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ISM France - Archives 2001-2021

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Ramallah -

L’un des seuls chanceux aujourd’hui à Kharbatha Bani Harith

Par

Aujourd'hui a été une folle aventure, mais également pleine d’émotions qui a consolidé mon opinion sur la folie totale des soldats ici et sur la nécessité absolue d’appeler à la fin de ce mur, et de façon primordiale, à la fin de cette occupation. C’est étonnant à quelle rapidité une seule journée, en réalité seulement cinq heures, peut vraiment vous changer. Aujourd'hui pour la première fois, je me suis vraiment senti en danger, assez effrayé par moments jusqu’à même décider qu’il vaudrait mieux recevoir une balle à l’arrière de la tête que dans le visage, mais j'y viendrai peu un plus tard.

Ce matin nous nous sommes réveillés tôt pour aller dans un village appelé Kharbatha Bani Harith, qui, pour ceux d’entre-vous qui regardent sur une carte se situe légèrement près "de la Ligne Verte", et dans l'ordre : au-dessous de Tulkarem, puis au-dessous de Budrus, puis en-dessous de Deir Qaddis, alors il devrait être quelque part par là. Je n'y avais jamais été avant et j’ai quitté ma série de villages aux alentours seulement parce que tout était calme ici et qu’on nous demandait de l’aide là-bas.

Nous sommes arrivés après 45 mn de trajet par des routes les plus cahotiques que je n'ai jamais vues, elles m’ont rappelé l’avant-plage d’Orléans, sauf qu’ici les routes boueuses ont des ravins profonds causés par l'eau de pluie et des années sans travaux routiers. J'étais heureux de n’avoir pas pris un petit déjeuner énorme car j'aurais été probablement un peu malade avant la fin de la journée.

Notre conducteur s’est garé près du chantier, qui se situait environ 16 mètres en bas d'un chemin de tracteurs à travers les oliveraies. Il y avait beaucoup de femmes et d’enfants qui marchaient devant nous, loin de la manifestation, ce qui est habituellement un mauvais signe. Alors que nous approchions, le bruit des boîtes métalliques de gaz qui étaient tirées nous a été confirmé par l’odeur âcre ainsi que par les joues rouges des personnes qui pleuraient pour avoir trop respiré de gaz.

Alors que nous sortions des plantations, un groupe de 100 villageois étaient assis sur une terre nouvellement passée au bulldozer, à 2 mètres d’un bulldozer .
Comme nous n'avons pas vu les autres Internationaux qui étaient censés être là, nous avons décidé que nous irions nous asseoir avec le groupe, A ce moment-là, il était 8h15.

J'étais responsable du travail juridique et des contacts avec les médias et comme d'habitude je me tenais à l’arrière. La manifestation avait lieu sur un terrain aplani à la base d'une colline qui se situait à notre droite. En haut de la colline, il y avait des jeunes garçons qui jetaient futilement des pierres au hazard près des soldats parce que les soldats leur lançaient du gaz lacrimogène et tiraient des balles en métal recouvert de caoutchouc.
Dans cette manifestation, tout le monde était assis par-terre et une grande partie du groupe se tenait éloignée, à l’écart du gaz lacrimogène.

Au cours de l'heure suivante, les soldats ont décidé trois fois de charger la foule en utilisant des batons. A chaque fois qu’ils s’approchaient de ceux qui étaient assis, tous les Palestiniens et les Internationaux qui étaient à l’arrière arrivaient en courant comme renfort physique. Les soldats frappaient quelques personnes, il y avait quelques poussées, et puis un statu-quo contraint entre les deux camps. Après environ 5 à 10 minutes d’observation mutuelle, les soldats sont retournés en courant aussi rapidement qu'ils pouvaient vers leurs jeeps, et puis après avoir atteint leurs jeeps, en ont fait le tour et ont commencé à tirer énormément de balles en caoutchouc sur la foule qui se tenait là.

Après que cela soit arrivé une première fois, nous nous sommes passés le mot et quand nous avons vu les soldats courir vers leurs jeeps, nous avons aussi fait demi-tour et nous avons couru en espérant trouver un abri avant qu'ils recommencent à tirer. Et pendant que nous courions, un groupe de 150 personnes est resté assis ou allongé par- terre.

Ce fut pendant le premier de ces 3 rituels que j’ai reçu la première balle. J'ai tenté de m’allonger par terre et de ramper loin de la scène quand une balle en caoutchouc m’a atteint à l’arrière du haut de ma jambe. Heureusement, je portais un pantalon ample, et je pense que je n’ai même pas une contusion. J'ai donné la balle en souvenir à l'homme qui était allongé à côté de moi, et alors nous avons éclaté de rire ensemble. Alors je suis allé me cacher derrière un tas de rochers alors que de plus en plus de balles en caoutchouc sifflaient au-dessus de nos têtes et qu’ils nous canardaient.

Tout en se cachant derrière les rochers, environ 8 pacifistes israéliens d’à peu près mon âge sont arrivés avec une corne de taureau. Nous avons parlé brièvement de la situation et alors ils ont continué à avancer alors que le reste de la foule se tenait face contre terre espérant ne pas être touché. Le commandant de l'armée soulèva son baton vers le ciel, puis l’abattit et tous les soldats ont tiré immédiatement. Puis, il y a eu des blessés et les médecins ont commencé à courir vers nous. Parfois les soldats tiraient le gaz d'abord, et quand les gens essayaient de s’en éloigner, ils visaient : cette expérience est assez déconcertante.

Presque aussitôt après que les pacifistes israéliens se soient montrés, l’un d'eux était emmené derrière moi vers les ambulances sur une civière avec un bandage ensanglanté enroulé autour de sa tête. Je me tenais toujours avec plusieurs de ses amis quand ils se sont rendus compte que l'un de leurs amis était blessé et ont couru derrière lui. J’ai appris plus tard qu’il avait reçu une balle entre les yeux, et qu’il était dans un état critique à l'hôpital. Il devrait voir un spécialiste des yeux qui déterminera s'il perdra ses yeux ou sa vue. Je vous épargnerai le reste des détails car il m’est quelque peu difficile d’en parler et je pense que vous aurez des photos.

Aujourd'hui, plus de 37 personnes ont été blessées. 30 d'entre elles souffrent de blessures dans la partie haute du corps infligées par les balles en caoutchouc, dont 5 qui ont été visées à la tête, y compris une femme âgée palestinienne.
Cependant, peu importe combien de Palestiniens ont été blessés, seule la blessure du pacifistes israélien a été l’information la plus marquante. Je ne veux pas dire qu'il n'est pas important que les soldats blessent très sérieusement quelqu'un quand ils protègent soi-disant de leurs uniformes leur prétendu mur de "Sécurité".
Mais pour moi, les blessures des Palestiniens sont aussi importantes.
Mais c'est comme ça, tirer sur des manifestants non-violents avec la plupart du temps des balles et un peu de gaz lacrymogène, et j'accepte qu’une nouvelle soit plus importante que les autres.

À 10:35, les soldats et la police des frontières, environ 50, ont commencé à repérer les Internationaux avec des jumelles et ils ont commencé les préparations finales pour leur grande et violente ruée sur la foule pacifique. Pourquoi ? Je ne suis pas sûr puisque personne n’a pu l’empêcher.

Et tout d’un coup, cela a commencé, d'abord par les grenades assourdissantes, lancées en majorité sur le groupe de jeunes femmes qui étaient assises ensemble et chantaient.

Elles ont commencé à courir, j'en ai vu beaucoup trébucher sur les rochers pendant que les grenades étaient tirées et puis du gaz lacrymogène.

Les soldats se déplaçaient très rapidement vers moi et j'ai voulu aller aider les femmes dans les rochers mais j'ai supposé que je serais arrêté. Je me suis retourné en courant vers les oliveraies pendant que les balles en caoutchouc commençaient à voler, et j’ai rapidement réalisé que j'avais débarqué au milieu des lanceurs de pierres, qui, en ce moment, commençaient à jeter des pierres sur les soldats violents.
Alors les soldats ont commencé à tirer au hasard dans les oliveraies.

J'ai essayé de courir vers un secteur plus sûr où il y avait de nombreuses femmes mais les balles ont continué à arriver, et je ne pouvais pas voir les soldats tirer, seulement les balles venant fondamentalement de nulle part, et quelques branches d’oliviers et puis, whiizzzz, elles volaient au-dessus de nos têtes.

J'ai finalement atteint ce que je pensais être un endroit sûr et alors une balle est venue sur moi à travers les branches, je l'ai vue et j’ai instinctivement essayé de déplacer mes hanches en dehors de sa direction et elle m'a frappé dans les fesses et puis a frappé mon téléphone portable qui était dans ma poche arrière. Un homme plus âgé a commencé à appeler un docteur, ce qui m'a incité réellement à penser que j’étais sérieusement blessé mais j'ai vérifié et il n'y avait pas de sang, et je lui ai dit que j'allais très bien, ce qui était vrai.
J’ai vraiment été impressionné dans la seconde où j'ai vu la chose venir, je suis également parvenu à déplacer mon corps et à diminuer les effets de balles sur mon corps, et je suis heureux de n’avoir pas été frappé plus haut.

L'armée a continué à nous pourchasser à travers les oliveraies en tirant des balles de partout, toutes en métal recouvert de caoutchouc. J’étais inquiet au sujet de mes amis mais tous sauf une s’étaient débrouillés. Une avait été emmenée par les forces de police mais elle a obtenu sa libération après avoir signé quelques papiers et est de retour à la normale maintenant.


Je souhaitais pouvoir mettre une certaine tournure drôle et positive sur cette journée mais je ne peux pas. C’était simplement terrible. Je refléchis sur le nombre de blessures par balle au-dessus de la taille, comme c'est là où vous visez si vous voulez blesser sérieusement quelqu'un, et sur la notion de tirer pour blesser sérieusement des personnes non-violentes rassemblées pour protéger leurs terres de la destruction, cela me semble impénétrable.

C’est presque comme si les soldats voulaient faire monter la pression et obtenir des Palestiniens plus de violence. Je ne sais pas. Je me sens reconnaissant de ne pas avoir été sérieusement blessé aujourd'hui, et je suis heureux que par mes expressions de solidarité, j'ai affronté les mêmes risques que les Palestiniens.

Je ne suis pas venu ici pour prendre des risques, mais dans le sens où ils pourraient voir que nous prenons tous ces risques pour eux, et moi, en tant qu’Américain, être atteint par des armes américaines payées par les dollars d'impôts des USA doit fonctionner contre une partie de la propagande qui existe sur nos deux terres au sujet des uns et des autres, et des sentiments des uns envers les autres.

Je n'ai pas très longtemps douté au sujet de ma sécurité mais j’ai du réellement me remettre sérieusement en question aujourd'hui. Je vais très bien maintenant. Je reconnais que la population ici doit affronter bien pire et ce, bien plus régulièrement, mais cela est lié à l’expérience de chacun, et ce jour est comme aucun autre jour que j'ai jamais eu.

Je vous aime tous, je me sens réellement bien et je suis très heureux d'être de retour à Biddu.

Je vous réécrirai bientôt, et je continue d’espérer que les choses changeront ici et que demain sera un jour plus sûr pour nous tous.

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : MG pour ISM-France

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