistes, 204 journalistes ont été blessés par les forces israéliennes et 9 d’entre eux ont été tués.
Il y a deux semaines, les Forces israéliennes ont sérieusement blessé un cameraman palestinien qui travaillait pour une télévision israélienne.
A Gaza. 450 journalistes palestiniens au moins, dont la plupart travaillent pour des publication étrangères se sont vu refuser leur carte de presse par l’armée.
La semaine dernière un certain nombre de membres de l’organisation israélienne Machsom-Watch se sont fait arrêter à trois checkpoints et l’armée leur a dit qu’elle envisageait de leur interdire de venir surveiller les checkpoints.
Cette restriction intervient quelques mois après que Machsom-Watch ait publié une photo qui a choqué la nation, d’un soldat forçant un palestinien à jouer du violon .
L’Institut International de Presse rend compte du mépris grandissant d’Israël pour la liberté d’information et la liberté de la presse, garanties par ses propres lois.
Les forces armées qui agissent légalement et pour le bénéfice des citoyens qu’elles servent ne devraient pas se sentir gênées d’être observées par les civils, qu’ils soient régionaux ou étrangers.
D’un autre côté, le contrôle strict de l’information est l’une des caractéristique des régimes totalitaristes.
En cette période, après l’élection d’Abu Mazen comme président de la Palestine, quand le monde observe les efforts d’Israël en direction de la paix, voulez-vous aller vers plus d’ouverture ou vers plus de secret ?
La manifestation au cours de laquelle j’ai été arrêtée se situait sur le site de construction du mur de ségrégation, qu’Israël dénomme "Mur de Séparation".
Comme vous le savez, en juillet 2004, la Cour Internationale de Justice de la Haye a déclaré illégale la construction de ce mur.
La Cour a souligné que :
"100000 dunums environ de la terre agricole la plus fertile de Jordanie confisqués par les forces d’occupation israéliennes, ont été détruites au cours de la première phase de construction du mur… ce qui comprend la disparition d’un grand nombre d’oliviers, de puits, de vergers d’agrumes et de serres, sur lesquels des milliers de Palestiniens comptent pour survivre."
La Cour a arrêté que :
"Le tracé choisi pour le mur témoignent des mesures illégales prises par Israël pour Jérusalem et les colonies comme l’a déploré le Conseil de Sécurité…. Que cette construction… entrave ainsi sévèrement l’exercice du peuple palestinien à son droit à l’autodétermination et représente dès lors une violation de l’obligation d’Israël de respecter ce droit."
"La Cour est d’avis que la construction du mur et la réglementation qui l’accompagne entravent la liberté de circulation des habitants des territoires palestiniens occupés… ils entravent aussi l’exercice de leur droit au travail."
"La Cour considère qu’Israël ne peut se prévaloir du droit à l’auto défense ou à l’état de nécessité pour affranchir la construction du mur de ce qu’elle a d’arbitraire… En conséquence la Cour dit que la construction du mur et la réglementation qui l’accompagne sont contraires à la loi internationale."
La Cour a arrêté que :
"Israël a l’obligation d’en finir avec ses violations de la loi internationale ; il est dans l’obligation de mettre fin immédiatement à la construction du mur, en cours dans les territoires palestiniens occupés… de démanteler immédiatement les structures là où elles sont implantées et de renoncer à , ou d’annuler sur le champ, tous les actes juridiques et de contrôle y afférent."
La nouvelle construction de Bil’in est un exemple patent du refus d’Israël de respecter la décision de la plus haute instance juridique du monde. De plus, il a aggravé son crime en commençant la construction de nouvelles colonies et des expansions de colonies sur les terres palestiniennes situées entre le mur et la Ligne Verte.
Ces nouvelles constructions prennent place sur les terres de Jayyous dans le district de Qalqilia et de Mas’ha dans le district de Salfit, deux communautés que je connais bien et avec lesquelles j’ai des liens.
Cette dynamique de colonisation rend évident le but du mur : il ne s’agit pas de sécurité mais d’annexion – d’aucuns parleraient de vol – de 17% au bas mot de 1000 kilomètres de la Cisjordanie .
Le Tribunal mondial n’a pas seulement montré que le mur est une violation de ses lois.
La Cour suprême d’Israël a aussi démontré, en juin 2004, qu‘ « il y a eu beaucoup d’injustices dans la construction de ce mur ».
Il y a seulement quelques jours la Haute Cour d’Israël a rendu encore une injonction pour arrêter la construction du mur dans dix villages de la région de Jérusalem Ouest, parce que le tracé révisé, réclamé par la décision de la Cour, en juin, « n’est pas conforme avec la décision de la Haute Cour à propos du risque que le mur fait courir aux droits de l’homme ».
Evidemment, même les décisions des propres instances juridiques d’Israël ne sont pas respectées par l’armée et ceux qui ont la responsabilité de déterminer la politique d’Israël dans les territoires palestiniens.
Ainsi, puis-je être arrêtée légalement et expulsée pour une action destinée à empêcher l’état d’Israël de commettre un crime ?
C’est ce que ce tribunal doit en décider.
En rapport à cette décision, certaines questions sur les droits et les responsabilités des individus et les droits et les responsabilités des états.
Le ministre de l’Intérieur revendique le droit de me retirer mon visa parce que "Il est du privilège de chaque pays d’empêcher des étrangers de franchir ses frontières, pour certaines raisons et même sans raison."
D’où vient ce droit ?
Les droits de l’Etat, en opposition au pouvoir qu’il tire de la forces des armes, viennent des accords et normes internationaux de conduite et de justice mutuellement acceptés.
Il y a, à coup sûr, des moments où certains Etats, parce qu’ils ignorent ou violent en permanence les décisions et la norme internationales, sont perçus comme ayant renoncé à leur « droit » dans le but de faire ce qui leur plait.
L’Afrique du Sud, l’Allemagne, l’Irak et la Yougoslavie à un moment ou à un autre, ont été considérés comme tombés dans cette catégorie.
Est-ce que la Yougoslavie avait le droit d’expulser les Albanais du Kosovo ?
Est-ce que l’Allemagne, la Roumanie ou la France avaient le droit de déporter les Juifs en Pologne et en Tchécoslovaquie ?
Est-ce que le Koweit avait le droit d’expulser 400.000 Palestiniens ?
Est-ce que les Etats-Unis avaient le droit de déporter Emma Goldman et des milliers d’autres Juifs russes en Union Soviétique ?
L’Etat d’Israël n’a jamais satisfait aux conditions établies par les Nations Unies pour sa création lors du plan de partage de 1947 : rédiger une constitution démocratique et accorder les droits civiques et politiques pleins et entiers à tous les citoyens vivant sur son territoire.
Il persiste à violer plus de 85 résolutions des Nations Unies à commencer par la Résolution 194 de 1948 qui comprend le droit au retour des réfugiés palestiniens et pour finir la Résolution 1544, de mai 2004, qui condamne l’assassinat de civils et la démolition des maisons à Rafah.
C’est une violation de la 4è Convention de Genève, de la convention internationale sur les droits économiques, sociaux et culturels, de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, qu’Israël a toutes signées.
C’est la violation de sa propre Déclaration sur la Création de l’Etat d’Israël qui garantit "l’égalité sociale et politique complète de tous ses citoyens sans distinction de religion, race ou sexe".
C’est une violation de la convention des Nations Unies sur la suppression et la punition du crime d’Apartheid, qui définit en particulier tout système de discriminations et de ségrégation comme des crimes contre l’humanité.
Maintenant Israël brave l’injonction du Tribunal mondial à cesser la construction et à démanteler le mur.
Est-ce qu’Israël peut justifier de revendiquer les « droits » qui sont ceux de tous les états concernant quiconque entre dans ses frontières, quand il refuse d’accepter les responsabilités qui sont celles de tous les états, d’adhérer aux normes internationales des droits de l’homme et de la justice,
Mais en définitive, ce procès n’est pas celui des droits. C’est celui de qu’est-ce qu’un droit.
La question c’est : Qui l’Etat d’Israël doit accueillir et qui il ne doit pas.
Gideon Ezra, ministre de la sécurité intérieure, a récemment concocté une décision "deux poids deux mesures" en définissant qui peut entrer en Israël et qui n’en a pas le droit.
Il a déclaré que les Juifs qui viennent dans le pays pour manifester contre le démantèlement des colonies illégales de Gaza seront acceptés tandis que les gens qui s’opposent au mur ne le seront pas. N’est-ce pas de l’excellente politique ?
La question la plus importante pour Israël, qu’on m’a apprise quand j’étais enfant, est supposée être : Qu’est-ce qui est bon pour les Juifs ? Qu’est-ce qui augmente la sécurité des Juifs ?
Les gens que M. Ezra propose de laisser entrer en Israël, viennent ici pour empêcher une action qui mettrait l’état en accord avec la loi internationale. D’un autre côté mon action et celle de tous les autres qui viennent soutenir les droits de l’homme, veulent être une aide pour qu’ Israël respecter la loi internationale.
Qu’est-ce qui est le meilleur pour Israël et les Juifs ?
Nous avons appris de notre amère expérience , qu’il y a des endroits dans le monde où on tolère mal les Juifs quand nous essayons simplement de vivre tranquillement dans nos propres communautés.
Le monde ne tolérera pas éternellement un Etat juif qui viole de façon flagrante la loi internationale pour agrandir son territoire, et ne le voudra pas.
Le monde ne voudra pas et ne continuera pas à tolérer un état qui n’accord pas des droits égaux à tous ces citoyens, sans tenir compte de leurs origines nationales, raciales ou religieuses .
Le monde ne voudra pas et ne continuera pas à tolérer un état qui conduit une politique de transfert, d’épuration ethnique ou de supériorité démographique.
Le monde ne voudra pas et ne continuera pas à tolérer un état qui occupe illégalement la terre d’un autre peuple depuis 38 ans et qui défie les décisions du plus haut Tribunal du monde.
L’expérience sud-africaine a montré que finalement le monde aura pris des mesures pour mettre fin à l’apartheid.
De nombreux Juifs se sont battus activement contre l’Apartheid en Afrique du Sud. Pour notre propre survie, pour l’âme de notre peuple et parce que c’est moral, il est temps que nous nous battions contre l’Apartheid que mène Israël.
Je crois que je n’ai violé aucune loi de l’état d’Israël. Mais si le tribunal dit que je l’ai fait, il doit aussi prendre en considération les mots du tribunal de Nuremberg à propos des crime de guerre : « Les individus ont des devoirs internationaux qui transcendent les obligations nationales d’obéissance. Il est du devoir de chaque citoyen de violer la loi domestique pour empêcher les crimes contre la paix et l’humanité.
Nous, le peuple juif, nous connaissons mieux que quiconque l’importance de la responsabilité de chacun dans l’action pour l’intérêt de l’humanité.
L’état d’Israël a-t-il l’intention de punir ceux qui assument cette responsabilité ?
Est-ce qu’Israël veut se priver lui-même, en même temps que la nation palestinienne dont il contrôle indûment les frontières, de la présence de gens qui font exactement ce que nous aurions voulu que tout étranger vivant en Allemagne ou en Pologne en 1936, fasse ?
Sur ce terrain et en me basant sur les documents que j’ai soumis, je demande que l’ordre d’expulsion qui me concerne soit annulé.
En revanche, je suggère qu’Israël m’expulse de ses frontières internationalement reconnues, mais ne puisse pas intervenir sur mon autorisation de rester sur le territoire palestinien, puisque je détiens un visa palestinien valide.
Par conséquent si vous décidez de m’expulser, je demande à être transférée à l’Autorité Palestinienne
Merci
Kate Raphael Bender
Source : www.palsolidarity.org
Traduction : CS pour ISM-France
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