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Palestine -

Pas de "solution juste" sans le droit au retour des réfugiés palestiniens

Par

« La force d’Israël, le soutien des USA, la faiblesse des Palestiniens et la complicité arabe, tels sont les ingrédients d’une solution imposée du « problème des réfugiés », basée non sur leurs droits mais sur leur disparition… l’élimination des réfugiés palestiniens est indispensable pour qu’un nouveau Moyen Orient pacifié prenne sa place dans l’économie mondialisée. » [1] Ecrites il y a 10 ans, ces lignes sont hélas toujours d’actualité.

 Pas de 'solution juste' sans le droit au retour des réfugiés palestiniens

Profitant du désarroi issu de l’effondrement des illusions nées des accords d’Oslo, tous les gouvernements israéliens ont poursuivi la destruction de la société palestinienne engagée dès 1948, avant même la proclamation de l’Etat d’Israël et la guerre israélo-arabe qui l’a suivie. Ceci fut fait avec le soutien total des gouvernements des Etats Unis et avec la complicité active des gouvernements européens et des institutions internationales (FMI et ONU notamment).

Pourtant, malgré les formidables moyens déployés pour permettre à Israël d’en finir avec l’existence du Peuple palestinien, il subsiste un obstacle majeur à la réalisation de ce plan.

Cet obstacle tient en un mot : (les) REFUGIES.

La raison en est que, par delà leur nombre (ils sont 6 millions, près des 2/3 du Peuple palestinien) les réfugiés palestiniens sont, par leur seule existence, la preuve historique de l’injustice commise par l’ONU en novembre 1947 et celle de la nature coloniale irréfutable d’un Etat d’Israël né, non d’une prétendue lutte de libération nationale, mais d’une opération programmée de nettoyage ethnique.
Les réfugiés palestiniens sont devenus « un problème » qu’il convient de résoudre, par tous les moyens et quel que soit le prix à payer.

Les réfugiés palestiniens, quand ils revendiquent leur droit au retour sur les terres et dans les maisons dont ils ont été chassés par la violence des groupes terroristes sionistes en 1948 puis en 1967, sont la marque identitaire du conflit israélo-arabe, la preuve vivante de l’illégitimité de cet état colonial imposé par la force au cœur d’une région arabe convoitée par l’Impérialisme pour ses richesses et à cause de sa position stratégique.

Pour supprimer cette marque identitaire, il faut dissoudre l’existence même des réfugiés palestiniens et, à défaut de pouvoir les faire disparaître, les réduire à une question humanitaire.

Mais voilà…Les réfugiés palestiniens ne se sont pas transformés en une simple addition de mendiants dispersés et voués à être absorbés et digérés au sein des communautés nationales des Etats qui ont été contraints de les « accueillir ».

Dans leur immense majorité ils ont refusé d’oublier, ils ont refusé d’être dépossédés de leur histoire, ils ont collectivement maintenu leur volonté de survivre et de vivre, ils ont gardé une colère intacte et ils ont refusé d’abdiquer leurs droits.

Le retour des réfugiés est la substance de la cause palestinienne.
Longtemps reléguée à une place secondaire par la direction de l’OLP, principalement préoccupée de se voir reconnaître l’exclusivité de la représentation du Peuple palestinien en vue du marchandage visant la création d’un mini Etat, la question politique des droits des réfugiés est revenue en force aux lendemains des accords d’Oslo.

En concentrant l’attention sur la création de territoires autonomes confiés à une Autorité palestinienne, Oslo a été une tentative supplémentaire de liquider « la question des réfugiés ». Le règlement de la question du retour des réfugiés était différé à des « négociations finales » dont on espérait qu’elles se perdraient dans les sables de la négociation des accords intérimaires.

En faisant de la construction de « l’Etat palestinien indépendant » son objectif prioritaire, la direction de l’OLP marginalisait la cause des réfugiés, qui était pourtant la raison d’être du mouvement de libération de la Palestine.

Réduire le conflit à un problème de partage de territoires entre Israéliens et Palestiniens, c’est d’une part reconnaître la légitimité de l’existence de l’Etat colonial et d’autre part mettre un terme définitif à l’ambition de « libération nationale », remplacée par une « processus de paix » où les deux parties « négocient ».

En outre, dès lors que le conflit est réduit à une querelle frontalière, le problème des réfugiés semble plus aisé à résoudre : ceux qui le voudront pourront « revenir dans l’Etat de Palestine » !

Avec le recul de 15 ans, on doit constater que ce calcul cynique a failli aboutir.

Mais la manœuvre a fait long feu et la voracité des dirigeants sionistes, fidèles aux ambitions initiales de la conquête de toute la Palestine, a mis à mal le dispositif initialement concocté par l’Impérialisme avec la complicité de la direction palestinienne, d’abord à Madrid puis à Oslo et Washington.

L’analyse du comportement de l’Etat sioniste, tant avant que pendant la deuxième Intifada et tant dans les territoires occupés en 1967 que dans les territoires occupés en 1948, a convaincu de nombreux militants palestiniens de la nécessité de rompre avec une politique de renoncement aux droits fondamentaux, de la futilité des négociations avec un ennemi bien décidé à mener à son terme l’entreprise de nettoyage ethnique commencée en 1948 et, en dépit de sa fragmentation due à sa dispersion géographique, de l’unité du combat du Peuple palestinien pour ses droits nationaux.

L’effacement des illusions d’Oslo a suscité un profond mouvement de réflexion chez les réfugiés palestiniens.

Des initiatives populaires se sont développées depuis les camps de réfugiés, dans la diaspora palestinienne et chez les Palestiniens résidant en Israël, visant à remettre la question des réfugiés et de leur retour à la première place de l’agenda palestinien, considérant qu’aucune paix n’était possible sans l’application du droit au retour et donc sans la réaffirmation d’un projet de libération nationale.

L’affirmation de l’exigence du droit au retour est devenue le point de convergence des luttes des Palestiniens pour leurs droits. Le retour n’est plus « seulement » une revendication, c’est devenu un projet politique qui structure la reconstruction de l’ensemble d’une démarche collective de résistance au nettoyage ethnique et d’opposition à la volonté sioniste de faire reconnaître par les Palestiniens eux-mêmes la légitimité d’un « Etat juif » et de les faire ainsi renoncer à leur droit à la résistance.

Le droit au retour des réfugiés, un droit reconnu par le droit international

Le droit au retour dans leur pays des réfugiés et des populations déplacées est un droit clairement reconnu par le droit international.
L’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) affirme le droit de chaque individu de « quitter tout pays, y compris le sien, et d’y revenir ».

Suivant l’article 12 de la Convention internationale des droits civils et politiques (1966, ratifié par Israël en 1991 !) « Aucun individu ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays ».

La résolution 194 des Nations Unies, adoptée le 11 décembre 1948, affirme « qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible… »

L’actualité et la validité de cette résolution ont été réaffirmées plus de 130 fois depuis !

La résolution 3236, votée en 1974, réaffirme « le droit inaliénable des Palestiniens de retourner à leurs foyers et leurs propriétés, d’où ils avaient été déplacés et déracinés ».

Ce droit fondamental a été maintes fois affirmé pour des peuples déplacés autres que les Palestiniens. La plupart des accords de paix internationalement soutenus dans les 25 dernières années ont exigé le retour des déplacés et réfugiés notamment au Guatemala, au Salvador, au Rwanda, en Géorgie, en Tchétchénie, en Croatie, en Bosnie, au Kosovo, en Namibie, à Chypre et au Timor oriental. [2]

Le respect du choix individuel des réfugiés quant à la mise en application de leur droit a été le principe directeur de ces accords. Ce droit a été affirmé et son exercice n’a pas été conditionné à des négociations postérieures et à la volonté des Etats contrôlant des territoires occupés à l’occasion d’un conflit. Dire que le droit au retour est « un droit inaliénable », c’est dire que ce droit appartient en propre à chaque personne réfugiée. User ou ne pas en user appartient à chaque bénéficiaire de ce droit.

S’agissant des réfugiés palestiniens, qui forment le groupe de réfugiés le plus ancien et le plus nombreux dans le monde, ce droit est un droit collectif inséparable des droits nationaux. Il s’inscrit pleinement dans le cadre des revendications nationales constantes du Peuple palestinien et il ne se substitue ni ne s’oppose au droit à son autodétermination.

L’immense majorité des Palestiniens refuse de faire du retour des réfugiés un élément d’une négociation

« Lorsque les négociations israélo-palestiniennes sur le statut final reprendront, la question des réfugiés palestiniens en sera probablement l’une des principales pierres d’achoppement. Depuis la guerre de 1948, la situation des réfugiés et leur revendication d'une reconnaissance du droit au retour ont occupé une place centrale dans la lutte palestinienne.

Les Palestiniens préviennent qu’une communauté de réfugiés en colère dont les principales revendications resteraient insatisfaites ferait obstacle à tout accord de paix.

L’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) n’a d’ailleurs jamais renié son engagement formel en faveur du droit au retour…Quand bien même certains officiels ont proposé de manière informelle des solutions à la question des réfugiés compatibles avec l’existence d’un Etat palestinien arabe au côté d’un Etat juif israélien …la direction palestinienne a réagi de façon ambivalente : tour à tour muette sur la question et rappelant son engagement pro forma à l’égard du droit au retour.

Désormais elle doit affronter le regain d’activisme qu’Oslo et plus récemment les initiatives informelles de Genève et de People’s Voices ont réanimé sur la question des réfugiés.
» [3]

Les violentes réactions venues des camps contre l’initiative de Genève fin 2003 ont laissé sans voix les naïfs qui s’étaient extasiés devant cette nouvelle initiative de paix généreusement sponsorisée en Europe.

Mais les soutiens enthousiastes d’Abed Rabbo et de Yossi Beilin auraient du lire plus attentivement le rapport d’une commission d’enquête parlementaire britannique publié au terme d’une visite des camps de réfugiés de Syrie, du Liban, de Jordanie, de Cisjordanie et de Gaza (septembre 2000) : « Partout où nous sommes passés, les réfugiés affirment que le droit au retour s’applique à tous les réfugiés, quelle que soit leur situation matérielle ou financière actuelle et où qu’ils demeurent aujourd’hui ».

Survenu trois ans après la mise en scène de Genève, un autre événement nous montre l’extrême difficulté rencontrée par les responsables palestiniens qui tentent de composer avec la question du droit au retour.

On se souvient du texte dit « Document des prisonniers » qui fut largement présenté en 2006 comme la base possible d’un accord politique entre les différentes factions palestiniennes après la victoire électorale du Hamas et avant les évènements de Gaza.

Dans la 1ère version diffusée le 11 mai 2006, on trouvait dès le point 1 la réaffirmation de l’exigence de « garantir le droit au retour des réfugiés ».

Dans la version publiée le 28 juin 2006, cette formule très « pro forma » est remplacée par la suivante : « garantir le droit au retour des réfugiés dans leurs maisons et leurs propriétés dont ils ont été expulsés » [4]

Entre ces deux versions il y a toute la distance qui sépare l’affirmation formelle d’un droit, qui peut facilement être vidé de sa substance, de la position qui affirme avec force que la reconnaissance du droit emporte l’adhésion à sa légitimité incontestable et à sa mise en œuvre pratique et non négociable. [5]

Cette différence représente un enjeu majeur.

L’affirmation du droit au retour signifie que les réfugiés qui le désirent pourront librement rentrer chez eux, sans contrôle ni restriction et sans avoir à déléguer à quiconque le soin de négocier des « modalités d’application ». De telles négociations seraient la négation de l’exercice du droit reconnu « en principe » !

C’est la position de toutes les coalitions palestiniennes pour le droit au retour, c’est le contenu de tous les appels issus des rencontres de réfugiés des dernières années.

C’est, par exemple, l’affirmation sans aucune ambiguïté du Congrès d’Haïfa en mars 2004 : « Le congrès affirme son refus de tout projet qui liquide, contourne ou démantèle le droit au retour, quelle que soit sa source Le congrès affirme au monde entier qu’il n’y a pas de paix juste sans la réalisation et l’application du droit au retour des réfugiés palestiniens » [6]

C’est aussi le contenu d’un appel daté du 28 novembre 2007 et signé par une centaine d’organisations et de comités palestiniens actifs dans l’ensemble des composantes de la communauté nationale palestinienne (Palestiniens d’Israël, de Cisjordanie , de Gaza et de l’exil) qui affirme : « Le droit des réfugiés à rentrer dans leur patrie et dans leurs propriétés, d'où ils ont été expulsés, conformément à la résolution des Nations Unies 194. Ce droit est un droit fondamental qui n'est pas négociable et ne peut donc être fondé sur un « accord sur une solution » [7]

Variations sur le thème du retour des réfugiés

Comme on vient de le montrer, le droit au retour des réfugiés est à la fois reconnu par le droit international, fermement revendiqué par les Palestiniens, qu’ils soient ou non réfugiés, et ceux-ci en ont fait la pierre angulaire de leur refus de l’expulsion et de leur résistance au nettoyage ethnique.

Dès lors une question se pose : pourquoi cette revendication n’est-elle pas inscrite au fronton d’un mouvement de solidarité qui affirme pourtant son engagement pour « l’application du droit pour mettre un terme aux injustices qui frappent le Peuple palestinien de puis 60 ans » ?

Pourquoi n’est-elle pas portée par ces responsables politiques, et notamment ces parlementaires européens qui revendiquent leur engagement aux côtés des Palestiniens confrontés à la colonisation et au mur en Cisjordanie et au blocus de Gaza ?

En réalité, à l’image de la direction de l’OLP, les dirigeants des associations, des ONG de solidarité et les élus « amis des Palestiniens » adoptent un comportement très ambivalent. Nombreux sont ceux qui préfèreraient ne pas en parler, mais il est quand même difficile d’ignorer l’existence de 2/3 des populations dont on s’affirme « solidaire » !

Alors, on en parle, comme d’un « problème à résoudre », toujours avec une prudente réserve et si possible sous un angle humanitaire, voire même simplement caritatif.

Au surplus, la question des réfugiés est toujours politiquement secondaire, la revendication essentielle étant l’affirmation de la nécessité d’un Etat palestinien indépendant, formule parfaitement formatée qui vient opportunément se substituer à la double exigence de droit à l’autodétermination de tout le Peuple palestinien et de droit au retour des réfugiés.

A l’image de la plateforme des ONG françaises, on mentionne la question dans une charte en utilisant la formulation « une juste solution, fondée sur la légalité internationale, à la question des réfugiés » [8] mais la plateforme n’a jamais développé la moindre action de soutien au droit au retour. Cette revendication a toujours été écartée de ses initiatives, campagnes, pétitions, tracts, plaquettes etc. [9]

Et quand la plateforme se positionne lors des élections de 2007, après une prometteuse exigence de reconnaître le droit au retour et l’application de la résolution 194, il est immédiatement rajouté que « les modalités d’application de ce droit devront être définies dans le cadre de futures négociations ».

Plus loin, après avoir affirmé « la reconnaissance du droit au retour est l’une des clés de la résolution du conflit », il est écrit : « la reconnaissance du droit au retour et les modalités de son application sont parmi les conditions premières pour poser les bases d’un règlement final du conflit ».

Ces formulations sont rigoureusement à l’opposé de celles des réfugiés palestiniens, qui ont bien compris que soumettre l’application pratique du droit au retour à des négociations, et donc au bon vouloir des Israéliens, c’est y renoncer en pratique.

Mais, à défaut d’être en accord avec les réfugiés, ces formulations peuvent se revendiquer des propos d’Elias Sanbar qui affirme que « tout est dans l’ordre des séquences » : d’abord les Israéliens doivent reconnaître l’injustice commise à notre égard et notre droit au retour et après on discutera de l’application et « évidemment ce ne sera pas 100%, parce que ça n’est jamais à 100% ». [10]

En fait, pour Sanbar, si le droit n’est pas négociable, l’application l’est et il suffit de tenir bon sur « le droit » pour pouvoir en négocier l’application un jour.

De telles positions trouvent évidemment des échos très favorables du côté des militants israéliens pacifistes, probablement partisans sincères d’un règlement négocié du conflit par la mise en place d’un Etat palestinien qui devrait permettre de clore définitivement la question des réfugiés.

Complément idéal de Sanbar, Uri Avnery explique que le problème est « du côté des Israéliens », car ceux-ci témoignent d’un « manque de compréhension abyssal » des Palestiniens. [11] « Le droit au retour représente le cœur même de la fierté palestinienne. Il est ancré dans le souvenir de la Nakba…et ignorer ce fait historique rend impossible la compréhension de la lutte des Palestiniens ». Il propose donc « d’aborder courageusement cette question », sous ses deux aspects, d’abord « l’idéologique » puis « le pratique ».

Quand Israël aura reconnu ses responsabilités historiques dans les malheurs des Palestiniens (ses responsabilités mais pas sa culpabilité, car « les buts sionistes étaient directement destinés à une libération nationale et au sauvetage de millions de victimes de la tragédie juive en Europe ») alors on pourra traiter la question du droit au retour qui est « un droit fondamental qui ne peut être nié à notre époque ».

En fait « la solution du problème des réfugiés coïncidera avec l’établissement de l’Etat de Palestine ».

Le principe « deux états pour deux peuples » est la base du compromis historique martèle Avnery et il s’impose à la règle du libre choix.

« Il est clair que le retour de millions de réfugiés palestiniens dans l’état d’Israël changerait complètement le caractère de l’Etat contrairement aux intentions de ses fondateurs et de la plupart de ses citoyens… ».

Uri Avnery et l’organisation qu’il dirige, Gush Shalom, conviennent que cette solution « n’est pas vraiment juste ». Mais, ajoutent-ils, « elle présente l’avantage de pouvoir être adoptée par une majorité d’Israéliens et par une majorité de Palestiniens » !

On retrouve cette approche assez cynique chez de nombreux autres « promoteurs de la paix ».

C’est le cas au Parlement européen, si souvent appelé à la rescousse par ceux qui prétendent que la voix de l’Europe dans le conflit est quand même plus progressiste et équilibrée que celle des Etats Unis …

Dans une résolution votée en octobre 2003, le Parlement
demande aux autorités palestiniennes d'affronter avec réalisme la délicate question du droit au retour des réfugiés, qui touche actuellement non moins de quatre millions et demi de personnes, de façon à pouvoir convenir entre les parties d'une solution juste et équilibrée qui tienne compte du fait que tous les réfugiés palestiniens ne pourront pas retourner vers leurs lieux d'origine et qu'il faut également prendre en considération les préoccupations démographiques d'Israël ” [12]

Ce texte ignoble, qui dans un même paragraphe, liquide les exigences du respect de la légalité internationale et entérine la conception d’un état ethniquement pur, a recueilli le soutien de tous les parlementaires européens qui s’autoproclamaient à l’époque « amis des Palestiniens », y compris les membres de la Gauche Unitaire Européenne. [13]

Depuis, Luisa Morgantini, figure de proue des parlementaires européens toujours « amis des Palestiniens », a largement confirmé que cette position n’était pas une « concession tactique pour faire passer une résolution dans une enceinte majoritairement hostile aux Palestiniens » [14]

Dans un article publié sous sa seule signature en avril 2007, elle écrit « (...) le mieux serait d’entériner le retour des réfugiés sur leurs propres terres : les territoires palestiniens occupés » [15].

Le droit au retour des réfugiés palestiniens est le moment de vérité de toute solidarité.

Pour en revenir à la citation qui ouvre ce texte, on doit hélas constater qu’un cinquième ingrédient est venu se rajouter aux quatre précédemment nommés par Rosemary Sayigh.

Dans le sillage d’Oslo, on a vu naître beaucoup d’initiatives visant à « promouvoir le dialogue entre les partenaires israéliens et palestiniens oeuvrant pour la paix », affirmant un engagement « en faveur d’une paix juste et durable pour les deux peuples » et allant même parfois jusqu’à apporter leur « soutien aux droits légitimes du peuple palestinien ».

Noble ambition en vérité, à ceci près qu’un bon nombre de ces initiatives, des coalitions qui les portent et des organisations qui les soutiennent se sont autorisées à reformuler « les droits légitimes des Palestiniens », contribuant ainsi à leur imposer une solution qu’ils n’ont pas choisie !

On peut en effet constater que « le droit au retour des réfugiés dans leurs foyers et leurs propriétés » est décliné de manière diverse mais rarement dans sa forme originale revendiquée par les réfugiés.

On passe de la « juste solution, fondée sur la légalité internationale, à la question des réfugiés » [8], au « soutien au principe du droit au retour et à indemnisation dont les modalités doivent être négociées entre les parties » de la LDH [16] et on aboutit aujourd’hui à la pitoyable et tragique formule de l’appel récent de la plateforme des ONG « une solution juste du problème des réfugiés fondée sur la reconnaissance du tort qu’ils ont subi et des droits qui en découlent ».[17]

Quelques larmes et un chèque pour oublier et pour se soumettre !

Quand on sait que le Mouvement de la Paix, membre influent de la plateforme et signataire de l’appel précité, est aussi membre fondateur du collectif « 2 peuples 2 états » qui reconnaît que « l’Etat d’Israël est l’état du peuple juif » et qui demande « une résolution digne et réaliste de la question des réfugiés palestiniens conditionnée au respect de la souveraineté israélienne »… on a des raisons d’être inquiets sur le sens exact qu’il convient de prêter à la formulation employée dans l’appel de la plateforme.

On a aussi des raisons d’être surpris par l’emploi d’une formulation en recul sur celle adoptée par « le Collectif National » en novembre 2007. Une déclaration mentionnait l’exigence de l’application du droit international, dont le droit au retour des réfugiés. [18]

C’était un progrès puisque les bases constitutives du « Collectif national » ne comprenaient pas la revendication du Droit au retour. [19]

Le refus de défendre le droit au retour des réfugiés serait-il l’explication de la primauté subitement accordée à la plate-forme des ONG pour l’organisation du rassemblement du 17 mai, sur la base d’un appel qui nie le droit au retour des réfugiés, qui ne dit pas un mot de l’oppression, des discriminations et des menaces subies par les Palestiniens résidant en Israël et qui réduit l’action à un « appel » au gouvernement français ? [20]

Les militants du mouvement de solidarité ne s’interrogent-ils pas sur les raisons de ce changement simultané à l’abandon de la revendication du droit au retour ?

Les organisations politiques et les comités de solidarité avec la Palestine vont-ils accepter de se rallier à un tel appel après sa publication ?

Combien de temps les militants de la solidarité resteront-ils aveugles aux changements survenus sur le terrain et sourds aux appels des militants palestiniens qui luttent pour sortir de la situation catastrophique où les ont menés leurs dirigeants avec Oslo ?

Ces militants palestiniens ont affirmé de plus en plus clairement que, face à la stratégie sioniste et impérialiste de fragmentation forcée du Peuple palestinien, il fallait renforcer la lutte globale des Palestiniens pour leur libération, pour fédérer et structurer les combats que chacun menait dans son contexte : contre l’occupation en Cisjordanie et à Gaza, pour le retour de ceux en exil et pour défendre l’existence même des Palestiniens résidant sur les terres de 1948.

Mais tandis que de plus en plus de Palestiniens prenaient en compte la réalité de la colonisation sioniste à outrance des terres palestiniennes occupées après juin 1967, le renforcement du système de discrimination raciale à l’égard des Palestiniens d’Israël et affirmaient en conséquence la nécessité d’en revenir aux constantes de la lutte nationale et notamment le droit au retour des réfugiés, la majorité des forces « solidaires » du Peuple palestinien s’est désespérément accrochée aux lambeaux de l’illusion d’un « Etat palestinien indépendant » en évitant de poser la question des Palestiniens de 48, la question du retour des réfugiés et de reconnaître enfin que la question qui nous est posée est celle de nous déterminer clairement en soutien à une lutte de libération nationale.

C’est ainsi que le mouvement de solidarité a ignoré l’appel BDS des 170 ONG palestiniennes [21].

Pourtant, ces militants palestiniens nous interpellent de plus en plus explicitement sur la nécessité de clarifier les bases de notre solidarité.

Ils écrivent :

« Même si le récent « Appel de la société civile » publié par des associations suisses, en solidarité avec la Palestine, fait sienne la philosophie des pressions, il ignore des dimensions fondamentales de l’oppression israélienne, et en particulier son déni persistant des droits des réfugiés palestiniens et sa discrimination raciale à l’encontre de ses propres citoyens palestiniens. » [22]

« Nous affirmons l’unité du Peuple palestinien et l’unité de sa cause nationale et nous exigeons que tout accord touchant à des questions affectant le destin national reflète la volonté générale de tous les Palestiniens et représente l’ensemble de ce peuple, qu’il vive sur ses terres -Cisjordanie et Bande de Gaza-, sur celles de 1948, qu’il soit réfugié ou dans la diaspora. » [23]

« A ce titre, nous insistons sur l’adoption des stratégies et dispositifs suivants : développer les partenariats avec les mouvements de solidarité et étendre leur champ d’action afin d’inclure tout le peuple palestinien, où qu’il se trouve. » [23]

Ils écrivent encore :

« Par conséquent, nous considérons que toute reconnaissance de cette nature (la reconnaissance d’Israël en tant qu’Etat juif) équivaut à une concession du droit au retour, ce qui conforterait l'exil et la dépossession de notre peuple et mettrait fin à notre cause. Quiconque envisage de prendre cette voie portera la responsabilité historique qui en résultera. » [24]

Qui, 60 ans après les événements de la Naqba de 1948, est d’accord pour abandonner l’exigence du droit au retour et partager ainsi la responsabilité historique d’une autre Naqba ?

Notes de lecture :

[1] Dis/Solving the "Refugee Problem», Rosemary Sayigh.

[2] Les accords de Dayton (1995) ont mis fin à la nouvelle « guerre des Balkans » et au nettoyage ethnique provoqués par l’éclatement de la Yougoslavie. Ils ont été présentés comme l’expression de la volonté de la communauté internationale d’imposer le respect du droit au retour des réfugiés. On estime à 2,5 millions le nombre de réfugiés rentrés chez eux dans les 10 ans qui ont suivi la signature des accords.

[3] International Crisis Group Rapport Moyen-Orient, n° 22, 5 février 2004.

[4] Lire les textes des deux versions (en Anglais).

[5] Est-ce un hasard si la seule version traduite et diffusée en France est celle du 11 mai ? Un résumé de la première version a été mis en ligne par l’AFPS le 06/06/2006. Présentée comme « la version intégrale » le document du 11 mai a été publié dans "Pour la Palestine" n° 50 et mis en ligne le 19/10/2006, bien après la publication de la version du 26 juin… Une lecture attentive permettra de constater quelques autres différences entre les deux textes…

[6] Consulter le document.

[7] Consulter le document.

[8] Consulter le document.

[9] On constatera en revanche que la plateforme n’est pas avare de textes et d’outils dès lors qu’il s’agit du Mur et de dénoncer les « 40 ans d’occupation ».

[10] Consulter le document.

[11] Uri Avnery. Le droit au retour. Version en anglais sur le site de Gush Shalom. Publié sur le site de Solidarité Palestine (aujourd’hui disparu) en janvier 2001.Traduction Olivier Roy. Nouvelle traduction dans « Chroniques d’un pacifiste israélien pendant l’Intifada ». Publié par « Les cahiers de confluences » en 2002.

[12] Consulter le document.

[13] Résolution adoptée par 343 pour, 19 contre et 57 abstentions.

[14] C’est la substance des réponses à mes critiques de Yasmine Boudjenah et Roseline Vachetta pour justifier leurs votes favorables.

[15] En attendant d’être tués, Il manifesto, 06 avril 2007.

[16] Consulter le document.

[17] Consulter le document.

[18] Consulter le document.

[19] Le Collectif appelait aussi à des sanctions économiques contre Israël et à l’arrêt de la coopération militaire de la France avec Israël. Ces aspects, pourtant formulés de façon très prudente, sont totalement absents de l’appel de la plateforme.

[20] Faut-il y voir le seul résultat de l’influence de la LDH et du Mouvement de la Paix, dont les signatures ne figurent pas au bas de l’appel du Collectif mais qui soutiennent l’appel de la plateforme ? Bernard Ravenel, président de l’AFPS et aussi président de la plate-forme des ONG, a probablement une réponse.

[21] Consulter le document.

[22] Lettre ouverte du PACBI à la Conférence de l’ECCP (Genève, 25 – 29 mai 2006)

[23] Ce texte mentionne la présence de la plateforme des ONG françaises pour la Palestine dans la liste des ONG participantes et partenaires. Il comporte la mention explicite du Droit au retour. Il s’agit donc soit d’une erreur soit d’une preuve de duplicité. Là aussi le Président de la plateforme peut sans doute répondre.

[24] Consulter le document.


Ci-dessous, vidéo : La Nakba, la Catastrophe palestinienne de 1948


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