Ramallah - 21 juillet 2004

"La corruption ne devrait jamais être remplacée par la corruption", entretien avec Sakher Habash

Par Palestine Report

Cette semaine, Palestine Report Online interviewe Sakher Habash, membre du comité de direction et coordinateur des forces nationales palestiniennes du Fatah, sur la situation de la sécurité à Gaza

Nous avons besoin de nommer des fonctionnaires plus compétents et plus dignes de confiance afin d’avoir les choses sous contrôle.
Des hommes honnêtes et énergiques devraient être plus courants que les hommes fourbes et énergiques, tels que Jabali. Son manque de scrupule a finalement mené à sa faiblesse. À la fin, il a été frappé sur son propre lieu de travail

PR : Quels sont les développements les plus récents dans la crise politique entre la direction palestinienne et, tout particulièrement, avec les brigades des Martyrs d'al Aqsa ?

Habash : La crise n’est pas entre l'Autorité Palestinienne et les Brigades des Martyrs d'al Aqsa parce qu'il n'y a pas un seul groupe qui porte le nom des Brigades. Il y a différentes déclarations émises par divers groupes sous le nom des Brigades des Martyrs al Aqsa et il y a des contradictions dans la teneur de ces communiqués – certains groupes adhèrent à la ligne du parti des Martyrs al Aqsa alors que d'autres non.

Par conséquent, nous devons distinguer ceux qui se sont auto-proclamés comme membres des Martyrs d'al Aqsa et les véritables Brigades des Martyrs al Aqsa.

Je pense que la déclaration la plus récente faite sous le nom des Martyrs al Aqsa concernant l'attaque des positions de l’Autorité Palestinienne et l’enlèvement de Ghazi Jabali (le chef de la police), n'émane pas vraiment des Brigades.

La raison est que les véritables Brigades al-Aqsa adhèrent à la ligne politique du Fatah. Les Brigades ont leur propre philosophie quand il faut résister et frapper l’occupation, qui varie légèrement de celle du Fatah, mais sur la question de combattre la corruption, les Martyrs d'al Aqsa adhèrent à la ligne du Fatah.

Je pense que les événements que nous avons vu récemment sont une tentative pour provoquer une guerre civile et ceux qui sont derrière sont à l’origine de la corruption tout en prétendant être les Brigades des Martyrs al Aqsa. La crise actuelle est, donc, non pas avec les Brigades des Martyrs al Aqsa mais avec les groupes suspects qui tentent d’ébranler la stabilité et la sécurité de la région afin de porter un coup à l'Autorité Palestinienne.



PR : Que pouvons-nous faire concernant le manque de sécurité et le respect de la loi dans la rue palestinienne ?

Habash : L'état de chaos de la sécurité est le résultat du manque de traitement des problèmes à leur racine. Le dicton populaire dit : "Soignez votre blessure et elle ne s'infectera pas." La corruption mène à plus de corruption et l’état dans lequel nous sommes est survenu en raison de quelques personnes corrompues qui essayent d'obtenir des objectifs matériels et financiers pour leur propre bénéfice.

Cette situation de la société palestinienne dans laquelle il n'y a aucune règle de loi, nécessite une position forte et solide. Nous avons besoin de nommer des fonctionnaires plus compétents et plus dignes de confiance afin d’avoir les choses sous contrôle.

Des hommes honnêtes et énergiques devraient être plus courants que les hommes fourbes et énergiques, tels que Jabali. Son manque de scrupule a finalement mené à sa faiblesse. À la fin, il a été frappé sur son propre lieu de travail. Une personne corrompue ne devrait jamais être remplacée par une autre. Et aucun remplacement ne devrait se faire en raison d’une loyauté personnelle mais plutôt pour sa loyauté envers la cause palestinienne. Je ne devrais pas nommer quelqu'un juste en raison de sa loyauté à mon égard en négligeant ses fautes.

L’objet de la réunion d’aujourd'hui (le 20 juillet) avec le Président Arafat était que la crise demande une unité nationale avec une base solide et stable. Nous avons besoin de personnes honnêtes et intègres.



PR : Quel est le rôle du Fatah pour inverser cet état de chaos ?

Habash : Le Fatah appelle à l'unité nationale et à une position unie dans la rue palestinienne. (Le Premier Ministre) Abu Ala' (Ahmad Qrei) a indiqué qu'il était convaincu que cet état de chaos est le résultat d’une accumulation de laisser aller de la vigilance sur des groupes et des milices indisciplinées.

Les groupes qui effectuent des actions corrompues doivent être repérés et Abu Ammar doit être à la barre dans cette action, soutenu par l’ensemble des forces nationales. Elles doivent travailler main dans la main et parler le même langage. Elles doivent également préciser la nature exacte de la corruption afin d'avoir une véritable emprise sur la situation de sécurité.



PR : Quelles décisions ont été prises quand le Comité Central du Fatah a rencontré le Conseil de Sécurité National ?


Habash : Notre première décision fut que la démission de Ghazi Jabali n’aurait jamais dû être acceptée. Il aurait dû, plutôt, être expulsé de son poste et une personne propre et honnête aurait dû être mise à sa place en tant que Chef du service de Police. Saeb Al Ajez avait été choisi et c’est un homme compétent et propre.

Quant à Musa Arafat, il y avait une campagne contre lui en raison de certaines de ses actions, à savoir la prise de possession de terre, ce qui indique qu’il est corrompu. À mon avis, le choix de Musa Arafat n'était pas bon.

Mais, le Président Arafat utilise son autorité et il devra assumer les conséquences de cette décision.

Je pense que les gens qui se sont levés contre la nomination de Musa Arafat sont la plupart du temps des gens clairement impliqués dans la corruption. Certains sont même mêlés à l’occupation israélienne.

Quand Abu Ammar veut effectuer des réformes, il doit choisir les bonnes personnes et les mettre au bon poste au bon moment..



PR : Pensez-vous que cette vague de kidnappings signifie une nouvelle approche de certaines factions ?

Habash : Les personnes qui ont effectué ces enlèvements étaient des gangs et leurs actions étaient criminelles, en particulier quand elles ont attaqué l'ancien chef de la Police, Jabali. Comment maintenant sa position de chef du service de police ne peut-elle pas être amoindrie ? Cela a ouvert la porte au chaos dans la rue palestinienne.

Maintenant, nous devons corriger l'erreur que ces groupes ont commise - une erreur qui a donné une réelle crédibilité aux récentes déclarations de l’envoyé Terje Larson au sujet des Palestiniens. Ses déclarations sont en fait correctes - nous devons combattre les éléments corrompus, qui permettent au monde de dire que les Palestiniens devraient être mis derrière un mur de sécurité.



PR : L'Autorité va-t-elle démettre Musa Arafat en raison du rejet de sa nomination par la population ?

Habash : C’est à Abu Ammar de voir.



PR : Pensez-vous que les dernières réformes étaient une réaction à ce qui s’est passé ?

Habash : Ces changements étaient déjà sur la table avant que tous ces événements se produisent.

Malheureusement, les décisions ont été prises à un moment inapproprié.

Nous espérons que les décisions prises par l’Autorité Palestinienne le seront toujours en tant qu’actions et non pas seulement en réaction parce que c'est ainsi que les choses devraient se faire.