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Jérusalem - 16 février 2004
Par Daoud Kuttab
L'auteur est journaliste palestinien et Directeur de l'Institut des Médias Modernes à l'Université d'Al-Quds à Ramallah
Vous dites que les Palestiniens ont un choix, à savoir mettre en application la Feuille de Route, plutôt que d’autoriser l’avancée du plan unilatéral de Gaza.
Laissez-nous vous dire : "Nous appliquons la Feuille de Route.
Pouvez-vous nous garantir que les Palestiniens auront un Etat indépendant dans les frontières de 1967 ?
Cela a commence par un e-mail d’un ami israélien qui désirait connaître mes pensées au sujet du plan de retrait unilatéral de Gaza d’Ariel Sharon. J’avais prêté une petite attention à la question : apparemment, c’est une grosse opération pour les Israéliens. Ensuite, j’ai renvoyé un mail disant que ce pourrait être intéressant si c’était vrai et je lui ai suggéré une rencontre en tête à tête.
Nous nous sommes rencontrés pour le petit déjeuner dans un café de Jérusalem-Ouest. Après quelques plaisanteries, nous avons rapidement abordé le sujet. Mon ami israélien semblait impatient. Il voulait savoir pourquoi les Palestiniens laissaient à Sharon la liberté de faire ce qu’il voulait.
“Notre opinion n’est pas très importante » répondis-je à la surprise de mon ami. "Les Israéliens sont habitués à négocier entre eux. Ils négocient entre le les Travaillistes et le Likud, ou entre le Likud et les colons, ou avec les Américains. Nous ne faisons jamais partie des négociations."
Mon ami Israélien ne m’a pas démenti, mais il a été interrompu par l’arrivée de la serveuse à qui il devait répondre. Nous avons commandé tous les deux une omelette aux champignons et j’ai continué mon explication.
“Vous, les Israéliens, vous avez le choix de rester ou de partir, mais nous, nous n’avons pas le choix. Nous n’avons aucun réel pouvoir pour changer les choses et nous vivons sur notre terre en attendant que les Israéliens fassent quelque chose."
“Vous avez le choix” me répondit mon ami israélien. « Vous pouvez choisir entre le plan unilatéral de Sharon et la Feuille de Route. »
Encore une fois, j’étais en désaccord. "Qui a stoppé la Feuille de Route ? Les Israéliens.", ai-je insisté.
“En aucune façon. Vous ne pensez pas que la Feuille de Route a échoué en raison de ces quelques avant-postes ? » a-t’il rétorqué
Ce sont pas juste les avant-postes, c’est l’échec de la fin immédiate de la colonisation, y compris l’expansion des colonies, et bien sûr, l’action la plus insensée qu’est la contruction du Mur. »
J’ai rappelé à mon ami Israélien que Sharon avait énuméré 14 conditions à la Feuille de Route alors que les Palestiniens l’avaient accepté sans réserve.
Mais mon ami insistait sur le fait que les Palestiniens avaient le choix. S’ils avaient agi contre le terrorisme, ils auraient pu mettre Sharon dans une situation bien différente qu’il l’est maintenant.
J’ai dit : “D’abord, aucun responsable Palestinien ne peut commencer une guerre civile sur une promesse qui est difficilement crédible.
Deuxièmement, les Israéliens sont ceux qui ont refusé de négocier.
Troisièmement, Israël continue de refuser un accord de cessez-le-feu.
Comment pouvons-nous arrêter le bain de sang quand Israël refuse de prendre part à un accord de cessez-le-feu qui doit être bilatéral, garanti par une force extérieure neutre et suivi d’une effort sérieux de négociations?"
J’ai continué avec mon argumentation : "Vous dites que les Palestiniens ont un choix, à savoir mettre en application la Feuille de Route, plutôt que d’autoriser l’avancée du plan unilatéral de Gaza. Laissez-nous dire : "Nous appliquons la Feuille de Route. Pouvez-vous nous garantir que les Palestiniens auront un Etat indépendant dans les frontières de 1967 ?"
Tout simplement, l'expérience avec les Israéliens n'est pas très encourageante.
Mon astucieux ami répondit que les Palestiniens avaient constamment rejeté des offres qu'ils ont souhaitées obtenir ensuite.
J'ai dû en convenir, mais nous travaillons sur une période de temps et dans un cadre politique différents de ceux des Israéliens.
“Pour nous, notre force est notre présence sur notre terre et notre unité. Notre unité ne sera jamais compromise par une promesse douteuse d’un Israélien qui a un passé terrible envers les Palestiniens et leurs droits, " ai-je rétorqué.
Les OMELETTES arrivent. Nous commençons à manger tranquillement, mais nous entrons rapidement dans un nouveau désaccord. Mon ami israélien refusait toute tentative de lier l’assassinat d’Israéliens avec la colonisation.
"Vous pensez toujours," répondis-je " aux droits personnels, et donc vous donnez la priorité à toute violation des droits individuels. D'un autre côté, nous donnons priorité à la communauté ou aux droits collectifs." J'essaye d'expliquer que pour les Palestiniens la construction des colonies est une violation de nos droits et l’assassinat de notre futur en tant que peuple ou nation.
Mon ami découvre un morceau de verre dans son omelette et renvoie le plat à la serveuse.
Alors qu’il discute de cette découverte avec le personnel du restaurant, je me demande ce que je pense vraiment de l'idée du Premier Ministre israélien du retrait unilatéral de Gaza. En principe, j'aime l'idée parce que cela signifie que nous commencerons finalement le processus des retraits militaires israéliens sans devoir payer un prix politique sur un futur accord inconnu.
D'un autre côté, je sais tout à fait qu’avec ce gain de territoire sans colons à Gaza, nous payerons un prix élevé alors que les Israéliens enfoncent leurs talons encore plus profondément en Cisjordanie .
Une fois que mon ami ait retiré le morceau de verre de son omelette, j'ai expliqué que, pour les Palestiniens, le plus grand danger, a toujours été la construction des colonies sur notre terre. C'est la construction de colonies qui a été le plus grand coup porté à tout espoir d’obtenir un Etat palestinien indépendant.
Je lui ai dit que si la colonisation juive avait diminué, les Palestiniens auraient eu le temps et la patience d’attendre les Israéliens jusqu'à ce qu'ils comprennent que pour obtenir un accord, Israël doit tenir compte de nos aspirations.
"Nous ne pouvons pas obtenir la puissance militaire ou politique que nous voudrions, mais nous avons la puissance négative pour nous opposer à toute opération qui ne satisfait pas le minimum de nos demandes," lui ai-je dit.
Nous sommes partis du restaurant sans avoir résolu tous nos désaccords politiques. Ce n'est pas sûr que mon ami revienne dans ce restaurant, mais j'étais certain que nous pourrions poursuivre nos discussions à l'avenir.
Source : www.amin.org/
Traduction : MG
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Daoud Kuttab
16 février 2004