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ISM France - Archives 2001-2021

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Gaza -

Les médecins de Gaza : « Ils savent qu'ils vont mourir »

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« Si les choses ne s'arrêtent pas dans une semaine, certains d'entre eux vont mourir. Et ils le savent, » a dit Alberto au sujet de la guerre à Gaza, alors que nous regardons une photo de Saber que j'ai prise aujourd'hui. J'ai pensé la même chose plus tôt, quand j'ai dit « yatiek al-afia » (sois fort) à chaque médecin grimpant dans les ambulances. Ils se sont « coordonnés » pour aller dans un des nombreux secteurs dans Gaza que les militaires israéliens ont envahis, occupés et dont ils ont empêché l'accès aux médecins depuis près de deux semaines maintenant.

Les médecins de Gaza : « Ils savent qu'ils vont mourir »

Le processus de coordination est une plaisanterie, obligeant le Croissant Rouge à demander à la Croix Rouge de demander à Israël la permission de recueillir ceux que l'armée israélienne a tués ou blessés, ou tellement terrifiés qu'ils se cachent dans leurs maisons, ou même enfermés dans leurs maisons et maltraités, fusillés ou bombardés, comme selon un témoignage de Ezbet Abed Rabbo et un autre du secteur de Zeitoun.

Alors que nous regardons les photos de ses quatre jolies petites filles, Saber (photo ci-contre) -grand, sorte de loufoque sympathique, et incontestablement dévoué à sa tâche comme les autres toubibs et chauffeurs – n'a pas dit que sa maison a été détruite il y a deux jours, dans la soirée. Il m'a montré ses filles chéries, avec un air d'adoration, et deux vidéos clips sur les cobras, une fascination pour les serpents qu'il semble avoir.

Il portait un sac et semblait prêt à aller quelque part, aussi je lui ai posé la question. « Chez moi, » a-t-il répondu, mais pas dans sa maison. Lui et sa famille sont restés chez sa sœur depuis que sa maison a été frappée quatre fois par les obus de tanks, ravagée et brûlée ne laissant rien pour y retourner, m'a-t-il dit en relatant les faits sans en faire un drame.

Il était à peine 9 heures du matin, et je parlais avec Saber et les autres médecins volontaires, entre les tournées, je vis des femmes entrer, de grands plats de pâte à pain sur la tête, avec un air d'expectative dans les yeux. Leur électricité était coupée, était encore coupée, et elles devaient faire cuire le pain pour leur grande famille. Une des femmes déterminée suppliait, puis réprimandait un médecin près de la laisser se brancher sur l'électricité de l'hôpital, si désespérée de cuire la pâte, sachant que c'était le seul endroit où elle pourrait trouver de l'électricité dans sa région. Le gaz de cuisine, c'était, bien sûr, hors de question.

J'ai vu les femmes cuire le pain l'autre matin, j'étais contente qu'elles puissent au moins venir ici pour la cuisson. Mais l'hôpital était sur le générateur ce matin et ne pouvait accepter aucune demande externe pour son électricité. Les femmes sont reparties, leurs plats de pâte sur la tête.

Puis il y a eu une ruée sur le gaz à Gaza city, allant à l'un des quelques dépôts qui avaient la meilleure chance de ravitailler l'ambulance, aussi la première chose que nous avons tentée l'autre jour quand nous sommes venus était l'essence, ainsi que la seconde. Roulant à faible allure dans une rue de Gaza, j'ai vu un taxi rempli de gens, deux gamins à moitié sortis par une vitre arrière, regardant en l'air, cherchant les drones israéliens. Les têtes sont inévitablement tournées vers le ciel ces jours-ci, le bruit des F-16 -que nous ignorions il y a un mois quand ils étaient juste en train de « faire des exercices » - maintenant très réel cause des frayeurs, et de la panique.

De retour à Jabaliya, nous roulons à petite allure - heureusement nous n'étions pas dans une tournée d'urgence - à travers l'impossible : les routes pleines de décombres venant des maisons récemment détruites, échoppes et mosquées, remplies d'ânes et de charrettes et des étals d'un marché impromptu (le plus grand marché de Gaza a été bombardé).

Nous nous arrêtons brièvement près de la maison de Marwan, un des médecins, et pendant qu'il rentre rapidement, je vois les habitants du voisinage remplir d'eau des pots en plastique. Personne n'a l'eau courante, et c'est seulement grâce à la citerne publique que les gens peuvent remplir à nouveau.

Je pense aux nombreuses, nombreuses personnes dans les secteurs contrôlés et isolés par les soldats israéliens. Pas d'eau. Pas de gaz. Pas d'électricité. La même chose que durant le siège (en cours) mais maintenant avec en plus l'élément mortel des missiles israéliens, des soldats et des snipers qui abattent ceux qui sortent de leurs maisons, et ceux qui sont dedans.

Nous avons entendu tellement de témoignages. Les gens se dépêchent de faire les tâches importantes telles que rapporter de l'eau à la maison tant qu'il y a encore de la lumière, pas à cause de problèmes de vue mais à cause de problèmes de sniper ou de bombardement : tout ce qui bouge la nuit est une cible, c'est le sentiment partout dans Gaza, à juste raison.

Et puis, nous repartons, toutes sirènes hurlantes alors que nous nous dirigeons vers la rue du Vieux Gaza à Jabaliya. Il est 11h30 du matin et le coordonateur vient juste de recevoir un appel pour aller chercher quelqu'un qui a été tué, sans doute par le missile d'un drone. Nous arrivons quelques minutes trop tard, une voiture a déjà emporté les parties du corps.

Mais il y a un second appel, et nous nous rendons en quelques minutes vers un lieu différent où un scénario semblable s'est joué : un missile frappe une petite maison dans la zone densément peuplée. Une femme, d'environ 35 ans, est tuée. Un membre de la famille sort de la maison après une minute pour voir si personne n'a été blessé. Quelques minutes plus tard, elle est frappée par un second missile, inévitable. Comme cela a été le cas avec le jeune homme de Sheikh Rajleen l'autre jour, comme c'était le cas partout dans la Bande de Gaza.

Quand nous arrivons, le mari est en train de hurler, un cri perçant de douleur. Il est aussi en train d'aider à ramasser les draps de plastique blanc tenant les nombreuses parties déchiquetées du corps de sa femme. Il se concentre sur sa tâche, puis éclate en sanglots. Ils marchent sur les tôles ondulées qui avaient peut-être été un toit ou un mur, et alors que le corps est emporté sur une civière, la flaque de son sang reste pour rappeler violemment sa mort à son mari.

Il pleure sans arrêt, dans l'ambulance et à la morgue où nous devons faire sortir un autre groupe en pleurs pour faire de la place à notre arrivée. Le mari ne peut pas le supporter, il sanglote contre une porte en acier tandis que le personnel de la morgue fait de la place pour le dernier arrivé.

Je ne peux pas le supporter non plus, jusqu'à maintenant j'ai vu plus de corps avec leurs vies volées que je n'aurais jamais pu l'imaginer, et beaucoup plus encore vont prendre le même chemin. Sa plainte résonne dans ma tête, ni les sirènes ni les tentatives des médecins pour me distraire ne peuvent me le sortir de la tête. Elle était dans sa maison, elle est sortie parce que son parent a été assassiné juste derrière sa porte. Leur propriété, les civils, les femmes, les quelques 1000 victimes... C'est une fois encore au-delà de la compréhension.

Nous arrivons à l'hôpital et le père d'Arafa est là pour une raison ou une autre. Je m'asseois et j'écoute alors qu'il parle de son fils et comment nous avons travaillé ensemble la nuit avant qu'il soit tué, comment il se souvient que je me tenais avec Arafa et les autres, que j'ai rencontré sa femme et ses gamins et vu où était sa maison. Il se rappelle de ces choses, très vivantes, selon moi. Et quand j'apprends plus tard la potentielle coordination des ambulances, je suis partagée. Il est absolument nécessaire que les ambulances atteignent ces zones qui ont été tellement privées de soins médicaux, de nourriture, d'eau, d'yeux et de caméras. Je sais que le danger auquel ils font face signifie que beaucoup de médecins disent leurs prières avant de sortir dans ces secteurs. Et comme je le dis affectueusement, mais en essayant d'être positive, au revoir, à bientôt. Mais je suis angoissée et je veux me rassurer que personne d'autre ne finira comme Arafa.

Source : Electronic Initifada

Traduction : MM pour ISM

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