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Palestine - 15 septembre 2008
Par Haneen Zaqout
Haneen Zaqout est en seconde à l'Ecole des Amis, Ramallah.
Nous passons tous notre vie à essayer de calculer ce qui fait des gens ce qu'ils sont, et ce qui les définit. Est-ce que ce sont leurs caractéristiques, leur apparence, ou leur comportement ? C'est sans doute une combinaison de tout cela... pour les gens normaux. Mais pour les gens qui viennent de là d'où je viens, figurer ce qu'ils sont n'est pas un choix pour eux. Je viens de Gaza-ville en Palestine, où survivre chaque jour est une lutte immense pour tous les Gazaouis. Quitter Gaza a été la chose la plus difficile que j'ai jamais faite, en partie parce que mon ancienne vie me manque, et en partie à cause de la culpabilité.
Quand j'ai quitté Gaza, j'ai dû traverser ce checkpoint (photo ci-dessus). Ce n'est pas n'importe quel checkpoint. C'est le checkpoint d'Erez et il est là pour emprisonner les gens de Gaza parce que dès que les soldats israéliens voient une carte d'identité de Gaza, cette personne est automatiquement considérée comme un parfait terroriste.
Sans savoir qui ils sont, sans aucune idée que ce soit au sujet de ces gens, ils décident qu'ils sont des criminels. Qui a le droit de prendre l'identité d'une personne à partir d'eux-mêmes ? Ou de les juger en se basant sur un morceau de papier ou leur nationalité ?
Comment peuvent-ils confisquer le choix des gens d'essayer de figurer qui ils sont vraiment ? Je ne sais pas... mais alors que j'étais en train de marcher dans ce long tunnel du checkpoint, je réalisais que quoi que je fasse, personne ne m'accepterait pour ce que je suis.
Dans ce tunnel, ils ne font pas de différence que je sois une terroriste ou une personne qui se languit de la paix, pas seulement pour mon peuple mais aussi pour le peuple israélien. J'avais ce « privilège » de quitter Gaza que d'autres rêvent d'avoir. Non parce qu'ils n'aiment pas Gaza, non pour le plaisir, mais parce qu'il est trop dur d'y vivre.
La maison devient quelque chose que vous voulez fuir au lieu d'être l'endroit vers lequel vous courez quand la vie devient trop dure. Dès que j'ai été dans ce checkpoint, après avoir été traitée comme un animal, après avoir été « comptée » comme un bagage, [j'ai été] surveillée par plus d'écrans que je n'aurais jamais pensé en voir.
Je vis maintenant à Ramallah, qui est seulement à deux heures de Gaza. J'ai quitté cette partie exotique du monde appelée Gaza ; mais je la garde encore à l'esprit chaque seconde, toujours influencée par mon passé là-bas, et toujours motivée par la force de son peuple.
Aux nouvelles, ils parlent de comment Gaza n'a ni fuel, ni nourriture, ni même d'électricité ; mais la télé est juste une source d'information pour faire passer combien les gens souffrent... cela veut-il dire que quelqu'un hors de Gaza comprend ce que les gens traversent réellement ? Non, ils écoutent ces nouvelles consternantes, « compatissent » avec les gens qui traversent cela, et continuent de vivre leur vie comme si de rien n'était.
Peut-être certains peuvent-ils feindre, mais moi je ne peux pas ! La principale raison pour laquelle j'écris cela est qu'autant je sais que les mots peuvent être sans importance, ils peuvent aussi faire la différence dans les vies de beaucoup de gens. Je déteste me sentir coupable chaque fois que je mange un morceau de chocolat, en sachant qu'un ami ou un petit enfant le désire ardemment. Je déteste que quand je m'ennuie je puisse allumer la télé ou l'ordinateur et perdre mon temps, pendant que mes amis n'ont rien à faire, vu qu'ils n'ont pas d'électricité.
Je déteste pouvoir aller où je veux, quand je veux, même hors de Ramallah, pendant que mes amis sont cloués à la maison parce qu'ils n'ont pas d'essence même pour aller autour de la ville de Gaza !
Je déteste acheter de nouveaux vêtements, parce que mes amis ne le peuvent pas. Je déteste être absolument et complètement impuissante.
Cependant à Gaza, sans se soucier de la situation, vous trouvez toujours l'amour et l'espoir, vous trouvez des gens qui luttent pour leurs vies. Une mère essayant de faire sourire son enfant, un père essayant de trouver la force de protéger le petit corps de son enfant d'un missile.
A Gaza, vous trouvez des sentiments mêlés entre amour et haine, entre espoir et désespoir, entre frustration et satisfaction.
A Gaza, vous trouvez des gens qui sourient quand ils traversent les frontières, même quand cela leur prend des heures et même des jours pour traverser.
A Gaza, vous trouvez juste ce dont vous avez besoin. Vous trouvez une maison.
Source : IMEMC
Traduction : MM pour ISM
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